Cahier du TDB 14-15 - ITFO

Download Report

Transcript Cahier du TDB 14-15 - ITFO

THÉÂTRE DIJON BOURGOGNE
CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL
LES CAHIERS DU TDB
2014 2015
I
SPÉ
SPÉCIAL
Par Sébastien Uettwiller, professeur de philosophie au Lycée Charles De Gaulle,
chargé de mission éducative au TDB
Contacts
Sophie Bogillot
Responsable des relations avec le
public
03 80 68 47 39
[email protected]
Véronique Philibert
Secrétaire générale
03 80 68 47 41
[email protected]
Sébastien Uettwiller
Professeur chargé de mission
éducative au TDB
[email protected]
DU THÉÂ
THÉÂTRE
ÉÂTRE POUR UN PUBLIC JEUNE
JEUNE
Le ministère de la Culture et de la Communication a lancé en avril 2014 l’initiative de La
Belle saison, pour mettre en évidence la richesse de la création artistique à destination de
l’enfance, de la jeunesse et de l’adolescence, projet proposant plusieurs centaines de rendez-vous, échelonnés entre l’été 2014 et la fin 2015, d’envergure aussi bien nationale que
régionale. Cette initiative fait se croiser la littérature, le patrimoine, les arts plastiques, le numérique aussi bien que le théâtre. Dans ce cadre, le Théâtre Dijon Bourgogne propose, à
partir d’octobre, plusieurs spectacles qui s’adressent visiblement à ce public spécifique. Nous
en choisirons trois sur les cinq accueillis cette saison :
- SUR LES TRACES DU ITFO*
* Import’nawouak Turakian Folklorik Orke’stars (À partir de 8 ans)
du 7 au 11 Octobre 2014
- DORMIR CENT ANS (À partir de 8 ans – Dans le cadre du Festival À Pas Contés)
du 17 au 21 Février 2015
- LE PRÉAMBULE DES ETOURDIS (À partir de 8 ans – Dans le cadre du Festival À Pas Contés)
du 23 au 26 Février 2015
Autant d’approches très différentes qui rendent bien compte de la diversité de la création à
destination de la jeunesse ; une question cependant se pose, à travers toutes ces belles propositions : qu’est-ce qui fait la spécificité des spectacles conçus pour un jeune public ?
Pour tenter de répondre à cette question, nous commencerons par l’étude des pistes que
nous propose SUR LES TRACES DU ITFO*.
SUR LES TRACES
DU ITFO*
* Import’nawouak Turakian
Folklorik Orke’stars
À partir
de 8 ans
DANS LE CADRE DE
DU MARDI 7 AU SAMEDI 11 OCTOBRE 2014
Du mardi au vendredi à 20 h - le samedi à 21 h - durée 1 h
Placement numéroté
Texte, mise en scène, scénographie Michel Laubu
Avec la complicité d’Émili Hufnagel
Musique Laurent Vichard
Avec Michel Laubu, Marie-Pierre Pirson, Caroline Cybula, Emili Hufnagel,
Laurent Vichard (bouzouki, clarinette basse, clavier), Frédéric Roudet (cuivres)
Guitare pré-enregistrée Rodolphe Burger Trombone pré-enregistré Loïc Bachevillier
Regards extérieurs Olivia Burton, Philippe Cancel, Vincent Roca Lumière Timothy Marozzi
Son Hélène Kieffer Construction décors et personnages Charly Frénéa, Joseph Paillard, Géraldine Bonneton,
Emmeline Beaussier Production Cécile Lutz
Production Turak Théâtre
Coproduction Le Bateau Feu - Scène nationale de Dunkerque, Les Subsistances, Lyon,
Le Carreau - Scène nationale de Forbach, La Comédie de Saint-Etienne - CDN, Théâtre Anne de Bretagne –
Vannes, La Passerelle - Scène nationale de Gap, Théâtre Jean Renoir - Cran Gevrier
Avec le soutien de l’Espace Paul Jargot – Crolles
Turak théâtre est compagnie associée au Bateau Feu - Scène nationale de Dunkerque.
En résidence aux Subsistances - Lyon et au Théâtre Jean Renoir – Cran Gevrier.
Turak théâtre est en convention avec le Ministère de la Culture et de la Communication - D.R.A.C Rhône-Alpes
et la Région Rhône-Alpes et est subventionné par la Ville de Lyon.
Avec le soutien de la Ville de Lyon et de l’Institut Français pour la mobilité internationale
Autour du spectacle
EXPOSITION
L’Habitant de Turakie
Du samedi 6 septembre au jeudi 30 octobre, Parvis Saint-Jean
RENCONTRE A CHAUD
Jeudi 9 octobre à l’issue de la représentation
THÉÂTRE « À JOUER PARTOUT »
En parallèle au spectacle, Turak présente également Deux Pierres, solo de et par Michel Laubu dans les
cinq centres sociaux de Dijon.
Deux Pierres, ça tient tout entier dans la paume d’une main ou dans une boîte à chaussures.
C’est une poésie bricolée, un mélange imprévu d’objets, usés, exhumés des tiroirs oubliés, ceux que
l’on ne se résout pas à jeter. Fasciné par la poésie de ces petits assemblages improbables et par la
fatigue des objets, Michel Laubu, façonne ici une galerie de portraits et crée un théâtre d’images.
Mercredi 1er octobre : - 14h au Centre social du Parc – (0380676492)
- 17h30 au Centre social de La Fontaine d'Ouche - (0380488480)
Vendredi 3 octobre : - 17h15 au Centre social Balzac – (0380488010)
Samedi 4 octobre :
- 14h30 au Centre social des Grésilles – (0380713333)
- 18h au Centre social des Bourroches – (0380411964)
CAUSERIE
Qu’est-ce le Théâtre d'objets ?
Avec Michel Laubu et Jean-Luc Mattéoli, agrégé de Lettres modernes et titulaire d’une thèse de
doctorat consacrée aux objets dans le théâtre
Samedi 11 octobre à 14h30, Parvis Saint-Jean
Le nouveau spectacle du Turak Théâtre s’articule autour d’un propos simple : “de
fausses bonnes raisons économiques ont provoqué la dissolution de l’’Orchestre National
de Turakie ; il s’est ensuite dissout dans le quotidien et semblait avoir disparu.” On retrouve
sur scène pupitres, partitions, instruments et boîtes, et des machines bricolées à partir de
pédaliers de vélos, de fil de fer et d’ustensiles hétéroclites remettent en jeu les instruments
oubliés pour faire revivre cet orchestre fantôme. Comme nous l’annonce la plaquette de
présentation, “parmi les ruines on trouvera, entr’autres curiosités, un musicien-sirène qui
tourne et tourne sur lui-même, les bras chargés d’instruments ouverts à tous les vents, probablement né de la rencontre rêvée entre un pompier plongeur avec tuba et une charmante
en queue de poisson des fonds marins”. Le titre en lui-même est tout un programme...
Si ce préambule vous donne une curieuse impression, née d’un mélange entre familiarité et étrangeté, rien de plus normal : Michel Laubu, fondateur du Turak Théâtre en 1985,
ne cesse d’explorer en compagnie de ses complices les possibilités ouvertes par des représentations qui mêlent théâtre d’objet et de marionnette, pour susciter une poésie visuelle, une atmosphère et une expérience musicale singulières.
Né dans les années soixante en Lorraine et issu d’une famille de mineurs, Michel Laubu s’intéresse très tôt au détournement des objets du quotidien, démontant et réassemblant de manière improbable lampes de poche, vélos et ustensiles divers, pour les décaler,
leur faire raconter une histoire et les faire glisser imperceptiblement dans un univers onirique. Sous l’impulsion d’un de ses professeurs, qui l’incite à prendre un abonnement au
Théâtre populaire de Lorraine, il se découvre une passion pour le monde de la scène et les
spectacles, créant rapidement ses premières représentations dans les écoles voisines,
quitte à sécher des heures de cours dans son lycée. Son arrivée à Nancy lui permet de découvrir Grotowski et Eugenio Barba, aussi bien que le Kathakali indien ou les marionnettes
et silhouettes balinaises : son théâtre conserve le goût de ces rencontres, dans une approche qui donne le sentiment de se trouver face à quelque chose d’archaïque et d’originel,
l’apparence d’extrême simplicité masquant la sophistication des trouvailles et de la construction de l’ensemble.
Evidemment, le théâtre de Turak évoque une multitude de références possibles : les
marionnettes, avec leur dégaine de volatile et leur visage stylisé font penser à
l’expressionnisme ; les objets détournés et mis en mouvement à Calder ou à Tinguely ;
l’inventivité enfantine, l’humour et cet art du bout de ficelle à l’art brut ou à certains film de
Michel Gondry ; le comique surgi de l’absurde à Beckett, à Ubu ou au dadaïsme. Mais
l’essentiel n’est pas là : Turak, c’est surtout l’invention d’une géographie imaginaire, celle de
la “Turakie septentrionale” , un pays inventé de toutes pièces, avec son histoire et ses personnages, peuplé de pingouins, de renards, de loups à raquettes, d’enfants et d’être encore
plus étranges ; il a ses mœurs et ses codes, juste un peu en deçà (ou au-delà ?) de la logique habituelle. Il s’agit donc de faire l’archéologie, ou l’ethnologie de ce pays étrange, et
qui a sa propre cohérence, ce à quoi s’attache Michel Laubu au fil des spectacles. Ici aussi,
on pourrait être tenté de faire le rapprochement avec l’anthropologie imaginaire proposée
par Henri Michaux ou, pour les amateurs de Science Fiction, de Jack Vance, mais ce qui
domine en Turakie, c’est l’humour et une forme douce de mélancolie, bien plus que la performance technique ou stylistique.
© Romain Etienne - Item
Pour entrer dans ce monde farfelu, outre les spectacles, on ne peut donner de meilleur
conseil que de visiter le site de Turak Théâtre (http://turak-theatre.com) et de laisser errer sa
souris au gré des propositions et des images. On y trouvera mille suggestions parmi les projets, archives, ateliers et le savoureux musée : des images, de la musique et beaucoup de
textes, dans lesquels foisonnent la pratique du jeu de mot, de l’approximation, du glissement de sens, le tout dans une visible jubilation et avec une intention clairement poétique.
C’est d’autant plus remarquable que les spectacles en eux-mêmes proposent peu, voire pas
du tout, de texte : ils ne s’écrivent d’ailleurs pas à partir d’une histoire préalable, mais à
l’atelier, en fonction des trouvailles et tentatives, des objets glanés aux quatre vents, des
bois flottés rassemblés et des visages de terre qui naissent sous les mains des artistes (Michel Laubu, Emili Hufnagel, Charly Frénéa, Joseph Paillard, Géraldine Bonneton pour ITFO).
Autant de suggestions qui finissent par s’agglomérer et rentrer en résonance avec les
préoccupations du présent, pour former des situations et des figures identifiables.
Mais si les mots ne sont pas l’essentiel, comment parvenir à faire passer l’émotion ? La
réponse de Turak est simple : grâce à un théâtre d’objets et de marionnettes et grâce à la
musique. Né véritablement dans les années quatre-vingt après les balbutiements des années soixante-dix, le théâtre d’objet propose une modification de l’espace scénique (de
nombreux lieux peuvent se prêter à l’exercice, mais l’essentiel est que la pratique fait vaciller les distinctions habituelles entre théâtre, arts plastiques et vision cinématographique) et
du rôle du comédien, qui devient tour à tour danseur, manipulateur, mime, acteur ou conteur. Cela donne un théâtre d’images qui propose un langage poétique : les objets sont des
occasions de convoquer des mythologies quotidiennes, de rappeler des souvenirs et des
usages anciens, de renvoyer le spectateur à son propre rapport avec les objets, qui va bien
au-delà du simple usage, et est lourd d’impressions, de sensations et de vécu intime. C’est
aussi tout ce qui fait l’intérêt des objets usés, recyclés, bricolés : ils portent la patine de leur
existence passée et évoquent immanquablement un arrière-fond, un ailleurs qui met en
branle l’imagination. Une bonne partie du travail consiste pour le comédien à faire vraiment
vivre l’objet, à rentrer en dialogue avec lui, en l’animant à vue et en se laissant surprendre
par ses trouvailles. Le constat est à peine différent avec les marionnettes : certes, elles ont
une existence plus directement incarnées et un visage, d’emblée porteur d’une émotion et
d’une histoire, mais elles aussi sont manipulées à vue, et le rapport entre le comédien qui
les anime (et leur prête parfois ses mains) devient troublant et peut constituer une partie du
jeu. En alternance, Michel Laubu, Marie-Pierre Pirson, Caroline Cybula et Emili Hufnagel
donnent corps et font vivre les personnages du ITFO. La musique, enfin, revêt une importance particulière : composée et arrangée ici en amont par Rodolphe Burger et Laurent Vichard, elle est jouée sur scène par ce dernier accompagné de Frédéric Roudet ; elle permet
bien sûr de créer une ambiance et un rythme, mais elle est surtout le support de l’émotion,
les guitares électriques et surtout les cuivres renvoyant le spectateur vers un imaginaire de
fanfare vaguement balkanique.
© Romain Etienne - Item
Les avantages de ce dispositif sont nombreux : cela donne un théâtre capable de parler
immédiatement à la sensibilité de chacun, qui se présente comme simple et à jouer partout,.
C’est donc d’abord un théâtre qui se prête à une multitude de lieux : de la rue à une grande
scène, en passant par de petites salles ou des installations provisoires ; c’est aussi une manière de concevoir les spectacles qui fait rarement de la langue un obstacle et permet facilement à un public étranger d’accéder à l’essentiel, en se laissant bercer par la poésie et les
images.
Le danger potentiel reste cependant de voir s’effilocher le sens : si le texte devient accessoire, que reste-t-il à comprendre ? Dès Un oiseau avec des moufles (2004), Michel
Laubu nous rassure : “Le plus précieux, ce sont ces choses qu’on comprend pas. Mesdames et messieurs, vous n’allez rien comprendre, et nous allons vous y aider” ; étrange
invitation en apparence, mais les rêves dont on se souvient longtemps sont-ils forcément
ceux dont le contenu et le sens sont les plus clairs ? N’en va-t-il pas de même pour les
spectacles ? De fait, si le sens n’est pas univoque, cela permet aussi une lecture à plusieurs
niveaux, et en fonction de la sensibilité et des capacités de chacun : autrement dit, la poésie
visuelle suscitée par la représentation peut être saisie aussi bien par de petits enfants sans
expérience théâtrale que par un adulte qui est déjà un spectateur averti (l’inverse étant également possible !) Le but est visiblement, aussi, d’aiguiser le regard et de permettre à chacun de percevoir dans les objets et situations du quotidien un peu de cette étrangeté et de
cet émerveillement qu’il a trouvé en Turakie.
Quelques ouvrages de référence conseillés par Jean-Luc Mattéoli, agrégé de Lettres modernes et auteur d’une thèse sur le théâtre d’objets
Jean BAUDRILLARD, Le Système des objets, Paris, Gallimard, « Tel », 1968.
Jean BAUDRILLARD, La Société de consommation, Paris, Gallimard, Folio, 1970.
Jean DAGOGNET, Eloge de l’objet, Paris, Vrin, 1986.
Anne MUXEL, Individu et mémoire familiale, Paris, Nathan, coll. Essais et recherches, 1996.
Serge TISSERON, Comment l’esprit vient aux objets, Paris, Aubier, 1999.
Deux écrits de l’intérieur…
Macha MAKEIEFF, Poétique du désastre, Arles, Actes sud, 2001.
Macha MAKEÏEFF, Nouveau Bréviaire pour une fin de siècle, Paris, Éditions du Chêne, 1999.
Un essai autobiographique…
François BON, I, Paris, Le Seuil, « Points », 2012
Deux livres d’images…
La Petite Encyclopédie Volter Notzing, textes, dessins, objets de Roland Shön, Montreuil,
éditions de l’œil, 2002.
L’Objet Turak, par Michel Laubu, Montreuil, éditions de l’œil, 1999.
Un livre de photographies…
Vide-greniers, P. Gabel, O. Debary, H.S. Becker, Paris, CreaphisEditions, 2011.
À venir, les fiches pédagogiques du Cahier du TDB, spécial La Belle Saison :
- Dormir cent ans, création 2015 de Pauline Bureau
- Le Préambule des étourdis d’Estelle Savasta
Deux spectacles pour « Tous les publics » accueillis par le TDB dans le cadre du festival
À Pas Contés 2015