RAYONNEMENT DES TRADUCTEURS EMAT EN MILIEU
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RAYONNEMENT DES TRADUCTEURS EMAT EN MILIEU
FERROMAGNETIQUE
Clémence ROUGE,
1
1,2
1
2
3
Alain LHÉMERY, Christophe ARISTÉGUI et Henri WALASZEK
CEA LIST; Gif-sur-Yvette, France Phone: +33 1 6908 6286; e-mail: [email protected]
2
Université de Bordeaux, UMR CNRS 5295, I2M; Talence, France Phone: +33 5 4000 3102;
e-mail: [email protected]
3
CETIM; Senlis, France; Phone: +33 3 4467 3324; e-mail: [email protected]
Résumé :
L’utilisation de traducteurs électromagnétiques-acoustiques (EMAT) est une alternative à celle
des traducteurs piézoélectriques en CND par ultrasons, lorsque le couplage mécanique de ces
derniers avec la pièce est impossible. Si les EMAT peuvent créer des ondes de toutes polarités,
leur faible rendement rend nécessaire leur optimisation par simulation. On présente un modèle,
intégré à la plate-forme CIVA de simulation du CND, de génération d’ondes élastiques
ultrasonores par EMAT dans une pièce ferromagnétique. En milieu ferromagnétique, les EMAT
créent les forces d’aimantation et de magnétostriction en plus de celle de Lorentz créée dans
tout milieu conducteur. Ces trois forces sont modélisées sans l’hypothèse simplificatrice d’un
champ statique (de l’aimant permanent) très supérieur au champ dynamique induit par la
bobine. Ainsi, le spectre des fréquences ultrasonores générées comporte des contributions des
harmoniques des fréquences du courant de la bobine. Afin de réutiliser un modèle de champ
ultrasonore rayonné par une distribution de contraintes à la surface de la pièce existant dans
CIVA, les trois forces volumiques créées par l’EMAT sont transformées par manipulation
algébrique en sources surfaciques. Le calcul des forces, leur transformation en contraintes
équivalentes et le rayonnement ultrasonore de ces dernières forment un modèle semianalytique performant, utilisé ici pour mener quelques études paramétriques.
Mots clés : Electro-Magnetic Acoustic Transducer (EMAT), magnétostriction, matériaux
ferromagnétiques, spectres fréquentiels, rayonnement ultrasonore
INTRODUCTION
Les EMAT (Electro-Magnetic Acoustic Transducers) sont utilisés pour le contrôle non-destructif
dans de nombreuses industries. Ils permettent de caractériser les matériaux, de mesurer des
épaisseurs ou bien encore de détecter des défauts. Par exemple, le CETIM (Centre Technique
des Industries Mécaniques) couple les EMAT à des patchs magnétostrictifs pour générer des
ondes ultrasonores aussi bien dans des plaques que dans des tubes ; l’excitation
élastodynamique du milieu est dans ce cas due aux vibrations transmises par le patch. Le
mécanisme de génération des ultrasons est alors similaire à celui d’un EMAT utilisé pour un
milieu ferromagnétique.
Un EMAT est l’association d’un aimant permanent, générant un champ magnétique statique, et
d’un circuit électrique, générant un champ magnétique dynamique. Ces champs magnétiques
interagissent avec le milieu pour créer des forces dynamiques et par suite des ultrasons. Les
EMAT sont aussi bien utilisés pour générer des ondes de volume longitudinales et transverses
1 que des ondes guidées, notamment des ondes transverses horizontales (ondes SH) ou de
torsion. La capacité des EMAT à générer toutes polarisations d’onde, sans couplant avec le
milieu, leur donne un avantage par rapport aux traducteurs plus conventionnels que sont les
traducteurs piézoélectriques. De plus, les EMAT peuvent fonctionner en environnement hostile
(hautes températures ou fortes pressions, par exemple). Cependant, la pièce à inspecter doit
être électriquement conductrice, les EMAT générant des ultrasons via la force de Lorentz, et par
suite via les courants de Foucault. Par ce procédé, les ondes ultrasonores générées sont
généralement de faible amplitude, notamment par comparaison à celle des ondes générées par
des traducteurs piézoélectriques. Pour accroître ce faible rapport signal sur bruit, les EMAT
peuvent être couplés à des patchs magnétostrictifs ou utilisés pour les matériaux
ferromagnétiques [1]. Les EMAT génèrent alors des ultrasons non seulement grâce à la force de
Lorentz mais aussi grâce aux forces d’aimantation et de magnétostriction [2, 3]. En effet, les
champs magnétiques induits par l’EMAT vont interagir avec le milieu fortement magnétique,
pour créer ces deux nouvelles forces. Tandis que la modélisation de la force de Lorentz est
facilement réalisable, les phénomènes magnétiques et notamment de magnétostriction,
requièrent plus d’attention [3]. Les matériaux ferromagnétiques possèdent un comportement
magnétique non linéaire qui induit l’apparition d’harmoniques de la fréquence d’excitation. Cette
création d’harmoniques est limitée au second harmonique pour les forces de Lorentz et
d’aimantation et peut être calculée analytiquement. Pour la force de magnétostriction, la
génération d’harmoniques est plus complexe et ne peut être décrite analytiquement.
L’un des buts de la modélisation présentée ici est de tenir compte de ces harmoniques dans la
génération des différentes ondes ultrasonores. Le calcul des spectres fréquentiels des trois
forces électromagnétiques est réalisé en trois dimensions pour des directions et amplitudes de
champs magnétiques statique et dynamique quelconques. Lorsque ces spectres sont connus,
les trois forces volumiques sont transformées en contraintes surfaciques équivalentes dans le
but de réutiliser des modèles semi-analytiques existants de rayonnement ultrasonore
implémentés dans la plate-forme de simulation CIVA ([4] pour les ondes de volume et [5] pour
les ondes guidées). Cette transformation [6, 7] repose sur la seule hypothèse que les forces
volumiques sont créées dans une faible épaisseur de matériau (les variations spatiales des
ondes ultrasonores sont supposées se faire sur des distances grandes devant celles des
variations spatiales des forces). À titre d’illustration, un exemple de calcul d’amplitude d’ondes
de volume générées dans deux matériaux ferromagnétiques différents est donné.
CHAMPS MAGNÉTIQUES
Les deux composants d’un EMAT génèrent chacun un champ d’excitation magnétique noté H [A.m-1]. Ce champ d’excitation magnétique est statique lorsqu’il est créé par l’aimant permanent
de l’EMAT. Il est alors noté HS . La bobine électrique de l’EMAT est parcourue par un courant
alternatif de pulsation ω 0 [rad.s-1] et génère un champ d’excitation magnétique dynamique
jω t
H D e 0 . Les champs magnétiques induits dans le matériau sont respectivement notés BS et
B D [T]. De même, l’aimantation M [A.m-1] du matériau peut être divisée en une composante
statique M S et une composante dynamique M D .
Ces trois champs magnétiques sont reliés comme suit :
(
)
B = µ0 H + M ,
où µ0 est la perméabilité magnétique du vide [H.m-1] et où
2 (1)
B = µ0 µ r H ,
(2)
M = χ H.
(3)
et
Ainsi, le tenseur de perméabilité magnétique relative du matériau µ r [-] est relié au tenseur de
susceptibilité magnétique du matériau χ [-] par
µ r =1+ χ .
(4)
Ces différents champs magnétiques sont calculés par la plate-forme de simulation CIVA grâce
au module CF (courants de Foucault). Ce calcul se base sur la donnée de la perméabilité
magnétique relative µ r . Cependant, ce module n’effectuant pas de calcul non linéaire et donc la
perméabilité est indépendante de l’intensité du champ magnétique d’excitation. Elle ne dépend
pas non plus de la direction du champ imposé. Ainsi, la perméabilité magnétique, et donc la
susceptibilité magnétique, sont des grandeurs scalaires. Cette hypothèse ne modifie pas la
modélisation des forces électromagnétiques mais en simplifie les calculs.
SPECTRE FRÉQUENTIEL DES FORCES ÉLECTROMAGNÉTIQUES
La force de Lorentz
La force de Lorentz FL [N.m-3] existant dans tout milieu conducteur est due à l’interaction des
courants de Foucault J [A.m-2], créés par la bobine de l’EMAT dans le matériau conducteur,
avec les différents champs magnétiques. Elle s’écrit :
FL = J × B .
(5)
Les courants de Foucault sont une quantité purement dynamique et peuvent donc être réécrit
jω t
comme J De 0 . Si, dans la définition (5), le champ magnétique induit est décomposé en une
partie statique et une partie dynamique, alors la force de Lorentz devient :
FL = J De
jω0 t
(
× BS + B D e
jω0 t
),
(6)
soit
FL = J D × BSe
jω0 t
+ J D × BDe
j 2ω 0 t
.
(7)
Le phénomène de doublement de fréquence apparaît dans la deuxième partie du terme de
droite de l’équation (7) sous la forme du doublement de la pulsation d’excitation ω 0 . L’amplitude
de ce terme dépend uniquement de grandeurs dynamiques. Par comparaison avec le terme
sans doublement de fréquence, si l’amplitude du champ magnétique induit dynamique n’est pas
négligeable par rapport à l’amplitude du champ magnétique induit statique, alors le phénomène
de doublement de fréquence est lui-même non négligeable. Il doit alors être pris en compte
dans le calcul de la génération d’ondes ultrasonores avec l’apparition d’ondes générées à une
fréquence égale à deux fois la fréquence d’excitation. La force de Lorentz est ainsi une force
volumique et dynamique dont le spectre fréquentiel est analytique et comporte deux
fréquences ; la fréquence d’excitation, aussi appelée fondamentale, et une fréquence égale au
double de la fréquence d’excitation, aussi appelée premier harmonique.
3 La force d’aimantation
La force d’aimantation FM [N.m-3] est créée par la réorientation des moments magnétiques
atomiques, notés m , lorsque l’aimantation du matériau est forcée par un champ magnétique
extérieur, comme illustré Figure 1. Si le champ d’excitation est nul alors l’aimantation sera nulle.
En effet, au repos, les moments magnétiques atomiques sont orientés de façon aléatoire et leur
somme macroscopique, qui définit l’aimantation du milieu, est nulle. Si le champ d’excitation
imposé devient de plus en plus fort dans une direction donnée, alors de plus en plus de
moments magnétiques atomiques se réorientent selon cette direction et l’aimantation
macroscopique du matériau augmenter pour atteindre sa valeur de saturation M sat , qui est une
constante propre au matériau étudiée.
Figure 1 : réorientation des moments magnétiques atomiques
et valeur de l’aimantation du matériau en fonction de l’intensité
du champ magnétique d’excitation imposé au matériau
respectivement nulle, faible et forte.
La force d’aimantation dépend donc du champ magnétique d’excitation imposé au matériau et
du champ d’aimantation déjà présent dans le milieu. Son expression est donnée par :
FM = µ0∇H M .
(8)
Comme pour la force de Lorentz, en décomposant les différents champs magnétiques en
composantes statique et dynamique, la force d’aimantation se réécrit sous la forme :
FM = µ0 ∇HS MS + µ0 (∇HS M D + ∇H D MS )e
jω0 t
+ µ0 ∇H D M De
j 2ω 0 t
.
(9)
La première composante du spectre fréquentiel de la force d’aimantation est un terme statique,
qui n’est pas retenu dans l’étude présente car ne génèrant pas d’ondes ultrasonores. Les
deuxième et troisième termes correspondent respectivement au fondamental et au premier
harmonique du spectre de la force d’aimantation. Comme pour la force de Lorentz, la force
d’aimantation est une force volumique et dynamique dont le spectre fréquentiel est connu
analytiquement et comporte deux fréquences.
La force de magnétostriction
La force de magnétostriction est due à l’interaction des champs magnétiques créés par l’EMAT
avec la structure cristallographique du matériau. Les milieux ferromagnétiques ont en effet la
propriété de se déformer élastiquement lorsqu’ils sont aimantés, comme illustré Figure 2. Cette
déformation élastique est appelée déformation de magnétostriction et dépend de l’intensité du
champ d’excitation imposé au matériau, de la direction de ce champ ainsi que de la direction
dans laquelle la déformation est mesurée. La modélisation de la force de magnétostriction a été
4 formulée par Thompson [1] et Hirao et Ogi [2]. Elle est obtenue en plusieurs étapes de calcul,
dont la première consiste à décrire le tenseur des déformations de magnétostriction ε MS [-]. Le
calcul de ce tenseur est effectué dans le domaine temporel et est basé sur les formulations et
calculs donnés par Hirao et Ogi [2].
Figure 2 : réorientation des domaines cristallographiques selon
la direction d’aimantation. La valeur de magnétostriction ε
dépend de la direction d’aimantation et de la direction de
mesure.
Il a été étendu par les auteurs à un cas tridimensionnel générique où les intensités des champs
d’excitation magnétiques statique et dynamique sont quelconques [8]. L’hypothèse d’une
intensité de champ statique forte par rapport à l’intensité du champ dynamique n’est alors plus
nécessaire. Dans ce cas, et lorsque la direction du champ statique au point considéré est selon
l’axe x , le tenseur des déformations de magnétostriction est donné par :
ε MS
⎛
⎜ ε
⎜
⎜ 1
⎜ − 2ε
⎜
⎜ − 1ε
=⎜ 2
⎜
⎜ 0
⎜
⎜ 0
⎜
⎜
⎜⎝ 0
1
1
ε xy cos 2 (θ xy ) − ε xy sin 2 (θ xy )
ε xz cos 2 (θ xz ) − ε xz sin 2 (θ xz )
2
2
1
1
− ε xy cos 2 (θ xy ) + ε xy sin 2 (θ xy )
− ε xz
2
2
1 xy
1 xz
− ε
− ε cos 2 (θ xz ) + ε xz sin 2 (θ xz )
2
2
0
0
3 xz
0
ε sin(2θ xz )
2
3 xy
ε sin(2θ xy )
0
2
⎞
⎟
⎟
⎟
⎟
⎟
⎟
⎟,
⎟
⎟
⎟
⎟
⎟
⎟
⎟⎠
(10)
où la première colonne représente la magnétostriction selon l’axe x et où la déformation de
magnétostriction selon cette direction est notée ε ; la seconde colonne représente la
déformation de magnétostriction dans le plan (x,y) avec une déformation notée ε xy dans la
direction du champ magnétique total (champs statique et dynamique) dans ce plan et un angle
θ xy entre l’axe x et la direction du champ magnétique total. La troisième colonne du tenseur
ε MS représente la déformation de magnétostriction dans le plan (x,z) avec une déformation
notée ε xz et un angle noté θ xz . Toutes ces quantités dépendent de l’espace et du temps.
L’unique donnée, en plus des champs d’excitation magnétiques statique et dynamique,
nécessaires au calcul du tenseur ε MS est la courbe de magnétostriction ε H . Cette courbe
représente la déformation élastique ε d’un matériau ferromagnétique sous l’effet d’un champ
d’excitation magnétique H où la déformation ε est mesurée dans la direction d’application du
champ d’excitation H . Ici, l’hypothèse est faite que cette courbe est valable pour toute direction
du champ d’excitation et est la même en tout point du matériau. Par ailleurs, le calcul du tenseur
ε MS nécessite que le phénomène de magnétostriction soit isovolumique. Ces deux hypothèses
( )
5 sont vérifiées tant que les champs magnétiques utilisés restent relativement faibles et que le
matériau ne possède pas de direction d’aimantation privilégiée.
La force de magnétostriction est calculée en suivant les différentes étapes développées ciaprès. Le calcul du tenseur des déformations piézomagnétiques d [m.A-1] fait appel au tenseur
des déformations de magnétostriction calculé précédemment :
d Ij =
∂ε MS
∂H j
I
.
(11)
Le tenseur des contraintes piézomagnétiques e [N.A-1.m-1] est déterminé grâce au tenseur des
rigidités C [N.m-2] par :
e =Cd.
(12)
Le tenseur des contraintes de magnétostriction σ MS [N.m-2] s’écrit :
σ MS = −e H .
(13)
Par sa définition, la force de magnétostriction couple des effets magnétiques et des effets
élastiques. Les surfaces libres du matériau affectent donc les contraintes élastiques et par suite
les contraintes de magnétostriction, ce que n’ont pas pris en compte Hirao et Ogi [2]. À la
surface du matériau, il faut alors rajouter la condition :
σ MS .n
n=0
=0,
(14)
à l’expression (13) de la contrainte de magnétostriction. Finalement, la force de magnétostriction
FMS [N.m-3] est obtenue grâce à la relation :
FMS = ∇ ⋅ σ MS .
(15)
Contrairement aux forces de Lorentz et d’aimantation, le calcul de la force de magnétostriction
est effectué dans le domaine temporel et son spectre fréquentiel n’est pas connu explicitement.
Le calcul de sa série de Fourier est alors effectué pour obtenir ce spectre. La Figue 3 présente
des exemples de spectres obtenus pour une même intensité de champ d’excitation magnétique
dynamique et pour des intensités de champ d’excitation statique différentes.
Figure 3 : représentation graphique de spectres de la force de magnétostriction pour différentes
intensités de champ d’excitation statique à partir de la section de courbe parcourue sur la
courbe de magnétostriction
.
6 La courbe de magnétostriction ε (H ) utilisée dans cet exemple est représentative du
comportement magnétostrictif d’un acier. Selon la portion de courbe parcourue par le champ
dynamique et selon la position du champ statique, le spectre de la force de magnétostriction est
différent. La force de magnétostriction est elle-aussi une force volumique et dynamique. Son
calcul en trois dimensions permet de prendre en compte des directions et des intensités de
champs magnétiques statique et dynamique quelconques. De plus, ce calcul n’est basé que sur
une seule hypothèse, celle d’isotropie magnétostrictive du matériau, et sur une seule donnée
expérimentale, la courbe de magnétostriction.
TRANSFORMATION DES FORCES VOLUMIQUES EN CONTRAINTES
SURFACIQUES ÉQUIVALENTES
Les trois forces électromagnétiques, Lorentz, aimantation et magnétostriction, sont générées
dans un volume près de la surface et agissent comme termes sources de l’équation de
propagation des ondes. Cependant, cette équation est beaucoup plus aisée à résoudre pour
des termes de sources surfaciques. Sa résolution a été implémentée dans la plate-forme de
simulation CIVA pour les ondes de volume [4] et pour les ondes guidées [5]. Ainsi, le choix est
fait de transformer les forces volumiques en contraintes surfaciques, comme il a déjà été décrit
[7,8].
Alors que pour la force de Lorentz, une intégrale selon l’épaisseur du matériau permet de
transformer correctement cette force volumique en contraintes surfaciques [3, 11], Thompson [1]
a montré qu’une telle intégration conduit à un résultat non physique dans le cas de la force de
magnétostriction : l’intégrale peut être nulle alors que la force ne l’est pas. Une alternative à
cette intégration simple a été proposée par Thompson [6] qui donne une formulation de
contraintes équivalentes. Cette transformation a été reprise par les auteurs et étendue à deux
formulations différentes de contraintes surfaciques équivalentes [7]. Les étapes principales de la
transformation sont rappelées ici, ainsi que les deux formulations établies.
Considérons le déplacement élastique u écrit comme une intégrale de volume entre le tenseur
de Green élastodynamique G et les forces volumiques f :
∞ ∞ ∞
ui (r) =
∫ ∫ ∫ G (r,r ) f (r ) dx dy dz
ij
0
j
0
0
0
0
,
(16)
−∞ −∞ 0
où r et r0 sont respectivement les points d’observation et les points sources, comme
représenté Figure 4.
7 R0
r0
x (1)
z0
y (2) z (3)
r
∞
Figure 4 : représentation du système de référence pour la
transformation des forces volumiques en contraintes
surfaciques équivalentes.
Le calcul de la transformation s’appuie sur l’hypothèse suivante : l’étendue spatiale des
variations des forces suivant l’épaisseur du matériau est petite devant celle des fonctions de
Green. La longueur caractéristique de la première est l’épaisseur de peau ; celle des secondes
est la longueur d’onde ultrasonore. Cette hypothèse n’est pas restrictive dans le cas des EMAT
utilisés en CND car, aux fréquences et pour les matériaux considérés, les épaisseurs de peau
n’excèdent pas quelques centièmes de millimètres tandis que les longueurs d’ondes sont de
l’ordre du millimètre. Cette hypothèse sur les différentes variations spatiales permet d’effectuer
une série de Taylor des fonctions de Green selon l’épaisseur du matériau. Cette opération est
conduite jusqu’à l’ordre deux et donne :
2
⎡
⎤
∂Gij (r,R 0 ) 1
1 ∂ Gij (r,R 0 ) 2
0
⎢Gij (r,R 0 )M j (R 0 ) +
⎥ dx0 dy0 ,
ui (r) =
M j (R 0 ) +
M
(R
)
j
0
2
∂z0
2
∂z
⎥⎦
0
−∞ −∞ ⎢
⎣
où apparaissent les moments des forces définis par :
∞ ∞
∫∫
⎧⎪ ∞
⎫⎪
M kj = ⎨ z0k f j (r0 ) dz0 ; j ∈ ⎡⎣1,2,3⎤⎦ k ∈ ⎡⎣0,1,2 ⎤⎦ ⎬ .
⎩⎪ 0
⎭⎪
{ } ∫
(17)
(18)
De nombreuses étapes de calcul doivent être effectuées pour obtenir la formulation du champ
de déplacement en fonction de contraintes surfaciques. Ces étapes consistent à écrire la loi
d’équilibre local en déplacement pour un matériau élastique isotrope, puis à introduire les
conditions aux limites de surface libre afin d’éliminer les dérivées des fonctions de Green dans
l’équation (17). Après ces manipulations, deux formulations du déplacement sont trouvées.
La première formulation est la suivante :
+∞ +∞
ui (r) =
∫ ∫σ
I
j
⎡Gij (r,R 0 ) ⎤ dx0 dy0 ,
⎣
⎦
−∞ −∞
I
j sont
(19)
où les contraintes équivalentes σ
des opérateurs de dérivation s’appliquant aux fonctions
de Green. Ces dérivées sont uniquement selon les coordonnées de la surface du matériau et
non plus en fonction de l’épaisseur de celui-ci. Même si cette formulation semble incomplète,
car des dérivées sont encore à effectuer, elle est adaptée au cas des ondes guidées. En effet,
les variations spatiales des fonctions de Green sont caractérisées par les nombres d’onde, qui
sont évalués numériquement dans le cas des ondes de Lamb ou connus analytiquement dans le
8 cas des ondes SH. Le calcul numérique des nombres d’ondes est effectué par un code de calcul
SAFE (Semi Analytical Finite Element) déjà implémenté dans la plate-forme de simulation CIVA.
Grâce à ces divers éléments et à la formulation donnée par Ditri et Rose [5], les amplitudes
modales des ondes SH [10] et des ondes de Lamb [11] sont exprimées en fonction des
opérateurs dérivées et des fonctions de Green.
La seconde formulation du champ de déplacement en contraintes surfaciques s’écrit :
+∞ +∞
ui (r) =
∫ ∫G
ij
(r,R 0 ) σ IIj (R 0 ) dx0 dy0 ,
(20)
−∞ −∞
où les contraintes surfaciques équivalentes σ IIj sont directement reliées aux moments des
forces [Eq. (18)]. Dans l’Eq. (20), la connaissance des propriétés des fonctions de Green n’est
plus obligatoire car les contraintes surfaciques équivalentes sont évaluées à partir des moments
des forces. Elles sont alors directement substituées dans les modèles de propagation des ondes
de volume basés sur des termes sources surfaciques [4]. Le détail des différentes étapes de
calcul ainsi que des deux formulations équations (19) et (20) sont données par les auteurs dans
[7].
EXEMPLE DE GÉNÉRATION D’ONDE DE VOLUME PAR EMAT
Le but de cet exemple est de montrer que pour deux matériaux ferromagnétiques différents
excités par le même EMAT, les ondes de volume générées sont différentes. Les deux matériaux
ferromagnétiques considérés sont le fer et le nickel. Les courbes de magnétostriction de ces
deux matériaux ont été déterminées par interpolation de points expérimentaux, comme illustré
Figure 5. Ces points expérimentaux ont été obtenus au LMT-Cachan en collaboration avec le
CETIM. Elles sont prises en compte par le module CIVA CF pour calculer la force de
magnétostriction.
Figure 5 : courbes de magnétostriction du fer, en bleu, et du nickel, en rouge,
obtenues par interpolation de points expérimentaux représentés par les ronds.
L’EMAT utilisé pour cet exemple est constitué d’un circuit carré associé à une aimantation
normale à la pièce. La bobine de l’EMAT est excitée par un signal gaussien centré à 1 MHz. La
zone de calcul des ondes de volume est représentée Figure 6 (plan de coupe vertical).
9 Figure 6 : représentation de l’EMAT avec sa bobine électrique carrée, en vert,
son aimant permanant, en marron, et le bloc de matériau en gris. La zone de
calcul des ondes de volume est représentée par le trait rouge en vue de dessus
(à gauche) et la boîte dans le bloc de matériau en vue de face (à droite).
Les cartographies de la norme du champ de déplacement ultrasonore généré par l’EMAT dans
les deux matériaux ferromagnétiques sont reportées Figure 7. Elles représentent le faisceau
généré par la force de magnétostriction. Le rapport d’amplitude entre les ondes longitudinales et
les ondes transverses sont similaires dans les deux cas, respectivement -2 et -2,2 dB. Toutefois
la forme des faisceaux ultrasonores diffère, notamment dans les directivités et les points de
focalisation, que ce soit pour les ondes longitudinales que pour les ondes transverses.
Figure 7 : cartographie de la norme du déplacement ultrasonore (uniquement dû à la force de
magnétostriction) en dB pour le fer (en haut) et le nickel (en bas) pour, de gauche à droite, les
ondes longitudinales et transversales, les ondes longitudinales seules et les ondes transverses
seules.
10 Cet exemple illustre l’influence du comportement magnétostrictif sur le rayonnement des ondes
ultrasonores par EMAT en milieu ferromagnétique, qu’il importe de modéliser avec les forces
d’aimantation et de Lorentz, en tenant compte dans le calcul ultrasonore de leur spectre
fréquentiel complexe.
CONCLUSION
Un modèle semi-analytique pour calculer le rayonnement des ondes ultrasonores générées par
un EMAT dans un milieu ferromagnétique a été développé et intégré à la plate-forme de
simulation CIVA. Ce modèle comporte plusieurs éléments. Le premier concerne le calcul
volumique des spectres fréquentiels des forces de Lorentz, d’aimantation et de
magnétostriction, pour des amplitudes et directions de champs magnétiques quelconques. Le
calcul tridimensionnel de la force de magnétostriction pour des champs magnétiques
quelconques constitue une avancée significative par rapport à la littérature : en effet, seuls des
cas simplifiés pris en deux dimensions pour un champ statique d’intensité forte par rapport au
champ dynamique y sont traités. Le second élément est la transformation des forces volumiques
en contraintes surfaciques permettant de réutiliser des modules existant de calcul ultrasonore
CIVA US. Cette transformation totalement analytique aboutit à deux formulations des
contraintes équivalentes dont chacune est utile soit au calcul des amplitudes modales des
ondes guidées, soit au calcul du rayonnement d’ondes de volume. Un second module semianalytique a par ailleurs été développé spécifiquement pour calculer l’amplitude modale des
ondes guidées de plaque. Ce module est aussi l’objet d’une intégration dans CIVA US.
Des validations expérimentales du présent modèle sont en cours au CETIM. Elles visent à
mesurer, pour différentes configurations EMAT, le courant circulant dans la bobine de celui-ci et
le champ acoustique généré en bout de pièce (onde longitudinale). Par ailleurs, la précision du
modèle présenté peut être améliorée en effectuant un calcul non linéaire des champs
magnétiques générés par l’EMAT dans le milieu ferromagnétique. Comme la donnée de ces
champs magnétiques constitue l’entrée de la modélisation des forces électromagnétiques,
l’éventuelle modification du modèle de champ magnétique ne modifie pas la modélisation
proposée ici. De plus, le modèle pourrait être étendu aux matériaux élastiques anisotropes à
condition de transformer des forces volumiques en contraintes surfaciques équivalentes pour
ces matériaux. De la même façon, une telle généralisation ne modifierait pas la modélisation
prise dans son ensemble. Enfin, le modèle pourra être adapté pour modéliser la génération
d’ondes ultrasonores par patchs magnétostrictifs.
RÉFÉRENCES
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