2. Comment enseigner la grammaire

Download Report

Transcript 2. Comment enseigner la grammaire

La grammaire au cycle
des approfondissements
Viviane BOUYSSE
Inspectrice générale de l’Education nationale
Douai, 12 décembre 2012
Plan de l’exposé
1. Pourquoi enseigner la grammaire ?
2. Comment enseigner la grammaire ?
3. Quelle grammaire enseigner ?
2
Introduction

Objet difficile ; c’est un problème de toujours de
l’école primaire : finalités, contenus et
méthodes ont été souvent débattus, au vu des
résultats. On a interrogé la possibilité, la
légitimité et l’utilité de cet enseignement.
Ex : dictionnaire de pédagogie de F. Buisson (1911)
 Finalités : « acquisitions simples et précises,
suffisantes pour permettre à l’élève de
comprendre sa langue et de l’écrire de façon
irréprochable »
Historiquement, liens entre Grammaire et
Orthographe – (A. Chervel) : l’enseignement de la
3
grammaire sert l’orthographe.
Introduction
•

Méthodes : (/ suite Dictionnaire… F. Buisson)
 critique de la « méthode dogmatique » : « On
apprenait la grammaire comme un catéchisme ;
la mémoire jouait le principal rôle, la réflexion
trouvait peu à s’exercer. »
 valorisation de la « méthode expérimentale »
qui ne doit pas éclipser totalement la mémoire
mais « l’observation, le raisonnement et la
réflexion trouveront également à s’exercer, pour
le plus grand profit de l’éducation intellectuelle et
de la connaissance précise de la langue
maternelle. »
Problème compliqué depuis les années 1970
du fait de l’évolution des références scientifiques,
des modalités didactiques et pédagogiques plus ou
4
moins nettement prônées et des liens entre
grammaire et autres disciplines.
1.
Pourquoi enseigner la grammaire ?
1.1. Des finalités essentielles
 Développer la réflexion sur la langue ; en faire
comprendre le fonctionnement en système.
Traiter la langue comme un système
• formel, analysable : il y a des régularités, des règles
de fonctionnement ; les mots appartiennent à des
classes identifiables, remplissent des fonctions, etc.
• dissociable de sa fonction de communication,
même si les exercices de grammaire ne doivent pas
tourner à vide.
La langue est un objet de connaissance comme un
autre.
Parallèle possible avec le système de
numération (connaître la suite numérique et savoir
5
dénombrer ne suffisent pas ; il faut aussi comprendre
comment fonctionne le système décimal).
1.
Pourquoi enseigner la grammaire ?
1.1. Des finalités essentielles – suite  Faire acquérir un métalangage lié aux besoins
de l’analyse et à la catégorisation des faits de
langue.
Deux applications essentielles : ce métalangage
- sert pour conduire un raisonnement orthographique
(orthographe grammaticale) ,
- sert aussi dans les manipulations et phases de prise
de conscience du « comment on parle » en LVE.
Rappel : c’est en orthographe grammaticale que les
résultats des élèves de l’école primaire ont le plus baissé
dans les vingt dernières années (évaluations de la DEPP
et d’universitaires, D. Cogis et D. Manesse)
6
1.
Pourquoi enseigner la grammaire ?
1.1. Des finalités essentielles – suite  Faire acquérir des compétences réflexives à
mettre au service des activités langagières :
mieux lire (lire avec précision), mieux écrire
(améliorer un texte, le mettre aux normes
orthographiques) supposent des savoir-faire, des
réflexes, que la pratique de la grammaire doit
permettre d’installer.
C’est en particulier vrai dans les phases de
relecture, en cas de perte de compréhension en
lecture et pour la révision des textes.
Ce sont des éléments importants dans le cadre du
palier 2 du socle commun de connaissances et de
compétences, pour la compétence Maîtrise de la
7
langue.
1.
Pourquoi enseigner la grammaire ?
1.2. Des finalités souvent alléguées mais plus
« faibles »
 Améliorer la communication (se faire mieux
comprendre), favoriser la compréhension
S’il s’agit seulement de l’oral, la fréquentation de la
langue (imprégnation) peut suffire ; il n’est pas
besoin de connaissances sur la langue pour une
bonne expression ou pour bien comprendre autrui.
Pour le passage à l’écrit (rédaction ou lecture),
l’habitude de l’analyse de la langue aide à améliorer
l’expression de ses idées. La non-maîtrise de
l’orthographe peut conduire à des ambiguïtés.
C’est l’écrit - ses usages scolaires - qui appelle 8la
grammaire.
2. Comment enseigner la grammaire ?
2.1. Avant la grammaire, des fondements
essentiels.
 Apprendre la grammaire, c’est analyser/étudier la
langue que l’on pratique déjà.

Importance donc de la langue parlée : pour entrer
dans la grammaire, il faut a minima maîtriser un
oral proche de l’écrit (intuition syntaxique : intuition
du bon ordre des mots dans la phrase écrite en
français).

Pour l’école maternelle et le cycle 2, base
essentielle = le langage d’évocation (« oral
scriptural »). Caractéristiques : langage explicite et
structuré.
9
2. Comment enseigner la grammaire ?
2.2. En élémentaire, une confusion née de
l’introduction de l’observation réfléchie de la
langue (ORL – 2002) et de son abandon
Rappel : ORL = modalité de travail ; pas un contenu.
 Enjeux de l’ORL : sortir du dogmatisme et mettre
les activités sur la langue en interaction avec lecture
et production d’écrit.
 Justification de son abandon :
• Une explication « par la forme » : les programmes 2008 ne prescrivent pas de démarches.
• Une explication « par le fond » : on avait observé
un développement d’activités aléatoires,
occasionnelles, où les processus l’emportaient sur
la construction, la stabilisation et l’appropriation10
des notions.
2. Comment enseigner la grammaire ?
2.3. En élémentaire, un enseignement structuré, à
la fois spécifique et intégré.
 Un enseignement structuré, programmé et non
aléatoire (bien distinguer : enseigner la grammaire à
l’occasion des textes et à partir des textes),
… tout au long de l’école primaire (progressivité ; ce
qui n’exclut pas les reprises ; logique de « chantiers »
dans un système où tout se tient),
… et qui est « explicite » en école élémentaire.
 Des séances spécifiques
ET la mobilisation des connaissances acquises pour
mieux comprendre et mieux s’exprimer à l’oral et à
l’écrit : liens avec lecture et avec écriture : cf.
11
compétences // paliers.
2. Comment enseigner la grammaire ?
2.4. « Faire de la grammaire » : importance de
pratiques récurrentes (les « bonnes
routines »).
 Travailler sur des corpus soigneusement choisis
• Apport des corpus : enrichir la matière même de
l’observation et mieux guider cette observation.
• Conditions : ne pas se limiter à des exemples
artificiels mais ne pas choisir des phrases/textes
trop complexes pour illustrer l’objet étudié. Mais
veiller à la complexification au fil des années
pour une même notion.
• Mobiliser des exemples et des contre-exemples
en nombre suffisant.
12
2. Comment enseigner la grammaire ?
2.4. « Faire de la grammaire » /suite : importance
de pratiques récurrentes (les « bonnes
routines »).

Pour les opérations syntaxiques, recourir avec
régularité aux manipulations (suppression,
déplacement, remplacement, ajout).

Développer des attitudes : observer, chercher (des
détails, des caractéristiques) et repérer les contextes,
comparer (ressemblances, différences).

Veiller à la formalisation (reformulations).

Faire beaucoup exercer les savoirs et savoir-faire ;
ne pas oublier les reprises régulières (séances
ritualisées et courtes).
13
2. Comment enseigner la grammaire ?
2.5. Le lien Grammaire/Orthographe :
l’orthographe, « voie royale pour entrer dans
la grammaire » (D.Cogis)

En réception, sensibilité très précoce des enfants à
certaines variations des mots (marques de genre et
de nombre) et intérêt pour ce qui les explique.

En production, matérialisation par l’orthographe
de certains aspects de la grammaire. Aspect
« concret » : les graphies sont des traces sur
lesquelles on peut agir, revenir (support facilitant
l’ancrage de la réflexion grammaticale).
14
2. Comment enseigner la grammaire ?
2.6. Une progressivité dans l’approche notionnelle
 De l’implicite vers l’explicite
Comme en mathématiques, des situations d’usage
(place de l’observation), de manipulations précèdent
le moment du travail explicite sur une notion ; une
première connaissance s’esquisse qui sera ensuite
formalisée.
C’est vrai dès l’école maternelle.
 La complexification dans la conceptualisation :
rester « à hauteur d’élèves »
Certaines notions sont travaillées sur plusieurs
années ; il ne doit pas s’agir de reprises à l’identique
mais d’une réelle complexification* (ex : le verbe, la
relation sujet/verbe).
Grande importance d’une bonne gestion du temps.
15
2. Comment enseigner la grammaire ?
Un exemple de complexification : relation Sujet / Verbe
La reconnaissance du groupe nominal sujet dépend
- de la composition du groupe,
- de la longueur du groupe,
- de la place dans la phrase,
- de la présence de circonstanciels entre sujet et verbe,
- de traits sémantiques du sujet (« animés » plus
aisés à percevoir dans la fonction-sujet) et de ceux
du verbe (action ou état).
Ex 1: « Les enfants jouent sur la pelouse. » / « Les
enfants des voisins jouent sur la pelouse. »
Ex 2 : « Les arbres immenses des forêts tropicales
16
étonnent toujours les touristes. »
2. Comment enseigner la grammaire ?
2.7. Avec la grammaire comme ailleurs, veiller
aux processus d’apprentissage fondamentaux.
 Conceptualisation : processus d’élaboration d’une
connaissance relativement stable d’un objet d’étude.
En jeu : repérer des traits communs (catégoriser),
intégrer « l’étiquette » de la catégorie, établir des
relations avec d’autres concepts.
Facteurs favorisant (FF) : multiplicité des cas et des
liens
 Prise de conscience : élaboration d’une
représentation claire, consciente, de quelque chose
que l’on sait / sait faire (ou pas) avec formulation.
FF : analyse et comparaison explicites ;
17
confrontations
2. Comment enseigner la grammaire ?
2.7. Veiller aux processus d’apprentissage
fondamentaux /suite.
 Procéduralisation : processus de transformation de
ce que l’on comprend en quelque chose que l’on sait
faire : phase associative de l’apprentissage,
moment clé (lent et coûteux cognitivement). En jeu :
établir une association entre situation et
connaissance(s), créer des règles d’appariement (pour
une possible automatisation).
FF : équilibre entre recherche et guidage ; travail sur
situations de transfert ; importance du temps
 Automatisation : processus de transformation d’une
méthode / procédure en un automatisme (quelque
chose que l’on peut mettre en œuvre sans y penser).
18
FF : fréquence, répétition ; importance du temps
2. Comment enseigner la grammaire ?
Illustration de la complexité : l’accord Sujet/Verbe
- Connaître la règle.
- Connaître les marques possibles en genre et en
nombre pour les mots concernés (noms, pronoms,
verbes ; selon le temps du verbe, le problème est
différent).
- Savoir repérer le verbe, ses caractéristiques
essentielles (catégorisation).
- Connaître la conjugaison de ce verbe (temps
identifié, formes verbales, morphologie).
- Savoir repérer le sujet (si groupe nominal, repérer
le « noyau »), ses caractéristiques de nombre et de
genre.
- Appliquer ses connaissances (à la fois l’algorithme
19
du raisonnement et les éléments plus factuels) sans
rien oublier.
2. Comment enseigner la grammaire ?
2.8. L’importance des « outils » des élèves

La mémoire de ce que l’on apprend : création
d’outils et apprentissage de leur utilisation
• Affichages, référents de classe
• Cahiers/Classeurs individuels, avec des options
collectives pour favoriser la continuité.
Mobiliser toujours les appuis sur les acquis.

Le choix de « manuels » : une affaire d’équipe
Manuels annuels ou de cycle ?
Livre-référence (connaissances, repères) ou livre
multi-fonctions (leçons et exercices) ?
20
3. Quelle grammaire enseigner ?
3.1. Traiter le programme de manière différenciée
 Toutes les notions ne se « valent » pas quant à
leur « rentabilité » : certaines sont plus
importantes que d’autres pour écrire, pour
comprendre (ex : construction des phrases, positions
relatives des mots, accords, ponctuation). Certaines
ne sont vraiment utiles qu’en description de la langue
(ex : complément d’objet indirect).
 Passer plus de temps sur les notions/concepts
« rentables »
verbe - nature / fonction - relation sujet / verbe accords - pluriel - temps des verbes (valeur ;
morphologie : 3èmes personnes).
 Grammaire de texte / Grammaire de phrase :
débat tranché par le programme.
21
3. Quelle grammaire enseigner ?
3.2. Rappel rapide du programme du cycle 2
 Les contenus
•
•
•
•
•
•
Ponctuation : connaissance des marques et de leur usage.
Identification : phrase ; verbe, nom, article, adjectif
qualificatif, pronom personnel (sujet).
Repérage dans une phrase simple du verbe et de son
sujet.
Marques du genre et du nombre ; conditions de leur
utilisation.
Distinction du présent, du passé et du futur (sens des
temps)
Conjugaison des verbes les plus fréquents
 Verbes du 1er groupe + Être - Avoir // indicatif
présent, futur, imparfait, passé composé
22
 Verbes faire, aller, dire, venir // indicatif présent
3. Quelle grammaire enseigner ?
3.2. Rappel rapide du programme du cycle 2
/ suite
 Une première approche en lien avec l’apprentissage de la lecture et de l’écriture avant
formalisation et début de systématisation:
Appui possible sur des acquis de la maternelle
• Découverte de "variations" (les pluriels) et première
conscience de leur signification (l’écrit n’est pas que
notation de sons)
• Première approche de la phrase (ponctuation ;
lecture à haute voix ; production de textes)
• Conscience des classes de mots (classements ;
substitutions ; environnement) dès les débuts de la
lecture et l’écriture
23
• Usage de quelques temps verbaux
3. Quelle grammaire enseigner ?
3.3. Au cycle 3
 Des contenus que l’on peut structurer en
grands ensembles significatifs
• La phrase (liens avec lecture et écriture)
• Les classes de mots (liens avec le sens, avec la
place dans la phrase : la « nature » d’un mot
s’identifie - aussi - selon ses relations avec les
autres mots)
• Les fonctions : les relations entre les mots (liens
sens // fonction) et les accords qui les marquent
Sur ces 2 derniers points, liens avec le vocabulaire,
l’orthographe, la lecture et l’écriture.
24
3. Quelle grammaire enseigner ?
3.3. Au cycle 3 / suite
 Des contenus que l’on peut structurer en
grands ensembles significatifs – suite • Les homophones, mots identiques à l’oral ou - et à
l’écrit (liens sens // sons ; liens nature //fonction ;
liens sens // fonction)
• Les temps du verbe ; la morphologie verbale
(conjugaison des verbes des 1er et 2ème groupes +
12 verbes très fréquents, soit 95 % des verbes)
Sur ces points, liens essentiels avec l’orthographe,
la lecture et l’écriture.
25
Conclusion

Une variable clé : la gestion du temps des
entraînements pour produire du sur-apprentissage,
garantie d’irréversibilité.
Séances courtes et fréquentes plus favorables.

Un élément à ne pas négliger : l’explicitation,
l’usage du métalangage précis en situation
(attention aux modèles d’action qui restent
implicites, non intégrés à un système organisé).

Les rapprochements à travailler entre français et
langue vivante étrangère (comment ça marche ?)
26