Diapositives - Laboratoire de Didactique des Mathématiques

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Transcript Diapositives - Laboratoire de Didactique des Mathématiques

Concept de fonction ou modélisation
fonctionnelle ?
Quelques pistes de réflexion pour
l’enseignement secondaire et/ou universitaire
Pierre Henrotay
Pierre Job
Maggy Schneider
CDS, 9 décembre 2011
Plan de l’exposé
 Le caractère unificateur du concept de fonction
 Deux faits divers qui illustrent des carences
dans l’enseignement
 Une étude critique des transpositions
didactiques habituelles
 Approfondissement de l’exemple de la
désintégration radioactive
 Des modèles qui donnent lieu à une étude plus
théorique
 Conclusion
Un concept unificateur
 De nombreux chercheurs (Artigue, Robert, …)
soulignent le caractère unificateur et généralisateur du
concept de fonction, associé à un nouveau formalisme
 Mais pensent ce caractère unificateur au niveau des
fondements des mathématiques, le concept de fonction
étant défini comme triplet particulier d’ensembles et
recouvrant aussi bien des transformations géométriques
que les fonctions de l’analyse ou les opérateurs entre
espaces fonctionnels
Un rôle unificateur au niveau
de la modélisation déjà
Le concept de fonction peut être vu comme
concept unificateur au niveau des fondements des
mathématiques, c’est-à-dire dans une organisation
déductive, mais aussi à un niveau plus
« élémentaire », comme outil de modélisation et
de catégorisation de phénomènes extra ou intramathématiques
l’exemple du calcul intégral
Des problèmes qui relèvent de la
même catégorie fonctionnelle
Les fonctions sont des outils de
classement des problèmes
Pour Archimède, ces problèmes sont distincts même
s’ils relèvent tous deux de la méthode d’exhaustion
Pour nous, c’est le même problème : primitive d’une
fonction du second degré ou limite de sommes de
Riemann de même structure
« Mais pour qu’on ait le droit de voir là un “ calcul
intégral ”, il faudrait y mettre en évidence, à travers la
multiplicité des apparences géométriques, quelque
ébauche de classification des problèmes suivant la
nature de “ l’intégrand ” sous-jacent. Au XVIIe siècle,
nous allons le voir, la recherche d’une telle classification
devient peu à peu l’un des principaux soucis des
géomètres » (Bourbaki)
Les fonctions sont des outils
de classement des problèmes
 En amont d’une définition générale du concept
de fonction dans un projet de fondement : une
classification algébrique de modèles
fonctionnels paramétrés qui donnera prise aux
techniques de dérivation et de primitivation…
 Possibilité d’une initiation à un tel regard dès les
premières années du secondaire : cf. l’ingénierie
relative aux problèmes de suites de nombres
figurés (Krysinska)
La modélisation fonctionnelle comme
parent pauvre de l’enseignement
Deux faits divers qui désignent un « manque à
enseigner » :
 Question testée par la commission des outils
d’évaluation relative aux compétences
terminales en mathématiques
 Question posée à l’épreuve du baccalauréat
français de 2003
Question testée par la commission
des outils d’évaluation
Un détecteur à scintillations est utilisé pour mesurer la radioactivité
d’un échantillon. L’activité d’un échantillon est évaluée par le nombre
d’impulsions par minute que reçoit le détecteur; elle varie avec le
temps et peut être décrite par un type de fonction que tu as étudié.
On te demande de construire un graphique à partir des données du
tableau, puis de déterminer une fonction qui modélise le phénomène
et ensuite de discuter l’adéquation de ton modèle aux données
fournies.
(Dans certaines versions, on fait référence au modèle exponentiel)
Temps
jours)
t
(en 0
Activité A
1000
(impulsion/min)
30
60
90
120
150 180
210
240 270
869
797 701 571
474 417
348
291 262
Question testée par la commission
des outils d’évaluation
Résultats négatifs des tests :
Difficultés des élèves :
 à identifier un modèle adéquat, le cas échéant
 à exploiter la régularité numérique du tableau
 à paramétriser le modèle ou à le faire convenablement
 à ajuster le modèle et exploiter le tableau pour juger de
son adéquation
Question testée par la commission
des outils d’évaluation
Interviews des élèves et des professeurs qui permettent
de supposer un « manque à enseigner » que l’analyse
de la transposition didactique standard permettra de
confirmer :
• « Je ne savais pas comment mettre l'énoncé et le problème
demandé en rapport avec la théorie et les exercices faits en
classe ». (un élève)
• « Avant ce test, je n'avais jamais proposé ce type d’exercices à
mes élèves. Les résultats le prouvent... Il me faudra mieux
préparer mes élèves à ce type d'exercices ». (un professeur)
Question proposée à l’épreuve 2003
du baccalauréat français
Dans les instants qui suivent l'ensemencement du milieu de
culture, on considère que la vitesse d'accroissement des
bactéries est proportionnelle au nombre de bactéries en
présence. Dans ce (…) modèle, on note f(t) le nombre de
bactéries à l'instant t (exprimé en millions d'individus). La fonction
f est donc solution de l'équation différentielle : y' = ay (où « a »
est un réel strictement positif dépendant des conditions
expérimentales).
Résoudre cette équation différentielle, sachant que
f(0) = N0
On note T le temps de doublement de la population bactérienne.
Démontrer que, pour tout réel t positif :
f(t) = N02t/T
Question proposée à l’épreuve 2003
du baccalauréat français
Polémique suscitée par cette question, jugée « en
rupture » par rapport aux pratiques enseignantes :
« [… le problème posé] n’a rien de standard. D’abord, il essaie
de refléter certaines des intentions nouvelles des programmes,
en se situant dans un contexte d’évolution de population en
biologie. (…) Ce qui a été fortement critiqué, c’est la façon dont le
problème a été inutilement compliqué, dès le début, par
l’introduction de nombreux paramètres. L’usage des paramètres
est au lycée très réduit et les élèves ne sont pas habitués à
effectuer des calculs impliquant plusieurs paramètres ».
(M. Artigue)
On retrouve ici le même « manque à enseigner »
Une démarche à enseigner
Dans les deux faits divers décrits, il s’agit de
•
choisir un modèle fonctionnel parmi d’autres;
•
le paramétrer convenablement;
•
ajuster les paramètres;
soit à partir d’un tableau ou d’un graphique, soit à partir d’une
équation différentielle et de ses conditions spécifiques
Traiter, si possible, des aspects proprement expérimentaux
mentionnés par les « scientifiques » ou professeurs de sciences :
hypothèses qui permettent la formulation de l’équation
différentielle; mise à l’épreuve des paramètres comme
constantes expérimentales
Exponentielles et Logarithmes
Fonctions reines des Sciences
Evidente omniprésence de ces fonctions, à côté des
fonctions trigonométriques
Dans les manuels de Math : une profusion d’exemples
d’application
Question légitime :
Les élèves sortant de l’enseignement secondaire
maîtrisent-ils ces notions fondamentales ? Sont-ils
formés à identifier ces familles de fonctions comme
outils de modélisation ?
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Que disent les programmes (CF) ?
Compétences (extrait)
 Modéliser des problèmes de manière à les traiter
au moyen des fonctions logarithmique et
exponentielle
 Interpréter un graphique en le reliant au problème
qu’il modélise
 Dégager les propriétés communes d’une famille de
fonctions
Conseils méthodologiques (extrait)
 On traitera quelques applications, par exemple :
problèmes démographiques, économiques ou
scientifiques
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Que disent les programmes (FESeC) ?
Où va-t-on ? (extrait)
 Ces outils permettent de résoudre des problèmes
scientifiques (radioactivité, pH, acoustique,
médecine, biologie), sociaux (démographie,
écologie), économiques (calcul d'annuités)
Résoudre un problème
 Interpréter un graphique en le reliant au problème
qu’il modélise
 Résoudre un problème issu des mathématiques,
des sciences, de l’économie, … au moyen des
fonctions logarithmes et/ou exponentielles
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Une transposition classique aujourd’hui
 Séquence traditionnellement suivie (Math 4H et 6H) :
 Fonctions réciproques
 Exponentielle
 Logarithme
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Une transposition classique aujourd’hui
 Exponentielle
 Rappels sur les puissances
 Proposition d’étendre aux exposants irrationnels
 Détail des propriétés (acceptées)
 Etude de « la » fonction
 Etablissement de la dérivée
 proportionnalité à « la » fonction
 définition et existence du nombre d’Euler
 Logarithme
 Définitions, propriétés, dérivée… via la fonction
réciproque de l’exponentielle
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Une transposition classique aujourd’hui
 Equations et inéquations exponentielles et logarithmiques
 Etudes de fonctions
 Applications
 Désintégration radioactive
 Acoustique
 Sismologie
 Intérêts composés
 Graphiques lin/log et log/log
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Regards sur cette transposition
Dans l’introduction :
 Actes de foi répétés demandés aux élèves
 Nécessité du prolongement continu, propriétés
 Tentatives d’appel à l’intuition
 essais de légitimation pas toujours évidents
 recours à des SA et SG mais omniprésence des rationnels
 Difficulté des élèves à
 Y voir plus qu’un produit
. x1 )
 Distinguer des puissances (dérivée en xa
 Franchir l’obstacle : puissances négatives et
fractionnaires
 Travailler la notion de réciproque
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Regards sur cette transposition
 Malaise vis-à-vis du mot « fonction »
 Peu de réflexion sur « famille »
 Or des possibilités sont offertes
 Equations et inéquations : strict aspect calculatoire ?
 Etude de fonction plutôt que de classes paramétrées
 Longue énumération d’applications
 Quel intérêt réel, puisque peu ou pas travaillé ?
 Parfois artificiel (intérêts composés) ou anecdotique
(origine du jeu d’échec) – ici les SG suffisent
 Accepté, pas ou peu modélisé
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Elèves compétents ou pas ?
Des résultats négatifs
Krysinska (2007) – Hypothèse
 On a les indices d’une absence d’enseignement
relatif à la modélisation fonctionnelle et d’un rapport
institutionnel adéquat aux signes qui permettent de
l’outiller : graphiques, tableaux et formules
paramétrées
 C’est le prix payé par l’importance attachée à
l’étude de fonction, qui ne rend pas apte à
modéliser
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Des applications scientifiques à profusion
Une bien longue liste… pour se donner bonne conscience ?
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Regards sur une application couramment
proposée
 Application couramment choisie comme illustration des
exponentielles : la désintégration radioactive
 Inévitablement suivie d’exercices sur la datation par le 14C
 Extrait choisi :
« La loi de Rutherford et Soddy décrit la
désintégration des éléments radioactifs au cours du
temps : N (t)  N et
0
Cette loi est déduite de l’hypothèse que le nombre
d’atomes diminue en fonction du temps,
proportionnellement au nombre d’atomes et à
l’intervalle de temps N  N t »
… Réécriture rapide en : N '(t)  N (t)
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Regards sur une application couramment
proposée
Peu de précautions prises :
 N est a priori un entier, t un intervalle fini
 Le nombre de noyaux qui se désintègrent n’est pas
observable directement (on ne connaît d’ailleurs
pas la quantité initiale)
 Il s’agit d’un phénomène aléatoire (Von Schneidler
1905, Congrès de Liège pour la radiologie)
 on suppose la probabilité de désintégration constante
avec le temps et identique pour tous les noyaux, présents
en grand nombre
 la rencontre des lois binomiale et de Poisson est en
général pour bien plus tard
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Regards sur une application couramment
proposée
 Le contexte expérimental et historique est éclipsé
1903 Rutherford et Soddy « Radioactive Change »
 L’activité (à l’époque, le nombre de particules
émises/s) diminue avec le temps de façon prévisible
 l’observation expérimentale est une mesure de la
variation d’un taux sur un intervalle de temps
 Le résultat : le taux de désintégration relatif est
constant dans le temps; donc en réalité : on relie des
accroissements à des accroissement s
 Rutherford &Soddy : R(t)  R et
0
 C’est un phénomène complexe car on a affaire à
plusieurs chaînes (familles) radioactives
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Regards sur une application couramment
proposée
La datation au 14C est également présentée sans
précautions particulières, or :
 Elle repose sur un « principe d’actualisme » : le rapport
14C/12C est supposé constant
 Elle suppose qu’à la mort, il n’y a plus d’apport en 14C
 Elle est imprécise au-delà de plusieurs périodes, vu les
petites quantités concernées
 Elle ignore certaines variabilités dans la production du
14C
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Regards sur une application couramment
proposée
 Dans un article de 2006 (repères n° 65, IREM), sur « la
mise en avant de la coopération exemplaire entre
mathématiciens et physiciens qui a donné lieu à
l’introduction de l’exponentielle en mathématiques à partir
de l’étude de la radioactivité en physique », Ferrier pose
la question : « Y a-t-il eu un mathématicien dans la
salle ?»
 On peut également adjoindre la question réciproque : « Y
a-t-il eu un physicien dans la salle ? »
 Il y a un danger à proposer, dans un souci louable
d’interdisciplinarité, des exemples certes fondamentaux
mais abordés superficiellement ou de façon réductrice
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Regards sur une application couramment
proposée
 Désintégration: 2 importantes hypothèses sous-jacentes
 Invariance dans le temps
Le nombre de noyaux N(t1+t2) restant au bout du temps
t1+t2 est égal à celui restant après t2 à partir d’un stock
N(t1)
 Proportionnalité au stock initial
Si on double la quantité de matière, on double le nombre de
désintégrations
 On en déduit la relation fonctionnelle :
N(t1+t2)/N(t2)=N(t1)/N(0)
 Quid d’une approche basée sur
les équations fonctionnelles ?
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Equations fonctionnelles et probabilités
 Une relation qui peut être revisitée par les probabilités
 F(t) = probabilité pour qu’un noyau se désintègre
entre les instants 0 et t
 Ne pas vieillir : la probabilité qu’a un noyau non
désintégré à l’instant t de se désintégrer dans les s
unités de temps suivantes ne dépend que de s
 Probabilité de se désintégrer entre t et t + s =
probabilité de ne pas se désintégrer entre 0 et t
multipliée par la probabilité conditionnelle de se
désintégrer entre t et t + s sachant que le noyau
existe encore à l’instant t
 Probabilité de ne pas être désintégré à l’instant t : 31
G(t + s) = G(t)G(s) avec G=1-F
Extraire et étudier les modèles
 Dans une culture où il n’y a pas de limites de croissance,
la vitesse d’accroissement du nombre de bactéries est
proportionnelle à tout moment au nombre de bactéries
existantes. Si l’on constate que ce nombre double en 4
heures, que vaudra-t-il au bout de 8 heures ?
 De cet énoncé « scolaire » et d’autres analogues
(radioactivité, refroidissement d’un corps, … ) on fait
apparaître un unique modèle :
f ’(x) = k f(x)
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Extraire et étudier les modèles
Une exploration graphique :
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Extraire et étudier les modèles
Un modèle continu qui suppose des observations de l’ordre
du discret. Par exemple, pour le nombre de bactéries, on
observe des rapports constants sur de mêmes intervalles
de temps :
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Extraire et étudier les modèles
La forme exponentielle, le lien avec l’autre équation
fonctionnelle et les conséquences dont :
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Construction progressive d’un
circuit théorique
Conclusion
Construire les fonctions exponentielles et
logarithmiques comme solutions d’équations
fonctionnelles : pour quels élèves ou étudiants,
pour quel niveau, pour quel type de cours ?
Vaste sujet de débat
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