Hommage à Antoine Martinez diaporama de Claude Jacquemay Recherches de Roger,Marcel et Pascal Picon. La flamme entretenue sur la tombe du soldat inconnu sous.

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Transcript Hommage à Antoine Martinez diaporama de Claude Jacquemay Recherches de Roger,Marcel et Pascal Picon. La flamme entretenue sur la tombe du soldat inconnu sous.

Hommage à
Antoine Martinez
diaporama de Claude Jacquemay
Recherches de Roger,Marcel et Pascal Picon.
La flamme entretenue sur la tombe du soldat inconnu sous l’
arc de triomphe à Paris serait censée servir à remémorer le
sacrifice de tous ceux qui ont donné leur vie pour sauver leur
patrie la France, mais ce n’ est malheureusement pas
toujours le cas.
En effet Antoine Martinez fait
partie des 22 000 soldats Français
d’ Algérie qui sont morts deux
fois car les monuments qui
avaient porté l’inscription de leurs
noms jusqu’en 1962 ont été
détruits, transformés ou dispersés.
On peut voir ci-dessous celui de Sidi-Bel-Abbès sa
ville natale, où ceux de sa famille et les autorités
officielles pouvaient autrefois venir lui rendre
hommage lors de toutes les cérémonies
commémoratives d’anniversaires.
Antoine Martinez est né le 26 juillet 1892 à Sidi-Bel-Abbès
On le voit ici âgé de deux ou trois ans,
sous la garde de ses grands parents
maternels Francisco Casquel et Isabel
Picon. Ces derniers ne sont plus très
jeunes et travaillent comme modestes
ouvriers agricoles au clos Bastide
appartenant à l’un des premiers maires
de la ville.
Léon Bastide était né à Madrid de
parents français venus s’installer à SidiBel-Abbès en 1844.
En ce samedi 18 avril
1903 Antoine l’aîné
des six enfants et sa
petite sœur tous deux
en vêtements de luxe
pour l’époque doivent
se trouver au passage
du président de la
République Emile
Loubet venu visiter la
ville. Bon souvenir car
ce dernier à pris dans
ses bras la mignonne
petite fille.
Sur cette Photo de famille prise pour la Saint Vincent Antoine
se trouve appuyé sur le coude en bas à droite
La place de l’église du même nom qu’il connaissait
bien sur une carte datée de 1905.
Vers l’ âge de 18 ans on le voit ici à droite sur une
échelle. Veut-il devenir peintre en bâtiment ?
Ces rues centrales de la ville lui étaient familières
Il avait probablement souvent eu le plaisir d’aller aux
spectacles de l’ancien théâtre, car ses parents étaient
les tenanciers de son bar.
Eut-il la chance de connaître quelque idylle avec l’une de
ces demoiselles.
En 1913 il est appelé sous les
drapeaux pour accomplir
son service militaire comme
tous les jeunes Français de
l’hexagone. Les trois
départements d’ Algérie
situés outremer et créés en
1848, avant d’ être suivis
plus tard par le comté de
Nice et la Savoie, sont
soumis aux mêmes lois que
dans l’ensemble de la
métropole.
En effet d’après l’ article 8 de la
loi du 26 juin 1889 sur la
nationalité: « sont Français, tout
individu né d’un Français en
France ou à l’étranger… tout
individu né en France d’un
étranger qui lui-même y est né ».
A condition qu’il accepte
évidemment d’accomplir son
service militaire. Bien qu’ayant
des origines espagnoles Antoine
Martinez se trouvait dans ce cas.
On peut ajouter de plus
que son père né dans la
même ville du département
d’Oran, avait également
accompli son service
militaire en 1889 et qu’il
avait obtenu la notification
officielle de sa
naturalisation en 1903.
Après ses classes en Algérie et une seule permission
pour voir sa famille, il rejoint la garnison d’Albi au
15 ème Régiment d’Infanterie.
Dans une lettre du 29 mai 1914
il pleure la mort de son frère
Emile et se désole de ne
pouvoir rejoindre sa famille. Il
évoque également des
manœuvres à Carmaux et
Gaillac pendant deux jours et
des exercices de tir de combat à
Castres.
D’octobre 1913 au 6 août 1914 ses
lettres en provenance d’Albi sont écrites
à l’encre dans un café de la ville ou à la
caserne. Tout le monde autour de lui
parle de René Viviani président du
conseil des ministres, chef du
gouvernement de la France. C’est donc
avec plaisir qu’il peut dire que le célèbre
personnage ayant à peu près l’âge de
son père est un compatriote d’Algérie né
comme lui à Sidi-Bel-Abbès.
Curieusement, c’est ce pacifiste ami de Jean Jaurès
qui fait entrer la France dans le conflit le jour de la
déclaration de guerre par l’Allemagne, ce qui aura
pour conséquence directe l’envoi d’Antoine vers le
front.
Après le 6 août 1914 ses
lettres seront écrites au
crayon dans des
conditions moins paisibles
et confortables. Il aurait
eu la possibilité d’être
l’auteur de ce tableau
croqué par un soldat
anonyme, car d’après sa
sœur il dessinait bien et
possédait des dons
d’artiste.
Il n’est pas possible dans ce cadre de détailler tous ses
déplacements et les combats menés par son régiment le
15ème Ri en 1914 mais on sait que d’Albi à Mirecourt, Toul,
Compiègne, Nancy etc… et jusqu’à Verdun il avait participé à
de nombreux engagements. A chaque repos il envoyait à ses
parents des cartes postales.
Avant son arrivée à Jouaignes le 18 octobre le
régiment avait obtenu une citation à l’ordre de
l’armée.
Dans sa lettre du 5 octobre 1914 il annonce à ses parents
qu’arrivé de Luneville il est reparti vers Nancy
Le 15 septembre après une reconnaissance en Alsace
jusqu’à 30 km de Strasbourg, puis un repli en
Meurthe et Moselle il dit qu’il pris part à cinq
combats et que les Allemands ont été repoussés
hors des frontières.
« C’est la déroute générale pour les
Allemands…mais il y a pas mal de camarades qui
sont restés dans ces combats. »Le fils Bendjo et le
garçon de Chanzy qui avait mangé à la maison
sont morts. Navarro de Bel-Abbès et un
compatriote d’Oran ont été blessés par des éclats
d’obus.
Si vous n’avez pas de mes
nouvelles: « ne vous faites
pas du mauvais sang. S’il
m’arrivait malheur vous
seriez prévenus par voie
télégraphique. »
Parti de Nancy dit-il: « nous longeons la frontière,
nous Protégeons les forts sur notre front. L’ ennemi
a évacué la ligne, voila 3 jours que nous n’ avons
pas entendu le canon jusqu’à ce matin. » Il évoque
alors les nuits à la belle étoile, le froid, et la pluie
dans les tranchées.
« On bouffe des kilomètres de
Nancy à Toul, je profite d’une
pause pour vous écrire ces
quelques lignes sur mon sac,
au milieu d’un champ de
betteraves ». Il demande
l’envoi d’un chandail et il
termine par: « Chers parents
ayez du courage car j’espère
toujours vous voir, je ne crois
pas que ça durera longtemps.
Nouvelle lettre de Toul le
10 octobre: « Nous
sommes demeurés 12
jours en première ligne
et avons pris à la
baïonnette 3 villages,
Mandres-les-Quatre
tours, Beaumont et
Seicheprey, où l’ennemi
s’est retiré à la frontière »
Après deux jours à Toul
l’unité repart 3 jours vers
une destination
inconnue.
De Jouaignes dans l’Aisne près
de Soissons, il écrit à ses parents
le 20 octobre 1914 pour les
remercier de lui avoir envoyé un
colis avec des gants, des
chaussettes et vêtements chauds
car il se plaint du climat
rigoureux. Il ajoute alors: « nous
sommes en ce moment avec
l’armée anglaise »,et il ne tarit
pas d’éloges à l’égard de ces
soldats polis qu’il trouve
élégants, et très aimables. Ils
leurs offrent généreusement à
manger des conserves fines.
Il ne peut se retenir de confier à sa
mère son état d’épuisement en
raison des marches de nuit
interminables, et de jour dans des
tranchées à cause des aéroplanes. Il
signale la lourdeur de son sac à dos
qui porte en plus le couvre-pieds, la
toile de tente et les piquets.
Récemment il vient de faire trois
jours de marche pour aller relever
les Anglais dans les tranchées où il
est resté deux jours dans les avantpostes.
Du 2 au 6 novembre la compagnie du 15 ème RI d’
Antoine, et des éléments du 143 ème reçoivent
l’ordre d’ attaquer Wytschaete dans le cadre des
violents combats opposant aux Allemands les
Français, les Anglais et les Belges aux environs
d’Ypres. Lourd bilan dès le début: 247 blessés tués
ou disparus parmi lesquels le lieutenant Calvel et le
capitaine Bailly blessé.
A l’église Saint Vincent de
Sidi-Bel-Abbès nombreuses
sont les mères qui prient pour
leurs enfants qui sont au
Front. Chaque semaine les
gendarmes viennent annoncer
dans les familles la mort d’un
des leurs. Les parents
d’Antoine qui n’ont plus de
nouvelles depuis une dernière
lettre datée du 27 octobre
sont des plus inquiets.
A l’arrière, en Algérie comme
en métropole la presse
informe le public en exaltant
le patriotisme, mais les
familles connaissent grâce aux
lettres écrites par les
combattants quelles sont les
hécatombes et horreurs de
leur quotidien. Au sein du clan
Martinez depuis qu’une lettre
a été renvoyée aux
expéditeurs sans réponse le
désespoir alterne avec
l’espérance.
Le supplice d’un père,
les pleurs d’une mère,
des frères et sœur,
dureront
malheureusement
pendant sept ans. Le
jugement officiel
confirmant sa disparition
ne sera rendu que le 18
mars 1921.
Grâce aux précieux travaux de recherche de ses neveux et
petit neveu, nous savons maintenant ce que fut la fin tragique
des garçons de cette section et de leur compagnie.
le journal de marche du 15ème
Régiment d’ Infanterie nous donne la
preuve formelle qu’ Antoine Martinez
a disparu en Belgique à Wytschaete
lors du combat du 6 novembre 1914.
Ce jour-là: «la 10ème compagnie du
capitaine Bailly se porte en avant à 12
heures après préparation de l’artillerie.
Cette compagnie enlève la tranchée
allemande mais à peine installée éclate
une fusillade(mousqueterie et
mitrailleuse) et la 10ème compagnie
sortit de la tranchée pour contrer le
feu des mitrailleuses soit pour aborder
à la baïonnette une contre attaque
allemande qui arrivait sur elle ».
Sur le même journal de
marche on peut lire: «
aucun des hommes de la
compagnie n’est revenu
et il a été impossible de
savoir ce qu’elle est
devenue. Les hommes
envoyés pour le savoir
dans la journée ont été
tués. Les patrouilles
envoyées à la tombée de
la nuit ont été accueillies
à coup de fusil. »
Voici ce que l’on trouve à l’emplacement de l’
ancienne église du village.
Les très minutieuses recherches des
descendants de la famille d’ Antoine
Martinez ont permis de consulter le
journal de marche allemand du 5ème
RI bavarois qui avait combattu la
compagnie du 15ème RI à Wystchaete.
La traduction du compte rendu se
termine par la phrase suivante: «
après 4 jours de violents combats on
découvrait d’horribles images de
troncs éclatés, de corps déchirés amis
et ennemis. Le champ de bataille était
recouvert de fragments de corps
humains dispersés.
On sait maintenant qu’il a
été tué dans un corps à
corps sur la route de
Kemmel à Wytschaete et
qu’il n’a disparu que faute
de motivation de la part de
ceux qui devaient
l’identifier.
Le cimetière de Wytschaete
regroupe 486 Britanniques ,31
Australiens, 19 Canadiens, 11 Sud
Africains, 7 Néo Zélandais, un
Allemand et 673 cadavres non
identifiés.
Le secteur de Wytschaete
a été tenu par les Anglais
jusqu’ à la fin de la
guerre. Le cimetière du
lieu parmi d’autres
regroupe 673 soldats
non identifiés, mais
probablement tous
britanniques.
Personne ne peut
dire exactement où
se trouve inhumé le
corps d’Antoine
Martinez. D’autres
nécropoles comme
Potijze, Roulers,
Kessel, pourraient
cependant y
prétendre.
Par l’exemplaire sacrifice de sa vie pour la
France, Antoine Martinez restera toujours le
modèle représentatif des 53 000 disparus de
cette guerre, ainsi que celui des 22 000 Français
d’ Algérie victimes des mêmes combats. Ces
derniers sont morts deux fois, une fois au
champ d’honneur et l’autre lorsque leurs
monuments aux morts ont été détruits ou
dispersés après 1962, et que les plaques de
marbre portant leurs noms ont disparu. Même
les Belges flamands ignorent ce qu’ils leur
doivent.
1789, Révolution française:« la nation, la loi, le roi».
On ne peut parler de nation avant cette date donc ni
de nationalité ni de citoyen. Le pays barbaresque
colonisé par la Turquie ne compte pas encore. C’est
donc après cette date que la notion de nationalité se
précise et elle est essentiellement fondée sur le droit
du sang (jus sanguinis) en métropole, ce que
confirme le code civil napoléonien.
La conquête et la
colonisation de ce que la
France nommera plus tard
Algérie, n’est que la
réalisation d’un projet
monarchique commencé par
Charles X et poursuivi par
Louis Philippe au moyen
d’une armée puissante,
disciplinée et sans états
d’âme.
Sous son règne la politique de
peuplement de la colonie par des
Français de souche est un échec. Il
conserve donc strictement le droit
du sang, même pour les
délinquants et opposants
politiques envoyés-là comme au
bagne. L’immigration espagnole
ou italienne l’inquiète tant, qu’il
organise l’installation de plusieurs
dizaines de milliers d’Allemands
auxquels il offre des terres pour
créer de nouvelles
agglomérations.
La révolution de 1848 instaure la seconde
république qui prend la décision de créer trois
départements français en Algérie. Le peuplement
européen s’intensifie, mais les Espagnols, Italiens ou
Maltais nés dans ces départements obtiendront-ils
le droit du sol ( jus soli) ?
La prise de pouvoir par
Napoléon III va porter un
coup d’arrêt à l’évolution
voulue par la deuxième
république, elle même
remplacée par le second
empire. Après la guerre de
1870 et la perte de l’AlsaceLorraine, la France devient
une république, la troisième,
celle qui durera jusqu’en 1940.
Après son instauration en 1875, la
troisième république craint la
menace allemande et envisage la
reconquête de l’Alsace-Lorraine.
Confrontée à une situation de faible
natalité, il ne lui reste que le recours
à des lois combinant le retour au
droit du sol, associé à l’exigence de
service militaire obligatoire pour
renforcer ses effectifs. Les 3
départements d’Algérie
représentent alors un réservoir idéal
pour atteindre ses buts. Le décret
Crémieux de 1870 avait commencé
en naturalisant en bloc tous les juifs
indigènes d’ Algérie.
Ces nouveaux Français volontaires ne diffèrent en
aucune manière de ceux qui précédemment
pouvaient se dire de souche. Leur réelle motivation
patriotique reste indiscutable.
Dans le département d’Oran la
plupart des nouveaux Français
ayant profité de la loi du 26 juin
1889 (JO du 28 .06.1889)
descendaient de Parents
espagnols poussés à s’expatrier
en raison des crises
économiques ou politiques,
comme Francisco Casquel le
grand père d’ Antoine, le vieil
ouvrier agricole photographié
ci-contre.
Parmi les Français dits de souche on
comptait les descendants d’opposants
politiques à la monarchie ou l’Empire.
Il y avait également les socialistes de
la commune de Paris après 1870, et les
Alsaciens fuyant l’occupation
Prussienne.
A l’inverse du soldat inconnu, puisse Antoine
Martinez le disparu maintenant connu, participer
à la reconnaissance des 53 000 autres disparus de
1914-1918, ainsi qu’aux 22 000 Français d’Algérie
morts pour la France comme lui, mais privés du
devoir de mémoire après la disparition de leurs
monuments aux morts portant leurs noms.
Tous ceux de 1914-18 qui reposent dans des tombes
anonymes, ceux dont les noms ont été effacés de leurs
monuments, ajoutés aux 20 000 Français d’Algérie de la
génération suivante morts pour libérer la France de 1940 à
1945, tous ces hommes ne pouvaient imaginer la désolante
ingratitude que l’on manifesterait envers leurs sacrifices. Ces
peintres en bâtiment, jardiniers, petits agriculteurs ouvriers,
commerçants ou fonctionnaires pouvaient-ils envisager que
50 ans plus tard leurs descendants méprisés seraient alors
affublés du révoltant adjectif de colonialistes ?
Hommage à Antoine
Martinez
Diaporama de Claude Jacquemay
d’après des recherches familiales
de Roger, Marcel et Pascal Picon.