Le Médecin malgré lui - Les Petits Classiques Larousse

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Le Médecin malgré lui

de Molière

Clefs d’analyse

par Nathalie Barberger

Petits Classiques Larousse - 12 – Médecin malgré lui

Clefs d’analyse, Acte III, scènes 1 et 2 Action 1. Que s’est-il passé de la fin de l’acte II à la première scène de l’acte III ?

L'acte III commence sur le même duo que celui sur lequel s'était achevé l'acte II, avec la présence de Sganarelle et Léandre. Mais la principale métamorphose est l'apparition de Léandre déguisé, et une situation de parole modifiée. Là où la dernière scène de l'acte s'ouvrait sur un échange vif, avec des propos insultants chez Sganarelle, ici les deux hommes sont devenus complices, d'où la confidence de Sganarelle.

2. La scène 2 fait-elle avancer l’intrigue ?

Non, elle n’a pas de valeur dramatique. Elle est un intermède farcesque, destiné à faire attendre la suite, en riant : « Allez toujours m'attendre auprès du logis de votre maîtresse ». On quitte l’intrigue attendue (le mariage d'amour et la réussite ou non du stratagème) avec le surgissement de deux nouveaux personnages dont il n'avait jamais été question, tandis que Léandre quitte la scène.

3. En quoi la scène 2 a-t-elle un lien avec celle qui précède ? Quelle réplique de Sganarelle vous semble-t elle illustrer ?

S’il ne semble d'abord y avoir aucun rapport entre les deux scènes, cette scène a cependant un lien avec la précédente, mieux elle joue le rôle d'une illustration. « Il suffit de l'habit » a dit Sganarelle à la scène 1 : nous en avons ici la démonstration avec les paysans crédules. Dans sa tirade, il ajoutait : « vous ne sauriez croire comment l'erreur s'est répandue (…) On me vient chercher de tous les côtés ». De fait les deux paysans viennent le chercher, avides de son savoir, et bien décidés à « le croire habile homme». Petits Classiques Larousse - 22 – Médecin malgré lui

4. De quelle scène de l’acte II la scène 2 est-elle reprise ? Et quelle est la différence ? Personnages

Cette scène est la reprise de la scène 4 de l'acte II : même consultation parodique où le faux médecin dupe deux crédules, leur propose un remède saugrenu. Avec cependant des différences majeures. Sganarelle a déjà passé l'épreuve, il a gagné en aplomb, d'où le fait que d'emblée, il tende la main, là où Géronte devait le rappeler pour lui offrir son argent. La scène est beaucoup plus courte, elle n'a pas été annoncée, elle n'a pas de fonction dramatique à la différence de la précédente. Ici tout se passe comme si Sganarelle avait hâte de se débarrasser de ces fâcheux, et d'empocher l'argent, pour aller rejoindre la maison de Géronte. D'où le fait que lui-même formule la demande de ses interlocuteurs: «Maintenant vous me demandez un remède?». Surtout, la différence tient à l'appartenance sociale et au langage des dupés. Dans la scène 4 de l'acte II, Sganarelle avait affaire au bourgeois Géronte, a priori un adversaire plus difficile à duper que les paysans. Thibaut et Perrin appartiennent à une toute autre sphère sociale, et Thibaut, incapable de manier la parole, est évidemment une proie facile pour le virtuose Sganarelle. C'est à la va-vite, sans qu'ils opposent aucune résistance, que le faux médecin va rejouer sa scène.

Personnages 5. Étudiez la tirade de Sganarelle dans la première scène. Que nous apprend-t-elle sur l'évolution du personnage ?

Médecin malgré lui ou malgré ses dents (il s'agit d'une variation sur le titre de la pièce), Sganarelle est devenu un médecin heureux de son état, et cela d'abord grâce à la popularité, au pouvoir de séduction que lui apporte son nouvel habit : « On me vient chercher de tous les côtés ». Le plaisir du faux médecin rejoint ici le plaisir du comédien qui voit affluer les spectateurs ravis de se laisser prendre au jeu verbal et à l'illusion théâtrale. Petits Classiques Larousse - 32 – Médecin malgré lui

6. Thibaut et Perrin ne vous rappellent-t-ils pas un autre personnage déjà apparu ?

Les deux paysans n'ont aucune fonction dans l'intrigue. Pire ils la freinent par leur irruption, et cela d'autant plus que le jargon paysan de Thibaut, apparaît insupportable à Sganarelle qui est pressé d'en finir. Thibaut joue donc le rôle comique traditionnel du fâcheux qui, par son bavardage, inflige un retard à l'action. On peut ainsi le rapprocher de Monsieur Robert à l'acte I, lui aussi intrus et fâcheux dont il s'agissait de se débarrasser, et qui, comme les deux paysans, n'apparaît que l'espace d'une scène.

7. De la tirade de Thibaut à sa reprise par Sganarelle, de quelle opposition Molière joue-t-il ? L’avez-vous déjà observée ailleurs dans la pièce, et où ?

A la longue tirade de Thibaut s'oppose la traduction rapide de Sganarelle. Mais surtout Molière joue du contraste des niveaux de langue : au langage paysan et à ses fautes s'oppose le langage simple de Sganarelle. Un tel jeu était déjà apparu à travers les duos Valère-Lucas.

8. Que pensez-vous du remède proposé par Sganarelle ?

Sganarelle semble vraiment dire ce qui lui passe par la tête, à moins que l'on imagine que ce morceau de fromage soit déposé là, et que le voyant, il ait l'idée de lui donner, par la simple vertu du verbe, une valeur thérapeutique et même magique. On remarquera qu'il utilise la forme ancienne du mot formage - façon de se donner un air savant. Devant l'étonnement de Perrin, il évoque sa composition avec l'énumération des métaux précieux. En une réplique, le vulgaire morceau de fromage se voit métamorphosé en or…

Langue 9. Que révèlent la métaphore de la ligne 951 et la comparaison entre le médecin et le cordonnier ?

« Nous taillons comme il nous plaît dans l'étoffe où nous travaillons » : le corps est identifié à de la matière inanimée, sans aucun égard pour la souffrance, et le médecin à un simple Petits Classiques Larousse - 42 – Médecin malgré lui

tailleur. La comparaison qui suit est destinée elle aussi à cet éloge parodique de la médecine. Et là encore le corps est identifié à de la matière, avec une gradation. C'est du corps gâté qu'il s'agit, comparable à un morceau de cuir détruit. De la personne qui « habite » ce corps, il n'est pas question. Pire, l'avantage suprême de la fonction médicale est de pouvoir «tuer» sans être inquiété. Le médecin, au terme de cet éloge paradoxal, devient un bourreau joyeux.

10. Relevez les principales impropriétés du discours de Thibaut. Quel est l’effet comique ?

On peut noter les accords défectueux (je crayons, que ça l'envoyît), la prononciation altérée (alle, l'iau), la liaison incorrecte (j'ai-seu-peur), et surtout la prononciation altérée de termes médicaux, systématiquement écorchés, triturés. Le comique naît de l'accumulation, avec parfois un jeu de confusion des termes : cela commence avec la fameuse hypocrisie, c'est aussi le cas pour conversions, infections, particulièrement comique, puisque l'expression de Thibaut se voit dotée d'un sens involontaire : les infusions de jacinthe puent !

11. Expliquez la réplique de Sganarelle à Perrin : « Ah ! je vous entends, vous» ( sc.2, l. 38).

Cette réplique de Sganarelle surgit en écho de la précédente, adressée à Thibaut : «Je ne vous entends point du tout». Si, tout à coup, Sganarelle comprend le fils alors qu'il n'a pas compris le père, c'est grâce aux deux écus qu'il vient de recevoir.

12. Regardez la dernière réplique de Sganarelle à la scène 4 de l'acte II et confrontez-la à la scène 2. Qu'en pensez-vous ?

« L'intérêt ne me gouverne point » avait affirmé avec orgueil Sganarelle, à la scène 4 de l'acte II. Cette scène 2 de l’acte III, après l'argent qu’il a accepté de Géronte et de Léandre, offre le troisième démenti à la répartie de Sganarelle. Avec ici un degré supérieur dans la satire. Car si auparavant Sganarelle dupait un bourgeois, ce sont à présent deux paysans incultes, déjà ruinés Petits Classiques Larousse - 52 – Médecin malgré lui

par un apothicaire (la douzaine de bons écus évoqués par Thibaut), qu'il trompe.

Pour aller plus loin 14. Sur quels arguments Sganarelle fonde-t-il son éloge de la médecine dans la première scène convaincants ?

A partir de la ligne 25, commence l'éloge de la médecine, éloge paradoxal fait du point de vue, non du médecin compétent ou du malade guéri (auquel cas il aurait un sens), mais du point de vue d'un médecin uniquement soucieux de ses avantages. Or l'avantage du métier de médecin est l'impunité dont il jouit. L'argumentation suit une gradation que l'on peut formuler ainsi : non seulement, quelle que soit sa réussite, le médecin est pareillement rétribué, non seulement, s'il commet une faute, on ne lui en voudra pas, mais surtout la faute est toujours imputable aux morts, et les morts ne reviennent jamais pour se plaindre. L'éloge culmine avec un argument parfaitement cynique, qui fait du médecin un boutiquier ravi, puisque jamais ses clients ne viennent harceler leur assassin ! On notera que c'est sur la même argumentation que Dom Juan appuie, dans la scène 2 de l'acte V, son éloge, lui aussi paradoxal, de l'hypocrisie religieuse : « Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement, mais l'hypocrisie est un vice privilégié qui […] jouit en repos d'une impunité souveraine ».

15. La consultation de Sganarelle : n'y a-t-il pas, au-delà du comique, quelque chose de terrible ici regarderez notamment comment s'achève la première scène et quelle est la chute de la seconde.

De quoi et de qui finalement rit-on dans cette scène? D'un paysan inquiet de la santé de sa femme - et vu le récit de ses symptômes, elle semble particulièrement mal en point, avec même une menace de mort : « des conversions que je crayons qu'alle est passée » -, qui a déjà épuisé les services d'un apothicaire, et qui, sans doute désespéré, vient demander l'aide d'un médecin. La situation est en fait tragique, tragique Petits Classiques Larousse - 62 – Médecin malgré lui

camouflé, travesti ou court-circuité par l'effet comique du langage paysan. Car, si l'on reformulait la tirade de Thibaut en langage courant, elle n'aurait plus rien de drôle. Or ce même paysan est dupé par un médecin vénal qui lui offre un morceau de fromage contre deux écus. Molière nous fait donc rire d'un personnage qui mériterait plutôt la pitié. En cela, le rire est plus ambigu qu'il ne l'était dans la précédente scène de consultation, où la dupe était un bourgeois et un maître borné, et où, surtout, le cas de mutisme semblait déjà un stratagème. Ici, il y a bien risque de mort et c'est sur une chute à la fois comique et cruelle que s'achève la scène : «Allez si elle meurt...». Cette évocation de la mort était déjà présente à la fin de la scène précédente dans l'ultime argument de la tirade de Sganarelle, puis dans l'énoncé ironique de Léandre. Outre le fait que l'on rit d'un paysan malheureux, on rit donc aussi de la mort, de la réalité misérable de la condition humaine. On peut dire dès lors que l'on frôle l'humour noir. Cette scène de farce serait une réponse burlesque au tragique de la maladie et de la mort, une façon de se venger, par la drôlerie, de ce qui nous fait peur, de conjurer la gravité : il vaut mieux en rire qu'en pleurer ! Petits Classiques Larousse - 72 – Médecin malgré lui