Les Maisons Abandonnées Il n’y a rien de plus triste qu’une maison abandonnée.

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Transcript Les Maisons Abandonnées Il n’y a rien de plus triste qu’une maison abandonnée.

Les Maisons Abandonnées

Il n’y a rien de plus triste qu’une maison abandonnée

Une maison abandonnée est une maison condamnée

Je suis un randonneur, je ne fais que passer dans ce hameau de Savoie et je suis désolé de constater ce désastre.

Je ne peux m’empêcher de me poser cette question, ces maisons abandonnées en Savoie depuis quand et pourquoi ?

J’imagine un instant, cette maison jadis avait une âme, à présent elle est muette, éteinte, moribonde, désertée, sise entre ciel et collines, battue par les vents

Elle n’abritera désormais plus personne, elle demeurera seule avec ses souvenirs, elle qui a abrité tant d’enfants et entendu tant de rires.

Je suis là, assis sur un banc de fortune et je revis à des années de distance, les évènements quotidiens de ces vies de famille, je sens comme une présence.

En écoutant bien dans ce calme du soir, je crois entendre l’écho du rire des enfants autour de la maison.

Dans la cour, je crois voir une vieille femme, la grand’mère sans doute, assise sur un banc de pierre, elle jette des miettes de pain aux poules.

Les herbes folles semblent être les seuls hôtes vivants de ces lieux. Les murs décrépits et couverts de mousse laissent entrevoir une atmosphère surannée

J’ai l’impression que ces murs me restituent des conversations du temps où tout vivait dans cette maison.

Les vieilles pierres se font éloquentes, je revois sans peine, ce que fut la vie de ces anciens habitants. Des générations se sont succédées ici, les murs me le disent avec insistance.

Ces vies qui ce sont écoulées ici se rappèlent soudain au visiteur. Leurs histoires enfouies sous les ronces, resurgissent subitement. On pourrait croire qu’elles ont quitté les lieux subitement hier.

Les fleurs de son jardin, que personne ne cueille, comme pour la consoler rampent jusqu’à son seuil.

Les maisons sont faites pour être habitées et non pour être vues.

Elles sont seules laissées à elles-même, au gré du temps et des intempéries, que d’histoires elles pourraient raconter.

La silhouette morne, presque honteuse de la maison abandonnée, maison condamnée à subir sans défense les morsures du froid, du gel, de la neige, les injures du temps et des gens.

Ne plus être comme autrefois, une grâce vivante qui attire, mais au contraire une ruine hideuse qui repousse où laisse indifférent le passant.

Le village a toujours eu sa petite chapelle, elle est bien entretenue, Paradoxal ?

La petite chapelle tranche avec le village abandonné, surprenant non ?

Ancienne voie de circulation des gens et du bétail dans le village.

Ce sentier, c’était la route principale autrefois

Ouverte à tous les vents, elle est destinée à servir d’abri aux passants, aux randonneurs, aux bergers.

Pour rendre encore plus cruel le souvenir des disparus, alors que leurs esprits errent peut être encore dans les parages.

Je vois encore là-bas derrière la maison oubliée, sur la colline un berger et son chien à la recherche de brebis égarées.

Je regarde, le mur est gris et décrépit, la lauze est branlante, l’hiver a rongé le ciment des pierres, c’est l’agonie.

La neige a eu gain de cause de la charpente centenaire, les lauzes ont glissé à terre, le mur s’effrite, se fendille, s’affaisse. Quel spectacle désastreux.

La porte où file dans l’encoignure une araignée est immobile depuis des années, elle ne tourne plus sur ses gonds rouillés.

Les vitres brisées, laissent aux hirondelles un libre passage à leurs nids.

Autrefois à l’heure où la rosée s’évaporait, tous ces volets et portes s’ouvraient aux premiers rayons du soleil, pour réchauffer les corps encore engourdis.

Autour des maisons et dans les remises, laissant apparaître des bribes du passé, des objets d’antan traînent à même le sol, ici une faucheuse.

Là, un couvercle de bidon à lait.

Là, une charrette.

Là, sur une étagère dans la chambre, depuis des années, un pot de fleurs, un broc et quelques bouteilles,

Sur une table, des couverts et deux verres. Rien n’a été bougé depuis des lustres. Quelle tristesse de voir cela.

Dans l’étable, les mangeoires sont encore là, elles attendent désespérément la prochaine transhumance.

Je suis assis là, consterné et soudain, j’ai l’impression qu’une odeur de soupe chaude s’échappe de la cheminée, Hélas ce n’est qu’une illusion, je rêve.

Je revois encore ces hommes le soir revenant des champs, s’asseoir autour de la table familiale auprès de leurs femmes.

Pour manger ce pain si chichement gagné, ils faisaient, chaque fois du bout de leur couteau un grand signe de croix, lentement sur l’entame, puis cérémonieusement distribuaient une tranche de cette miche à chacun.

Maison abandonnée, condamnée à afficher la dégénérescence des fils qui n’ont pas su se maintenir, qui n’ont pas su cultiver, là où leurs pères ont su défricher.

Elle se désole et pleure tous les êtres qui l’ont abandonnée. Quelquefois, elle espère qu’ils reviendront un jour, mais en vain, en attendant la porte de la bergerie reste ouverte.

Pourquoi ont-elles été désertées ? L’exode des jeunes, le manque de confort, de modernisme, de rentabilité, la dernière guerre, la création du Parc de la Vanoise ?

Pourtant de nombreuses maisons, fermes où chalets de montagne ont été sauvés dans ces vallées éloignées par des descendants amoureux de la région où des citadins en quête de nature, de tranquillité, de solitude, de grands espaces.

Une autre maison rénovée.

A gauche une maison rénovée et la chapelle du village.

La maison de gauche rénovée en 1988.

J’ai décidé de rendre un dernier hommage à ces maisons oubliées, abandonnées, qui n’intéressent plus personne.

Pendant des centaines d’années, des hommes courageux avec leur famille ont régulièrement quitté leur vallée à la belle saison pour rejoindre les alpages avec leurs troupeaux, c’était la transhumance, pourquoi cela à t-il disparu ?

Ces maisons abandonnées, je les quitte sans me retourner, je suis triste, j’ai le cœur déchiré, je me hâte de redescendre dans la vallée pour ne plus voir ce spectacle désolant.

D’ici peu de temps, le randonneur de passage, ne remarquera même pas, ces tas de pierres dissimulés sous les hautes herbes, seuls vestiges d’un hameau qui était condamné à disparaître depuis longtemps.

FIN

Les Maisons Abandonnées

Musique: Sérénade de Toselli.

Je n’étais qu’un randonneur de passage ici.

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