La culture au cœur de nos préoccupations,
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Transcript La culture au cœur de nos préoccupations,
La cuLture au cœur
de nos
préoccupations…
…en santé mentaLe
Quelques notions et définitions pour mieux
comprendre.
DEFINITIONS
• Selon l’OMS la santé est : "un état de complet bien-être
physique, mental et social, et [qui] ne consiste pas
seulement en une absence de maladie ou d’infirmité".
• "La santé mentale cristallise beaucoup de passions et de
peurs. Elle est au carrefour de nos angoisses, de la
souffrance, du mal être, de la maladie et de l'exclusion".
Simone Veil.
• Il n'y a pas de définition de la santé mentale qui fasse
l'unanimité parce qu'il n'existe pas de critères objectifs
universellement acceptés pour parler de la santé mentale.
La maladie mentale
• D'après la définition retenue par l’OMS, une
maladie mentale survient lorsqu'un individu ne peut
« se réaliser, surmonter les tensions normales de la
vie, accomplir un travail productif et contribuer à la
vie de sa communauté ».
• La compréhension de la santé mentale diffère selon
les époques et les cultures, de même que sa
définition.
Perception de la santé
mentale à la Réunion
• La maladie mentale et ce qui l’entoure, est pour
beaucoup d’entre nous un questionnement.
• À la Réunion, quand une personne « perd la
raison », on entend souvent:
– « Li la ni fou! », « Domoune la zette un sort su li/elle
», « Li la pa respek son carème » , “Sa, zafèr lo diab,
sa”
• Cette interprétation traditionnelle des désordres s’organisent autour
d’une:
• Causalité animiste « sa zafer le diable sa ». La maladie est attribuée
à l’action directe d’une entité surnaturelle – esprit; mort; divinité.
• Causalité magico-religieuse « domoune la zette un sort ». La
maladie est attribuée ici à l’action secrète d’une personne envieuse ou
jalouse, malveillante et qui aurait recours à des moyens magiques pour
nuire à ses victimes. Plus précisément cela nous renvoie à l’attaque en
sorcellerie.
• Causalité mystique:« li la pas respecte son carême », ici la maladie
est une conséquence d’un acte ou d’une expérience de la victime, hors
de toute intervention surnaturelle. Elle nous renvoie au destin, aux
sensations néfastes- rêves, visions, à la contagion -contact avec une
personne, un objet impurs, au châtiment mystique dans le cas de
violation de tabous alimentaire; sexuel. Nous retrouvons dans cette
catégorie, les ruptures d’hommages envers les divinités, les
ancêtres……
• Cela résulte de notre héritage culturel, qui est très
important. Il y a un métissage dans la population
réunionnaise, métissage que l’on retrouve également
chez les professionnels, dans nos services
hospitaliers.
Dans un service de psychiatrie
• Concrètement, sur le terrain:
le patient est admis dans
notre service pour un motif
psychiatrique ou
psychologique.
• Comme dans tous les
services un recueil de
données est fait auprès du
patient, mais aussi auprès de
la famille dès que cela est
possible.
• Dans beaucoup de cas de figure, le
patient dit lui même avoir été «
ensorcelé », « possédé», « Lé
amaré », « Néna bébête su moin »,
« La met’le sort su moin », « Sa mon
voisin la amare a moin »..
• Personnellement je n’ai jamais été
surprise par ces propos car je partage
la même culture que ces patients.
• En revanche d’un point de vue
médical, on parle d’emblée de «
délire », et la prise en charge
thérapeutique débute la plupart du
temps par un traitement
médicamenteux. Il faut dire que
généralement, les psychiatres
nouvellement arrivés n’ont pas tous
une connaissance culturelle suffisante
pour une prise en soin globale du
patient.
• Exemple: selon leur origine
culturelle, les familles demandent
régulièrement à ce qu’un
«guérisseur », un prêtre, un swami
ou même quelque fois un
« sorcier » interviennent dans le
service auprès de leur patient. Des
permissions sont aussi demandées
pour que le patient aille « se faire
exorciser ».
Aussi, souvent les entretiens
médicaux finissent sur ces mots:
« Mi coné pi », « Mon têt’ lé
vid »’ »Je ne sais pas » « Ma pou
bloqué »…
• Tous ces mots traduisant la solitude
élaboratrice, la rigidification et la
rupture de la communication dont
parle Mme M.Rose MORO
• La Rencontre ne se fait pas. Elle n’est pas
possible, chacun restant sur ses représentations.
• Dans ce cas, il ne serait plus question de « Soin »,
car le patient et sa CULTURE ne serait plus au
centre de nos PREOCCUPATIONS…
La culture
• La Culture c’est « l’ensemble des usages, des coutumes, des manifestations
artistiques, religieuses, intellectuelles qui définissent et distinguent un groupe,
une société.
• Les valeurs, les croyances, les normes et les pratiques apprises et partagées par
un groupe particulier et qui orientent leur pensée, modèlent leurs décisions et
leurs actions. »
• Ces représentations
culturelles varient d’une
culture à une autre.
• Elles permettent aux
membres de cette société
d’appréhender le Monde et
d’attribuer un sens aux
évènements d’une manière
homogène, en leur
favorisant une grille de
lecture, transmise de façon
implicite au travers de
représentations culturelles
communes.(Madeleine
Leininger)
• Pour des familles les rites et les
croyances religieuses et/ou
culturelles occupent une place
importante dans leur quotidien.
Pour beaucoup d’entre elles,
l’abandon de ces « Pratiques et
rituels », pourrait provoquer « le
Malheur ».
• De la naissance à la mort, notre vie coule de passage
en passage, étapes souvent difficiles et
contradictoires; moments des crise, remise en
question de soi, de ses valeurs…de ce qui fait une
vie au quotidien.
Il arrive que le mal soit tellement important et brutal
qu’on ne sache plus quoi faire.
• Ceux qui nous entourent, familles, amis, sont parfois
eux-mêmes déstabilisés. Quelque chose ne
fonctionne plus. C’est souvent dans de telles
conditions que nous arrivent nos patients.
• C’est dans un contexte semblable que nous est
arrivée Juline.
Histoire de Juline
• Juline est un jeune malbaraise de 19 ans. Elle
est hospitalisée pour troubles du
comportement qui évoluent depuis 5 jours.
• Selon ses parents, depuis une vingtaine de
jours, elle est instable, elle dort mal et ne
s’alimente presque plus.
• Elle leur dit entendre des morts lui parler. Elle
est agressive envers ses parents et utiliserait
selon eux un langage incompréhensible.
• A de nombreuses reprises elle a été retrouvée
errante dan le quartier, comme guidée par ses
hallucinations.
• Ne pouvant plus prendre en charge leur fille
face à ce comportement, la famille consulte le
médecin de famille qui prescrit
l’hospitalisation.
L’HospitaLisation
L’accueiL
Dans le service la patiente est agitée, elle
déambule, entre dans les bureaux de façon
intempestive.
Elle parle des « morts » qui lui donnent des
ordres, qui la regarde « avec un regard
méchant ».
Elle est partiellement désorientée.
L’entretien inFirmier
Dans le bureau, Juline adopte une attitude d’écoute.
Elle nous dit avoir peur de ces voix qui lui parlent,
nous fait part de son angoisse.
Elle se coupe souvent de la réalité, se lève de sa chaise
sous l’emprise de ses hallucinations. Elle ne
comprend pas ce que disent ces voix.
L’entretien est de courte durée du fait de son état.
1er Entretien avec la famille
La famille nous confirme le comportement de Juline
depuis une vingtaine de jours. Les parents sont
inquiets pour leur fille et culpabilisent de l’avoir fait
hospitalisée.
Pour eux rien ne laissait présager cette situation; pas
de conflit dans la famille et sur le plan des études
tout semble bien se passer.
Pour eux Juline est une fille comme les autres.
LA PRISE EN SOIN
Le médecin diagnostique une bouffée délirante
aiguë ( BDA), et lui prescrit un traitement par
neuroleptique et sédatif.
Au bout de quelques jours l’état de santé de
Juline s’améliore, mais persistent quelques
éléments, entre autre des rêves récurrents, des
morts lui rendent visite.
La prégnance de cette relation morbide est
importante.
Malgré une instabilité persistante, elle participe
aux ateliers et s’adapte assez facilement à la
vie du service.
Au cours d’un entretien infirmier, elle nous fait
part d’une relation amoureuse platonique avec
un lycéen, créole. Ses parents ne sont pas
encore informés de cette relation. La patiente
est angoissée dès qu’elle aborde ce sujet.
2ème entretien avec la
famille
Son père est coupeur de cannes et sa mère est
femme au foyer et fait parfois quelques heures
de repassage pour des particuliers.
Juline a 2 grands frères et une sœur plus jeune
qu’elle. Les parents la décrivent comme une
fille docile et travailleuse, proche de sa mère.
Elle est en Bac Pro secrétariat dans lycée du
Sud.
La famille nous informe que l’apparition des
troubles s’est faite progressivement, avec des
attitudes d’écoute et une agitation nocturne.
Les parents ne trouvent aucune explication
rationnelle à la maladie de Juline et se
questionnent sur un « un mauvais sort » jeté
peut-être par « jalousie ». La famille se sent
impuissante.
A l’interrogation du
psychiatre quant à la
présence des morts dans
le discours de Juline, la
mère parle de la relation
affective importante de
cette dernière avec sa
grand-mère maternelle,
décédée il y a environ 2
ans. Elle fait le lien
entre les troubles de
Juline et cet évènement.
Interprétation
classique
Ce qui en ressort des
entretiens individuels
avec le médecin:
- L’angoisse de Juline
reste liée à sa relation
amoureuse et au conflit
qu’il pourrait engendrer.
Se pose pour elle en
effet la question sur
leurs différentes
pratiques religieuses et
de l’importance qu’elle
revêt pour sa famille.
- L’instabilité, le sommeil et l’alimentation ne
semblent pas présenter de particularités.
Les modifications intervenues sont directement
liées à ses hallucinations qui ont d’ailleurs
totalement disparus quelques jours après
l’hospitalisation.
Le passage de l’adolescence à la vie de jeune
femme paraît être une source d’inquiétude
importante pour les parents, surtout pour la
mère.
La formation se déroulant loin du milieu familial,
amplifie l’inquiétude de cette dernière, d’autant
plus que Juline est amoureuse.
Au bout d’une dizaine de
jours Juline va mieux, est
plus stable, n’a plus
d’attitude d’écoute et n’a
plus d’hallucinations.
Elle reste pourtant inquiète de
la présence des morts dans
ses rêves, persuadée que
cela ne laisse rien présager
de bon pour elle et sa
famille.
→ Juline sort avec un
traitement neuroleptique
léger.
Trois semaines plus tard, elle se rend en
consultation au CMP pour un RDV avec le
psychiatre et un infirmier. Elle est
accompagnée de sa mère.
Depuis sa sortie elle a donc repris sa formation,
cependant la présence de morts dans ses rêves
perdure.
Interprétation à
dimension culturelle
Juline et sa famille entretiennent
une relation privilégiée avec
un infirmier sensibilisé à
l’impact des croyances dans
les troubles psychiatriques..
Il aborde avec eux la protection
des enfants chez les tamouls:
- Autour de la grossesse et de la
naissance
- Autour des morts
- Il parle du mauvais sort et de
la jalousie évoqués par la
mère.
L’ IDE apprend ainsi que des
offrandes à la déesse
Pétiaye ( divinité d’origine
tamoule invoquée pour la
fécondité, la protection des
femmes enceintes et des
enfants), ont été faites pour
tous les enfants.
Cependant ces rituels se sont
arrêtés depuis quelques
années.
Père et mère n’en disent pas
plus sur ce sujet.
En ce qui concerne les naissances et les grossesses, la mère lui
confie que son premier bébé, une fille, est mort-née.
Elle confie son angoisse de perdre Juline quand elle a su le
sexe de son bébé àl’échographie.
Déjà chez sa propre mère existaient des problèmes liés à la
naissance des filles.
Il apprend aussi que la grand-mère jouait un rôle très
important dans la régularité des rituels de protection
des enfants.
C’était en effet celle-ci qui rappelait aux parents les
dates des cérémonies.
Concernant la possibilité d’un « mauvais sort », les
parents parlent des discordes au sein de leur famille,
de la jalousie et des ruptures de relation.
La relation particulière de Juline et sa grand-mère
semblait être mal vécu par le reste de la famille.
A la visite suivante la mère raconte à
l’IDE qu’elle a rêvé, deux nuits de
suite, qu’une femme toute vêtue de noir
venait la voir et que cela lui semblait
signifier quelque chose.
Un travail se fait alors autour de ces
rêves, du sens que cela peut avoir dans
sa culture.
• Plusieurs hypothèses sont émises:
- Le visage de la grand-mère venant signifier quelque
chose.
- Rappel par une figure divine de la nécessité de
reprendre leur rituel.
- Annonce de mauvais présages.
• La possibilité pour la famille d’utiliser
les éléments culturels pour expliquer
les difficultés de leur fille crée une
véritable dynamique.
• L’ALLIANCE THERAPEUTIQUE
EST FORTE!
L’importance de La prise
en compte des cultures en
soins psychiatriques
• L’histoire de Juline n’est pas unique. Elle nous
rappelle que de nombreuses autres histoires
prennent du sens quand on accorde aux
patients et à leurs familles la possibilité de
parler d’eux, avec leurs mots, leur ressenti en
faisant référence aux « maux » de leur culture.
• Ce qui nous montre encore une fois comment
l’appartenance à une culture,
à une
religion, structure notre perception du monde.
• Dans le cadre des soins de santé mentale, la
culture a des répercussions sur la façon dont
les gens:
• qualifient et communiquent leur détresse;
• expliquent les causes des problèmes de santé
mentale;
• perçoivent les soignants et
• utilisent les traitements et y réagissent.
• Traditionnellement, la culture offre un soutien
lors des étapes de passage qui scandent le
cycle de la vie: naissance, adolescence,
mariage, mort. L’Homme moderne est
supposé trouver en lui-même les ressources
pour franchir les étapes et les épreuves de cette
vie.
• Mais en cas de crise, souvent, l’Homme qui ne
s’est pas approprié sa propre culture, n’a
d’autre recours que de se tourner vers un
psychothérapeute.
Refuser le cadre des traditions
culturelles, religieuses ou
scientifiques pourrait contraindre à
affronter seul le réel.
• Notre pratique au quotidien
nous apprend que le traitement
des seuls symptômes ne soigne
pas ce qui est la cause du malêtre, de la souffrance, de la
limitation dans la
communication avec les autres.
• Toute maladie a une
signification et celle-ci est
confrontée aux multiples
interprétations:
•
- celle du soignant qui
renvoie à la culture savante.
- celle du patient, de la
famille, qui renvoie au vécu.
• L’histoire de Juline nous montre à quel point
l’alliance thérapeutique , le travail
d’élaboration et d’historisation de la maladie,
ont permis une prise en soins efficace.
• L’intérêt et le respect du soignant, pour la
pratique religieuse et culturelle de cette
famille, ont été bénéfiques à une évolution très
favorable.
•
Notre expérience
réunionnaise nous montre
que la prise en compte de la
culture dans la prise en soins
des patients, est un élément
incontournable en
psychiatrie.
• Prendre en charge et parler
de la maladie mentale à La
Réunion, nous appelle à
porter un autre regard sur
celle-ci; car le Vécu de la
maladie et les explications
qui s’y rapportent sont
tributaires de la culture
locale.
Conclusion
• Nous pouvons donc l’Affirmer et le
Confirmer:
« La culture, au cœur
de nos
préoccupations »…
• Mme Mammosa Mylène, Infirmière
D.E en Psychiatrie III. CHR
ST PIERRE.
• Mme Caro Maud, Cadre de santé
PAV7 Psychiatrie III. CHR
St PIERRE.
• Mme Lebon Isabelle, Infirmière D.E en
psychiatrie III CHR St PIERRE.