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Distribution contrôlée d’héroïne :
l’expérience liégeoise
Pr M. Ansseau
C.H.U. Brugmann, 17 mars 2014
TADAM
Un projet pilote de
T= Traitement
A = Assisté par
DAM = Diacétylmorphine (héroïne pharmaceutique)
L’équipe de recherche
 Evaluation :
– dirigée par les professeurs Marc Ansseau et André Lemaître
– coordonnée par Isabelle Demaret
• Criminologue : Géraldine LITRAN
• Psychologue : Cécile MAGOGA
• Psychologue-criminologue : Clémence DEBLIRE
• Médecin : Jérôme DE ROUBAIX
– avec l’aide d’autres services de l’Université de Liège
• Services de Psychologie quantitative (E. Quertemont), de Toxicologie (C.
Charlier) et l’Ecole de gestion (D. Van Caillie)
Budget
Soutenu par
– la Ministre fédérale de la Santé publique (à plus de 80%)
– par l’Université de Liège
– et par la Ville de Liège
Le rapport de recherche
 Près de 1.000 pages
 Un chapitre très détaillé pour chaque thème abordé
 Un document récapitulatif et synthétique ‘Rapport final’
– contenant un résumé de chaque chapitre
 Disponible sur le site de l’Université de Liège
La construction du projet
Origine du projet

En 1995, constat fait par des institutions d’aide et de soins :
– Un besoin : la méthadone ne suffit pas pour certains
patients
– Une solution : En Suisse, une nouvelle forme de traitement :
le traitement assisté par diacétylmorphine

En 2007, accord et budget

Le nombre de personnes dépendant de l'héroïne à Liège
– Entre 1.600 et 2.100 sur la commune (± 200.000 habitants)
– ROSE : 5340, 0,7 %, H 76 %, traités 73 %
Les grandes lignes de l’étude
 Une étude contrôlée randomisée
 200 patients à répartir en 2 groupes
 12 mois de traitement par patient
 Arrêt du traitement après 12 mois
Deux opérateurs indépendants
Équipe de recherche
Protocole
Evaluation des patients
Rapport final
Fondation
TADAM
Centre DAM
Traitement par diacétylmorphine selon
le Protocole
et les centres partenaires
Traitement par méthadone & Suivi psychosocial
Expériences à l’étranger
Expériences à l’étranger
 6 études contrôlées randomisées : Suisse, Pays-Bas,
Espagne, Allemagne, Canada, Royaume Uni
 Sur le modèle de traitement développé en Suisse
 Avec un modèle semblable d’évaluation :
comparaison entre le traitement par diacétylmorphine
et le traitement par méthadone
 Efficacité supérieure du groupe « Diacétylmorphine »
Le traitement par diacétylmorphine
Un groupe cible particulier
Traitement par
diacétylmorphine
Chronicité
Méthadone
Assuétude
Usage régulier
Usage occasionnel
Usage expérimental
Objectif du traitement par diacétylmorphine
 Aider un patient à ne plus consommer d'héroïne de rue
 pour diminuer les effets négatifs de son assuétude
– sur sa santé et son insertion dans un milieu délinquant
– à plus long terme sur ses relations sociales et son insertion
professionnelle
Un centre en milieu urbain
Traitement et auto-administration dans un centre spécifique
Très spécifique…
Le commissariat
Le centre TADAM
Une équipe médicale
 Prescription de diacétylmorphine par un médecin généraliste
 Préparée et délivrée par un pharmacien
 Distribuée par un infirmier
 Etroite supervision de l’administration par les infirmiers
Le traitement par diacétylmorphine à Liège
 Choix entre l’injection et l’inhalation
 Inhalation = « Chasing the dragon »
 93% des patients inclus ont choisi l’inhalation à Liège
 Temps limité à 20-30 minutes par patient
– trop court pour certains
Les cabines pour l’inhalation
L’étude contrôlée randomisée
Objectif
Etudier la faisabilité et l’efficacité du
nouveau traitement assisté par diacétylmorphine
par rapport
aux traitements existants par méthadone
pour des patients sévèrement dépendants de l’héroïne
 Comparaison de deux offres de traitement
 Pas une comparaison de 2 molécules « toutes choses égales par
ailleurs »
 L’objectif n’est pas de transformer le traitement par méthadone existant
Le protocole
 Détaille à l’avance la méthode de l’essai clinique
 Approuvé
–
–
–
–
–
par le SPF Santé publique
l’Agence fédérale des médicaments
le Comité d’éthique
l’Ordre des Médecins
la Commission Médicale Provinciale
 Respecté, non modifié pendant le projet
Critères d’inclusion
 Des critères d’inclusion stricts, notamment :
– Etre sévèrement dépendant à l’héroïne (depuis 5 ans au moins)
– Avoir essayé le traitement par méthadone
– Usage d’héroïne plusieurs fois par semaine
– Une santé pauvre au niveau physique ou mental ou un
comportement délinquant
– Etre résident légal dans l’arrondissement judiciaire liégeois
depuis 12 mois
 Randomisation après inclusion
Evaluation de l’efficacité

Suivi de chaque patient pendant 12 mois
Comparaison des mesures prises au Temps 0 et au 12e mois

Est répondeur un patient qui montre :
– Soit une diminution de la consommation d’héroïne de rue
– Soit une amélioration de la santé (physique et/ou mentale)
– Soit une diminution de l’implication dans un mode de vie délinquant

Nombre de répondeurs dans chaque groupe
Données pour l’étude contrôlée randomisée
 Questionnaires
– EuropASI (consommations substances)
– MAP-HSS (plaintes physiques liées à addiction)
– SCL-90-R (santé mentale)
– Questionnaires de délinquance et de victimisation
 Toxicologie
– Consommation d’héroïne de rue et de cocaïne
 Parquet
– Poursuites enregistrées contre nos patients
Résultats de l’inclusion
Ligne du temps
Inclus et refusés
Vus par l'équipe de
recherche : 83
Non éligibles :
9
Inclus :
74
Groupe DAM :
36
Groupe contrôle :
38
Pas de dépendance à
l'héroïne : 1
Dépendance à l'héroïne de
moins de 5 ans : 1
Ne consomme pas assez
d'héroïne de rue : 3
Pas de problème de santé ni
d'insertion dans un milieu
délinquant : 2
Pas de traitement par
méthadone antérieur : 1
Ne réside pas dans
l'arrondissement judiciaire
depuis 12 mois : 1
Recrutement des patients : déroulement
 Moins de patients que prévu
 Pourtant l’information a été largement diffusée
– Les usagers d’héroïne connaissaient le projet
– Les centres partenaires ont aidé pour l’inclusion
 Mais les usagers d’héroïne hésitaient à entrer dans le
projet
52 usagers d’héroïne non inclus
rencontrés entre juillet 2011 et janvier 2012
 Objectifs :
– les usagers d’héroïne non inclus connaissaient-ils le projet ?
– pourquoi ne participent-ils pas ?
 Usagers rencontrés :
– dans des centres à bas seuil et dans la rue
Explications données pour ne pas participer
 Difficultés liées à l’étude contrôlée randomisée
– Peur de la limite des 12 mois
– Randomisation
 Principale raison de ne pas rentrer en traitement :
– Personnes conscientes de leur addiction
– Peur d’aggraver leur condition
– Espoir d’aller mieux et de décrocher de l’héroïne sans passer par
le projet
Refus de participer
 Les usagers pèsent le pour et le contre avant de rentrer dans
ce type de projet
=> ils ne se précipitent pas
=> l’inclusion s’est d’ailleurs déroulée régulièrement sur 12 mois
 Ces personnes dépendantes sont conscientes de leur
dépendance et ont peur de l’aggraver
 Freins principaux à l’inclusion (les 4/5e refusent de rentrer) :
– la durée du traitement limitée à 12 mois
Caractéristiques des patients
Consommations d’héroïne
– Age consommation régulière d’héroïne : 22 ans
– Durée consommation régulière d’héroïne : 20 ans
– Durée de la consommation de méthadone : 14 ans
– Héroïne 30 derniers jours :
27 jours
Recrutement : caractéristiques des patients
Les patients correspondaient au groupe cible attendu
– chez qui l’assuétude est devenue une maladie chronique
• dépendant de l’héroïne depuis 20 ans en moyenne
– ont fait plusieurs essais pour diminuer leur assuétude
• 9 essais de traitement en moyenne
– âgés
• 43 ans en moyenne
– nombreux sans abri
• 28%
Peu d’injecteurs habituels
 69 (93%) ont choisi d’inhaler la DAM
 53 (28%) n’ont pas injecté sur les 30 derniers jours
 14 (19%) patients n’avaient jamais injecté
Caractéristiques des patients inclus
 Proportion élevée de problèmes physiques, mentaux ou de
délinquance
 Seul point commun reste la dépendance à l’héroïne
 Grandes différences entre les patients
– 2 ont un emploi
– plusieurs vivent en couple depuis plus de 10 ans, certains
avec des enfants
– certaines personnes ne présentent pas de troubles mentaux
– 12 personnes n’ont des problèmes de consommation qu’avec
l’héroïne (et le tabac)
Résultats de l’étude contrôlée randomisée
Oui, il y a une différence
en faveur du traitement expérimental...
Résultats selon le critère d'efficacité primaire
(calcul en Intention-To-Treat)
DAM
METH
Différence
Patients randomisés
36 (100%)
38 (100%)
-
Répondeurs
24 (67%)
21 (55%)
11%
- consommation héroïne de rue
25 (69%)
18 (47%)
22%
- santé physique ou mentale
15 (42%)
12 (32%)
10%
- insertion dans un milieu délinquant
20 (56%)
17 (45%)
11%
... mais la différence n’est pas significative
La différence est significative...
...pour tous les autres temps d’évaluation
La fin du traitement DAM a eu un impact négatif
Evolution du nombre de répondeurs
DAM
METHA
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
T0-T03
T0-T06
T0-T09
T0-T12
 Au T12, le groupe expérimental va moins bien
Et
 Le groupe contrôle va constamment un peu mieux
La consommation
d’héroïne
rue
diminué
Consommation
d'héroïne dede
rue sur
lesa
30 nettement
derniers jours
Interaction: Temps d'évaluation*Groupe (moy. Moindres Carrés)
Effet courant : F(4, 248)=4,7361, p=,00106
Décomposition efficace de l'hypothèse
Barres verticales représentent +/- erreurs-types
35
Héroïne de rue (30 derniers jours)
30
25
20
15
10
**
**
**
**
5
0
-5
T0 hér rue
T03 hér rue
T06 hér rue
T09 hér rue
T12 hér rue
Temps d'évaluation
<0,01(point
(pointsignificatif
significatifau
auPost-hoc
Post-hocde
deNewman-Keuls)
Newman-Keuls)
****pp<0,01
Groupe
DAM
Groupe
METHA
Evolution des doses de DAM
 Les patients ont d'abord augmenté rapidement leur dose de DAM le
premier mois
 Puis ont diminué ensuite nettement
Evolution des doses moyennes quotidiennes par patient
1.000
Dose moyenne en mg
750
500
250
0
0
60
120
180
Jours de traitement
240
300
360
Pour la cocaïne, la différence de consommation
n’était pas significative

Ni entre les groupes

Ni pour l’évolution au cours du temps
Améliorations au niveau santé
Significativement plus importantes dans le groupe DAM
 Au niveau physique (MAP-HSS)
 Et mental (SCL-90-R)
– Surtout dans le domaine de la dépression
– Et des traits psychotiques
L’insertion dans un milieu délinquant a diminué
Insertion
dans un milieu délinquant
(30les
derniers
jours)
significativement
dans
deux
groupes
Temps d'évaluation (moy. Moindres Carrés)
Effet courant : F(4, 248)=8,9632, p=,00000
Décomposition efficace de l'hypothèse
Barres verticales représentent +/- erreurs-types
Mode de vie délinquant (30 derniers jours)
11
10
9
8
7
6
5
4
**
**
**
T06 Del
T09 Del
T12 Del
**
3
2
1
T0 Del
T03 Del
Temps d'évaluation
Etude contrôlée randomisée : quelle efficacité ?
 Oui, le traitement par diacétylmorphine est réalisable
 Oui, le traitement par diacétylmorphine est plus efficace
pour
– diminuer la consommation d’héroïne de rue
– diminuer la consommation de benzodiazépines (calmants/somnifères)
– améliorer la santé au niveau physique et mental
Biais : la fin du traitement DAM a eu un impact
négatif sur les résultats de l’étude
Artefact :
sans cette limite, l’évolution du groupe DAM n’aurait pas
diminué entre le T09 et le T12
Même phénomène dans l’étude NAOMI au Canada
Impact du centre DAM sur l’environnement urbain
Impact du centre DAM sur son environnement urbain
(IMPEN)
 Pas d’impact négatif visible sur les riverains et le quartier
– ni dans nos observations
– ni dans les chiffres de la Ville et de la police
 Constatations
– la situation s’était déjà améliorée depuis la fermeture des salons de
prostitution
– la présence du commissariat a peut-être joué un rôle préventif
– l’éducateur de rue du centre DAM a eu une attitude proactive
Recommandations
Recommandation générale
Oui pour l’installation de centre(s) DAM en Belgique
mais à condition
que la durée du traitement ne soit pas limitée à
l’avance
qu’il reste un traitement de seconde ligne
Autres recommandations pour un centre DAM
Préalables :
– un nombre suffisant de personnes dépendant de l'héroïne
– des traitements par méthadone accessibles
(également à un public précarisé)
– un cadre légal pour la diacétylmorphine (inhalable au moins)
– un centre facile d’accès pour les patients
– de la diacétylmorphine inhalable
Vers un nouveau centre DAM à Liège
ou ailleurs en Belgique ?