Montpellier-le-vieux - Site de Jacky du bearn/Jacky Questel

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vendredi 30 octobre 2015 17:11
Montpellier-Le-Vieux n’est pas une ville en ruines. Ce sont des roches, parfois
de centaines de mètres de haut, qui semblent effectivement les ruines d’une
ancienne cité, vues de loin. D’autant qu’elles semblent dessiner des rues, des
avenues, des places…
Cette appellation aurait été donnée par les bergers qui faisaient la transhumance.
Ils ne connaissaient qu’une grande ville : Montpellier, familièrement désignée
en patois « Lou Clapas », qui signifie « le tas de pierres ». Voyant au loin ces
amas rocheux, ils les appelèrent tout naturellement « Lou Clapas Vieil »,
traduit par Montpellier-Le-Vieux.
Ce chaos dolomitique est impressionnant. Les photos n’en donnent qu’une
faible idée…
J’espère que au moins quelques-uns parmi vous s’intéressent à la géologie,
sans cela ce diaporama sera terriblement ennuyeux ! Que ceux qui n’aiment pas
cette science me pardonnent !
La Légende
Las faderellas son passadas per aqui… (les fées sont passées par là)
Elles sont venues des garrigues du Sud, les trois petites fées, poursuivies par le
mauvais génie Mourghi : Amy, la sérieuse, Amyne, la rêveuse, et Benjamine la
rieuse. De leurs mains, à la hâte, elles construisirent une citadelle fantastique, avec
ses remparts, ses palais, ses ponts, ses places et ses monuments. Elles plantèrent des
pins, des chênes, des herbes folles et des fleurs sauvages. Et tout cela faisait un tel
univers d’enchevêtrement mystérieux que même Mourghy le malin s’y perdit et
renonça. Alors commença pour elles une longue période de paix et de bonheur.
Lasses, même les fées se lassent du bonheur… La nostalgie des garrigues s’empara
d’elles, et elles s’en retournèrent près de la mer et du soleil.
La ville s’endormit alors dans son silence. Puis, sans doute amenés là par quelque
diable, le Vent, la Pluie, la Neige sont revenus et se sont acharnés sur la cité.
Las farfadellas s’en son tornadas ! (les fées sont reparties).
Mais leur souvenir habite toujours la cité. Dans la rigueur des ordonnances, la
sérieuse Amy reste présente. Le chant des oiseaux, le bruissement du vent, le grelot
des troupeaux ne sont-ils pas les échos du rire de Benjamine ? Et cette atmosphère
étrange n’est-elle pas l’image même du rêve d’Amyne ?
Las farfadellas son aqui, la farfadellas mestrejas la somi.
(Les fées sont ici, les fées maîtresses du songe)
D’après André Delon
Historique
Dès les temps les plus reculés, les rochers de Montpellier-Le-Vieux ont
servi d’abris naturels aux animaux, et l’homme y a trouvé refuge.
Des ossements d’Ursus Speleus découverts dans une grotte montrent que
le site était déjà constitué au début du quaternaire.
À l’écart des « drailles », ces grandes voies de transhumance qui sillonnaient
les causses, le site, seulement connu des gens du voisinage, resta longtemps
ignoré. Il faut dire que l’aspect fantastique de ces rochers ruiniformes dominant
l’épaisse forêt qui couvrait alors les lieux favorisait l’éclosion de légendes
plus terrifiantes que celles des trois petites fées !
N’était-ce pas là quelque cité antique, bâtie par des géants et ravagée par Satan
lui-même ?
Ce n’est qu’en 1883 que M.de Barbeyrac découvre le site. Il en est alors fait mention
à la Société de Géographie de Toulouse, sous le nom de Montpellier-Le-Vieux.
Notions géologiques
Remontons à plus de 200 millions d’années en arrière. (Cela vous donne le
vertige ? Cramponnez-vous !) La mer occupe alors la région. Climat tropical.
Dans cette mer chaude et peu profonde, analogue à celle des atolls du Pacifique
actuel, des coraux et des algues calcaires construisent des récifs autour desquels
vivent en abondance éponges, mollusques, oursins et crustacés. Les coraux sont
fragiles et cassent, leurs débris s’accumulent en un sable fin autour et au sein
même du récif. La barrière récifale est continuellement renouvelée, reconstruite
par une multitude d’organismes et d’animaux marins qui vivent autour et aux
dépens du récif. Ces organismes finissent par mourir, leurs restes et leurs
squelettes vont ainsi contribuer à l’édification de la roche. Comment ? Tous ces
débris tombent sur le sol et forment une boue riche en carbonate de calcium. Les
couches s’accumulent. Peu à peu, se tassant sous leur propre poids, ces couches
successives chassent l’eau qu’elles contiennent et se transforment en roche calcaire.
Ainsi, près de 300 m de roches vont se former, mais tout de même en 10 millions
d’années ! Plus tard, dans cette masse encore poreuse, des circulations de solutions
de sels, notamment de magnésium, vont transformer le calcaire en dolomie.
On voit bien ici les couches successives, et le plissement
de ces strates. Ce n’est pas passionnant, la géologie ?
Longtemps encore la mer occupera la région, déposant couche après couche
d’autres roches sur les dolomies jurassiques. Mais ce sont pourtant ces dolomies
qui forment actuellement le site de Montpellier-Le-Vieux.
Un grand chambardement est responsable : il y a environ 100 millions d’années,
les Alpes et les Pyrénées émergent et commencent à se mettre en place.
Au fond des mers, les récentes assises calcaires à peine consolidées vont subir
de formidables poussées. Bien que roche compacte et rigide, les couches calcaires
soumises à ces poussées se plissent ou se fracturent. Sous ces énormes poussées
tectoniques, la masse des grands Causses s’élève progressivement et la mer
disparaît peu à peu de la région. Peu à peu !!! Car il faudra 80 millions d’années
pour que les Causses émergent complètement !
À peine à l’air libre, ces reliefs subissent l’attaque des éléments. Les eaux de pluie
vont, en désagrégeant et entraînant les terrains qui les recouvrent, mettre à nu les
assises dolomitiques.
De loin, cette dolomie peut paraître massive et dure, mais en se rapprochant, elle
nous apparaît caverneuse comme une dent cariée. De plus près encore, on remarque
des parties dures, et d’autres qui s’effritent sous les doigts en donnant une sorte
de sable très fin : le « grésou », en patois local.
Débris de roches provenant de l’érosion, et jonchant le sol autour des
grands rochers monolithiques. Partout des fleurs de toutes sortes, de
toutes couleurs, mais je n’ai pas eu la possibilité de les photographier.
Cette dolomie est donc très hétérogène,
et c’est là une partie de l’explication
des formes tourmentées des rochers de
Montpellier-Le-Vieux. Mais comment
expliquer ces alignements rectilignes
qui forment des « rues », des « avenues »,
et se coupent presque à angle droit ???
Revenons au début du grand chambardement.
Des tensions s’exercent, des couches
résistent, se plient et finissent par céder.
Ainsi font se former des réseaux de petites
cassures parallèles. (Enfin, petites…
à l’échelle du site, qui couvre 120 ha !) Ces
fissures sont autant de zones de faiblesse,
et les déformations successives les
amplifieront.
De sa lente et éprouvante montée du fond des
mers, la roche hérite d’un réseau de
cicatrices : ce sont les diaclases et les failles.
La roche fragilisée par la fracturation,
y est moins dure et souvent plus perméable.
Les eaux d’infiltration vont circuler en suivant
ces fissures, faisant leur lent travail d’érosion.
Cette action dissolvante élargira les passages,
les transformant en « canaules ».
Ces canaules donneront les rues et les ravins
du site, et, localement, de leur
réunion naîtront les « cirques » du site actuel
(ou « places »).
Bon. Jusque là, j’ai suivi. Mais d’ou viennent ces formes étranges, figurant
des silhouettes d’animaux souvent, d’où viennent ces creux, ces niches, ces
anfractuosités, ces arches, ces encorbellement défiant les lois de l’équilibre ?
Eh oui, toujours de l’érosion !
C’est dans la formation même de la roche, dans sa structure intime, que réside
le mystère. Souvenez-vous ! Nous avons vu que ces roches étaient hétérogènes,
que certaines parties étaient dures, d’autres friables. Dans les roches dolomitiques
coexistent des cristaux de calcite et des cristaux de dolomie. Ces cristaux sont
eux-mêmes de tailles différentes,et peuvent former des couches à fins cristaux
ou « micrites », et des couches à gros cristaux ou « sparites ». Toutes ces
hétérogénéités vont entraîner une corrosion et une érosion différentielles. (Je vous
rassure, la phrase n’est pas de moi !)
Les eaux de pluie se chargent d’acide
dans l’atmosphère. En pénétrant dans les
roches, elles dissolvent les carbonates,
à l’intérieur de la roche, créant des vides,
tandis que les éléments non dissous
se transforment en « grésou ». Il se forme donc
intérieurement des cavités de toutes dimensions,
plus ou moins remplies de sable.
Mais l’érosion continue son travail ! Certaines de
ces cavités se fragilisent, puis s’ouvrent. Le sable
s’écoule au pied de la roche, et les formes les
plus bizarres sont ainsi sculptées.
Dans combien de milliers d’années
ce rocher qui semble pourtant en
équilibre instable s’écrasera-t-il
sur les arbres qui entourent le
pied de son « piédestal » ?
On appelle cela un « roc
camparolié ».
Le Touring Club de France a ouvert et entretient des circuits fléchés
permettant de visiter le site. Mais il est impossible de tout découvrir
en une seule visite !
Il y a aussi un circuit en petit train, qui dure une heure trente. Vous
nous voyez sur le départ. J’en profite pour vous présenter ma sœur
et mon beau-frère !
Le petit train, c’est formidable, mais, lorsqu’on a un appareil à la main,
c’est frustrant. Vous ne pouvez imaginer toutes les belles photos que
j’aurais aimé vous partager ! Notamment de la flore, très riche. La dolomie
est un amendement excellent pour les terres ! À préciser d’ailleurs qu’il
y a aussi de la dolomie dans les Alpes (les Dolomites, cela vous dit quelque
chose ?) et dans les Pyrénées. Mais elle est bien plus homogène. Elle est
exploitée dans des carrières et vendue comme amendement naturel. Mon
beau-frère exploitait une de ces carrières.
Partout, la flore colonise la roche. Pas seulement à Montpellier-LeVieux, mais sur tout le Causse. Ils ont même 35 espèces d’orchidées
et il existe, entre autres circuits touristiques, un « safari-orchidées »,
notamment très prisé par les japonais ! Nous, nous passons en
autocar, ou en petit train… Adieu, les orchidées !
Mais enfin, nous avons tout de même vu beaucoup de choses.
Et, même de l’autocar, nous avons pu admirer bien des coussins
fleuris, aux couleurs éclatantes !
Tous ces rochers ont reçu des noms évocateurs, donnés par les
premiers bergers, et qui ont été respectés.
Ainsi, c’est « le chameau » qui vous dit « au revoir ».
J’espère ne pas vous avoir trop ennuyés…
Je me suis aidée pour les textes de l’excellent livre « Montpellier-Le-Vieux »,
des Éditions « l’Aven Armand »
Musique : Cançon des vendemias (chanson de vendanges) extraite d’un CD
édité, ainsi que le livre documenté qui l’accompagne (notamment tous les
textes, leur origine et leur traduction) par « Les Vagabonds des Grands
Causses ».
Diaporama de Jacky Questel, ambassadrice de la Paix
[email protected]
http://jackydubearn.over-blog.com/
Site : http://www.jackydubearn.fr/