Tonus musculaire et locomotion

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Transcript Tonus musculaire et locomotion

Cours 4
TONUS MUSCULAIRE
ET LOCOMOTION
Une des caractéristiques principales de la vie animale
est de se déplacer d’une place à une autre.
Bien que diverses formes de locomotion aient vu le jour,
(nage, reptation, vol ou marche), une caractéristique
commune réside dans la réalisation de mouvements
rythmés et alternés du corps.
Sa rythmicité fait de la locomotion une action
stéréotypée impliquant la répétition de mêmes
mouvements.
Cette particularité permet à la locomotion d’être
contrôlée automatiquement à des niveaux relativement
bas du système nerveux sans intervention des centres
plus haut situés.
Cependant, la locomotion intervient le plus souvent dans
des environnements peu prédictibles.
Elle doit par conséquent être continuellement modifiée
de façon à adapter ces mouvements normalement
stéréotypés en fonction de l’environnement.
Etudier la locomotion revient à se poser deux questions
majeures:
1) Comment les systèmes de cellules nerveuses
génèrent les patrons de motricité rythmique ?
2) Comment les informations sensorielles modifient ces
patrons pour ajuster ces mouvements locomoteurs aux
évènements environnementaux anticipables ou non ?
La plupart de nos connaissances proviennent de
données chez l’animal et en particulier du chat.
On sait depuis près d’un siècle que la déconnexion des
hémisphères cérébraux chez le chien n’abolit pas la
locomotion.
Les Mns de la ME reçoivent des afférences provenant
de sources diverses: récepteurs musculaires,
articulaires et cutanés ainsi que des structures centrales
plus hautes situées.
Ces différentes sources peuvent agir directement sur le
Mn ou indirectement par le biais d'interneurones.
Ce chapitre est consacré à l'action de ces structures
plus hautes situées sur les moto et interneurones.
I LES INFLUENCES DESCENDANTES JOUENT UN
ROLE MAJEUR DANS LE CONTRÔLE POSTURAL
1) La rigidité de décérébration constitue un modèle pour
l'étude de la modulation du tonus
En 1898, Sherrington note un tonus exagéré sur les
extenseurs des chats qui viennent d'être transectés au
niveau du TC, une condition qu'il dénomme "rigidité de
décérébration".
Dans cette condition, qui persiste indéfiniment, les
animaux se caractérisent par une raideur segmentaire
importante due à l'action anormalement élevée des
muscles extenseurs.
Sherrington s'aperçut que l'étude d'animaux décérébrés
pouvait être utile pour comprendre le maintien d'un
tonus musculaire antigravitaire, assuré le plus souvent
par les extenseurs.
Il découvrit que cette rigidité de décérébration est en
réalité maintenue par une action réflexe.
Une fois les racines dorsales d'un membre sectionnées,
ce dernier devient en effet mou alors que les autres
continuent d'être rigides.
Cela signifie donc que la rigidité des extenseurs est un
mécanisme réflexe et que son maintien dépend des
signaux afférents.
Plus récemment, il est devenu clair que plusieurs
structures nerveuses descendantes, les faisceaux
réticulo et vestibulo-spinaux ainsi que le cervelet étaient
impliqués étroitement dans cette modulation tonique.
1) Les influences réticulo-spinales
Une avancée significative dans la compréhension de
cette rigidité de décérébration est survenue dans les
années 40 avec la publication des travaux de Magoun et
Rhines.
Ces deux chercheurs se sont en effet aperçus que deux
régions différentes à l'intérieur de la formation réticulée
du TC influençaient considérablement l'activité réflexe
de la moelle épinière.
En stimulant la partie médiane de la formation
réticuléee, l'activité réflexe des extenseurs était inhibée.
Ils dénommèrent par conséquent cette zone du TC aire
inhibitrice d'extension de la réticulée médiane.
A l'opposé, une stimulation d'une zone située plus
latéralement et plus rostralement provoquait une
facilitation de ces mêmes extenseurs. C'est l'aire
facilitatrice d'extension de la réticulée latérale.
Chacune de ces aires influence à la fois les Mns a et g
des muscles extenseurs.
Aussi, quand les deux systèmes de la réticulée sont
intacts, il s'ensuit un état normal qui consiste en un
équilibre entre les facilitations et les inhibitions sur les
Mns segmentaires a et g.
Quelle est la relation entre ces influences réticulospinales et la rigidité de décérébration ?
Les deux zone réticulaires qui agissent au niveau de la
ME reçoivent des signaux afférents excitateurs de
plusieurs régions cérébrales.
La transection mésencéphalique enlève une portion
majeure des messages excitateurs, la plupart d'entre
eux provenant du cortex, sur la région inhibitrice.
Bien que des messages destinés à la région excitatrice
fassent également défaut, ces dernières voient
converger suffisamment de signaux (faisceaux
ascendants) pour influencer les circuits la ME.
La facilitation ne s'opposant plus à l’inhibition, un
profond déséquilibre se créé qui favorise l'influence
facilitatrice sur les Mns des extenseurs.
Pourquoi la rigidité de décérébration est elle atténuée
lors de la section des racines dorsales ?
Ceci vient du fait que la plupart des signaux excitateurs
des Mns a des extenseurs transitent par la boucle g.
Parce que les Mns g sont plus petits que les Mns a, une
augmentation des signaux facilitateurs descendants va
activer plus fortement les g, ce qui va renforcer la
rigidité.
2) Les influences vestibulo-spinales
Une destruction unilatérale du noyau de Deiters (VL)
réduit ou abolit la rigidité de décérébration du côté lésé.
Le noyau de Deiters a une forte influence excitatrice sur
les Mns a et g des extenseurs.
Sans une excitation suffisante du noyau de Deiters, la
facilitation accrue due à l'action des neurones réticulospinaux ne peut à elle seule assurer la rigidité.
3) Les influences cérébelleuses
La rigidité d'extension est accrue si le lobe antérieur du
cervelet d'un animal décérébré est lésé.
Cependant, de façon surprenante, une section
supplémentaire des racines dorsales ne supprime pas la
rigidité.
Les cellules de Purkinje du lobe antérieur du cervelet ont
un effet inhibiteur à la fois sur le noyau de Deiters et sur
un noyau cérébelleux profond: le noyau fastigial.
Pour rappel le noyau de Deiters a un effet excitateur sur
les Mns a et g.
Le noyau fastigial ayant un effet excitateur sur le noyau
de Deiters, lors d'une ablation de la partie antérieure
cérébelleuse, ce dernier perd son inhibition cérébelleuse
et voit son contrôle par le noyau fastigial s'accroître.
Ces deux facteurs se combinent pour permettre au
faisceau vestibulo-spinal de "surcontrôler" les Mns
extenseurs.
Une section des racines dorsales n'a alors que peu
d'effet dans la mesure où les Mns a reçoivent dans ce
cas tellement d'excitations du noyau de Deiters que la
contribution de la boucle g devient presque négligeable.
II LE CONTRÔLE NERVEUX DE LA LOCOMOTION
IMPLIQUE LA TRANSFORMATION D'UN MESSAGE
TONIQUE DESCENDANT EN UNE ACTIVITÉ
LOCOMOTRICE PÉRIODIQUE
Sherrington est le premier à avoir observé que des
mouvements alternés de la patte arrière persistaient
chez le chat et le chien dont la moelle était
endommagée.
La section des racines dorsales ipsilatérales des pattes
avant et arrière d’un singe conduit à un handicap moteur
Le singe n'utilise plus du tout ses segments déafférentés
pour marcher.
Sherrington proposa que la locomotion résultait d'une
chaîne d'activités réflexes où les afférences sensorielles
résultant de la réalisation d'une partie du cycle du pas
déclencheraient la suite des opérations, entraînant
d'autres messages afférents déclencheurs et ainsi de
suite.
Les travaux de Brown (1911) ont mis à mal cette théorie
en montrant que même après une section médullaire
des mouvements de marche rythmés pouvaient se
déclencher, ceci pendant au moins une minute (et même
si les racines dorsales étaient sectionnées).
Par conséquent, l'alternance des phases de flexion et
d'extension ne résulte pas d'un processus réflexe.
Il est généré par des neurones situés exclusivement au
niveau de la ME.
Au milieu des années 60, des chercheurs soviétiques
ont trouvé qu'une stimulation tonique électrique sur la
partie restante du TC de chats décérébrés entraînait une
marche normale dès lors que l'animal reposait sur un
tapis roulant.
De plus, la démarche de l'animal dépendait de l'intensité
des stimuli et de la vitesse du tapis.
Une stimulation légère avait pour effet une simple
marche alors qu’une plus intense déclenchait le trot ou
le galop.
La région du TC responsable de la locomotion se trouve
au niveau mésencéphalique.
1) Le programme central contrôlant la locomotion est
situé dans la moelle épinière
L'organisation de base de cette activité périodique
repose sur un programme central basé sur les seules
efférences et qui ne nécessite pas de feedback pour son
déclenchement ou son maintien.
Pour démontrer l’existence d'un tel programme central, il
est nécessaire de montrer que l'alternance des flexions
et extensions pendant la marche peut être obtenue en
l'absence de feedback périphérique.
Grillner a montré que ce programme central provoque
une alternance de flexions et d'extensions ainsi qu’une
parfaite organisation temporelle.
Il a été aussi montré, sur des chats dont les segments
étaient connectés à la seule ME, qu'il était possible de
les faire marcher à une vitesse déterminée par le tapis.
Des observations similaires ont été faites sur des
chatons âgés d'une semaine ou deux dont la moelle
avait été sectionnée.
2) Le programme central est modulé par des influences
descendantes
Les neurones donnant naissance aux faisceaux rubro,
vestibulo et réticulo-spinaux sont périodiquement actifs
et en phase avec le mouvement locomoteur.
3) Des informations ascendantes issues de la ME
parviennent aux centres plus haut situés pendant la
locomotion
Arshavsky et al. ont étudié l'activité des neurones des
parties ventrales et dorsales des faisceaux spinocerebelleux pendant la locomotion.
Ces faisceaux conduisent au cervelet l'information
provenant des FNM, des OTG et des récepteurs
articulaires.
Ces faisceaux ventral et dorsal sont actifs de façon
phasique pendant la locomotion.
Une déafférentation rend silencieuses les colonnes
dorsales pendant la locomotion alors que les colonnes
ventrales continuent comme si de rien n'était.
Cela signifie que les premières sont modulées par la
périphérie alors que les secondes transmettent une
copie du programme central.
L'information est donc différente selon le faisceau
considéré.
Le dorsal informe quant à l'activité des muscles alors
que le second renseigne sur les processus actifs
intervenant au niveau de la ME.
4) L'information afférente est cruciale pour la locomotion
L'importance des programmes centraux ne signifie pas
une autonomie de leur part. En effet, une locomotion
normale suppose des boucles de rétroaction.
En absence de retour d'information, le rythme normal est
grandement altéré, en étant en particulier plus lent que
d'habitude.
Ces informations afférentes modifient l'organisation
temporelle et les détails du patron locomoteur.
Quels rôles jouent ces informations afférentes ?
- Une première idée concerne le mécanisme de
commutateur du programme moteur d'une phase à une
autre.
Dans la locomotion, les phases d’appui et de
balancement se succèdent. La première est assurée par
les fléchisseurs, la seconde par les extenseurs.
Des études chez le chat spinal ont montré qu‘un blocage
de l'extension d'une patte inhibe la phase suivante de
balancement. De plus, l'activité des extenseurs est
maintenue.
Quand la patte est progressivement étendue, l'activité
des extenseurs cesse et une flexion rapide intervient.
- Une seconde idée est la canalisation des informations
vers différents circuits réflexes lors du cycle du pas.
Ce point est observable avec la réaction tactile de
placement: si le dessus d'une patte est touchée, l'animal
fléchit instantanément sa patte et étend l’appui
controlatéral.
Chez le chat spinal, une stimulation électrique pendant
la phase de balancement induit une flexion alors que ce
même stimulus entraîne une extension s'il intervient
pendant la phase de support.
L'effet du stimulus est donc "connecté" par
l'intermédiaire d'interneurones aux fléchisseurs pendant
la flexion et aux extenseurs pendant l'extension. Le
réflexe est donc inversé.
Avec ce phénomène de commutateur, un réflexe peut
s'avérer approprié uniquement pour certaines
circonstances.
S’il est logique qu'un stimulus tactile déclenche une
flexion du membre pendant la phase de balancement
(pour franchir un obstacle), on peut comprendre par
ailleurs que si ce même réflexe survient pendant la
phase d'appui, l'animal s'écroulera.
III
LA MARCHE CHEZ L’HOMME S’APPARENTE A
CELLE DES QUADRUPEDES
Contrairement aux chats spinaux ou d’autres animaux,
les êtres humains caractérisés par des lésions
médullaires ne sont en général pas capables de
marcher de façon spontanée.
Néanmoins, les observations réalisées sur des patients
médullaires sont à rapprocher des résultats décrits chez
les chats spinaux.
La mise en évidence de l’existence de réseaux spinaux
générateurs de rythme chez les êtres humains provient
d’études développementales.
Les enfants sont en effet capables à la naissance de
produire des mouvements de marche rythmés s’ils sont
tenus debout et qu’on les déplace sur une surface
horizontale.
Ceci suggère fortement qu’au moins certains des circuits
neuronaux de base pour la locomotion sont construits
génétiquement.
Ces circuits doivent logiquement être situés au niveau
ou en dessous du TC (voire même entièrement au
niveau de la ME) puisque la marche peut apparaître
chez des enfants anencéphaliques.
Il est vraisemblable que ces circuits de base, pendant la
première année, soient sous contrôle de structures
supra-spinales: la marche automatique est
progressivement transformée en un processus
fonctionnel.
- Le jeune enfant développe une habileté à contrôler
volontairement la locomotion.
D’après des études chez le chat, cette capacité pourrait
dépendre du développement des faisceaux réticulospinaux et des régions susceptibles d’activer ces
neurones (région mésencéphalique locomotrice).
- Le patron de marche se développe graduellement à
partir d’un patron simple de flexion-extension générant
une propulsion peu efficace en un patron plus mature et
plus complexe.
Les données sur l’animal suggèrent que cette adaptation
est le résultat d’une maturation des systèmes moteurs
descendants en provenance du cortex moteur et des
noyaux du TC et modulés par le cervelet.
Pour conclure: la marche humaine s’appuie sur les
mêmes principes d’organisation neuronale que la
marche chez d’autres espèces.
Les réseaux d’oscillation intrinsèques sont activés et
modulés par d’autres structures du cerveau et par des
messages afférents.
Néanmoins, la locomotion humaine diffère quant à sa
nature bipédique.
Il en résulte que les systèmes descendants sont
« focalisés » pendant la marche sur le contrôle de
l’équilibre.
On peut faire l’hypothèse que l’indépendance de la
marche chez le jeune enfant à la fin de sa première
année n’est pas la conséquence d’une maturation du
patron de marche mais du système qui régule le
contrôle de l’équilibre.
Ceci est à mettre en relation avec d’autres espèces
(chevaux) qui peuvent se tenir debout et marcher
quelques heures après la naissance.
Cela signifie que les circuits médullaires impliqués dans
la locomotion humaine sont vraisemblablement
davantage dépendants des centres supraspinaux que
ceux des quadrupèdes.
Cette dépendance pourrait pour partie expliquer la quasi
absence chez l’homme de mouvements spontanés de
marche après lésion médullaire.