Saint Pierre Julien Eymard Réalisation, Xavier Maugère Marly, Juin 2009 Sa naissance Pierre-Julien Eymard est né le 4 février 1811 à La Mure (Isère) dans une.

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Transcript Saint Pierre Julien Eymard Réalisation, Xavier Maugère Marly, Juin 2009 Sa naissance Pierre-Julien Eymard est né le 4 février 1811 à La Mure (Isère) dans une.

Saint Pierre Julien
Eymard
Réalisation, Xavier Maugère
Marly, Juin 2009
Sa naissance
Pierre-Julien Eymard est né le 4
février 1811 à La Mure (Isère)
dans une modeste famille
d'artisans, profondément
chrétienne. Il est baptisé le
lendemain de sa naissance.
Parrain-marraine : son Frère
Antoine et sa sœur Marianne.
« J'ai vu les grâces qui ont fait la
dotation de mon baptême,
immenses:
– cette filiation de Dieu,
– membre de Jésus-Christ, enfant
de l'Église, frère des saints,
– droit à la grâce, à la gloire de
Jésus-Christ.
Ce qui m'a fait pleurer, c'est de
voir mes trois vocations, à la vie
pieuse, sacerdotale et religieuse. »
NR 44,21
Enfance et jeunesse (1811-1834)
Très tôt, il manifeste une piété vive
envers le saint Sacrement et exprime son
désir d'être prêtre, lors de sa première
communion le 16 mars 1823.
« Quand je pressai Jésus sur mon cœur :
je serai prêtre, lui dis-je, je vous le
promets ! » Trente ans plus tard, ce
souvenir arrachait des larmes au P.
Eymard. « Quelles grâces le Seigneur
m’a faites à ma 1ère communion, disaitil ! Oui je le croix, ma conversion fut alors
sincère et parfaite. »
A. Tesnière. AG p 24
Mais son père s'oppose à son projet.
C'est au sanctuaire de Notre-Dame du
Laus qu'il trouve le réconfort qui lui
permet de persévérer dans sa décision.
Tout en travaillant à l'atelier familial, il
apprend le latin en cachette pour se
préparer au séminaire.
Finalement, son père le laisse partir et, au mois de juin 1828, il entre chez les
Oblats de Marie Immaculée à Marseille. Après quelques mois, faute de santé, il
doit quitter le noviciat.
« J'ai bien été un peu comme Jacob, toujours en chemin. – Et tout cela, c'était
pour m'amener à la vocation eucharistique. Il me fallait Marseille pour m'en donner
l'amour exclusif, le centre. – Lyon, pour m'en donner l'exercice et me mettre sur le
chemin du Cénacle. Puis, ce cher Cénacle, à l'heure de Dieu. » NR 44,22
Institut des oblats de Marie à Marseille
Il revient à La Mure pour se soigner. Son père meurt le 3 mars 1831. Rétabli, à la
Toussaint 1831, Pierre-Julien rentre au grand séminaire de Grenoble.
Appréciation des directeurs du séminaire : Piété : très bien- Talent : bien.Prédication : très bien.- Education : très bien – Caractère : très bon.- Chant : très
bien.- Santé : mauvaise AG 35
Trois ans plus tard, le 20 juillet 1834,
il est ordonné prêtre par Mgr Philibert
de Bruillard.
Se voulant rassurant à propos de sa
santé, Mgr Bruillard écrivait à l’abbé
Eymard. : « Ma bienveillance pour
vous a tout prévu. Le poste que je
vous destine est dans un climat fort
doux. Vous serez auprès d’un curé
plus doux encore. » AG 40
Fort généreux pour les pauvres, on
appelait l’abbé Eymard, le panier
percé. AG 41
Prêtre du diocèse de Grenoble (1834-1839)
Pendant cinq ans, il exerce son ministère au service du diocèse, d'abord comme
vicaire à Chatte puis, à partir de juillet 1837, comme curé de Monteynard près de
La Mure. Il se consacre entièrement à son ministère et se soucie d'approfondir sa
formation intellectuelle et pastorale. Les sermons de cette époque montrent le soin
qu'il apporte à leur rédaction, et le Vade mecum, qu'il commence en 1836 comme
un journal de bord, trace le programme d'études qu'il s'impose quotidiennement.
AG 46/ Quelques témoignages :
« Presque tous les dimanches, il faisait des
sermons familiers à la messe de 10 heures et il
avait changé le monde totalement par son
enseignement
Dès la 1ère année, il confessa tant de monde
et converti tant de pécheurs en retard pour
leurs devoirs que l’église était dans la journée
envahie par les femmes.
C’était un confesseur doux et de bon conseil.
Quand on sortait de son confessionnal, je me
rappelle bien ce souvenir, on était content et
encouragé dans la pratique du devoir.
Nous n’en aurons jamais plus comme celui-là.
Il est trop bien, nous ne le garderons
pas. »
Chapelle de Monteynard
Les Retraites annuelles témoignent de sa vie spirituelle, austère, teintée de
jansénisme, centrée sur la croix de façon doloriste. – Sur ce point, une grâce
singulière, reçue au calvaire de Saint-Romans, au cours de ses années chattoises,
annonce et amorce un changement: elle l'ouvre à une spiritualité marquée par
l'amour: c'est la grâce du Rocher de Saint-Romans.
« N'oubliez pas mon rocher, sa chapelle, sa belle vue. Oh! l'heure délicieuse que j'y ai
passée il y a quelques années, sur le déclin d'une belle journée! Je sentais mon âme
jouir d'une paix et d'une méditation qu'on n'oublie jamais. » CO 263,1
« Mais pour arriver à cette oraison de vie, il faut travailler beaucoup à s'oublier soimême, à ne se rechercher en rien dans l'oraison; il faut surtout simplifier le travail de
l'esprit par la vue simple et calme des vérités de Dieu. Le secret de cette vue simple
c'est de voir de prime abord les choses sous le côté de la bonté de Dieu pour l'homme,
la raison de cette grâce, ce qu'elle a coûté à Notre Seigneur, son actualité, sa
permanence pour nous.
Quand l'âme a le bonheur de trouver ce bon côté, l'oraison est plutôt une contemplation
délicieuse, où l'heure passe vite. » CO 2011,1
Par son zèle pastoral, en peu de
temps, l'abbé Eymard renouvelle
sa paroisse. Il garde néanmoins
l'attrait de la vie religieuse. Après
des atermoiements, Mgr de
Bruillard l'autorise à quitter le
diocèse et à entrer chez les
Maristes.
Prêtre mariste (1839-1856)
À Belley (1839-1844)
Le 20 août 1839, l'abbé Eymard commence son noviciat à Lyon. Au mois de novembre
1839, le P. Jean-Claude Colin, supérieur général, lui confie la tâche de directeur
spirituel au collège séminaire de Belley. C'est là qu'il fait profession religieuse le 16
février 1840. Son ministère auprès des enfants et des jeunes est des plus fructueux.
De cette période, Eymard a laissé peu de documents: ses retraites personnelles, des
instructions difficilement identifiables. Il amorce une correspondance avec sa sœur,
des confrères et des familles amies.
Père J.C. Colin
À Lyon (1844-1851)
Au mois de novembre 1844, le P. Colin l'appelle à Lyon comme provincial, avec la
fonction d'assistant général. Pendant sept ans, il est associé au gouvernement de la
Société de Marie, et à partir de 1846 comme visiteur général. Au mois de décembre
1845, le P. Colin lui confie la direction du Tiers-Ordre de Marie. Le P. Eymard va
s'investir dans le développement de cette branche séculière mariste avec le zèle qu'il
apporte en tout. Le Tiers-Ordre va se diversifier en différentes branches, selon les
états de vie: les vierges, les mères chrétiennes, les petites filles, les jeunes gens, les
hommes mariés, et même un groupe sacerdotal.
Collège mariste
CO 47,1 « Maintenant il me reste une nouvelle à vous annoncer. Je ne sais pas si elle est
bonne ou mauvaise, pour moi elle n'est ni bonne ni mauvaise, car un religieux ne doit
plus avoir de volonté, et il est bien partout. Cette nouvelle c'est que je viens de quitter
Belley, et que je vais maintenant rester à Lyon, auprès du Supérieur Général [P. Colin],
pour lui aider. Ce sera un bonheur pour moi d'être en la compagnie de si saints
personnages et je ne puis qu'y gagner; aussi, mettant de côté tout sentiment humain, je
remercie bien le Bon Dieu de m'avoir mis dans une position où j'aurai encore plus de
moyens de perfection. »
Collège mariste à Lyon
En dehors de Lyon, il existe des groupes affiliés, ainsi à La Mure, à Tarare et en
d'autres paroisses. Il a le souci de former les personnes par un enseignement suivi
sur la vie intérieure et il en accompagne un certain nombre par la direction
spirituelle. Aux dames, il propose de “vivre comme des religieuses au milieu du
monde”. Sans doute n'est-ce pas la visée du P. Colin. Il n'en reste pas moins que,
sous l'impulsion d'Eymard, le Tiers-Ordre connaît une extension importante et
reçoit sa structure et les éléments essentiels de sa législation.
CO 230,1 Au P. Colin
« Je viens remettre entre vos mains le Bref
du Pape pour le Tiers-Ordre, et ce que Son
Éminence le Cardinal Archevêque de Lyon
[de Bonald] m'a fait remettre et qu'il a
appelé institution canonique….
Vraiment, mon Père, je ne puis que
m'étonner et adorer Dieu, quand je
considère la marche du Tiers-Ordre, ses
épreuves (et j'ose avouer qu'elles ont été
grandes et qu'elles ont eu le même
caractère que celles de la Société), quand
je vois venir cette approbation du
Souverain Pontife, et par une faveur si
singulière, le Cardinal, qui jusque là était
assez froid, y prendre tant d'intérêt, et cela
quand je croyais le Tiers-Ordre à
l'agonie….
et voilà que la bénédiction de l'Église vient
raffermir ce qui était si chancelant, et
laisse tout le temps et toute la liberté pour
le perfectionner…. »
Mgr De Bonald
chapelle Saint Jean le Fromental à Dionay
Peu d'études décrivent de façon détaillée la
part qu'il prend à l'administration et à
l'animation de la Société. Par contre, nous
pouvons le suivre plus facilement dans ses
prédications soit à Lyon – à deux reprises il
prêche le Carême à La Charité – ou dans
les missions paroissiales auxquelles il
participe, à Dionay en 1849, à Chalon-surSaône en 1850, à Saint-Chamond en
1851. Il prêche également une retraite aux
élèves du grand séminaire de Grenoble en
1850.
Au cours de cette période, deux
événements vont orienter de façon
décisive la vie spirituelle d'Eymard:
– le 25 mai 1845, alors qu'il préside la
procession de la Fête-Dieu à la paroisse
Saint-Paul de Lyon, il reçoit la
confirmation d'un attrait, prêcher JésusChrist et Jésus-Christ eucharistique et il
choisit saint Paul comme patron, ce grand
amant de Jésus-Christ.
NR 27,3
[Dimanche] 25 mai 1845 – Fête-Dieu
« J'ai eu l'insigne faveur de porter le Très
Saint Sacrement à Saint-Paul, et mon âme
s'en est bien trouvée. Elle a été pénétrée de
la foi et de l'amour à Jésus dans son divin
Sacrement. Ces deux heures ne m'ont paru
qu'un instant. J'ai mis aux pieds de Notre
Seigneur l'Église, la France, les catholiques,
la Société, moi. Que de soupirs, que de
larmes, comme mon cœur était sous le
pressoir! Que j'aurais voulu dans ce moment
avoir dans mon cœur tous les cœurs. Le zèle
de saint Paul! »
« Voici ce que j'ai promis à Notre Seigneur.
Depuis le commencement de ce mois, je sens
en moi un grand attrait vers Notre Seigneur,
mais jamais je ne l'avais éprouvé si fort. Cet
attrait m'inspire dans mes prédications,
conseils de piété, de porter tout le monde à
la connaissance et à l'amour de Notre
Seigneur, de ne prêcher que Jésus-Christ et
Jésus-Christ Eucharistique. »
– Le 21 janvier 1851, alors qu'il prie à Notre-Dame de Fourvière, il est fortement
impressionné par le manque de formation des laïcs et des prêtres, et le peu de
dévotion envers le saint Sacrement. Il faut faire quelque chose, un corps
d'hommes… – Par la suite, il considérera cette grâce comme une grâce de
vocation.
Au mois de septembre 1851, le P. Eymard quitte Lyon en emportant avec lui cet
appel.
À La Seyne-sur-Mer
(1851-1855)
Nommé supérieur du collège
de La Seyne-sur-Mer, il doit
redresser une situation difficile.
Sous sa direction, en peu de
temps, le collège va connaître
un développement singulier.
Son attrait pour l'Eucharistie se
développe. Il est engagé dans
l'Œuvre de l'Adoration nocturne
à Toulon, et anime le groupe
des Jeunes de La Seyne,
commencé par le commandant
Raymond de Cuers.
« Me voici donc au milieu des
enfants, et j'en bénis Dieu,
puisque c'est sa sainte volonté
qui m'a envoyé ici, et c'est ce
qui me donne de la force et un
peu de bonne volonté. »
CO 281,1
« Et voilà ce qui me coûte beaucoup, ce renoncement à tout
instant du jour; être à mille choses, entendre des choses si
loin de mes goûts et de mon attrait! Dieu le veut: voilà ma
seule consolation au milieu de tout ce petit monde, et de
cette foule de parents, hélas! pour la plupart sans éducation
solide et chrétienne.
Je ne puis rien vous dire de mon séjour ici. Je n'ai pas encore
fait une promenade hors de notre établissement. Je suis
resté à la glèbe du matin au soir; la poésie de la mer, de
l'escadre, du beau ciel de Provence ne m'a pas encore réjoui.
Il y a si peu de poésie dans le positif d'une maison
d'éducation, à repasser les auteurs morts, de grammaire, de
grec et de latin! »
Le 18 avril 1853, pendant l'action de grâce de sa messe, il reçoit une grâce de force
et de douceur qui le rend capable de tout entreprendre et de tout endurer pour la
fondation d'un Ordre voué au saint Sacrement. Il est en relation avec le P.
Hermann Cohen, l'abbé Brunello de Marseille, avec de Cuers. Il ébauche des
Constitutions, recrute des jeunes qui partagent son idéal. Par personne interposée –
le P. Jandel à Rome – il soumet son projet au pape. Mais le P. Julien Favre,
supérieur général, s'oppose à une œuvre qui n'entre pas dans la fin de la Société de
Marie. Au mois de septembre 1855, épuisé, le P. Eymard est déchargé de la
responsabilité du collège et va se reposer au noviciat de Chaintré, près de
Mâcon.
Château de Chaintré
Père Herman Cohen
« Le 18 avril, dans l'action de grâces de
la sainte messe, je fus tout à coup saisi par un grand
sentiment de reconnaissance et d'amour pour Jésus, et
alors de lui dire: “Mais que pourrais-je faire de grand
pour vous?” Et une pensée douce, paisible, mais forte et
vive, me rendit heureux, de me dévouer au service du
très saint Sacrement, d'en demander la permission, de
chercher les moyens de soutenir et de former la grande
œuvre de l'Adoration perpétuelle, de pousser à établir
l'Ordre religieux du Très Saint-Sacrement. Quelle belle
pensée, n'est-ce pas, bonne fille! N'est-il pas surprenant
que, depuis l'établissement de la sainte Église, la sainte
Eucharistie n'ait pas eu son corps religieux, sa garde, sa
cour, sa famille, comme les autres mystères de Notre
Seigneur ont tous eu un corps religieux pour les honorer
et les prêcher? Et il me semblait que j'étais disposé à
faire tous les sacrifices pour Jésus au très saint
Sacrement.
Je fis part de ce sentiment au Père Hermann qui se
trouvait avec nous, et avec qui je suis lié depuis
longtemps; et voilà que nos pensées et nos désirs se
rencontrent….. »
CO 412,1
À Chaintré (1855-1856)
Tout en travaillant à la rédaction du Manuel du Tiers-Ordre de Marie, il poursuit sa
réflexion et, finalement, s'en remet à la décision de Pie IX, que le P. Favre doit
rencontrer au printemps de 1856. En réalité, au cours de l'audience, il ne fut pas
question d'Eymard. Si bien que, lorsque, le 22 avril 1856, le P. Eymard rencontre le
P. Favre à Chaintré pour lui demander la réponse de Rome, il n'obtient que celle
de son supérieur, et c'est un refus. Eymard demande alors d'être relevé de ses
vœux, et sa requête est telle, que le P. Favre acquiesce sur-le-champ. Ce qui ne
va pas sans provoquer quelques remous lors d'une rencontre avec le Conseil
général. À la demande d'Eymard, le P. Favre sursoit à l'exécution de sa décision et
celui-là quitte Lyon pour faire une retraite d'élection à Paris.
De cette longue période mariste, nous
avons une documentation assez riche,
notamment concernant le Tiers-Ordre de
Marie et ses retraites personnelles. Sa
correspondance se développe à l'adresse
de ses confrères, d'autres personnes,
notamment de Marguerite Guillot,
rectrice du Tiers-Ordre des vierges. Nous
disposons également d'un nombre
important de prédications ou
d'instructions, classées sous le titre “avant
1856”, sans que l'on puisse, faute de
repères chronologiques, les attribuer de
façon sûre à la période de son ministère à
Grenoble, à sa période mariste ou même à
une période postérieure.
Marguerite Guillot
CO 607,2 à Marguerite Guillot 8 juillet 1856
« Voici quelques détails sur nos commencements. Vous connaissez les épreuves
de Toulon et celles de Lyon, avant mon départ pour Paris. Jusqu'alors je m'étais
borné à demander une permission temporaire d'un an ou deux, pour mettre l'œuvre
à flot, personne ne voulant se dévouer pour la première heure… Lyon refusa et me
dit: “Ou renoncez, ou sortez.” Le T.R.P. Favre souffrait, il aurait voulu tout concilier;
son conseil était contre moi et contre l'œuvre. Pour couvrir le Père Favre, j'eus
recours à Rome et écrivis que la réponse fût adressée à lui et non à moi, qu'il eût
l'honneur de la chose. L'épreuve fut l'obligation du silence, et j'allai à Chaintré finir
le manuel [du Tiers-Ordre]. Le Père Général, avant de partir pour Rome, me dit
jusqu'à deux fois: “Je parlerai de votre affaire au Pape, et j'espère que vous vous
soumettrez à tout ce que le Pape dira!” – “De grand cœur et absolument, lui dis-je!
Chez moi c'est une question de conscience, qu'on la tranche et tout est fini.”
À Rome le T.R. Père voit mes amis qui lui donnent raison, mais je n'étais pas
là… Il reste deux à trois heures dans la salle d'attente du Pape, bien résolu
d'en parler. Pendant une heure il en parle avec Mgr Luquet, qui avait la même
pensée avec la sœur de la Réparation, et par conséquent contre la nôtre.
Le Père Favre, aux pieds du Pape, oublie mon affaire. Dieu l'a permis, car
j'étais certainement dans la volonté arrêtée d'obéir au moindre signe, au
moindre désir. La question, à son retour, restait la même; j'ai prié à Chaintré,
et j'ose dire, jamais je n'ai tant prié ni souffert pour conjurer Dieu de me
manifester sa sainte volonté et ce qu'il fallait répondre. Quand l'heure est
venue, j'ai senti en moi quelque chose de si fort et de si clair, que j'ai
demandé, après toutes les supplications et les permissions simples, la
délivrance de mes vœux; et voyant ma détermination fixe, on me l'a donnée. »
Le fondateur (1856-1868)
De la fondation à l'approbation (1856-1863)
Le P. Eymard arrive à Paris le 30 avril 1856. Pour plus de liberté, il n'est pas
hébergé dans la communauté mariste.
CO 554,1.1Trad.: Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a fait?
J'élèverai la coupe du salut, j'appellerai le nom du Seigneur. Tu as défait mes liens,
j'offrirai le sacrifice de louange, et j'appellerai le nom du Seigneur. – Grâces soient
à Dieu, qui nous a donné la victoire par Notre Seigneur Jésus-Christ!
CO 554,1.2Trad.: Pour demander la charité: Dieu qui faites servir toutes choses
au bien de ceux qui vous aiment, imprimez si profondément en nos cœurs l'ardeur
de votre charité que nulle tentation ne puisse ébranler les désirs que vous nous
inspirez. – Secrète: Dieu qui nous refaites à votre image par vos sacrements et vos
commandements, affermissez nos pas dans vos sentiers, afin que ce don de la
charité que vous nous faites espérer, vous nous le fassiez réellement obtenir par le
sacrifice que nous vous présentons. (Trad. G. Lefebvre, Missel 1955).
CO 554,1.3Trad.: Moi, je suis la vigne, vous les sarments: celui qui demeure en
moi et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit; car sans moi vous ne pouvez
rien faire. – Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous,
demandez ce que vous voudrez et vous l'aurez.
Mgr Sibour
Le 1er mai, il entre en retraite et confie sa
cause à l'archevêque, Mgr Dominique
Sibour, qui charge son auxiliaire et cousin,
Mgr Léon Sibour, d'étudier le dossier. Au terme
de plusieurs rencontres, la réponse de
l'archevêque est négative: il juge l'œuvre
purement contemplative. Le P. Eymard
réplique: “Nous voulons adorer, mais nous
voulons aussi faire adorer.” Et il évoque son
projet de l'Œuvre de la Première communion
des adultes à Paris. Mgr Sibour est conquis.
Séance tenante, il reçoit le P. Eymard et son
compagnon, le P. de Cuers, et leur donne toute
autorisation pour commencer l'œuvre projetée.
Ainsi ce 13 mai 1856 signe l'acte de naissance
de la Congrégation du Saint-Sacrement. Le
lendemain, il est relevé de ses engagements
maristes. Même si, par la suite, les relations se
distendent avec la Société de Marie, il lui
restera toujours uni de cœur. Il était convaincu
que Marie l'avait conduit à l'Eucharistie.
Les débuts furent on ne peut plus difficiles. L'archevêché mit à la disposition de
l'œuvre une propriété, située au 114 rue d'Enfer (aujourd'hui 88 avenue DenfertRochereau dans le 14e), mais à titre précaire. Inconnu à Paris, Eymard est sans
relations, sans ressources et sans vocations. Tout en faisant les préparatifs, il attend
plus de six mois des recrues pour former une communauté. Le 6 janvier 1857, il
inaugure la première communauté adoratrice avec l'exposition du saint Sacrement;
la Société compte alors quatre membres. C'est dans la pauvreté et le dénuement
que la vie s'organise. Puis progressivement, la communauté grandit. À la fin de
l'année, l'archevêché met en vente la propriété. Eymard, faute de ressources, ne
peut songer à l'acquérir; il faut penser à déménager.
88 avenue Denfert Rochereau aujourd’hui
CO 646,1
Quel bonheur pour nous le 6 janvier de voir
pour la première fois Jésus, notre Roi,
monter sur son trône d'amour, manifester sa
présence par telle grâce si insigne! Mon
cœur était trop plein pour pouvoir parler et
dire ses sentiments. J'étais presque muet et
stupide d'étonnement. Quand je pense en
effet au chemin que Jésus a suivi pour
arriver jusqu'ici et nous faire passer à
travers tant de difficultés sans nous en
douter! Aujourd'hui que je vois ces
difficultés passées, je suis
comme quelqu'un qui a traversé les plus
grands dangers sans s'en douter; c'est
que Jésus était dans la barque et nous
dormions à ses pieds. Oh! oui, Dieu veut
cette œuvre eucharistique! Tous les jours
nous en voyons les preuves, mais pourvu
que nous correspondions bien à une si
grande grâce!
Finalement, il trouve, en ce même quartier, à côté de l'Observatoire, une propriété
double et séparée, les 66-68 de la rue du Faubourg Saint-Jacques. Une fois
aménagé l'immeuble du 68, la communauté s'y transporte à Pâques 1858. Eymard
restaure l'immeuble contigu du 66 et, au mois de mai 1858, il y accueille Marguerite
Guillot et deux compagnes pour y préparer la fondation de la branche féminine. Avec
l'aide de laïcs, des confrères des Conférences de Saint-Vincent de Paul, il rassemble des
jeunes apprentis du quartier qui n'ont pas été catéchisés, et, au prix d'une longue
patience, il les prépare à leur première communion. Le 15 août 1859, il a la joie de
communier douze jeunes; le lendemain, ils sont confirmés. Ainsi naît puis se
développe, en ce quartier de la barrière d'Arcueil, l'un des plus pauvres de Paris,
l'Œuvre de la Première communion des adultes. Au mois de décembre, il se rend à
Rome avec le P. de Cuers et, le 5 janvier 1859, Pie IX signe le bref laudatif de son
Institut.
rue du Faubourg saint Jacques en 1867
Johan Barthold JONGKIND
« Monsieur le Vicaire Général,
Me voici de retour de Rome, depuis quelques
semaines, j'ai attendu le fruit de notre retraite
pour vous dire toute la grâce reçue.
Le Souverain Pontife m'a reçu avec la plus
paternelle affection et a entendu avec le plus
religieux intérêt, le narré de cette petite
œuvre; de sa première bénédiction reçue
à Toulonet mise à l'œuvre à Paris; Sa Sainteté
a voulu voir les lettres testimoniales des
Évêques….
Son Éminence Mgr le Cardinal Archevêque
de Paris avait écrit ces quelques lignes:
Cette petite Société qui nous est bien connue
et qui mérite bien jusqu'ici de la
sainte Église pour sa piété remarquable
envers le saint Sacrement de l'Eucharistie et le
zèle des âmes qu'elle manifeste en toutes
circonstances, nous la recommandons très
humblement au Saint Seigneur
notre Souverain Pontife et très cher Père.
» Paris, le 2 décembre 1858
[signé] F.M. Card. Morlot, archevêque de
Paris.”
Le Saint-Père, après avoir loué l'œuvre et admiré son
progrès en si peu de temps, me promit de s'en
occuper après Noël. C'était le 20 décembre que j'eus le
bonheur d'avoir mon audience, et le 5 janvier Sa
Sainteté signait elle-même le Bref laudatif dont
voici la teneur:
Cher Fils, salut et bénédiction apostolique. Nous
avons appris avec joie ton zèle tout dévoué avec
lequel depuis trois ans tu cherches à augmenter et à
développer le culte du saint Sacrement,
spécialement en France. De ce zèle tu nous as parlé
en notre présence et tu nous as montré les lettres
testimoniales pleines de louanges de plusieurs
évêques de France. Que Dieu dans sa miséricorde te
donne de réaliser cette fin, digne d'une très grande
louange de la part de tous, à laquelle tu te
consacres avec tant de soins et de sollicitude. En
gage d'un si grand bienfait, qu'il te donne la
bénédiction apostolique que nous t'accordons,
fils bien-aimé, avec toute l'effusion de notre cœur
plein d'affection.
Donné à Rome, près Saint-Pierre le 5 janvier 1859...
(signé) Pius PP. IX
Cette même année, le 8 novembre 1859, appelé par Mgr de
Mazenod, il inaugure à Marseille une seconde communauté et
la confie au P. de Cuers. Rapidement, l'Agrégation du SaintSacrement, qui associe les fidèles à l'œuvre d'adoration,
connaît une extension considérable. Trois ans plus tard, le 29
décembre 1862, il fonde une troisième communauté à Angers.
Dès lors, sans tarder, il entreprend les démarches pour solliciter
de Pie IX l'approbation pontificale de son Institut. Il se rend une
seconde fois à Rome et, le 3 juin 1863, il reçoit de Pie IX le
décret d'approbation, en date du 8 mai.
Au cours de ces années, le P. Eymard prêche beaucoup, à ses
religieux et à la communauté des futures Servantes du SaintSacrement, aux fidèles de la chapelle, mais aussi dans des
églises de Paris, où sa renommée s'étend. Il travaille surtout à
la rédaction des Constitutions. Souvent il ne s'agit que
d'ébauches de chapitres ou de numéros, selon une pensée qui
évolue et se clarifie. Sa correspondance devient plus importante
soit avec ses amis lyonnais soit avec des personnes qu'il
accompagne.
Père Raymond de Cuers
Les Constitutions et le Cénacle (1863-1865)
S'ensuit une période intermédiaire où le P. Eymard
consolide son œuvre. Il réunit ses Religieux à Paris au
mois d'août 1863 pour une retraite spéciale et un
premier groupe s'engage par des vœux canoniques
selon la Règle qui a été soumise à Rome pour examen.
Pour répondre aux remarques qui lui ont été faites, il
visite plusieurs Instituts religieux afin de recueillir des
matériaux en vue d'une meilleure rédaction. À cet effet,
il quitte la capitale au début d'octobre 1863 et, durant
tout un mois, dans la solitude du château de SaintBonnet dans les monts du Lyonnais, où l'accueille son
ami M. Blanc de Saint-Bonnet, il travaille à une
nouvelle rédaction des Constitutions de ses Instituts.
Celles-ci seront éditées l'année suivante, au mois
d'avril 1864 pour ses Religieux, au mois d'août pour les
Servantes. À cette date, celles-ci sont établies en
communauté canonique à Angers, sous la tutelle de
l'évêque, Mgr Guillaume Angebault. Marguerite
Guillot, sous le nom de Mère Marguerite, en est la
première supérieure générale. La fondation a eu lieu le
26 mai 1864.
Mgr Guillaume Angebault
Depuis le mois de décembre 1863, le P. Eymard se consacre tout entier à la
réalisation d'un projet qui lui tient à cœur: acquérir le Cénacle de Jérusalem pour en
faire le lieu d'un culte magnifique envers l'Eucharistie. Il multiplie les démarches
auprès des instances intéressées, intervient auprès de Pie IX. À deux reprises, il
envoie en éclaireur le P. de Cuers. Le projet se heurte à des difficultés
insurmontables, que le P. Eymard ne soupçonnait pas. Il se rend à Rome le 10
novembre 1864 pour plaider sa cause. Ses interventions auprès de la Congrégation
de la Propagande n'aboutissent pas. La question devant être dirimée par une
Congrégation générale des cardinaux, elle est renvoyée après les fêtes de Noël et,
par la suite, sans cesse remise à une assemblée générale ultérieure.
Palais de la congrégation
de la propagande de la foi
De guerre lasse, mais sans quitter la place, le P. Eymard se retire chez les
Rédemptoristes, villa Caserta près de Sainte-Marie-Majeure. Le 25 janvier 1865, il
entre en retraite et, tout en veillant à sa cause, vit pendant neuf semaines sous le
regard de Dieu. Les notes qu'il rédige jour après jour révèlent ses états d'âme, ses
attentes, ses désirs, ses souffrances et ses épreuves. Dans cette pure recherche
de Dieu et de sa volonté, il découvre que ce qui importe, ce n'est pas le succès de
la Société par moi, ou même du Cénacle, mais une autre réalité, le dépouillement
de tout son être, de son moi. Néanmoins il ose croire à la réussite de son projet.
Le 21 mars 1865, en la fête de saint Benoît, au
cœur de ses épreuves, il reçoit, au cours de son
action de grâce, la faveur insigne “du don de la
personnalité” et il s'y engage par vœu. Il
résume cet événement en ces simples mots:
Rien pour moi, personne, et demandant la
grâce essentielle: rien par moi. Modèle:
Incarnation du Verbe. Suit un texte de M. Olier,
tiré du Catéchisme de la vie intérieure. Il s'agit
d'une expérience mystique majeure, qui
transforme radicalement le P. Eymard et le rend
disponible à toute décision, fût-elle à l'encontre
de son désir.
Celle-ci lui est communiquée à la fin du mois:
elle est négative. Apparemment, c'est l'échec
total. Le P. Eymard quitte Rome le 30 mars
1865 dans une attitude d'abandon avec, pour
unique richesse, le “Cénacle intérieur”, cet
amour pur, qui fut celui de l'Incarnation par le
sacrifice du moi humain de Jésus.
La croissance de l'œuvre et la mort du Père (1865-1868)
La vie du P. Eymard est marquée de façon définitive par cette grâce de don total de
soi-même. Par son enseignement et ses activités intenses, il devient, comme le
note le P. Saint-Pierre, l'apôtre du Cénacle.
Il ouvre successivement deux communautés de Religieux à Bruxelles, l'une en
1866, l'autre en 1867. En 1866, il acquiert une propriété à Saint-MauriceMontcouronne (Essonne) et y transfère le noviciat, qui était auparavant dans la
maison mère de Paris. Cette même année, il fonde une seconde communauté de
Servantes à Nemours (Seine-et-Marne).
Château de saint Maurice de Montcouronne
Avec la même ardeur, le P. Eymard poursuit
ses prédications dans ses communautés
comme à l'extérieur. Jusqu'au bout, il
cherche à perfectionner le texte des
Constitutions de ses Religieux. Puis
surviennent des épreuves. Le P. de Cuers,
son compagnon de la première heure, attiré
par une vie entièrement contemplative,
demande à quitter la Société; le P. Eymard
le retient, en lui permettant de suivre son
attrait en dehors, mais en lien avec lui. Mal
engagée, la communauté de Nemours doit
être fermée: c'est une catastrophe
financière et morale pour les Servantes, qui
se double d'un échec personnel, qui lui fait
perdre tout crédit auprès des évêques. Il
connaît des difficultés de santé. Surtout, il
traverse une période d'aridité spirituelle,
une “nuit obscure” où il ne trouve de
consolation que dans la fidélité d'un
journalier à sa tâche, de plus en plus
lourde. Sa dernière retraite à Saint-Maurice,
du 27 avril au 2 mai 1868, se fait l'écho de
cette épreuve mystique.
Sa prédication et sa correspondance
traduisent la richesse de sa vie
intérieure. Il se veut le chevalier du pur
amour. Le P. Eymard est saisi par le
mystère eucharistique; il le célèbre, il le
contemple et il le prêche avec une
flamme qui touche les cœurs.
Le 17 juillet 1868, sur l'ordre de son
médecin, il quitte Paris pour se reposer
dans sa Matheysine natale, où ses
sœurs l'attendent. Lorsqu'il arrive à La
Mure au soir du 21 juillet, c'est un
homme épuisé qui revient dans sa
maison familiale; terrassé par une
congestion cérébrale, il ne lui reste plus
que quelques jours à vivre. Au début de
l'après-midi, le samedi 1er août 1868,
Pierre-Julien Eymard rend son âme à
Dieu, loin de ses frères. La vénération
de ses compatriotes se manifeste
spontanément: “Le saint est mort.”
Au terme des procès ordinaires de Grenoble et de Paris, ouverts en 1898, le P.
Eymard est béatifié par Pie XI le 12 juillet 1925. Le 9 décembre 1962, à l'issue de la
première session du Concile Vatican II, Jean XXIII le proclame saint. Le 9 décembre
1995, Jean-Paul II inscrit son nom au calendrier de l'Église universelle et fixe sa fête
liturgique à la date du 2 août, en reconnaissant en lui “un apôtre éminent de
l'Eucharistie”.
Buste réalisé par Rodin
Notre Seigneur m'a appelé à son service eucharistique
malgré mon indignité.
Il m'a conduit de la mort, et par la mort, à la vie.
- Pierre-Julien Eymard -
Liens :
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Père Denis Ribeaud
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Père Patrick Lecouve
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Père Omer Termotte
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Lien Web :
Site européen des pères du Saint Sacrement
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