Je vous écris de Vienne …

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Transcript Je vous écris de Vienne …

Je vous écris de Vienne …
Au commencement de la
psychanalyse, lettres à un
ami lointain
1
Citation de Sigmund Freud
(1856-1939)
• A l’origine, l’écriture était le langage de
l’absent, la maison d’habitation, le
substitut du corps maternel, cette toute
première demeure dont la nostalgie
persiste probablement toujours, ou l’on
était en sécurité et ou l’on se sentait si
bien.(Freud, 1929, Malaise dans la
civilisation, Paris, PUF, 1981, 39.
2
Plan
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Introduction : correspondance générale
Choix de la correspondance avec Fliess :
pourquoi ?
1. L’Autre nécessaire à Freud pour penser,
s’analyser et pour élaborer et écrire son œuvre
• Le trauma et les hystériques
• La question de l’Oedipe;
• L’analyse des rêves,
• Les concepts issus de cette correspondance
• Fin d’une amitié
2. Autres destinataires : extraits de lettres
Conclusion et échanges
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Introduction :
Correspondance générale
• On estime à 20 000 le nombre de lettres
écrites par Freud au cours de sa vie dont 5
666 ont été publiées.
• De 1887 à 1902, il écrit plus de trois cent
lettres à son ami, Wilheim Fliess (15 ans),
• Freud a 31 ans et Fliess 29 ans quand ils
commencent à d'écrire.
• Par exemple: il a écrit plus de mille lettres
à Martha sa fiancée pendant quatre et
demi et 1 200 lettres à Ferenczi.
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Principaux destinataires de Freud
• Martha Bernays (fiancée pendant 4 ans)
• Minna (belle-sœur)
• Marie Bonaparte (patiente, amie et
disciple) ; Amalia Freud (mère)
• Emil Fluss, (ami d'enfance),
• Adolfine et Rosa (sœurs)
• ses fils et filles (Anna, Martin, Sophie,
Mathilde, etc.)
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Destinataires : amis et collègues
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Josef Breuer
Fliess (plus de 300 lettres)
Le pasteur Oskar Pfister, 1909-1939
Karl Abraham, 1907-1926
Georg Groddeck
Ludwig Binswanger, 1908-1938
Ferenczi, I, II, III, 1908-1933
Jung C. G., tome I : 1906-1909, tome II : 1910-1914
Lou Andréas-Salomé, 1912-1936
Lampl de Groot, patiente et analyste,
Max Schur,
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Destinataires écrivains
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Arthur Schnitzler
Max Schiller,
Arnold Zweig
Stefan Zweig, 1908-1939
Romain Rolland, 1923-1936.
• Thomas Mann,
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Lettres de Freud publiées séparément
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Sabina Spielrein
Albert Einstein : Pourquoi la guerre?»(1933)
A. Breton, 1933
René Laforgue, 1923-1937
Maxime Leroy sur quelques rêves de Descartes"
(1925),
Hermine von Hug-Hellmuth (1915/1919)
James et Alix Strachey 1924-1925
Fritz Wittels et Joan Riviere (1921-1939).
Anna von Vest (1903-1926); Doolittle
H., (patientes)
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L’Autre nécessaire
L’Autre est nécessaire pour :
• (se) penser, s’analyser
• (transfert) et
• construire son œuvre
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WILHEIM FLIESS, L’ALTER EGO
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Lettre manuscrite de Freud à Fliess
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Qui était Fliess (1858-1928) ?
• Un oto-rhino-laryngologiste (ORL) et ami de
Josef Breuer, ami et mentor de Freud (alors
neurologue)
• La rencontre Freud (30 ans)-Fliess (28 ans):
ce dernier avait assisté aux cours de Freud
sur l'anatomie du système nerveux ;
• Coup de foudre d’amitié : extrait de lettre
Vienne, 24-11-1887
• «Tu es le seul Autre » (22-6-1894) autre soimême
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À quoi s'intéressait Fliess ?
• Numérologie, périodicité, rapport entre le nez et
les organes génitaux masculins et féminins.
• Fliess exprime des idées dont certaines sont
aujourd’hui considérées comme délirantes :
• 1.Tous les humains sont soumis à une loi de
périodicité précise : modèle des périodes
menstruelles, 28 jrs pour les f., 23 pour les h.
• 2. tous les humains sont physiologiquement
bisexués ;
• 3. le nez et les organes génitaux ont la même
structure.
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L’Autre nécessaire :
auto-analyse et transfert
«Analyse
originelle»
selon
Octave
Mannoni[1], «conversation fondamentale»
selon Lacan[2], la correspondance avec
Wilheim Fliess s'étale de 1887 à 1904, soit
17 ans. (pour certains biographes, elle
s'arrête à 1901)[3]. Freud (1856-1939)
commence donc à écrire ces lettres
depuis l'âge de 31 ans jusqu'à 48 ans.
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L’importance de l’ami
• 7.5.1900 : «Mais rien ne peut pour moi
remplacer les contacts avec un ami,
c’est un besoin qui répond à quelque
chose en moi, peut-être à quelque
chose de féminin et les voix intérieures
que j’ai l’habitude d’écouter me
conseillent de porter sur mon travail un
jugement bien moins flatteur que celui
que tu proclames. »
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De quoi parlent-ils ?
• Leurs Recherches scientifiques
• Cas cliniques
• Freud parle de ses maladies, de sa
famille, il raconte des souvenirs
d’enfance, son analyse personnelle ;
• Ils organisent de «petits Congrès»
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Recherches scientifiques
• Série de manuscrits intitulés simplement A, B,
C, D, etc. jusqu’à N, et s’étendant de 1893 à
1897, Freud présente à son ami ses idées sur les
névroses d’angoisse, la migraine, la dépression,
la mélancolie et la paranoïa ;
• Freud critique le travail de Fliess dans le
manuscrit C : ce qui montrer que l’idéalisation
commence à fléchir en 1893, ou en tout cas qu’il
ne sacrifie jamais son jugement scientifique.
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Travaux théoriques et cliniques
Exemples
• Traduction des Leçons de Charcot sur les maladies du
système nerveux (1886)
• Quelques considérations relatives à une étude
comparative des paralysies motrices organiques et
hystériques (1893)
• Les études sur l’hystérie (1895) avec Breuer. L’apport
des femmes à la psychanalyse (1)
• Le mécanisme psychique des phénomènes hystériques»
(1893)
• «Un cas de traitement par l’hypnotisme couronné de
succès» (1892-93)
• Interprétation des rêves, 1900 (2)
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Travaux théoriques et cliniques
(le concepts de base)
• Trauma vs Œdipe : l’abandon de la
neurotica
• L’analyse des rêves,
• Les grands concepts issus de cette
correspondance :sexualité infantile,
bisexualité, refoulement , inconscient
(notions de traces), répétition
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Trauma vs Œdipe
• Lettre du 21.9.97 : «Je ne crois plus à ma
neurotica (…) (1)
• Hamlet : To be in readiness. Garner sa
sérénité. (2)(même lettre)
• 15.10.97 : «C’est un bon exercice que d’être
tout à fait sincère envers soi-même.» (3)
• Notion d’après coup: 14.11.97 «…le souvenir
dégage maintenant la même puanteur qu’un
objet actuel.» (se détourner d’un souvenir d’où
le refoulement)
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L’analyse des rêves
• 14.11. 97 : «Mon auto-analyse reste toujours en
plan. J’en ai maintenant compris la raison. C’est
parce que je ne puis m’analyser moi-même qu’en
me servant de connaissances objectivement
acquises (comme pour un étranger).»
• 9.2.1898 : « J’abandonne l’auto-analyse pour me
consacrer au livre sur les rêves.» (en fait ce livre et
pour Freud une façon de poursuivre son autoanalyse :
• 3.12.97 : Depuis que j’ai entrepris d’étudier
l’inconscient, je m’apparais à moi-même très
intéressant. Dommage qu’il faille toujours avoir la
bouche cousue pour ce qu’il y a de plus intime.»
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Concepts de base
issus de cette correspondance
• Sexualité infantile (notion de zone
érogène et de fixation libidinale)
• Bisexualité
• Refoulement
• Inconscient (notions de traces),
• Répétition (périodicité chez Fliess)
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Correspondance et écriture
• Les lettres à Fliess sont inséparables du
livre fondateur de la psychanalyse,
L'interprétation des rêves (1900),
Études sur l'hystérie (1895) qui le
précède, Psychopathologie de la vie
quotidienne (1901), Trois Essais sur la
théorie sexuelle (1905).
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Correspondance et littérature
• Fliess fait connaître C.F. Meyer, un auteur dont il
analyse entre autres deux contes et un roman :
• 9.6.98 :«Dans le page de Gustave-Adolphe, j’ai
trouvé deux fois l’idée de l’action différée (…) ;
Les noces du moine : illustre la façon dont
l’imagination s’empare des incidents nouveaux
au cours du processus de la formation des
fantasmes, pour les ramener vers le passé. (1)
• 20.6.98 : Dans La femme-juge il trouve une
expression romancée «d’un souvenir se
rapportant aux relations de l’écrivain avec sa
sœur. (…) (2)
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Fin d’une amitié
• Le cas Irma : son nom véritable Emma
Eckstein(1) : lien avec le rêve de l’injection
faite à Irma qui ouvre L’Interprétation des
rêves : erreur de Fliess sur une patiente de
Freud.
• 7.7.97 :«Quelque chose venu des profondeurs
abyssales de ma propre névrose s’est opposé
à ce que j’avance encore dans la
compréhension des névroses et tu y étais,
j’ignore pourquoi, impliqué. L’impossibilité
d’écrire qui m’affecte semble avoir pour but de
gêner nos relations. À relier avec ci-dessous
(2)
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Extrait d’une lettre à Martha Bernays
• Vienne,
16.01.1884
:«Quand
nous
nous
retrouverons, tu seras peut-être offusquée en
découvrant que je diffère du beau tableau crée par
ta tendre imagination. Je ne veux pas que tu
m’aimes pour des qualités que tu me prêterais, ni
d’ailleurs pour aucune autre qualité : il faut que tu
m’aimes sans raison, comme aiment sans raison
tous ceux qui aiment, simplement parce que je
t’aime, et tu n’as pas à en avoir honte. (…) Ne vois
pas en moi une si bonne nature : une violence
secrète m’empêche de supporter cela et tes
dernières lettre dénotent tant de douceur !» (1)
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Extrait d’une lettre à Martha Bernays
• Vienne, 30.06.1884 : «Ma petite fille chérie,(…) Si
tu m’aimes vraiment d’un amour ardent, mou que
tu n’as pas vu depuis longtemps quand tu me
reverras avec mon humeur,mes gestes, que tu
entendras ma voix et les jugements qui, chaque
fois, jadis, suscitaient ton antagonisme, ne vas-tu
pas penser que ton amour fervent s’adressait à
une image que tu t’étais faite et non à l’être en
chair et en os que produira peut-être sur toi le
même effet qu’il y a un an ou deux. (…) Attendre,
c’est mon sort, tout comme le tien. (…) Je t’aime
tant et je voudrais tellement t’entendre dire que
m’aimes aussi. »(1)
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Extrait d’une lettre à A. Schnitzler
• 8.05.1906. Je me suis souvent demandé avec
étonnement d'où vous teniez la connaissance de
tel ou tel point caché, alors que je ne l'avais
acquise que par un pénible travail d'investigation,
et j'en suis venu à envier l'écrivain que déjà
j'admirais. (…) Vous pouvez deviner quelle furent
ma joie et ma fierté en apprenant par vous que
pour vous aussi mes écrits avaient été une source
d'inspiration. (…) Je pense que je vous ai évité par
une sorte de crainte de rencontrer mon double.
(…) J'ai ainsi eu l'impression que vous saviez
intuitivement –ou plutôt par suite d'une autoobservation subtile – tout ce que j'ai découvert à
l'aide d'un laborieux travail pratiqué sur autrui. (1)
•
28
Extrait d’une lettre à Romain Rolland
• 4.03.1923 : «J’appartiens à une race qui, au
Moyen-Âge, fut tenue pour responsable de toues
le épidémies qui frappent les peuples et que l’on
accuse présentement de la décadence de
l’Empire en Autriche et de la perte de la guerre en
Allemagne.
De
telles
expériences
vous
refroidissent et vous invitent peu à croire aux
illusions. En outre, j’ai passé vraiment une
grande partie de ma vie (…) à travailler à la
destruction de mes propres illusions et de celles
de l’humanité. »(1)
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Extrait d’une lettre à C.G. Jung
• Annenheim, 2.09.1907 : « (…) je me dis qu’il
vaut mieux pour la psychanalyse qu’une
partie tout au moins, de la résistance qui se
ferait contre moi vous soit épargnée à vous,
l’Autre, le Second, qu’on ne verrait que
répétition inutile dans ce que je dirais une fois
de plus, (…) j’ai toujours trouvé que quelque
chose dans ma personne, dans mes paroles,
dans mes idées, heurte les gens, tandis que
tous les cœurs vous sont ouverts.» (1)
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Extrait d’une lettre à Arnold Zweig
• 30.09.1934:«En face de nouvelles
persécutions, on se demande à nouveau
comment le juif est devenu ce qu’il est et
pourquoi il s’est attiré cette haine
éternelle. J’ai vite trouvé la formule :
Moïse a créé le Juif, et mon live a peu
pour titre : L’Homme Moïse, roman
historique» (cela deviendra Moïse et le
monothéisme) (1)
31
Extrait d’une lettre à S. Ferenczi
• 4.02.1920 : Ce décès, si douloureux (1) qu’il soit,
ne change cependant en rien ma façon
d’envisager la vie.
(…) comme je suis
profondément incroyant, je n,ai personne à
accuser et je sais qu’il n’existe aucun lieu où l’on
puisse porter sa plainte. «L’heure toujours
invariable du devoir (Schiller) et «La belle et
souriante habitude de vivre(Goethe) feront le
reste que tout continue comme à l’ordinaire. Tout
au fond de mon être je décèle le sentiment d,une
offense narcissique irréparable.»
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Extrait d’une lettre à Einstein
• Vienne septembre 1932 : «Nous admettons
que les pulsions de l’homme ne sont que de
deux sortes, soit celles qui visent à conserver
et à unir – (…) érotiques, tout à fait au sens de
l’Eros dans le Banquet de Platon, ou sexuelles
(…) –, et d’autres, qui visent à détruire et à
tuer ; (…) pulsion de destruction. (…) Le
plaisir pris à l’agression et à la destruction
compte certainement parmi eux (le motifs qui
poussent les hommes à la guerre). (1)
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Extrait d’une lettre à Lou. A. Salomé
• 10.05.1923 : «Je partage complètement
votre opinion sur la détresse que nous
éprouvons devant les maux physiques
particulièrement douloureux : comme
vous aussi, je les trouve désespérants
et, si l’on pouvait s’en prendre à
quelqu’un personnellement ignobles.
(…) (1)
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Lettre à Kata et Lajos Lévy
• 11.06.1923 : « Je supporte très mal
cette perte, (celle de son petit-fils
Heinele, 4 ½ ans, mort d,une
tuberculose miliaire), je crois n’avoir
jamais éprouvé un tel chagrin : peutêtre le choc est-il plus durement
ressenti du fait de ma propre maladie.
Je travaille contraint et forcé : dans le
fond, tout m’est devenu indifférent.» (1)
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Extrait d’une lettre à Lou. A. Salomé
• 16.05.1935 : «Je dépends de plus en
plus d’Anna et de ses soins. Cela me
rappelle tout à fait la remarque de
Méphistophélès :« À la fin nous
dépendons des créatures que nous
avons faites. » (…) Je voudrais pouvoir
vous dire en personne combien votre santé
me tient à cœur.» (1)
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Lettre aux éditeurs de Time and Tide
• 16.11.1938 : «À l’âge de quatre ans, je suis
venu à Vienne d’une petite ville de
Moravie. Après soixante-dix-huit ans de
travail assidu, j’ai été forcé de quitter ma
maison, j’au vu dissoudre la Société
scientifique que j’avais fondée, détruire
mes Instituts, saisir notre Maison
d’édition, j’ai vue les envahisseurs
confisquer les livres que j’avaIS publiés
ou les passer au pilon, interdire à mes
enfants d’exercer leur profession. (…) 1
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Conclusion
• La relation Freud/Fliess n’est pas une amitié entre semblables
partageant le même savoir, il s’agit d’un amour du même ordre
que celui qui s’installe chez avec un patient, un transfert.
(Lacan)
• Au début de sa correspondance avec Fliess, Freud reconstruit
la mémoire, le jugement, à partir de la sensation, n’envisageant
le problème de la rencontre avec l’objet qu’ensuite …
• Freud rencontre le problème fondamentale de la faute (Irma, la
perte du père (la faute d’Œdipe).
• Freud en vient à rejeter tout abord à partir de la perception pour
se centrer sur le cerveau comme «machine à rêver», machine à
produire du symbole et de la rencontre. (Éric Laurent)
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