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Notes pour la lecture analytique du 1

er

extrait de Zadig de Voltaire (chap 3) Introduction

- Voltaire est un écrivain du 18 ème siècle, un écrivain des Lumières. Voltaire a donc confiance en l’homme dès lors que celui-ci fait usage de sa raison, de sa faculté de juger par lui-même. Et il a toujours défendu, au nom de la raison, les valeurs de justice et de liberté. - Zadig est un conte philosophique publié en 1748. A travers un conte oriental, Voltaire réfléchit à la question de la destinée, du bonheur, et de la justice et porte un regard critique sur la société de son temps. Dans le passage qui précède notre extrait, Zadig, est retiré dans une maison de campagne. Au cours d’une promenade, Zadig rencontre des serviteurs du roi et de la reine qui cherchent un cheval et un chien. Curieusement, Zadig réussit à décrire parfaitement ses animaux mais déclare qu’il ne les a pas vus. On le soupçonne donc de mentir et de les avoir volés. - Problématique : Nous allons nous demander comment Voltaire rend le récit à la fois plaisant et chargé de sens, d’intentions. - Plan : Nous verrons d’abord comment Voltaire fait la satire de la justice. Puis nous verrons quels aspects de la sagesse de Zadig sont mis en valeur.

Développement

I) La satire de la justice - Tout le système judiciaire tel que le décrit Voltaire est expéditif. Zadig est accusé sans preuve d’avoir volé le chien et le cheval du roi. Il est immédiatement condamné à une peine disproportionnée : « Le grand veneur et le premier eunuque ne doutèrent pas que Zadig n’eût volé le cheval du roi et la chienne de la reine ; ils le firent conduire devant l’assemblée du grand Desterham, qui le condamna au knout ». Le style de Voltaire, très vif, très rapide, comme il convient d’ailleurs dans un conte où les actions s’enchainent rapidement, souligne cette impression de rapidité dans la procédure (au détriment de la vérité). L’utilisation d’une relative pour énoncer la condamnation « qui le condamna au knout » donne l’impression d’une réaction immédiate du grand Desterham, sans aucune réflexion. - La fausseté du jugement est moquée par la conduite du récit elle-même : « A peine le jugement fut-il rendu qu’on retrouve le cheval et la chienne ». On peut parler d’ironie du récit. Voltaire se contente de juxtaposer les péripéties sans faire aucun commentaire d’auteur ; la juxtaposition elle-même est parlante. Et Voltaire choisit ici une conjonction de subordination « a peine…que », qui implique une quasi concomitance entre le jugement et la réalité qui vient le contredire. L’ironie est soulignée en quelque sorte. - La mauvaise foi des juges est ensuite critiquée. Zadig est accusé d’un nouveau forfait : à défaut de pouvoir l’accuser de vol, on le condamne pour fausses déclarations : « mais ils condamnèrent Zadig à payer 400 onces d’or pour avoir dit qu’il n’avait point vu ce qu’il avait vu ». La construction de la phrase, l’enchainement des subordonnées, rend cet énoncé difficilement compréhensible : c’est une manière de moquer l’absurdité de cette nouvelle condamnation. - Mais surtout c’est la cupidité des juges qui est raillée. La critique passe par le caractère assez démesuré de la somme à payer et par la nécessité de la payer avant même que l’accusé ait la possibilité de se défendre. « Il fallut d’abord payer cette amende ; après quoi il fut permis à Zadig de plaider sa cause ». Là encore le procédé d’écriture choisi (la simple juxtaposition des deux propositions) donne l’impression que c’est la procédure normale et que Voltaire s’abstient de tout commentaire. Mais l’ironie fonctionne ; la critique est implicite. - L’ironie culmine sans doute au début de la plaidoirie de Zadig quand, en guise de captatio benevolentiae, il fait l’éloge de l’assemblée des juges. Toutes les formes d’ironie sont en œuvre : l’ironie par antiphrase avec cette accumulation ternaire de métaphore laudatives (« Etoiles de justice, abîmes de science, miroirs de la vérité ») et une ironie qui passe par le trait d’esprit et l’allusion. Ainsi, quand Zadig énonce les qualités exceptionnelles des juges, il parle de « la pesanteur du plomb », « l’éclat du diamant » et de « beaucoup d’affinités avec l’or » : « beaucoup d’affinités avec l’or » peut faire référence à leur cupidité par le double sens du mot affinités ; « la pesanteur du plomb » pourrait faire penser à une certaine lourdeur d’esprit.

Transition

: Voltaire, par sa manière de conduire le récit, par son style et par le maniement de l’ironie, critique donc sévèrement le processus judiciaire, entaché par l’erreur, la mauvaise foi, l’orgueil et la cupidité. Nous allons voir comment il fait sentir, au contraire, les qualités de Zadig. Ph. Campet / Lycée Victor Hugo / Marseille /

II) Les différents aspects de la sagesse de Zadig - Observons d’abord que Zadig se garde de montrer de l’insolence à l’égard du pouvoir. Sans excès (et donc sans ironie cette fois je pense), il qualifie le roi, la reine, l’eunuque, le grand veneur, et même le chien et le cheval de toues les adjectifs laudatifs protocolaires : « respectable », « illustre », « vénérable », « sacré ». Il se garde de toute polémique. Il y a une prudence de Zadig. On observe simplement, à la fin du texte, une raillerie discrète sur le risque qu’il pourrait y avoir à constater une disgrâce chez la petite chienne de la reine : « j’ai compris que la chienne de notre auguste reine était un peu boiteuse si j’ose dire ». Son langage est celui de la courtoisie. - Lorsqu’il explique comment il a pu décrire le chien et le cheval du roi sans les avoir jamais vu, il se garde de tout artifice rhétorique : il utilise un vocabulaire précis et net pour rendre compte de ses observations : « traces d’un animal », « sillons légers et longs », « petites éminences de sable ». Son langage est celui de la clarté et de la simplicité - Les verbes qu’il utilise sont des verbes d’observation et de jugement : « j’ai vu, j’ai jugé, m’ont fait connaître, m’ont appris, j’ai remarqué, j’ai compris ». Leur succession décrit une méthode scientifique qui consiste à observer puis à exercer son jugement pour en tirer des conclusion : « j’ai vu / j’ai jugé » ; « j’ai remarqué / j’ai compris ». Son langage est celui de la rigueur scientifique. - Chacune de ses phrases est d’ailleurs construite sur le même modèle : exposé d’une observation, conclusion tirée. « j’ai vu sur le sable… j’ai jugé aisément » ; « Des sillons légers et longs…. m’ont fait connaître » ; « d’autres traces… m’ont appris » ; « comme j’ai remarqué que… j’ai compris que…). Cette régularité dans la construction de son propos met en valeur sa clarté et bien sûr sa perspicacité

Conclusion

Face à la mauvaise foi et à la cupidité des juges dont Voltaire fait la satire, face à l’injustice dont il est victime, Zadig s’entête à parler le langage tempéré de la raison et de l’esprit scientifique. On reconnaît déjà dans ses qualités celles que cherchaient à cultiver les philosophes des Lumières dont Zadig est un peu une figure idéale si l’on en juge par la définition que Dumarsais donne de l’esprit philosophique dans l’article « Philosophe » de l’Encyclopédie, « L'esprit philosophique est donc un esprit d'observation et de justesse, qui rapporte tout à ses véritables principes » Ph. Campet / Lycée Victor Hugo / Marseille /