Les caractéristiques épidémiologiques des

Download Report

Transcript Les caractéristiques épidémiologiques des

Les caractéristiques épidémiologiques des intoxications
dans la région de Souss-Massa-Drâa au Maroc
Mahir Siham MD#
mahir-siham at hotmail dot fr
Laboratoire de Génétique et Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc
2. Soulaymani A MD
Laboratoire de Génétique et Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc
3. Hami H MD
Laboratoire de Génétique et Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc
4. Mokhtari A MD
Laboratoire de Génétique et Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc
5. Benali D MD
Laboratoire de Génétique et Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc
6. Soulaymani-Bencheikh R MD
Centre Anti-Poison et de Pharmacovigilance du Maroc; Faculté de Médecine et de Pharmacie,
Université Mohammed V, 11400 Rabat, Maroc
# : corresponding author
DOI
http://dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.619
Date
2014-03-21
Cite as
Research fr 2014;1:619
licence
CC-BY
1.
Résumé
Introduction: La présente étude vise à décrire les caractéristiques relatives à la
provenance des déclarations, celles des patients, des toxiques suspectés, ainsi que des
intoxications et d’évaluer l’incidence, la gravité et les facteurs de risque de tous les cas
d’intoxications dans la région de Souss-Massa-Drâa.
Patients et méthodes: C’est une étude rétrospective qui a été réalisée sur tous les cas
d’intoxications déclarés au Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM),
durant la période 1980 et 2007.
Résultats: Durant cette période, 4713 cas d’intoxications ont été recensés par le CAPM.
La province d’Agadir est celle qui a déclaré le plus grand nombre de cas d’intoxications,
avec 53,6%. Le sex-ratio (F/H) a été de 1,13 en faveur du sexe féminin. L’âge moyen des
intoxiqués a été de 23,2 ± 14,8 ans. Les aliments, les médicaments et les envenimations
ophidiennes ont été, respectivement, les trois premiers types de produits les plus
incriminés. Par contre, les produits minéraux, principalement la paraphénylène diamine,
ont causé le plus grand nombre de décès (60 cas) avec un taux de létalité très élevé
(36,1%). La majorité des intoxications étaient accidentelles, soit 64% et se produisaient à
domicile dans 62,3% des cas. L’évolution des patients intoxiqués était favorable dans
94,8% des cas, 5,2% des cas sont décédés (187 cas) et 1,2% ont gardé des séquelles,
avec un taux de létalité générale de 3,9%.
Conclusion: Cette étude a montré que le nombre des cas d’intoxications et le taux de
létalité dans notre région ont été loins d’être négligeables.
English Abstract
Introduction: This study aims to describe the characteristics relating to the origin of
statements, the patients, suspected toxins and poisoning and to assess the incidence,
severity, and risk factors for all cases of poisonings in the region of Souss-Massa-Draa.
Patients and methods: This is a retrospective study performed on all cases of poisonings
reported to the Poison Control Center and Pharmacovigilance of Morocco (CAPM) during
the period from 1980 to 2007.
Results: During this period, 4713 cases of poisoning have been identified by CAPM. The
province of Agadir had the largest number of cases of poisoning with 53.6%. The sex ratio
(female/male) was 1.13. The average age of patients was 23.2 ± 14.8 years. Food,
medications and ophidian envenomation were the top three types of products implicated.
However, mineral products, mainly parapenylene diamine, caused the greatest number of
deaths (60 cases) with a very high fatality rate (36.1%). The majority of poisonings were
accidental (62.3% of cases) and occurred at home in 64% of cases. The evolution of
poisoned patients was favorable in 94.8% of cases, 5.2% of patients died (187 cases) and
1.2% had sequelae, with an overall fatality rate of 3.9%.
Conclusions: This study showed that the number of cases of poisoning and the fatality
rate in our region were far from negligible.
Introduction
Les intoxications constituent un véritable problème de santé dans de nombreux pays du
monde, ainsi qu’un motif fréquent d’admission aux urgences et en réanimation. Au Maroc,
les données épidémiologiques établies par le Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance
(CAPM) montrent que 77 133 cas d’intoxications ont été déclarées pour les seize régions
du royaume pendant la période 1980-2007 [1].
La région de Souss-Massa-Drâa est l’une des régions du Maroc concernée par cette
pathologie toxicologique et malheureusement les dimensions exactes de ce phénomène
dans cette région sont encore mal dégagées. De ce fait, le présent travail vise à décrire
les caractéristiques relatives à la provenance des déclarations, celles des patients, des
toxiques suspectés, ainsi que des intoxications et d’évaluer l’incidence, la gravité et les
facteurs de risque de ces intoxications dans la région de Souss-Massa-Drâa entre 1980 et
2007.
Données et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective basée sur les données de toxicovigilance du Centre Anti
Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM), parvenues à ce centre par courrier ou
par téléphone, sur une durée de 28 ans entre 1980 et 2007. Elle a concerné tous les
patients intoxiqués par différents types de produits et qui se sont présentés à l’une des
structures sanitaires de la région de Souss-Massa-Drâa à l’exception des cas
d’envenimations scorpioniques ainsi que ceux ayant été intoxiqués par deux produits et
plus.
La région de Souss-Massa-Drâa (la superficie est de 77342 km²) regroupe sur le plan
administratif, la wilaya d’Agadir (les préfectures Agadir Ida Outanane, Inezegane Ait
Melloul et la province de Chtouka Ait Baha) et les provinces de Tiznit, Taroudant,
Ouarzazate et Zagora [2]. La population de cette région est de 3 094 985 habitants, elle
varie selon les provinces, ce qui permet de classer la province de Taroudant en première
place avec 777 316 habitants [3]. (fig.1).
[agrandir]
Figure 1. Situation géographique de la région de Souss-Massa-Drâa et distribution de la population
selon les provinces.
La méthodologie statistique a été basée sur deux axes:
 Statistique descriptive : le calcul des fréquences ou des moyennes de chaque variable étudiée nous a
permis de décrire la population intoxiquée. Les variables étudiées concernent les caractéristiques
épidémiologiques (âge, sexe), spatio-temporelles (années, provinces, milieux…), cliniques (gradation),
évolutives (décès, guérison) et les caractéristiques du toxique (familles du toxique, produits du
toxique).
 Statistique analytique : dans cette partie, nous avons analysé l’influence de certaines variables sur
l’évolution des patients intoxiqués. Dans ce sens, nous avons calculé le test du khi-deux (χ2) et le
risque relatif (RR) associé.
Résultats
De 1980 à 2007, le CAPM a collecté au total 39047 cas d’intoxications, les piqûres et les
envenimations scorpioniques (PES) ont représenté 87,8% des cas (34283 cas), les
intoxications par un seul produit qui font l’objet de cette étude sont de 12,1% des cas (4713
cas) et les intoxications par deux produits ont représenté plus de 0,1% des cas (51 cas).
Caractéristiques de la population intoxiquée dans la région de Souss-Massa-Drâa
Les résultats du tableau 1 montrent que le CAPM a collecté 4713 cas d’intoxications entre
1980 et 2007 où l’évolution des patients a été favorable pour 94,8% des cas avec 1,2% de
séquelles. Le décès a été enregistré dans 5,2% des cas, soit un taux de létalité général de
3,9%.
Les résultats concernant la répartition des cas selon le milieu montrent que la majorité des
cas s’observent dans le milieu urbain (62,1%) et selon la létalité, le taux le plus élevé a été
observé dans le milieu rural (4%) (χ²=101,7 ; p<0,001). D’autre part, la répartition
géographique montre que toutes les provinces de la région sont touchées avec une
prédominance pour la province d’Agadir (53,6%). De plus, la majorité des cas de décès
ont été observée dans cette province avec un taux de létalité de 6,3%. La majorité des
intoxications ont eu lieu à domicile, soit 78,8% des cas.
globale
Evolution
Létalité
spécifique%
Variables
Fréquence Guérison
Décès Inconnu
4713
3360
186
1167
3,9
Urbain
1069
788
16
265
1,5
Rural
649
484
26
139
4,0
Inconnu
2995
2088
144
763
4,8
Agadir
2528
1941
158
401
6,3
Taroudant
924
511
7
406
0,8
Tiznit
548
358
14
170
2,6
Ouarzazate
413
295
5
110
1,2
Chtouka Ait Baha
175
121
-
53
-
Inezgane Ait
Melloul
96
77
-
19
-
Zagora
29
16
2
8
6,9
Domicile
2938
2072
106
760
3,6
Public
437
317
25
95
5,7
Travail
352
244
26
82
7,3
Inconnu
986
727
29
230
2,9
Féminin
2458
1765
101
592
4,1
Masculin
2164
1516
85
563
3,9
Inconnu
91
79
-
12
-
Nombre de cas
Milieu
Provinces
Lieu
d’intoxication
Sexe
Tranches d’âge
Enfant (<=15ans)
1302
929
39
334
2,9
Adulte (>15ans)
3287
2343
146
798
4,4
Inconnu
124
88
1
35
0,8
Accidentelles
3019
2162
72
785
3,3
Volontaires
1276
946
98
232
7,6
Inconnu
418
252
16
150
3,8
Cutanée
581
377
46
158
7,9
Inhalation
589
420
9
160
1,5
Orale
3376
2441
121
814
3,5
Injectable
1
-
-
1
-
Oculaire
9
9
-
-
-
Inconnu
157
113
10
34
6,3
Grade 0 (Néant)
1603
1268
-
337
-
Grade 1 (Mineur)
151
125
-
26
-
Grade 2 (Modéré)
3
2
-
1
-
Grade 3 (Sévère)
300
215
-
85
-
Grade 4 (fatale)
186
-
186
-
100
Ingradable
2470
1752
-
718
-
Circonstances
Voie
d’intoxication
Gradation
Tableau 1. Répartition des cas d’intoxications selon l’espace et selon les caractéristiques de l’intoxiqué
et de l’intoxication.
Le lieu de travail a représenté 9,5% des cas avec un taux de létalité très élevé par rapport
aux autres lieux d’intoxications (7,4%). Le sexe féminin est plus touché que le sexe
masculin (χ²= 18,5, p<0,001) avec un taux de létalité de 4,1% (101 décès). L’âge moyen
des intoxiqués était de 23,2±14,8 ans. Les adultes sont plus touchés que les enfants
(71,6%) avec un taux de létalité de 4,5% et la différence entre les deux groupes est
hautement significative (χ² = 599,4, p<0,001). Les circonstances des intoxications étaient
accidentelles dans 70,3% des cas. La proportion des circonstances volontaires est aussi
importante, dont les tentatives de suicide à elles seules représentaient 26% (1136 cas)
des cas enregistrés avec un taux de létalité très élevé (7,8%). Les produits toxiques étaient
pris par voie orale dans 74,1% des cas. Par contre, le taux de létalité le plus élevé était
marqué dans le cas où les produits toxiques étaient pris par voie cutanée (46 décès, soit
7,9%). Les cas déclarés étaient symptomatiques dans 72,9% des cas et la majorité des
cas de décès ont été observés dans les cas symptomatiques (158 décès). Selon la gravité,
le grade 0 est le plus dominant (71,5%), mais les grades 3 et 4 restent aussi importants,
on note également que la totalité des cas de décès (186 décès) est observée pour le grade
4.
Caractéristiques du toxique
Les aliments, les médicaments et les envenimations ophidiennes étaient, respectivement,
les trois premiers types de produits incriminés dans l’ensemble des cas d’intoxications au
niveau de la région de Souss-Massa-Drâa. Selon la létalité spécifique de chaque famille
du toxique, le taux le plus élevé a été observé chez les intoxiqués par les produits minéraux
principalement par la paraphényléne diamine (45,1%), suivis par les cas d’envenimations
ophidiennes (11,2%) et par les produits ménagers (7,0%) (Tableau 2).
Famille de
produits
Nombre de
Favorable Décès Inconnu
cas
Taux de létalité
spécifque
Aliments
1110
829
2
279
0,24
Envenimations
563
364
46
153
11,22
P. Cosmétiques
9
6
0
3
0,00
Drogues
69
50
3
16
5,66
Médicaments
969
776
11
182
1,40
P.Agricoles
523
380
15
128
3,80
Plantes
181
127
8
46
5,93
P. Gazeux
469
326
7
136
2,10
P. Industriels
224
149
9
66
5,70
P. Ménagers
344
238
18
88
7,03
P. Minéraux
166
73
60
33
45,11
P. Inconnu
86
42
7
37
14,28
4713
3360
186
1167
5,12
Total
Tableau 2. Distribution des cas d’intoxications selon la famille du toxique et la létalité spécifique.
Facteurs de sévérité en relation avec l’évolution des patients
D’après les résultats du tableau 3, les patients d’origine rurale ont deux fois plus de risque
d’évoluer vers le décès que les patients intoxiqués dans le milieu urbain (RR= 2,64 ;
IC95%:1,400%-4,966%). D’ailleurs, d’après les mêmes résultats, les patients
symptomatiques évoluent vers le décès de manière significative avec un risque relatif de
2,134 (IC95% :1,418%-3,212%).
Selon les résultats du même tableau, les circonstances volontaires augmentent trois fois
plus le risque d’évoluer vers le décès par rapport à ceux dont les circonstances
d’intoxications sont accidentelles (RR=3,111; IC95% = 2,273-4,257).
variable
favorable décès
Khi2
p
9,671
0,002
RR
Intervalle de
confiance (IC)
(95%)
Milieu
Urbain
777
16
2,637 1,400-4,966
Rural
478
26
Féminin
1748
101
Masculin
1492
85
Sexe
0,2
0,940
1,022 0,760-1,375
4,279
0,043
1,478 1,019-2,145
Tranches d'âge
Enfant (<=15ans) 922
39
Adulte (>15ans)
2303
146
Accidentelles
2151
72
Volontaires
922
98
Symptomatique
2407
158
Asymptomatique
912
28
Circonstances
54,979 <0,001 3,111 2,273-4,257
Etat clinique
13,787 <0,001 2,134 1,418-3,212
Tableau 3. Les facteurs influençant le pronostic vital des patients intoxiqués.
RR : Risque relatif ; IC95% : Intervalle de confiance à 95% ;P > 0,05 : liaison non
significative ; 0,01< p ≤0,05 : liaison significative (5%) ; 0,001< p ≤0,01 : liaison très
significative (1%).
Discussion
Pendant 28 ans, 4713 cas d’intoxications ont été déclarés au CAPM au niveau de la région
de Souss-Massa-Drâa, soit 6,2% du total des intoxications (78374 cas) déclarées au
Maroc dans la même période [1]. Selon le même auteur [1], toutes les régions du royaume
ont été touchées par les intoxications avec une prédominance pour la région du Grand
Casablanca (17,5%), suivie par Tadla-Azilal (10,4%) et Marrakch-Tensift-Al Haouz
(10,1%). Cette différence peut s’expliquer par le fait que les régions administratives sont
très hétérogènes sur le plan démographique, géographique, économique, social et
culturel. La majorité des cas s’observent dans le milieu urbain et selon la létalité, le taux le
plus élevé a été observé dans le milieu rural, en outre le milieu d’intoxications est un facteur
qui influence l’evolution des patients intoxiqués. Cette situation confirme le fait que l’accès
aux structures de santé et aux moyens de communications, reste faible au niveau rural par
rapport au milieu urbain [4].
Dans notre série, l’âge moyen des intoxiqués était de 23,18 ± 14,77 ans. En effet, l’âge
moyen des intoxiqués au Maroc était de 21,2 ± 14,9 ans [1], ceci explique bien que les
adultes jeunes sont les plus touchés au niveau de la région de Souss-Massa-Drâa et au
niveau du Maroc.
La majorité des intoxications étaient accidentelles. Cependant, la proportion des
circonstances volontaires est aussi importante dont les tentatives de suicide à elles seules
représentent 26% de l’ensemble des cas enregistrés avec un taux de létalité très élevé. Il
faut signaler que la proportion des tentatives de suicide est aussi importante au niveau du
Maroc, soit 24,5% du total des cas enregistrés [1]. Ceci peut être traduit par l’interaction
des facteurs socioculturels, environnementaux et psychopathologiques. On constate à
partir de ces résultats que les circonstances d’intoxications sont un facteur de risque qui
influence l’évolution des intoxiqués.
D’après les résultats obtenus, les aliments, les médicaments et les envenimations
ophidiennes étaient, respectivement, les trois types de produits les plus incriminés dans
l’ensemble des cas d’intoxications au niveau de la région de Souss-Massa-Drâa. De même
à l’échelle nationale, les résultats enregistrés par Ouammi et ses collaborateurs ont montré
que les intoxications alimentaires sont placées en 1ère position suivie par les intoxications
médicamenteuses et les produits gazeux. En effet, de 1989 à 2008, le CAPM a collecté
17896 cas d’intoxications alimentaires, soit 22,1% de l’ensemble des cas d’intoxications
colligés pendant la même période [5]. Ces chiffres de déclarations restent sous estimés et
ne reflètent pas la réalité des cas survenus, du fait d’une sous déclaration par
méconnaissance de la pathologie. Ainsi on peut estimer 10 cas pour chaque
déclaration [6].
Parmi les autres causes d’intoxications dans la région étudiée, on trouve les médicaments.
Les résultats de la répartition des cas d’intoxications médicamenteuses selon les régions
du Maroc entre 1980 et 2005 ont montré que les fréquences les plus élevées ont été
enregistrées dans la région du grand Casablanca avec 21,9% des cas, mais le nombre le
plus élevé de décès est observé dans la région de Souss-Massa-Darâa avec 11 cas de
décès et avec un taux de létalité de 26,76‰ [7]. Au Maroc, l’intoxication d’origine
médicamenteuse occupe la deuxième place avec 19 204 cas déclarés durant la période
1980-2008, soit 21,9% de l’ensemble des intoxications[8]. Malgré la place qu’occupe ce
type d’intoxications, le nombre de déclarations demeure très faible, en comparaison avec
d’autres pays [8]. En France, par exemple, l’incidence annuelle des intoxications
médicamenteuses serait de 151 000 cas, avec 2 000 décès par an [9]. Cette situation peut
être expliquée par la sous notification, ainsi par le faible taux de consommation des
médicaments par la population marocaine par rapport aux autres pays [10].
Au terme de cette étude, les envenimations ophidiennes sont aussi très fréquentes dans
la région Sous-Massa-Drâa avec un taux de létalité de 11,2%. Au Maroc, 1761 cas
d’accidents de morsures et d’envenimations de serpents (MES) ont été déclarés au CAPM
durant la période allant de 1980 à 2008, soit 2,06% de l’ensemble des cas
d’intoxications [11]. Dans le monde, peu de données épidémiologiques fiables en rapport
avec les accidents de MES sont disponibles, en particulier pour leur survenue en milieu
rural, et par conséquent les cas ne sont pas reportés [12]. Le nombre mondial estimé de
cas d’envenimations est de 421 000 à 1 841 000 cas par an dont 20 000 à 94 000 décès
et ce n’est qu’en 2009 que l’OMS a reconnu que l’ampleur du problème des MES a été
négligée [12] [13]. En effet, les cinq régions les plus touchées par les accidents de
morsures et d’envenimations de serpents au Maroc ont été, par ordre décroissant : SoussMassa-Drâa (27,4%), Marrakech-Tensift-Al Haouz (20,7%), Meknès-Tafilalet (12,2%),
Guelmim-Es Semara (11,8%) et Tanger-Tétouan (8,3%) [11]. Un aperçu de l’inventaire
des espèces ophidiennes du Maroc montre la présence de deux familles venimeuses [14] :
la famille des Elapidae représentée par le Naja legionis, et celle des Viperidae comprenant
7 espèces (Bitis arientans, Cerastes cérastes, Cerastes vipera, Vipera latastei, daboia
mauritanica, Vipera monticala, Echis carinatus). La majorité des cas de décès sont
survenus dans la province d’Agadir (40 décès), suivie par la province de Tata (6
décès) [11]. Ceci pourrait s’expliquer par l’aire de distribution géographique de la Bitis
arientans et de la daboia mauritanica [15].
Selon la létalité, le taux le plus élevé est observé chez les intoxiqués par les produits
minéraux principalement par la paraphényléne diamine (PPD) ou la para-aminobenzène,
qui est une amine aromatique dérivée de l’aniline, synthétique utilisée pour ses vertus
tinctoriales dans l’industrie cosmétique comme teinture noire pour les cheveux[16] [17]. Au
Maroc, elle est connue sous le nom de « Takaout Roumia » et est disponible sous forme
de roche en vente libre chez les herboristes. En effet, la paraphénylène diamine (PPD) par
voie orale est devenue le mode préféré des jeunes filles dans un but abortif au Maroc [18].
En effet, l’ingestion volontaire de la PPD est responsable d’une rhabdomyolyse associant
un syndrome asphyxique, un syndrome musculaire et souvent un syndrome rénal.
Conclusion
Cette étude nous a permis de dresser et pour la première fois l’épidémiologie des
intoxications dans la région de Souss-Massa-Drâa durant les 28 années. Ainsi les résultats
ont montré que le nombre des cas d’intoxications et le de taux de létalité dans notre région
sont loin d’être négligeables. Ces données sont importantes à considérer en santé
publique, notamment dans le domaine de la santé environnementale et le domaine de la
santé au travail. En effet, la majorité de ces appels pour intoxication sont évitables, et dans
plusieurs cas, des mesures de protection sont disponibles. D’autre part, ces données
peuvent être analysées sous plusieurs aspects. Des analyses détaillées pourraient être
éventuellement effectuées pour chaque catégorie de produits, afin de mieux déterminer
les caractéristiques épidémiologiques et les facteurs de risque de chaque type
d’intoxications (alimentaires, médicamenteuses,...). La mortalité due à l’intoxication à la
PPD reste fréquente dans la région de Souss-Massa-Drâa et la disponibilité commerciale
de ce produit sous sa forme pure devient inquiétante, justifiant le recours à un large
programme de prévention pour informer le public et les autorités du danger de la PPD. Sur
le plan médical, les intoxiqués doivent être pris en charge immédiatement dans les
services de réanimation et les professionnels de la santé ont besoin d’être familiarisés
avec le tableau clinique et le danger potentiel des intoxications. Ces diverses actions de
prévention doivent être programmées dans tous les établissements publics et privés afin
d’améliorer le comportement des utilisateurs et de les responsabiliser sur les règles
d’utilisation de la PPD en toute sécurité.
Références
1. Ouammi L, Rhalam N, Aghandous R, Semllali I, Badri M, Jalal G et al. Profil épidémiologique des
intoxications au Maroc de 1980 à 2007. Toxicologie Maroc 2009; 1: 8-13.
2. Haut Commissariat au Plan. Le 24/03/2011. Publications du Haut Commissariat au Plan: Annuaire
statistique de la région Souss-Massa-Drâa (2010. Disponible à partir du: www.hcp.ma/downloads
3. Haut Commissariat au Plan. Le 03/06/2011. Recensement général de la population et de l’habitat
2004. Disponible à partir du:www.hcp.ma/Recensement-general-de-la-population-et-de-l-habitat-2004_a633.html
4. Rhodes A, Bethell J, Jaakkimainen R, Thurlow J, Spence J, Links P, et al. The impact of rural
residence on medically serious medicinal self-poisonings. Gen Hosp Psychiatry. 2008;30:55260 pubmed publisher
5. Achour S, Khattabi A, Rhalem N, Ouammi L, Mokhtari A, Soulaymani A, et al. [Pesticide poisoning in
Moroccan children: epidemiological and prognostic aspects (1990-2008)]. Sante Publique.
2011;23:195-205 pubmed
6. Benlarabi S, Semlali I, Eloufir G, Badri M, Soulaymani-Bencheikh R. Les toxi-infections alimentaires
collectives: données du centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc. Actes du Premier
Congrès National de la Société Marocaine de Toxicologie Clinique et Analytique Mars. 2006 Rabat;
10-11.
7. Attazagharti N, Soulaymani A, Ouami L, Mokhtari A, Soulaymani-Bencheikh R. Intoxications
médicamenteuses et facteurs de risque influençant l’évolution des patients. Antropo. 2009; 19: 33-9.
8. Badrane N, Abadi F, Ouammi L, Soulaymani-Bencheikh R. Intoxications médicamenteuses au
Maroc. Toxicologie Maroc. 2010; 7: 7-10.
9. Saviuc O, Hanna J, Danel V. Epidémiologie des intoxications : plus de 2000 décès par an. Rev Pract.
1999; 13: 2054-7.
10. Association Marocaine de l’Industrie Pharmaceutique. Consulté le 25/08/2010. Le secteur
pharmaceutique marocain: réalités sur le prix des médicaments et intérêt du secteur.
http://www.amip.ma.
11. Chafiq F, Rhalem N, Ouammi L, Fekhaoui M, Semlali I, Soulaymani A et al. Profil épidémiologique
des cas de morsures de serpents déclarés au Centre Anti Poison du Maroc. Toxicologie Maroc.
2011; 9: 6-10.
12. Warrell D. Snake bite. Lancet. 2010;375:77-88 pubmed publisher
13. Kasturiratne A, Wickremasinghe A, de Silva N, Gunawardena N, Pathmeswaran A, Premaratna R, et
al. The global burden of snakebite: a literature analysis and modelling based on regional estimates of
envenoming and deaths. PLoS Med. 2008;5:e218 pubmed publisher
14. Centre d'Echange d'Information sur la Biodiversité du MAROC. Consulté le 11/02/2011. Mise en
œuvre-documents-étude national sur la biodiversité (Fr) : Amphibiens et reptiles du Maroc, étude
nationale sur la biodiversité. (Mise en ligne le 18/10/2006. Disponible à partir
du: ma.chmcbd.net/implementation/doc_product_cdb_ma/enb_ma/amph_rept_ma
15. Bedry R, de Haro L. [Venomous and poisonous animals. IV. Envenomations by venomous aquatic
vertebrates]. Med Trop (Mars). 2007;67:111-6 pubmed
16. Burns R, Gladstone P, Tremblay P, Feindel C, Salter D, Lipton I, et al. Myocardial infarction
determined by technetium-99m pyrophosphate single-photon tomography complicating elective
coronary artery bypass grafting for angina pectoris. Am J Cardiol. 1989;63:1429-34 pubmed
17. Jain U. Myocardial infarction during coronary artery bypass surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth.
1992;6:612-23 pubmed
18. Motaouakkil S, Charra B, Hachimi A, Ezzouine H, Guedari H, Nejmi H et al. Rhabdomyolyse et
intoxication par la paraphénylène-diamine. Ann Fr Anesth Reanim. 2006; 25: 708-13.
ISSN : 2334-1009