L`orientalisme - Département d`histoire

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L’orientalisme: Les vices cachés de l’Occident
http://www.international.ucla.edu/media/images/tales-2matrix.jpg
Guy Lanoue, Université de Montréal, 2011-2014
L’orientalisme dans son premier sens se réfère à un mouvement artistique et littéraire
surtout populaire en France (mais certainement avec des échos ailleurs) populaire dans la
2e moitié du 19e siècle. Son sujet, l’Orient surtout dans son sens du Moyen Orient (le
mouvement s’apparentait à l’Égyptologie), était sélectionné pour souligner les aspects
exotiques de cette région. Pour eux, comme pour les Romains, l’Orient commence aux
Balkans. En fait, le critère saillant est culturel, car ce sont largement des cultures
musulmanes qui se font orientalisées. On ajoute donc des sujets de l’Afrique du Nord, qui
n’est aucunement l’Orient pour la France. Pour les Anglais, cela inclut l’Inde. Plus tard,
avec l’expansion coloniale vers la Chine et l’Indochine, on y ajoute l’Asie et la Polynésie.
On a tendance aujourd’hui à diaboliser ce mouvement
pour sa simplification de l’Autre, oubliant que plusieurs
aspects des cultures orientales étaient admirés, pourvu
qu’ils fussent dénaturés et décontextualisés par la
distance. Combien d’aspects de l’esthétique victorienne
et d’empire ont incorporé des «chinoiseries»?
Intérieur victorien, avec tapis, rideaux et tapisserie
ayant des motifs orientaux.
http://3.bp.blogspot.com/_o-JtoYkb2Bc/St0mK-KY3hI/AAAA
AAAABqc/5EBFb1a1qT4/s400/aesthetic_interiors.com+victorian.jpg
L’orientalisme trace ses origines au mythe d’Europa. Comme la légende romaine qui précise des
origines orientales pour le lignage de Romulus, Europa, selon la mythologie grecque, est une
Phénicienne noble (donc, étrangère et appartenant à un group rival). Il y a plusieurs versions, mais la
plus répandue, et une de plus récentes (500 a.J.-C.) serait que Zeus assume la forme d’un taureau et la
séduit (ou la violé)* et l’amène à Crète (pays du taureau sacré) sur son dos, où il révèle sa vraie
identité. Il lui donne des cadeaux, et elle est couronnée la Reine de Crète.
http://upload.wikimedia.org/wikipedia
/commons/0/0c/Europa_auf_dem_Stier.jpg
À gauche, Europa et Zeus,
version «conventionnelle»,
d’après un portrait grec de
l’époque classique. À droit,
version plus érotique, de Félix
Valloton, 1908. Voir M.
Dumoulin (dir.), Europa.
L’idée et l’identité
européennes, de l’Antiquité
grecque au XXIe siècle, 2001.
* Dans la littérature antique, le viol, le rapt (comme dans le cas des
Romains et les femmes sabines) et la séduction sont souvent la même
chose. La grande majorité des représentations d’Europe la montre comme
assise délicatement sur le dos de Zeus, signalant son accord avec
l’enlèvement, avec sa main qui tient une seule corne phallique du taureau.
En fait, Europa femme phénicienne de Tyr, n’a jamais visité les terres qui
portent son nom, sauf pour la Crète, qui est à la frontière extrême orientale
et méridionale du continent. Selon Dumoulin, l’histoire du rapt serait une
métaphore des efforts pour tracer la frontière avec l’Asie.
http://www.jahsonic.com/FelixVallotton.jpg
http://www.historyforkids.org/learn/greeks/religion/myths/europa.jpg
L’empire grec, nous le savons, avait de rapports importants et de filiales en Asie. Les Grecs euxmêmes, comme de fait tous les peuples indo-européens, sont d’origine «asiatique» (en fait, Homère les
appelle «Achéens», car le mot «Grec» à l’époque était utilisé pour une seule tribu). Reste la question
du pourquoi les Grecs ont voulu investir dans un mythe du type fondateur qui reconnait et ne cache
pas l’origine orientale de l’Europe.
http://www.phoenician.org/alphabet_phoenician.GIF
http://3.bp.blogspot.com/_eW4wfX_JPKA/TBrPwm2czMI/A
AAAAAAAAq8/I_-2UQyeaHU/s1600/greek-alphabet-1.jpg
Je crois, comme Dumoulin, que le mythe d’Europa e de Zeus est une tentative de tracer de frontières là où il avait
énormément de contacts commerciaux et politiques. Il y a de plus. Les Grecs, anciennement bergers et éleveurs (Homère
le mentionne à maintes reprises), bénéficièrent de l’alphabétisation venue des Phéniciens par Cadmos le frère d’Europa,
ce qui les permet d’ériger un appareil étatique, dont l’œuvre principale était de fonder des colonies semi-indépendantes,
créant ainsi un commerce international qui devient la base du pouvoir des Grecs. Ils sont donc largement orientés vers
l’Asie et non vers l’Europe, car ce sont les Phéniciens fondateurs de Carthage qui dominent la Méditerranéenne
occidentale. Il est donc possible que la question de frontières assume une importance primordiale, car l’engin symbolique
qui fait fonctionner la machine grecque est au fond oriental.
Je crois que ce qui est considéré une simple parenthèse dans l’histoire d’Europa est
en fait d’une importance capitale pour définir l’orientalisme contemporain. Après
l’enlèvement, le père d’Europa envoie son fils Cadmos (frère d’Europa,
logiquement) à la recherche de sa sœur. Il n’arrivera jamais à la trouver, mais ses
errances en Grèce l’amènent à fonder une ville qui va devenir un des symboles clés
de la Grèce antique, Thèbes (bien qu’il ne l’a pas baptisé avec ce nom). Thèbes est
la ville principale de la région de Béotie, qui est aussi la région des Grecs, la tribu
qui a donné son nom aux peuples de la péninsule. Thèbes devient célèbre au 19 e
siècle quand un certain médecin autrichien devenu psychanalyste va baser ses
théories de la psyché sur la mythologie de la ville, la légende du Sphinx (une
femelle, ne l’oublions pas, qui était gardienne de Thèbes), d’Œdipe et de Jocaste sa
mère qu’il épousera après avoir tué son père Laïos. L’orientalisme, qui nait 20
siècles a.J.-C. avec la légende d’Europa (situé par les Grecs 1000 ans avant les
évènements de l’Iliade), signale deux grandes dynamiques: 1) l’interpénétration de
deux mondes et les tentatives de définir une frontière «pénétrable», et 2) la
féminisation de la «chose publique», la res pubblica, la république, la communauté
imaginée (pour reprendre les mots de Benedict Anderson, Imagined Communities,
1983), pour souligner sa faiblesse et pour autoriser l’idée de l’intervention
«masculine». Ces deux thèmes deviennent inséparables avec la modernité
psychanalytique. Au 19e siècle, le colonialisme va «masculiniser» le Nous et
féminiser l’Autre qui, jadis, était une entité masculine qui menaçait de pénétrer
l’Europe depuis l’époque de la chute de l’Empire.
Œdipe et le sphinx, Gustave Moreau, 1864, capte bien le courant sexuel entre les deux, qui
anticipe les évènements à venir, le mariage d’Œdipe avec sa mère.
http://jssgallery.org/other_artists/gustave_moreau/Oedipus_and_the_Sphinx.jpg
Il ne faut pas oublier l’influence énorme du Japon (le japonisme)
et de la Chine sur la porcelaine (en Anglais, «china») et sur le
design européen.
http://www.benjanssens.com/2007/maastricht/73_porcelain-jar.jpg
http://www.creativepossibilitiesuk.com/userimages/chinoiseries.JPG
Porcelaine chinoise
Porcelaine japonaise
http://www.designyourowndraperies.com/cm
_files/store/product_fullsize/Mancelona-Porcelain-lg.jpg
Même des textiles qui allaient devenir populaires auprès du style
liberté (Art nouveau) sont influencés par les motifs orientaux
exportés vers l’Occident avec la porcelaine.
http://www.e-yakimono.net/guide/kato-hajime-porcelain-GB.jpg
L’orientalisme est associé à ce mouvement littéraire et surtout artistique du 19e siècle, mais
il a certainement des antécédents, cars les Vénitiens, parmi d’autres empires européens,
étaient en contact avec l’Orient depuis des siècles (on pense à Marco Polo, Livres des
merveilles du monde, 14e siècle, qui décrit ses aventures sur la Route de la soie et dans la
cour de Kublai Khan; ce livre devient un trope pour l’aventure orientale, par exemple le
livre d’Umberto Eco, Baudolino, 2000). Voir Chris Bongie, Exotic Memories: Literature,
Colonialism, and the Fin de Siècle, 1991, qui parle de l’Orient et les œuvres de Jules
Verne, Pierre Loti, Victor Segalen, Joseph Conrad, etc., et David Lucking, Conrad’s
Mysteries: Variations on an Archetypal Theme, 1986, qui explore Conrad et la dimension
mythique et même ésotérique.
Au 20e siècle, l’«orientalisme»
devient synonyme pour la
diabolisation et l’asservissement de
l’Autre, utilisant les techniques
psychoculturels (appelé, parfois,
l’hégémonie) de la gouvernance
moderniste: manipuler les images et
les signifiés du quotidien pour créer
et renforcer une hiérarchie de
valeurs qui souligne tacitement la
puissance et la domination de
l’idéologie occidentale.
http://www.cais-soas.com/CAIS/Images2/Maps/SilkRoad1.jpg
En 1853, un Irakien d’origine assyrienne Hormuzd Rassam mais éduqué en Angleterre, engagé par
l’archéologue anglais A.H. Layard, a découvert la « bibliothèque » du roi néo-assyrien Assurbanipal
(c.669 – 631 ou 626 av.-J.C), dont le palais était à Ninive, Mésopotamie (aujourd’hui, un quartier de
Mossoul, Irak, sur les rives du Tigre). Layard est à Londres au moment de la découverte; Rassam est
en charge. Parmi les tablettes d’argile, dans
une langue inconnue écrite en cunéiforme, il
trouve une version de l’Épopée de
Gilgamesh, texte akkado-babylonien basé sur
les exploits de Bilgamesh, 5e roi d’Uruk,
ville sumérienne, l’Erech biblique. On
découvre plus tard que les premières
versions de ce récit s’inspirent de textes
sumériens du 3e millénaire – une histoire,
donc, avec une renommée de 2000 ans. C’est
le premier texte littéraire de l’histoire, car les
Sumériens n’ont pas seulement inventé le
cunéiforme, ils ont inventé l’écriture. C’est
une découverte phénoménale, car l’épopée
contient une version du déluge biblique, qui
démontre que la version israélite n’est
qu’une copie d’un texte beaucoup plus
ancien, et que le récit, ayant deux sources,
est possiblement inspiré de faits vrais.
Vingt ans plus tard, George Smith, un génie
travaillant comme commis au British Museum,
commence à déchiffrer ces signes cunéiformes.
Prolétaire d’origine, il meurt dans l’oublie, mais
Rassam, désormais vivant en Angleterre et directeur
de plusieurs fouilles pour le Musée, vit assez long
pour être accusé par le nouveau directeur E.A.
Wallis Budge d’être incompétent et possiblement un
voleur qui vendait des objets archéologiques.
Rassam fait procès. Il gagne une victoire pyrrhique,
car le tribunal le dédommage seulement 50 livres,
une insulte. Sa réputation est ruinée. Il se retire,
mais ne peut plus publier ses livres. Son nom est
rayé des guides du musée. Pour l’histoire officielle,
Rassam serait toujours un « employé local » de son
ami Layard, « a common sort of Levantine »,
comme a témoigné un professeur allemand au
procès. Même deux ans après la mort de Rassam,
Budge publie un livre sur l’histoire de l’assyriologie
où il cite le commentaire dédaigneux et raciste.
Voilà l’autre visage de l’orientalisme: un outil de
l’hégémonie.
Le nationalisme occidental qui émerge au moitié du 19e siècle préférait postuler des origines grecques
plutôt que romaines, car les Grecs étaient ethniquement homogènes et donc plus « nationales » selon
un modèle européen, comparés aux Romains, qui ignoraient l’ethnicité pour créer une communauté
purement politique basée sur la citoyenneté. L’intérêt dans les classiques grecs alimente l’appétit pour
les fouilles en Mésopotamie (en en Égypte). Une source importante pour les Européens, Hérodote,
(Histoires, Tome I:199, dans un passage cité à maintes reprises), décrit une coutume où les
Babyloniennes étaient obligées à se vendre à un inconnu dans le temple local, au moins une fois dans
leur vie. Les femmes belles accomplissaient leur devoir après un seul jour, mais les moins mignonnes
étaient souvent obligées d’attendre jusqu’à trois ou quatre ans avant qu’un homme les choisisse. Les
femmes qui recevaient un prix plus élevé finançaient les dots de femmes moins désirées.
Edwin Long, 1875,
The Babylonian
Marriage Market;
inspiré non
seulement
d’Hérodote mais par
des objets assyriens
récemment trouvés
par les
archéologues.
Considérés
« véridique » au
niveau des détails,
l’histoire de base est
complétement
inventée.
Gyula Tornai – The Connaisseurs (1892)*
L’Orientalisme se
distingue surtout par
son sujet, l’orient
exotique. Les soustextes parfois
appuient la position
extrême de Edward
Said, Orientalism,
1978; ici, on voit des
«Orientaux» qui
visionnent une œuvre
orientaliste, perplexes
et émerveillés,
comme si la
dimension visuelle
leur était totalement
inconnue. On voit,
également
l’utilisation de
couleurs fortes et de
soleil lumineux, et
une attention
particulière à
l’habillement des
«Orientaux», des
traits qui vont
devenir la marque de
commerce de ce
style.
* Notez que les titres qui suivent sont parfois approximatifs, car les œuvres sont parfois connues sous plusieurs noms,
qui, souvent, ont été attribués par des marchands et des galeristes, plus sensibles au marché qu’au sujet.
Jean-Léon Gérôme,
Le marché d’esclaves (1871)
L’impact de cette représentation, à
part de la belle femme nue à gauche,
est certainement dû au dégout avec le
sujet annoncé par le titre, car les
Européens se félicitaient toujours
pour avoir aboli l’esclavage 50 ans
auparavant (nous sommes 5 ans après
la guerre de Sécession aux ÉtatsUnis). Ici, nous voyons une première
stratégie pour représenter l’Orient: se
concentrer sur une dimension
exotique pour la sexualiser.
Leopold Carl Muller, Primary School in Upper Egypt (1881)
Notez que l’artiste présente une activité banale, mais fondamentale, l’éducation, pour souligner
les conditions précaires et primitives (représentées par le bâton du professeur). C’est l’époque
où on établit, en Europe, l’idée de l’éducation standardisée et «scientifique».
Jean-Léon Gérôme, Charmeur de serpent (1880)
Plusieurs ont noté la nudité
du petit gars pour suggérer
que l’artiste voulait
proposer ou souligner une
vision pervertie de
l’Orient, mais notez le
détail exquis de la
calligraphie arabe que
l’artiste a choisi
d’immortaliser. Même
sans connaitre les détails
de la vie de Gérôme, ceci
suggère une certaine
admiration pour le sujet
«oriental». Cependant,
cette admiration sans doute
sincère n’empêchait que
ces artistes et écrivains
sexualisent l’Orient. Cela
faisait partie inconsciente
de l’économie politique de
l’esthétique de l’époque.
Gérome, Charmeur de serpent (détail)
Une autre ambigüité: comme est
souvent le cas avec le style
orientalisant, les détails naturels ou
architecturaux semblent dominer les
personnes. Ceci est une autre stratégie
visuelle de la culture de
l’orientalisation, c.-à-d., présenter les
individus dans une position
subordonnée et assujettie à leur
environnement.
Vasily Vereshchagin, Dervishes in Tashkent (c.1880)
Une variation de la technique
précédente, où l’individu est soit
dominé soit caché par ses vêtements
ou par la perspective sélectionnée
par l’artiste.
Vasily Vereshchagin,
Throne Room at the Shah Jahan Fort in Delhi (c.1885)
•
Notez ici l’utilisation
d’une perspective très
bizarre, où le plan
central de l’espace
sous les arches
disparait vers l’arrièreplan de façon
conventionnelle (selon
les canons de la
perspective linéaire),
bien qu’exagérée, mais
le toit suit toute une
autre géométrie, et
l’édifice est orienté sur
un troisième axe, pour
créer un effet visuel
plutôt dérangeant, un
genre de tension
subtile qui devient une
métaphore apte pour la
façon dont l’Occident
voit l’Orient.
Fabio Fabbi, Il sogno dell’arabo (Le rêve de l’Arabe, c.1890)
.
Un autre sujet préféré des orientalistes:
représenter l’utilisation de la drogue et la
recherche exagérée du plaisir; la
décadence, la débauche. Notez
l’attention exquise aux détails des
vêtements (qu’établit un contraste avec
la condition physique un peu dégénérée
de l’homme, représentée par ses mains)
et le fait que les débauchés sont
présentés comme passifs. Notez aussi le
contenu de son rêve, manifesté par les
visages de jeunes filles à droit.
Pasquale Liotta, L’effetto dell’hashish (1875)
Ici, l’effet du sujet «osé» est renforcé par la pose et par les vêtements un peu féminins
Jean Lecomte du Nouÿ, La porte du sérail, souvenir du Caire (1876)
Il s’agit de la
garde du harem
du Sultan, mais
notez les poses
féminines des
soldats, qui
établissent un
contraste avec
la collection
impressionnant
e d’armes;
toujours la
tension entre
deux extrêmes:
derrière
l’apparence
d’inertie, la
tension.
Du Nouÿ, détail
L’attention portée aux détails trop soignés établit la distance avec les normes
européennes; pour des soldats, ceci suggère un manque de discipline.
José Villegas y Cordero, Le fumeur oriental (1875)
Un autre drogué dans une pose langoureuse
Nicola Forcella, Le fumeur de narguilé (1880s)
Une autre stratégie occidentale est
de suggérer que le plaisir un peu
perverti est peut-être un peu trop
important pour ces personnes;
l’homme en arrière-plan qui se
donne au plaisir banal de boire un
thé normalise (et notez la théière à
gauche) le plaisir illicite du
fumeur décadent. C’est la vie
normale: thé ou hachisch, c’est la
même chose.
Nicola Forcella, The Hookah (1876)
Un autre fumeur tranquille, mais
notez la pose excessivement
complexe de l’homme, suggestive
d’une certaine décadence et même
une condition primitive, car elle
suggère qu’il a complètement perdu
le contrôle de son corps.
Stephen Wilson Van Schaik, Turkish Idlers (1880s)
Des flâneurs dans un rêve quasi narcotique (détail). À droit (en dehors du cadre présenté
ici) il y a un sheesa (narghileh) et leurs pantoufles qu’ils ont enlevées (un sous-texte de
perte, donc pire de la sauvagerie des «vrais» primitifs sans chaussures).
William Hogarth, Cruelty 1 et 2 (1750s)
Notez, qu’à différence de la dissolution et décadence orientale, le même phénomène en Occident
(dont Hogarth est l’interprète le mieux connu) souligne la violence et l’agression sociale, le
désordre. L’aspect paisible et passif des débauchés orientaux suggère que la société n’est pas un
point de référence important dans la dynamique de la psyché individuelle, un point qui semble
avoir frappé les orientalistes de l’Occident.
Hogarth, Beer Street (gauche), Gin Lane (droit) (1750s)
Avant le 20e siècle, la débauche en Occident est une forme d’agression sociale. Peut-être le contraste que les
orientalistes ont saisi représente une envie de la débauche «passive» de l’Orient. Le manque d’agression dans
les représentations de l’Orient souligne la normalité du kayf, le loisir et la détente. À noter que le loisir
oriental est certainement lié à un rythme d’une vie non industriel, et que Hogarth vivait au plein milieu de la
révolution industrielle, qui impose ses rythmes farouches sur le corps et sur l’âme. Un corolaire: la fameuse
politesse orientale n’est qu’une ritualisation de la passivité de l’individu face à la société.
Gustav Bauernfeind, Market in Jaffa (1887)
Notez que les détails dominent les personnes, que l’impression est d’un chaos, et que
les figures principales, les femmes en blanc à bas à gauche, ont le visage caché
Ludwig Hans Fischer, An Arab Caravan (1903)
•
Ici on voit non
seulement
l’accent sur les
détails qui
dominent et
éclipsent les
personnes, mais
aussi
l’utilisation d’un
autre technique
préféré des
orientalistes,
l’illumination
contrejour (qui
est quasiment
l’inverse du
chiaroscuro
italien), qui
effectivement
utilise la lumière
pour exagérer
l’importance de
l’environnement
aux dépens des
personnes.
Jean-Léon Gérôme, Arabes traversant le désert (1870)
Toujours l’illumination contrejour, augmentée par les voiles qu’ils portent et leur peau foncée. Le
thème de mouvement, un préféré des orientalistes, suggère une condition sociale déracinée
Charles Théodore Frère, La caravane près du Caire (1875)
La même chose,
mais avec une
illumination
contrejour tellement
exagérée qu’elle
annule totalement
les personnes. Le
mouvement et le
déplacement de
personnes sont un
autre thème préféré,
dont le sous-texte
suggère le manque
de racines (un passé
flou; les personnes
donc vivent dans
une dimension
atemporelle) et la
faiblesse de la
dimension civilisée
qui pousserait les
Arabes à se
déplacer
continuellement: le
nomadisme
souligne leur
manque de villes et
donc de civilisation.
Léon Belly, Pèlerins allant à La Mecque (1861)
•
Illumination
contrejour, masse
humaine un peu
chaotique, la primauté
accordée aux
chameaux (et donc de
la nature aux dépens
de l’humain), et le
mouvement,
l’organisation spatiale
des personnes en
flèche qui vise et
menace le public
européen qui visionne
cette toile – tous des
techniques et des
thèmes préférés des
orientalistes ici unies
dans un seul portrait,
et la raison pour
laquelle on appelle
cette illustration la
plus grande du genre.
Jean-Léon Gérôme, Le bain du harem (1876)
Les femmes sensuelles et langoureuses,
avec un esclave mâle qui en effet domine
les femmes, en dépit de son statut
d’esclave, par sa taille exagérée.
http://lili.butterfly.free.fr/ingresweb/gerome.jpg
Léon Belly, Femmes fellah au bord du Nil, 1863
Illumination contrejour, visages cachés, et l’accent sur les fesses et les seins nus
suggèrent une condition sensuelle et donc un peu sauvage.
Frederick Arthur Bridgman, The Siesta, 1878
Le féminin comme métaphore de l’Orient, dans une pose très sexuelle. La femme
langoureuse séduit toujours, même quand elle dort. Ceci suggère la qualité primordiale et
incontournable de la sensualité orientale.
Jean-Léon Gérôme, Le bain maure, 1870s
La femme dominée par l’esclave
suggère que les hiérarchies du
pouvoir ne sont pas claires. En
même temps, il réussit à suggérer
une tendresse entre les deux, unis
par ce geste simple. Ici, on voit un
autre technique préféré des
orientalistes, présenter la femme
du dos plutôt que du devant. Ceci
met l’emphase sur les fesses et non
sur les seins symboles du rôle
féminin de nourrice et donc de
créatrice (dans un sens) de l’être
humain. Le pouvoir sexuel inné
des femmes orientales doit être
dompté, et donc elles sont souvent
présentées dans cette pose de
soumission qui conserve quand
même l’odeur de la sexualité.
La petite baigneuse, ou l’intérieur du harem
(Jean-Auguste-Dominique Ingres, 1838)
Parfois,
l’appropriation se
fait recycler; ici,
l’original d’Ingres,
La Baigneuse de
Valpinçon, 1808
http://www.veritemensonge.com/upload
/items/tn_12-La_baigneuse_de_Valpincon_817.jpg
Le dos tourné est une stratégie préférée
pour représenter les odalisques (du Turc
odalik, femme de chambre); dans ce
contexte, cacher les attributs féminins
ne fait que les souligner, de surchauffer
l’imagination érotique.
Jean-Auguste-Dominique Ingres, L’odalisque et l’esclave (1839)
(en arrière-plan, un gardien);
quand la femme est présentée du devant, elle est souvent dans une pose langoureuse
http://www2.oakland.edu/users/ngote/images-full/ingres-odalisque-louvre.jpg
Eugène Delacroix, Femmes d’Alger dans leur appartement, 1834
(les femmes dominées par un esclave); ici, elles ne sont pas présentées dans des
femmes particulièrement langoureuses, mais elles suggèrent néanmoins la décadence
http://www.artchive.com/artchive/d/delacroix/delacroix_algiers.jpg
Mariano Fortuny Marsal, Odalisca, 1862
(la menace indistincte)
http://www.latribunedelart.com/Expositions_2003/Mariano_Fortuny_-_Odalisque.JPG
Luis Riccardo Falero, L’enchanteresse (1878)
Une sensualité naturelle et donc plus
menaçante que la séduction classique
et «pensée»; l’innocence du visage et
la nudité innocente cachent (à peine)
un pouvoir érotique formidable.
Jean-Léon Gérôme, Une Almeh, 1882
La femme européenne comme
odalisque; en fait, une grande
partie des femmes du harem
venait de l’Europe orientale.
Même cette femme, pas trop
belle selon les canons classiques,
dégage un pouvoir et une
confiance en soi qui démentent
son statut officiel de la personne
qui est devenue victime de la
culture patriarcale. Elle est une
almée: chanteuse, poète, femme
de salon.
Lecomte du Nouÿ, L’odalisque, 1888
Ses cheveux rouges la marquent comme Européenne; la femme blanche (l’Europe) menacée
Fernand Boucher, Odalisque blonde, 1752
(l’Europe menacée; il s’agit d’un portrait de Louise O’Murphy, maitresse de Louis XV,
c. 1752)
Eugène Delacroix, L’odalisque, 1857
http://www.lyons.co.uk/orientals/Large/Delacroix-odalisque.jpg
François Boucher, Le viol d’Europa (L’enlèvement d’Europe), 1734
•
La représentation d’un
mythe classique, traitant
de l’origine de l’Europe
(car Europa s’enfuit
dans la région qui va
porter son nom); ceci
est une vision non
orientaliste de la
féminisation; la femme
est soumise, mais pas
dominée; la nature
sauvage est clairement
«en bas», et le ciel
héberge de petits
cupidons qui viennent à
son aide. Bref, la
femme occidentale peut
lier des éléments bas et
hauts, le sauvage et le
noble. La condition
féminine n’est pas
totalement négative.
Eugène Delacroix, Cavalier arabe attaqué par un lion, 1849
L’homme oriental comme sauvage
violent, mais aussi la présence
menaçante de la nature. L’image
communique que la soi-disant
civilisation des Orientaux ne
réussit pas à les isoler de la nature,
comme elle le fait en Europe.
http://www.ibiblio.org/wm/paint/auth/delacroix/arab-lion.jpg
Eugène Delacroix, Massacre à Chios, 1824
(viol, esclavage et le sauvage, surtout la menace turque)
Une autre version, attribuée à Delacroix, mais il s’agit d’une interprétation
contemporaine
Eugène Délacroix, Le mort de Sardanapulus, 1827
Orientalisme: viol, esclavage et le sauvage
Jean-Léon Gérôme, Prière dans la mosquée, 1871
La religion, dont la qualité
mystique et donc «orientale»
est établie par la domination
de l’architecture, surtout par
la présence d’une grille
suspendue qui encadre les
hommes en prière et qui
suggère que la structure du
bâtiment a besoin d’être
renforcée (contraste implicite
avec l’architecture et les
techniques de construction
plus robustes des Européens).
http://sandstead.com/images/metropolitan/GEROME
_Prayer_in_a_Mosque_1871_LS_d2h_.jpg
Pierre-Auguste Renoir, l’Odalisque, 1870
Nous sommes vers la fin de cette phase visuelle de l’imaginaire occidental, et nous voyons
les signes d’une ‘autre’ femme orientale, un peu moins belle, moins séductrice, moins
menaçante. Pas surprenant, les pays occidentaux commencent à dominer l’Orient.
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Le bain turc, 1862
La vision baroque; l’arrangement spatial des femmes en poses langoureuses et la perspective
plus typique de la Haute-Renaissance transforment ce sujet banal en scène exotique mais déjà
un peu moins menaçante – les femmes ont l’air de poupées
Frederick Leighton, Odalisque, 1862
Mythification – le mythe de Léda, qui est
considérée comme «Européen», car grecque
(c’est l’époque du mouvement néoclassique
qui invente l’image de la Grèce comme
«berceau de la civilisation»). On dompte
l’Orient, car l’antiquité de «notre» culture
nous donne une force supérieure. Cette
combinaison de crainte et d’admiration est
typique du mouvement.
Jean-Léon Gérôme, La prière sur les toits de Caire, 1865
•
http://www.lyons.co.uk/orientals/Large/Gerome-Housetops.jpg
La religion mystique
qui déborde dans la
rue, qui souligne la
puissance de la
religion dans
l’Orient; elle n’est
pas confinée aux
mosquées. Ces
personnes ne
semblent pas
distinguer le sacré et
le laïc comme
«Nous» le faisons.
L’image de l’Oman
qui fait appelle à la
prière suggère une
religion moins
développée qu’en
Occident, où les
cloches suffissent (le
pouvoir des symboles
est donc moins
efficace en Orient).
Joshua Reynolds, Portrait of Omai, 1775
L’homme féminisé; ici, par les vêtements qui
dominent le corps; pire, Omai n’était aucunement un
«Oriental». Il était un jeune homme polynésien
(Tahiti) amené en Angleterre à l’occasion d’une
expédition d’exploration comme «pièce de musée». Il
est allé, semble-t-il, parce qu’il cherchait l’appui des
Anglais pour résoudre une lutte politique locale.
Reynolds a recyclé une pose «héroïque» qu’il avait
utilisée pour son portrait exécuté en 1772 d’Augustus
Keppel, un commandant naval anglais et son ami.
http://hoocher.com/Joshua_
Reynolds/Augustus_Keppel_1752_53.jpg
George Seymour, A Consecration of Arms (1880s)
Bien que ceci soit un portrait d’un soldat qui
consacre ses armes (devant lui, à ses pieds), il y a
une qualité féminine très marquée à ce portrait,
surtout avec l’emphase sur le pectoral dévoilé,
comme dans un geste de séduction. Notez la
différence de couleurs; à gauche, une
reproduction contemporaine; à droite, l’originale
Karoly Csuzy, Nubian Man (1880s)
Toujours un homme sensuel, dans une pose évocatrice de l’Odalisque de Ingres; la
musculature évidente est drôlement féminisée par la pose
Jean-Léon Gérôme, La danse pyrrhique (1885)
Cette danse est censée être un rituel de magie sympathique avant de se lancer au combat, mais en
dépit du sujet belliqueux, le danseur principal (voilé) a une jupe très féminine, pour ne pas
mentionner que l’idée des soldats dansants devait apparaitre assez bizarre aux Européens.
Photographe, 1880, Le café turc
L’exotique et le sauvage; la hiérarchie représentée par le petit gars serviteur. La domination
du patriarcat dans la dimension publique en Orient est souvent vue comme un trait marquant
sa faiblesse. Ont-ils peur des femmes?
Ludwig Deutsch, The Scribe, 1894
L’homme oriental féminisé par son environnement et par sa corporalité langoureuse.
Osman Hamdy-Bey, Old Man in Front of a Child’s Tomb (1903)
.
L’orientalisme a aussi influencé le
monde oriental, car voici un
exemple d’un portrait par un «vrai»
oriental (un politicien et intellectuel
turc renommé) qui est allez en
Europe pour étudier les techniques
perfectionnées durant la
Renaissance. Notez la fidélité au
technique à faire dominer les détails,
mais il y a aussi une illumination
tout à fait différente du contrejour
standard des orientalistes européens,
plus évocateur du chiaroscuro, car la
rétro-illumination ne cache
aucunement le visage de l’homme.
L’aperçu de l’arrière-plan «naturel»
à travers l’arche est très italien et
donc, a ce point dans le parcours
esthétique, très classique.
Odalisque
La photographie osée (pour l’époque) inspirée par l’art orientaliste (Delacroix)
Kay Neilson, 1920, Scheherazade Telling the Tales
(la femme soumise; art nouveau; illustration pour un livre d’enfants)
L’orientalisme en Amérique, femme indienne comme odalisque
Alexandre Cabanel, L’Égyptologie 1:
Cléopâtre expérimente les poisons sur les condamnés à mort, 1887
(la femme menaçante)
L’Égyptologie 2: Art Nouveau et le décor contemporain
Lawrence Alma-Tadema, The Finding of Moses, 1904
Ici, comme dans
l’illustration précédente,
on voit les premiers pas
vers la standardisation
des motifs censés
illustrer «l’Orient»: finie
l’expérimentation osée
des premiers artistes,
nous sommes devant la
vulgarisation sur le seuil
de devenir le kitch, signe
certain que les attitudes
populaires ont changé.
Henri Matisse, Le tatouage, 1923
(modernisme); on ne peut ignorer la croix (la femme est donc copte, et surement une
chrétienne), mais aussi la forme ovale du visage «typique» des femmes orientales
L’orientalisme n’est pas véhiculé uniquement par une école académique de peinture.
L’intérêt pour l’orient à des antécédents qui remontent aux Romains, et à l’expédition de
Napoléon en Égypte en 1798. Bien sûr, Shakespeare dans le monde anglais avait popularisé
le thème avec Antony and Cleopatra (1623). Plusieurs films à son sujet ont été réalisés:
mini-séries en 1993, le film « classique » de 1963 où Liz Taylor a séduit Richard Burton,
Marcantonio e Cleopatra (Italien, 1913), pour ne pas mentionner Asterix & Obelix Missione Cleopatra (2002).
Le tout a commencé avec la guerre civile suivant la mort de Jules
César. Octave le neveu et fils adoptif de César, n’est pas content
avec la partie occidentale de l’empire. Il veut tout, surtout la partie
orientale que Marcus Antonius avait reçue, car Égypte était le
grenier à blé de Rome. Cléopâtre, pour tenter de sauver son
royaume, avait eu un fils de César et elle tente la même stratégie
avec Marc-Antoine. Il est séduit par ses charmes. Octave lance une
campagne acharnée de propagande pour justifier sa guerre civile: le
général et ancien ami de César est accusé d’avoir délaissé son
devoir et son honneur romain face à cette séductrice, qu’Octave
accuse d’être une prostituée, une toxicomane, une alcoolique; elle
veut couronner Marc-Antoine pour le transformer en roi d’Égypte:
c’est un insulte à Rome républicaine. On connait la fin: une grande
bataille navale à Actium en 31 av.-J.C. au large de la côte ouest de
la Grèce. Octave. Un an plus tard, Cléopâtre et Marc-Antoine se
suicident, et Octave devient l’Empereur Auguste.
Voilà: d’une côte: séduction, trahison, sexe, bataille, encore du sexe, vie sybaritique; de l’autre: vie
austère, devoir, « démocratie » (pour l’époque), repas de soldat (pain, fromage, vin âpre). C’est le
combat classique du principe féminin voilé par la séduction, contre le masculin dur, direct,
pénétrant. Derrière ces prises de position: l’avidité, la soif du pouvoir, la naissance d’un empire. Le
secret de la popularité de cette histoire n’est pas les émotions, mais le fait qu’elle fait un pont entre
les dynamiques du pouvoir nu et l’intimité à laquelle chaque personne a accès: désir, amour, sexe,
amitié, loyauté, trahison. L’histoire de Cléopâtre, César, Marc Antoine et Octave forme une armature
sur laquelle un individu quiconque peut construire une interprétation des dynamiques du pouvoir
desquelles il est exclu par sa station humble. Ici, le haut descend vers le bas. L’orientalisme au
niveau étatique est un jeu d’empire, mais sur le plan individuel, il est une porte d’entrée au pouvoir,
version simulacre.
Fillette afghane (Sharbat Gula), National Geographic, 1985
(photographe: Steve McCurry)
Shurbat en 2002
http://3.bp.blogspot.com/_sjGDjMPZr9A
/TFVxNS6WJoI/AAAAAAAAAXQ/2P-gKOiBIE/s400/Afghan+Girl+Now+with
+NG+Magazine.jpg
La nouvelle
orientalisation. Ici, on le
voit dans la revue de bord
d’Air Canada, que j’ai
choisi au hasard. Ces
revues se ressemblent
toutes.
De la revue enRoute (Air Canada – Star Alliance):
Background
In 2001, enRoute relaunched as a lifestyle magazine. In May 2005, we underwent
another transformation to become a publication that celebrates the travel lifestyle of
our readers. enRoute stories are infused with the idea of mobility, with travelrelated stories occurring throughout the magazine. We speak to an international
readership that is on the go, cultured and educated.
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/ce/Air.canada.a330-300.c-cfaf.arp.jpg
… suite/2
What are we about?enRoute is the place where Canada and the world
intersect. We are an upscale travel lifestyle magazine interested in
everything from wine to design, popular science to pop music. We are a
trusted and consistent source of entertainment and information about the
world and the mobile lifestyle of our readers. The magazine is smart and
fun and seeks to celebrate the excitement and glamour of air travel. As
many travellers’ first introduction to Canada, we are proudly Canadian but
never parochial about Canadian content.
…suite/3
Who are our readers? enRoute readers are highly mobile people who live,
work and play on a global scale.
Air Canada passengers (64 percent male/36 percent female) are affluent
business travellers from major Canadian cities and highly educated frequent
flyers with disposable incomes far above the national average.
http://images.usatoday.com/travel/_photos/2006/08/10/cruise-topper.jpg
… suite/4
What makes an enRoute story? A subject that will remain fresh during
our four-to-six month lead time and has a unique, unexpected angle. A tone
that is personal, highly narrative and opinionated. Stories that are about or
that illustrate a sense of mobility (not only dealing with travel but all onthe-go lifestyles) and that have a broad, international perspective (which
may or may not include a Canadian angle).
http://www.cruisewwt.com/images/HAL_Asia.jpg
… suite/5
Topics that relate to our key lifestyle areas (food, wine, spirits, wellness,
beauty, design, architecture, style, technology, consumerism, new and
traditional media, social trends and the arts (including books, music and
visual art). Fresh formats that go a step beyond traditional reportage and
essays. A forward-looking approach instead of a rehashing of the past.
enRoute makes our readers feel more tuned in to the world than they did
before picking it up. It’s like a hip, trusted friend who always gives you the
inside scoop.
http://www.cruiseholidaysnj.com/images/destinations/SoAmerica2-large.jpg
… suite/6
What does veteran concierge Frank Laino have in common with a rowdy South
African barbecue, a rock festival in Holland and a bookstore in San Francisco?
They are all part of the enRoute 100, a special compendium of our favourite people,
places and things from around the world. To read selections from the package,
including our profile of Leslie Feist see below.
FEIST CLUB With two hit albums, a top ten single and an iPod commercial under
her belt, it begs the question about Feist: Is the golden girl of indie rock ready to be
a pop star?
PARADISE BY THE DASHBOARD LIGHT Touring Dalat, Vietnam, from the
backseat of a Citroën, it’s clear why this colonial outpost is nicknamed Little Paris.
AN ODE TO THE DIVE BAR Crack open a bottle of beer and cue the jukebox.
It’s time to give the dive bar some respect.
A WEEKEND IN THE LAKE SIMCOE AREA, ONTARIO In the time it takes
to get to downtown Toronto from the airport you can make it to cottage country.
Don’t forget the skates.
THE ITALIAN SANDWICH LUXURY
GETAWAYS Mary Gostelow’s hotel picks.
STOP WATCH Readers get the green light to shoot traffic signals around the
world. Ready, set, go.
IMAGINE – EXPERIENCE THE DREAM Leisure, Luxury and Love: Sol Meliá
Hotels & Resorts and You
Le nouvel orientalisme: Où sommes-nous? (Berlin à gauche et Tokyo à droit )
Le nouvel orientalisme: Où sommes-nous? (Tokyo à gauche et Dubai à droit)
Le nouvel orientalisme se manifeste sous plusieurs formes. L’expression n’est plus limitée à un mouvement
littéraire ni aux attitudes envers le transculturel, car le système mondial, ses cultures postcoloniales et les
idéologies néolibérales ont brouillé les frontières traditionnelles. Par contre, la fusion du Nous et de l’Autre n’a pas
éliminé l’orientalisme. Par exemple, Anca Baicoianu l’utilise pour décrire une forme de victimisation qui existe
dans la culture national roumaine (« The Trap of Memory: Auto-Orientalism as Victimization », 2006,
http://www.inst.at/trans/16Nr/02_2/baicoianu16.htm, 27-11-2011), où l’exaltation de sacrifices héroïques pour la
patrie désormais inutiles, l’affirmation que le parcours national « historique » et glorieux a été interrompu par une
puissance exogène, l’idéalisation du passé (l’âge d’or) et la diabolisation du présent, le sentiment répandu que
l’« ailleurs » soit supérieure aux conditions locales, sont des manifestations d’une attitude postcoloniale (sans qu’il
ait forcément eu une étape récente de domination
coloniale); en fait, et dans le cas de la Roumanie
et d’autres pays de l’Europe de l’Est qui ont vécu
le socialisme, il s’agit d’un excès de sentiment
nationaliste qui mène à la frustration collective
après la chute des régimes qui les isolaient du
reste du monde. L’orientalisme devient
autovictimisation, une forme de nationalisme
basée plus sur la honte que l’orgueil. Voir
également Gérard Leclerc, mondialisation
culturelle : les civilisations à l'épreuve, Paris,
2000).
À gauche, Le Grande Roumanie, montrant les
territoires perdus après la 2e Guerre mondiale.