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LA SITUATION DE L’ENSEIGNEMENT
UNIVERSITAIRE ET DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE EN HAITI
Conférence du Professeur
Jean-Robert DOSSAINT
Anthropologue, spécialiste
des sciences de l’éducation
et doctorant en sociologie
RESUME
Haïti, comme bon nombre de pays,
possède une université d’Etat et des
Universités ou Centres universitaires
privés. Malgré l’existence de ces
structures, l’enseignement et la recherche
sont en proie à de sérieuses contraintes
d’ordre logistique (absence de campus, de
cafétéria, de bibliothèques, de moyens de
transports, etc.),
budgétaire
(les
allocations
à
l’enseignement et à la recherche sont
dérisoires) et humain (les ressources
humaines qualifiées partent pour
l’étranger; celles qui restent se
dirigent vers les Organisations Non
Gouvernementales (ONG) qui leur
offrent des salaires plus compétitifs
par rapport à l’Etat).
A cela s’ajoute le fait que les
différents programmes ne sont pas
bien articulés, que l’enseignement
n’est pas adapté et diversifié.
Pourtant, le pays regorge de
potentialités: par exemple, une
population en majorité jeune et un
fort engouement pour la technologie
et le savoir scientifique.
Comment parviendra-t-on à promouvoir
la recherche scientifique et, ipso facto,
renouveler ou réorienter l’enseignement
afin qu’ils puissent concourir au
développement national. Tel est le grand
défi qu’Haïti doit relever en matière
d’enseignement et de recherche à l’aube
du 21e siècle.
PLAN
INTRODUCTION
1.ETAT DES LIEUX DE L’ENSEIGNEMENT
UNIVERSITAIRE ET DE LA RECHERCHE
EN HAITI
1. L’enseignement
universitaire
L’enseignement supérieur en Haïti
Les universités légalement reconnues
Les écoles d’enseignement
supérieur
L’Université d’Etat d’Haïti (UEH)
aujourd’hui
Son fonctionnement
Sa structure
Les Institutions universitaires
privées
Le cors professoral
1.La recherche scientifique
Etat de la recherche:
institutions privées
Etat de la recherche à l’UEH
Etat de la recherche :
Institutions publiques externes
Quelques centres et/
ou chaires de recherche
1. PERSPECTIVE DE L’ENSEIGNEMENT
UNIVERSITAIRE ET DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE EN HAITI
Les représentations du rôle
de l’université dans la société
L’apport de la recherche scientifique
en Haïti
Prospective pour l’université
et la recherche
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
EN GUISE D’INTRODUCTION
•Monsieur le Vice-Recteur
de l’Université de Bologne,
•Monsieur le Président de l’A.I.H.I.P.,
•Mesdames, Messieurs les représentants
des institutions publiques et privées,
•Chers amis d’Haïti,
•Distingués invités,
•Mesdames, Messieurs,
Tout l’honneur est pour moi, ce soir, de
me trouver parmi vous et de porter la
parole au nom de l’A .I.H.I.P et en mon
nom propre pour vous entretenir de mon
pays et, plus précisément de la situation
de l’enseignement universitaire et de la
recherche scientifique en Haïti. Je tiens
tout d’abord à remercier publiquement
Monsieur Antoine Zacharie de m’avoir
offert l’opportunité de le faire.
Cette activité organisée autour de la
manifestation dénommée ‘’
Haïti Terra Magica ‘’ revêt une
importance capitale à l’ère de la
globalisation où le monde est considéré
comme un village, où l’autre n’est pas
nécessairement lointain et où il est
surtout possible de développer enfin à
l’échelle planétaire un partenariat
solidaire plus efficace.
Cela dit, mon propos s’articule autour de
deux points : dans un premier temps, je
ferai un état des lieux de l’enseignement
universitaire et de la recherche
scientifique en Haïti et, dans un second
temps, je dégagerai des perspectives pour
l’université et la recherche en Haïti.
1. ETAT DES LIEUX DE l’ENSEIGNEMENT
UNIVERSITAIRE ET DE LA RECHERCHE
EN HAITI
1.1 L’enseignement universitaire
1.1.1 L’enseignement supérieur en Haïti
En 1997, le nombre d’établissements au
niveau de l’enseignement supérieur était
de 13 universités et 46 écoles/instituts
répartis ainsi: une université et 6
écoles/instituts publics; 12universités et
40 écoles/instituts privés.
Pendant cette même période, la
population étudiante de l’UEH
s’élevait à 10.000 et celle des
institutions privées à 10.000 aussi,
mais on considère que certaines
institutions privées n’ont pas voulu
fournir leurs effectifs au bureau du
projet d’élaboration du plan national
d’éducation.
1.1.2 Les universités légalement reconnu
Elles sont au nombre de quatorze (14):
Collège Universitaire Caraibe.
Université Chretienne du Nord d’Haiti.
Université Episcopale d’Haiti.
Université d’Etat d’Haiti.
Université Lumière.
Université Caraibe
Université Adventiste d’Haiti.
Université Jean Price Mars
Université Notre Dame d’Haiti.
Université Quisqueya.
Université Roi Henri Christophe.
Institut Universitaire
Quisquéya-Amérique. (INUQA)
Institut de Gestion et de Comptabilité
(Université de P-au-P)
Anacaona
1.1.3 Les écoles d’enseignement supérieur
Elles sont au nombre de treize (13) :
Centre d’Etudes Universitaires
et de Formation Continue.
Centre de Techniques de Planification
et d’Economie Appliquée (CTPEA)
Centre Universitaire International d’Haiti.
Ecole de Droit des Gonaives.
Ecole de Droit du Cap Haitien.
Institut des Hautes Etudes Commerciales
et Economiques. (IHECE)
Institut des Sciences
et des Techniques d’Haiti.
Ecole Nationale des Arts (ENARTS).
Ecole Nationale des Infirmières.
G.O.C. Institut Polytechnique.
Institut International d’Etudes Universitaires.
Institut Universitaire d’Etudes Spécialisées.
Ecole Nationale Supérieure
et de Technologie (ENST).
1.1.4 L’Université d’Etat d’Haïti
(UEH) aujourd’hui
Manque de dynamisme.
Manque de fonctionnement.
La qualité de l’enseignement dispensé.
Sa faible capacité d’accueil.
L’insuffisance de moyens mis
à sa disposition
Faible capacité d’accueil
Pendant longtemps, l’UEH a été la
seule institution supérieure publique
du pays, mais depuis les années quatre
vingt, elle a été incapable d’absorber
la totalité des élèves en provenance du
secondaire
Aujourd’hui, avec le nombre
croissant d’élèves sortant des classes
terminales, la situation ne fait
qu’empirer. Sur les 35.000 qui
réussissent
annuellement
aux
examens officiels, seulement 3.000
sont admis à l’UEH.
La multiplication du nombre de
bacheliers, à la recherche d’une
formation de niveau universitaire a
conduit à la naissance de plus d’une
centaine d’institutions supérieures dont
la formation dispensée par la très grande
majorité soulève certaines questions au
grand desarroi des parents.
En ce sens, de nombreuses familles se
voient contraintes de rechercher à
l’exterieur ce besoin de savoir et de
savoir faire pour garantir l’avenir de
leurs progénitures.
Manque de dynamisme
•L’UEH s’est confinée dans quelques
disciplines traditionnelles, ignorant bien
d’autres qui sont de nature à fournir des
outils susceptibles d’aider à mieux répondre
aux exigences de croissance de notre pays.
•A de rares exceptions près, l’UEH n’arrive
pas à depasser le niveau d’enseignement de
premier cycle, pour dispenser des formations
de second et de troisième cycles à l’instar de
toutes véritables institutions universitaires.
•Aucun veritable programme de recherche
relatif à nos potentialités et notre culture,
pourtant très riche, ne s’est développé pour
répondre aux grands défis qui s’imposent à
notre société et apporter notre contribution
au patrimoine scientifique du monde.
•L’UEH n’est pas arrivée à intégrer le
véritable réseau que constituent les
universités à travers le monde
1. Son fonctionnement
Ressources humaines
De l’administration
De l’enseignement dispensé
Du Budget.
Ressources humaines
En qualité de principal centre de savoir et
de formation des cadres du pays, l’UEH
aurait du avoir à son actif les professionnels
les plus compétents et représenter le lieu où
toutes les institutions du pays devraient se
rendre pour trouver les meilleurs experts
susceptibles de les aider à touver les
solutions
aux
nombreux
problèmes
auxquels elles sont confrontées.
Cependant la faiblesse de son budget
(0.6% du budget national) et le bas
niveau de salaire (5.000 gourdes en
moyenne) offert ne lui permettent guère
de faire appel à ces compétences, voire
les garder à temps plein.
De l’administration
Chaque entité de l’UEH fonctionne en
vase clos avec ses propres règlements qui
se différencient d’un etablissement à
l’autre. Le Rectorat, chargé de régler et
de gérer ces institutions semble
fonctionner comme une douzième unité
sans emprise réelle sur les entités qu’il
coiffe.
De l’enseignement dispensé
La qualité de l’enseignement dispensé
à l’UEH incluant les entités de
province varie d’une institution à
l’autre. Le niveau n’est pas toujours
compatible aux diplomes décernés.
Les causes:
Absence de leadership
Niveau faible du secondaire
Les choix des professeurs à temps plein
ne sont pas toujours adaptés aux
besoins réels des entités.
D’un autre coté, les moyens mis à la
disposition des etudiants (Bibliotheque,
Laboratoire, facilités de reproduction et
de multiplication des documents,
cafeteria etc.) ainsi que les conditions
d’apprentissage ne permettent pas
vraiment aux diplomés d’etre vraiment
opérationnels à leur sortie de l’UEH.
Du budget
Le budget généralement alloué à l’UEH a
toujours été insuffisant. De 150 millions
en 1996/97, il est passé à près de 400
millions en 2006/2007. Pendant cette
période, le budget de la République a
quintuplé. Le budget de l’UEH est un
budget de salaire.
Classement des unités de l’UEH selon le taux d’admission à l’entrée
FAMV
FMP
INAGHEI
2.6 à
8%
8.2 8
5 % à 10 %
ODONTOLOGIE
FDS
FDSE
FLA
ENS
IERAH
ETHNOLOGIE
FASCH
10 %
12.5
%
13
%
16
à
25
%
20 à
23
%
24 à
30%
30 %
20 à
40%
Elaboré à partir des données figurant dans le synopsis 2
Considérant que le nombre d’admis
annuellement aux examens d’entrée des
facultés et Instituts de l’UEH soit de
3000, le tableau ci-dessus nous indique le
pourcentage d’accueil de chacune de ces
institutions de l’UEH, dont la FASCH est
le principal établissement d’attraction de
ces jeunes diplomés de l’enseignement
secondaire.
1.1.6 Sa structure
L’Université d’Etat d’Haiti comprend onze (11) entités :
La Faculté de Linguistique Appliquée (FLA)
L’Ecole Normale Supérieure (ENS)
La Faculté d’Agronomie
et de Medecine Vétérinaire (FAMV)
La Faculté de Droit
et des Sciences Economiques (FDSE)
La Faculté d’Ethnologie (FDE)
La Faculté de Médecine
et de Pharmacie (FMP)
La Faculté d’Odontologie (FDO)
La Faculté des Sciences (FDS)
La Faculté des Sciences Humaines (FASCH)
L’Institut d’Etudes et de recherches
africaines d’Haiti (IERAH)
L’Institut National d’Administration,
de Gestion et des Hautes Etudes
Internationales (INAGHEI)
1.1.7 Les Institutions universitaires privées
Selon une publication du rectorat de
l’UEH en 1995, cinquante-huit (58)
institutions privées d’enseignement
supérieur ont été identifiées.
Le dossier du rectorat s’est donc interrogé
sur la qualité de l’enseignement dispensé
par certains etablissements, et il a tenu
compte de ceux qui présentent les
caracteristiques d’une université à l’instar
de l’UEH. La structure de direction des
universités privées se présente comme
suit:
Les membres du rectorat composé d’un
recteur, de deux ou trois vice-recteurs
(affaires académiques, affaires
administratives, et/ou de la recherche et
de l’extension universitaire);
 Des doyens et/ou des coordonnateurs
ayant rang de doyens;
 Et/ou d’un secretaire général.
1.1.8 Le cors professoral
Les
professeurs
jouent
un
role
fondamental
dans
tout
système
d’enseignement supérieur. Ils remplissent
quatre grandes fonctions: Enseignement,
Recherche, Service à la collectivité et
Rayonnement institutionnel.
Puisqu’on parle d’enseignement
supérieur en Haiti, nous devons
évaluer la taille du corps professoral
et le statut du personnel enseignant
universitaire pour le pays en général.
Soit le tableau suivant
La taille du corps professoral dans
les Institutions d’Enseignement Supérieur
1-20
21-49 50-99 100
et +
UEH
9.1%
9.1%
I Pu
Ext
25%
75%
I Pr E
S
25%
33.3%
IES
63.6%
Nonrép
18.2%
Total
11
4
25%
8.3%
8.3%
12
Le tableau ci-dessus explique que:
sur les 11 entités de l’UEH, 9.1 % ont
un corps d’enseignant comportant 1 à
20 membres; 9.1 % entre 21 à 49
membres; la majorité soit 63.6 % ont
entre 50 et 99 professeurs et les 18 %
restant ont 100 ou plus.
Sur les 4 institutions publiques
externes, 25 %, soit une seule a un
corps professoral entre 1 et 20
membres; 75 %, les 3 autres ont
entre 21 et 49 professeurs.
Sur les 12 instutions privées, 25 %
possèdent entre 1 et 20 professeurs;
33.3 % entre 21 et 49 professeurs; 25
% entre 50 et 99 professeurs; 8.3 %
entre 100 et plus et pour les 8.3%
restant, on n’a pas le nombre exact
de professeurs
1.2 La recherche scientifique en Haiti
1.2.1 Etat de la recherche : institutions privées
INUQA
%Prof/Recherche
IGC
UGO
C
Anacaona UNIQ
0
22%
-
-
-
themes
-
10%
Repertoire
IHECE
Financement
Etablissemen
t
Etablissemen
t
Nil
Nil
Cooperation
externe
Nil
N. Groupe
-
1
-
1
5
-
1.2.2 Etat de la recherche à l’UEH
INAGHE
I
FMP
FAMV
ODONT
O
ETHN
O
EN
Prof/Recherche
0
5%
4.7%
0
53.6%
4.3
Répertoire
-
-
Memoi
r
e
s
-
-
-
Financement
Nil
Exter
FAO
NSP
NSP
Fok
N. Groupe
-
2
-
1
-
FASC
S
H
FD
IERA
S
H
FDSE
FLA
0
0
30%
1%
5%
theme
s
-
-
-
-
Nil
Etudiants
-
2
%
n
e
s
-
Extern
a
e
l
s
-
-
-
1.2.3 Etat de la recherche : Institutions publiques externes
%Prof /
Recherche
CTPEA
ENARTS ENST
ENIP
25 %
50%
5%
1 prof
NSP
-
NSP
Répertoire de
Recherche
Financement
Cooperation
externe, Etat
Nil
AUPELF-UREF
Nil
N. Groupes
1
-
-
-
En visualisant les trois tableaux ci-dessus
relatifs à la recherche au sein des
institutions d’enseignement supérieur en
Haiti, on peut constater que cette pratique
n’existe presque pas dans le pays.
1.2.4 Quelques centres et/
ou chaires de recherche
Chaire de recherche en Innovation
Institutionnelle et Développement
( Institut Universitaire Quisqueya - Amériue)
Centre Haitien d’Etudes et de Recherches
sur la Gouvernance, la Décentralisation
et le Développement (CHERGOD,
Faculté d’Ethnologie,
Université d’Etat d’Haiti)
Centre Population et Développement
(CPOD, Faculté des Sciences Humaines,
Université d’Etat d’Haiti)
Centre de Recherche et de Formation
en Sciences de Education et
d’Intervention Psychologique (CREFI)
Centre de Recherche
et d’Education Continue (CEREC)
Centre de Recherche en population
et Développement (CREPODEV)
Centre de Recherche et de Consultation
en Sciences de l’Education (CERCSE)
1. PERSPECTIVES DE L’UNIVERSITE
ET DE LA RECHERCHE
Ici, il convient de cerner la représentation que
les acteurs se font de l’institution universitaire
et de la recherche scientifique. Il importe de se
faire une idée exacte des éléments de
l’enseignement universitaire qui pourraient être
caducs et ceux qu’il faudrait renforcer dans le
cadre d’initiatives à entreprendre, car les
visions
du
monde,
tout
comme
les
représentations, ont un contenu à la fois
rétrospectif et prospectif.
2.1. LES REPRESENTATIONS DU ROLE
DE L’UNIVERSITE DANS LA SOCIETE
A lire les études sur l’enseignement
supérieur en Haïti, on peut constater que
les acteurs de l’université, qu’ils
appartiennent à des institutions publiques
ou privées, n’ont pas des conceptions
contrastantes quant au rôle et à la fonction
de l’institution universitaire dans la société
haïtienne
On peut toutefois noter que, dans les
institutions publiques, les points de vue
exprimés sont plus élaborés que ceux
recueillis dans les institutions privées. Cela
est dû sans doute au fait que les acteurs des
institutions publiques, en tant que membres
d’un établissement d’État, sont concernés
au premier chef par le problème du statut
de leur institution dans le cadre des
transformations qui ont cours en Haïti.
Par contre, il est évident que d’un côté
comme de l’autre, qu’il s’agisse d’acteurs
appartenant aux établissements publics ou
de ceux œuvrant dans le secteur privé, la
conception des rôles de l’université en tant
qu’institution est en rupture par rapport à
celle qui a prévalu jusqu’en 1986-1987, date
de la fin du régime des Duvalier.
L’université n’est plus un lieu voué à des
fins de prestige, au-dessus des problèmes de
la société.
Elle est désormais plutôt conçue comme
une
institution
imprégnée
des
préoccupations de la société et auxquelles
elle a le devoir – par juste retour de
l’investissement consenti par la société –
d’apporter des réponses à la lumière des
compétences intellectuelles, scientifiques
et techniques qui sont de son ressort.
Qui plus est, tout le monde s’accorde
aujourd’hui à reconnaître à l’université
un rôle d’agent actif dans le processus
d’évolution sociale, fonction qu’elle n’a
encore remplie dans la société haïtienne,
puisque la modernité que promeut
l’université façonnée sur le modèle de la
rationalité scientifique a très peu pénétré
notre société.
Bref, à l’université autrefois conçue comme
un prolongement du pouvoir politique
exerçant une fonction plutôt de prestige, et
ayant peu d’intérêt pour les choses
haïtiennes, on préfère aujourd’hui une
université conçue comme une institution au
service de toute la société où, à partir de la
sphère intellectuelle qui lui est propre, elle
joue un rôle fondamental dans l’ensemble
des activités
Dès lors apparaissent les trois grandes
foncions de l’université. Celle-ci doit :
premièrement, répondre aux besoins de
développement du pays en fournissant les
cadres nationaux de haut niveau et des
techniciens
compétents;
deuxièmement,
développer l’expertise locale – en termes de
connaissance critique et approfondie des
réalités du pays – en se penchant sur tous les
problèmes qui préoccupent la société
haïtienne afin de formuler des propositions
susceptibles de contribuer à la réorientation
des débats et d’offrir des alternatives
L’université
devenant
ainsi
la
dépositaire des capacités intellectuelles
et techniques, son intervention dans la
société se fait par l’enseignement, la
recherche et les services à la
communauté à travers lesquels elle
s’intègre au milieu et troisièmement, y
assume le leadership intellectuel et
scientifique pour sortir définitivement
le pays de son enfermement et l’ouvrir
sur le monde.
Cette conception de l’université
enferme un certain nombre d’attentes
quant aux conditions à réunir pour
rendre effective une telle institution.
Tout d’abord, il y a un refus du statut de
marginalité qui caractérise l’institution
universitaire en Haïti. D’aucuns pensent
qu’on ne mettait pas à profit les
compétences disponibles à l’université
pour développer une expertise nationale
dans la recherche de solutions à certains
problèmes ou dans la mise en place du
cadre institutionnel.
Par exemple, on déplore l’absence de
l’université dans les réformes concernant
le Parlement, l’administration de la
justice, dans les débats portant sur les
limites de la production pharmaceutique
locale, ou encore l’absence de relations
entre l’enseignement supérieur et le
marché du travail.
De même, on soulève l’importance du
chômage des finissants et diplômés
universitaires alors que l’industrie
locale est obligée d’importer des
techniciens de qualité.
Certaines des conditions définies par les
universitaires pour la réalisation de cette
université apparaissent comme un appel à
une redéfinition de la structure du pouvoir
social, laquelle amènerait des changements
dans les rapports de l’État avec
l’université, et où celui-ci reconnaîtrait à
celle-là le droit et le devoir de développer
sa sphère de compétence et d’y exceller
pour le bénéfice de toute la collectivité, en
lui fournissant les moyens adéquats.
D’où l’itération, dans les déclarations
des universitaires, des thèmes de volonté
politique, de leadership de l’État, face à
la situation de l’enseignement supérieur,
ou celui de rétablir la confiance et la
crédibilité de l’université. Ce dernier
thème
reflète
aussi
une
sorte
d’autoévaluation de l’impact de la crise
de l’Université d’État d’Haïti (UEH) sur
l’ensemble de l’enseignement supérieur.
Certains universitaires s’attendent à ce
que l’université devienne un véritable lieu
d’épanouissement et de développement de
l’intellectuel et du scientifique qui
pourront alors travailler en toute liberté à
la production d’idées et au dévoilement du
monde.
Il y a ici une assimilation du statut de
l’université à celui de l’intellectuel ou du
scientifique dans la société haïtienne où la
situation de ces derniers se caractérise
essentiellement par une ambiguïté de statut
qui dévoie leur activité. La conception de
l’université formulée ici recèle donc la
revendication d’un réel statut, explicitement
reconnu, pour l’intellectuel et le scientifique.
Enfin, parmi les autres points soulevés
comme conditions au renouvellement de
l’université, on peut distinguer quatre
grandes catégories, selon que ces
catégories renvoient aux conditions
académique, administrative, étudiante et
institutionnelle
Académique, pour celles qui font référence à
l’enseignement, la formation, et le statut
professoral : 1) la professionnalisation et la
stabilité du corps des professeurs, 2) la
redéfinition des objectifs de l’enseignement
supérieur
par
rapport
aux
besoins
fondamentaux
de
la
collectivité,
3)
l’élaboration de curricula appropriés, 4)
l’amélioration de la qualité de l’enseignement
et de l’apprentissage, 5) la mise en place d’un
système de bourses pour relever la qualification
des professeurs.
Administrative, pour les conditions qui
renvoient à l’organisation et à la gestion : 1)
doter l’enseignement supérieur d’une structure
d’organisation et de ressources humaines
adéquates, 2) mettre en relation les différentes
facultés existantes pour que leurs fonctions
soient mieux définies, 3) gérer l’université selon
les normes administratives de toute organisation,
5) rationaliser le fonctionnement de l’université
en vue de son efficacité , 6) définir et respecter
la fonction des différents acteurs.
Condition étudiante :1) rapprocher les
étudiants des professeurs, 2) prendre des
mesures appropriées pour répondre aux
besoins de la clientèle étudiante, car la
population étudiante est livrée à elle-même
comme celle du pays.
•Institutionnelle, pour les conditions qui font
référence à des formes de support de type
financier ou en termes d’infrastructures : 1)
trouver le financement nécessaire, 2) doter
l’université d’un campus pour avoir une
conception intégrée de l’université, 3) allouer
un budget adéquat à l’enseignement
supérieur, 4) avoir l’infrastructure de soutien
nécessaire : laboratoires, manuels de cours et
bibliothèques, 5) créer des instituts et des
centres de recherche
L’APPORT DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE EN HAITI
Il est très difficile de se faire une idée
exacte de l’activité de recherche qui existe
réellement
en Haïti (c’est-à-dire des
études en cours ou déjà réalisées), de
même que de la capacité de recherche
réellement disponible au pays, en termes
de nombre de gens ayant reçu une
formation pour la recherche et du nombre
de chercheurs actifs.
En l’absence de programmes de deuxième ou
troisième cycles, il ne reste que les relevés
des mémoires de licence ou des projets de
sortie pour connaître l’état des réalisations
en recherche. Les conditions générales pour
encourager une telle pratique ne sont pas
toujours réunies et le taux d’achèvement des
études reste très faible pour l’ensemble des
institutions
d’enseignement
supérieur,
surtout dans le cas des mémoires de licence.
Certes, i l y a des enseignants qui
s’adonnent à la recherche, mais cela se fait
dans un cadre tout à fait personnel; il
existe aussi des centres de recherche.
Pourtant, il n y a aucun mécanisme formel
qui permette de savoir les champs de
recherche qui intéressent les chercheurs ni
de connaître les questions qui sont l’objet
d’investigations.
L’absence d’institutions vouées à la promotion
de la recherche scientifique constitue une
difficulté majeure au développement de cette
activité. Bien que l’entreprise de recherche
comme telle semble jusqu’alors incompatible
avec la logique de fonctionnement de notre
société, son enjeu même n’échappe pas aux
acteurs concernés qui font montre d’un très haut
intérêt pour la recherche. Car, la plupart des
universitaires ont une représentation des plus
nettes de ce que devra être la contribution de la
recherche à la société haïtienne
L’analyse des différents points de vue exprimés
au sujet de la recherche révèle que les
universitaires se représentent la connaissance
comme une activité propre au rôle même de
l’université dans la société. Cependant, aucune
des institutions d’enseignement supérieur, dans
leur forme actuelle, n’est en mesure de faciliter
tant soit peu l’émergence de cette conception de
la connaissance, voire lui servir de cadre de
développement, ce qui constituerait une forme
achevée de sa matérialisation.
Par ailleurs, les universitaires formulent
des conditions pour que la recherche,
comme mode de production de la
connaissance scientifique, soit effective
chez nous. On peut regrouper ces
conditions en cinq catégories principales :
a)Des conditions qui se rapportent au statut
de la recherche dans la société, comprenant :
le développement de la recherche comme une
priorité nationale, la mise en place d’un
système de reconnaissance valorisant le
travail
scientifique,
l’utilisation
des
connaissances produites au pays, la création
d’un organisme central de gestion de la
recherche, la création de centres ou instituts
de recherche et celle d’un groupe de travail
sur le problème de la recherche à
l’université.
b)Des conditions d’ordre académique :
l’élévation de la formation des enseignants
au niveau du doctorat jusqu’à atteindre
une
certaine
masse
critique,
la
professionnalisation du corps enseignant,
l’institution du statut de professeurchercheur, la création de programmes de
deuxième et troisième cycles et de bourses
de formation à la recherche pour les
professeurs et les étudiants.
c)Des conditions d’ordre financier : la
création d’un fonds distinct pour la
recherche.
d)Des
conditions
relatives
aux
ressources humaines : Faire venir du
personnel compétent, rapatrier les
cadres haïtiens.
e)Enfin, trois autres conditions, qui ne se
rapportent à aucune des catégories
précédentes, tout en étant distinctes l’une de
l’autre : 1) Développer un partenariat pour
la recherche entre l’université, le secteur
privé et les ONG, 2) la démocratie politique,
3) garantir la sécurité physique du libre
penseur.
Il en résulte que la recherche scientifique
devient un enjeu majeur pour l’ensemble
de la société haïtienne et procède d’un
rapport au savoir radicalement différent
de celui qui semble avoir présidé à la
création et au fonctionnement de
l’université en Haïti.
Il ne s’agit plus d’avoir une université
qui s’adonne seulement à la diffusion de
savoirs établis ailleurs, comme le fait
l’école secondaire. D’aucuns pensent à
juste titre qu’il faut avoir assez
d’humilité pour s’appliquer à connaître
cette société qui est la grande inconnue
et cesser de rabâcher les grandes
théories
PROSPECTIVE POUR L’UNIVERSITE
ET LA RECHERCHE
L’analyse des enquêtes sur l’enseignement
universitaire en Haïti montre que les
universitaires entendent leur mission
comme étant de pourvoir la société
haïtienne des compétences nécessaires
pour faire face à ses problèmes afin d’être
en mesure de modifier de façon durable sa
situation.
D’où
la
prédominance
des
préoccupations de pertinence sociale et
d’expertise locale qui ressortent dans
leurs discours en ce qui concerne
l’université et la recherche. Ces
préoccupations ne constituent pas, à
proprement parler, les objectifs à
atteindre, mais, plutôt, les principes qui
régiront le rapport de l’université avec la
société.
Cela dit, si, à travers de telles conceptions,
l’université émerge comme une institution
complètement transformée, engagée dans
des relations dynamiques avec l’ensemble
de la société, l’intérêt manifeste pour la
recherche s’inscrit dans le cadre de cette
transformation
où
la
recherche
scientifique, en apparaissant comme une
composante de la fonction de l’université
renouvelée, devient alors une condition
nécessaire au rôle social d’agent de
changement de l’institution universitaire.
Le rôle d’agent de changement qui
consisterait à donner à la société haïtienne
la capacité d’intervenir sur elle-même et
sur son environnement implique la
maîtrise de la connaissance en termes de
compétences à disposer des choses, à se
comprendre soi-même et son monde
d’appartenance; ce qui tendra à éliminer,
entre autres, les multiples formes
d’amateurisme qui sévissent dans les
divers domaines.
La transformation que les universitaires
anticipent pour l’université nécessite un
type de capital culturel différent de
l’humanisme classique qui prévaut dans
notre système éducatif, car les habiletés ne
s’acquièrent qu’à travers les mécanismes
d’objectivation propres à l’activité
scientifique. Les représentations des
universitaires
procèdent
donc
de
dispositions latentes pour la culture
scientifique.
CONCLUSION
On ne peut comprendre l’état d’indigence de
l’Université d’Etat d’Haiti indépendamment
de sa position dans la structure de
distribution du capital culturel et de son
faible role dans la re production des rapports
sociaux.
C’est
plutot
l’enseignement
secondaire qui accomplit un role decisif dans
cette reproduction et cela, à travers la
prédominance de la formation classique
orientée vers la culture générale
La faible présence de l’Etat, pour ne pas dire
l’absence de l’Etat, dans l’enseignement
secondaire fait que la famille demeure
déterminante dans l’acquisition de ce type de
capital culturel. Ce dernier va de pair avec 1)
l’exclusion comme mode dominant de la
reproduction sociale et 2) certains types de
rapports au monde, comme l’oralité, les échanges
informels et l’amateurisme de l’agir; autant de
caractéristiques du fonctionnement de la société
haitienne qui renforcent le modèle d’intégration
(identification) sociale fondée sur les accointances
familiales, le clientélisme (ou logique de bande).
Dans ce contexte, l’importance qu’acquiert
l’enseignement universitaire, de meme que
l’avènement de l’intéret pour la culture
scientifique – qui conduit à différencier les
individus de leurs fonctions sur une base
formelle où priment plutot les qualités
professionnelles -, apparaissent comme une
rupture radicale par rapport à la logique des
rapports sociaux qui structure depuis longtemps
la société haitienne, encore dominée par les aléas
de toutes sortes
Il en résulte que la crise de l’enseignement
universitaire n’est pas étrangère à la transition
que connait actuellement la société haitienne. Le
changement à instituer repose principalement
sur la maitrise des connaissances, laquelle
requiert le développement du potentiel
intellectuel des individus indépendamment de
toute appartenance à une catégorie sociale, par
principe d’équité; ce qui confirme le role d’agent
de changement qui se profile pour l’université.
Dans cettte perspective, la crise de
l’enseignement universitaire et la transition
actuelle impliquent toutes deux l’institution
d’une nouvelle forme d’organisation sociale
où le mode d’intégration et d’identification
des individus à la société sera plus objectif.
Sur ce, Mesdames et Messieurs,
je vous laisse et vous remercie de votre attention.
LES SIGLES OU ACRONYMES UTILISES
CNST
Conservatoire National des
Sciences et Techniques
CTPEA Centre Technique de Planification
et d’Economie Appliquée
ENARTS Ecole National des Arts
ENIP
ENS
ENST
FAMV
Ecole National des Infirmières de
Port-au-Prince
Ecole Normale Supérieure
Ecole Nationale Supérieure
de Technologie
Faculté d’Agronomie et de
Médecine Vétérinaire
FASH
FDE
FDSE
FDO
FLA
Faculté des Sciences Humaines
Faculté d’Ethnologie
Faculté de Droit et
des Sciences Economiques
Faculté d’Odontologie
Faculté de Linguistique Appliquée
FMP
UGOC
IERAH
IGC
IHECE
Faculté de Médecine et de Pharmacie
Université Groupe Olivier et Collaborateurs
Institut d’Etudes et de Recherches
Africaines d’Haiti
Institut de Gestion et de Comptabilité
Institut de Hautes Etudes Commerciales
et Economiques
INAGHEIInstitut National de Gestion et de
Hautes Etudes Internationales
INUQA Institut Universitaire QuisquéyaAmérique
IPrES
Institutions Privées d’Enseignement
Supérieur
IPuEXT Institutions Publiques extérieures à
lUEH
ISTH
Institutions des Sciences et
des Techniques d’Haiti
MENJS
UEH
UNAH
UNDH
UNIQ
Ministère de l’Education Nationale,
de la Jeunesse et des Sports
Université d’Etat d’Haiti
Université Adventiste d’Haiti
Université Notre Dame d’Haiti
Université Quisqueya
BIBLIOGRAPHIE
Enseignement Supérieur et Universitaire en Haiti.
M. Jacky LUMARQUE,Recteur de l’UNIQ.
Université d’Etat d’Haiti, Réforme et Perspective.
M. Jean Vernet Henry, Recteur de l’UEH.
MENJS (1995), Diagnostic technique du système
éducatif haitien, Imprimerie Deschamps.
MENJS (1997), L’enseignement supérieur en Haiti:
état, enjeux et perspectives. Creutzer Mathurin, P-au-P.
WWW.haitireference.com,
liste des établissements d’enseignement supérieur en Haiti