les campagnols souterrains (rodentia, arvicolidae

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LES CAMPAGNOLS SOUTERRAINS (RODENTIA, ARVICOLIDAE)
DU PLÉISTOCÈNE MOYEN ET SUPÉRIEUR DE LA BAUME MOULA-GUERCY
(Ardèche)
par
Patrick BRUNET-LECOMTE, Emmanuel DES CLAUX et Alban DEFLEUR
Mots clés. - Campagnols souterrains, répartition, morphométrie,
Pléistocène, Baume Moula-Guercy.
Résumé. - La répartition géographique des campagnols souterrains
d'Europe (Rodentia, Arvicolidae) au Pléistocène est encore mal connue.
L'analyse morphométrique de 98 premières molaires inférieures (MI) de la
Baume Moula-Guercy (Ardèche) dans les couches d'âge Pléistocène
moyen (XIX et XVIII) et supérieur (XIV à IV) montre la présence de
quatre espèces: Microtus (Terricola) subterraneus, M. (T) multiplex, M.
(T.) pyrenaicus et M. (T.) duodecimcostatus. L'analyse comparée des
1.-
caractères de la MI permet de préciser l'évolution de ces espèces.
Abstract. - The geographical distribution of European ground voles
(Rodentia, Arvicolidae) during the Middle and Upper Pleistocene is poorly
known. The morphometrical analysis of 98 first lower molars (MI) from
the Baume Moula-Guercy site (Ardèche) in Middle Pleistocene (XIX and
XVIII) and Upper Pleistocene levels (XIV to IV) has shown the presence
of four species : Microtus (Terricola) subterraneus, M. (T) multiplex,
M. (T) pyrenaicus and M. (T) duodecimcostatus. Comparative analysis of
the MI characteristics has allowed the evolution of these species to he
specified.
INTRODUCTION
La Baume Moula-Guercy s'ouvre immédiatement en
rive droite du Rhône (fig. 1) sur le territoire de la commune
de Soyons. Elle est située sur le flanc E du Serre de Guercy,
petite éminence de calcaire kimméridgien culminant à 246
m et domine le fleuve de 80 m environ. Lors de sa découverte en 1970, sa configuration et ses modestes dimensions
l'ont fait dénommer abri Moula, du nom de son inventeur.
Actuellement, il apparaît que ce gisement est en fait constitué par une cheminée communicant à sa base avec une grande salle presque entièrement comblée de sédiments qui communique avec un imposant réseau karstique. Le changement
de topographie a conduit à rebaptiser le site Baume MoulaGuercy.
Le gisement fut fouillé de 1975 à 1982 sous la direction
de P. Payen (P.Payen et al., 1990). Les études réalisées montrèrent l'existence d'une industrie moustérienne originale,
attribuée au Moustérien typique (A. Defleur, 1989), dans un
contexte faunique correspondant à un milieu ouvert et froid
(E. Crégut-Bonnoure et C. Guérin, 1986).
En 1991, un sondage de 1 m de coté fut réalisé par l'un
d'entre nous (A.D.), à la base du niveau atteint par les
fouilles de 1982. Au cours de ce sondage 12 restes humains
se rapportant à des néandertaliens, dont certains présentent
des traces de découpe faites avec un outil de silex, furent
mis à jour (A. Defleur et al., 1993). Depuis 1992, des
fouilles programmées sont réalisées à raison de 2 mois
chaque année. Les nouveaux travaux ont permis de mettre
en évidence plusieurs niveaux archéologiques et paléontologiques s'étageant sur plus de 6 m de puissance. À cette stratigraphie s'ajoutent 2 m de dépôts encore connus uniquement par un sondage profond. Le substratum n'a pas été
atteint. Actuellement, en dehors de sépultures néolithiques
FIG. 1. - Localisation de la Baume Moula-Guercy.
Location of Baume Moula-Guercy.
Bull. Mus. Anthropol. préhist. Monaco, n° 38,1995-1996
10
P. BRUNET-LECOMTE, E. DESCLAUX, A. DEFLEUR
creusées dans les niveaux du Paléolithique moyen, la totalité
du matériel mis à jour est attribuable au Moustérien.
Les niveaux fouillés peuvent être divisés en deux unités. L'unité supérieure, qui correspond aux couches IV à XI
et l'unité inférieure, aux couches XII à Xv. Cette dernière,
de tendance très tempérée, s'oppose à la partie supérieure du
remplissage par la quasi disparition des espèces des biotopes
froids, tant pour les grands mammifères que pour les rongeurs. Les données actuellement en notre possession permettent d'attribuer cette partie de la séquence au début du
Pléistocène supérieur (stades isotopiques 5 et 4, Würm
ancien).
Les couches XVI à XIX sont connues par les seules
données fournies par le sondage. Les campagnols souterrains en notre possession provenant des couches XVIII et
XIX ont été étudiés. L'analyse morphologique et métrique
des rongeurs du genre Arvicola identifiés dans ces niveaux
par M. Abbassi et E. Desclaux (1996), ainsi que les données
paléoécologiques suggèrent que les couches XIX et XVIII
datent de la fin du Pléistocène moyen (stade isotopique 6,
Riss final).
Durant les fouilles récentes, le recueil des éléments
anatomiques des micromammifères, où les rongeurs sont
bien représentés, a fait l'objet d'une collecte exhaustive dont
l'étude globale, en cours, apportera des données importantes
pour cette région de France. Dans la présente note, seuls les
résultats concernant l'étude des campagnols souterrains font
l'objet d'une première présentation.
ment intéressante pour préciser la répartition du groupe dans
la moyenne vallée du Rhône, région qui a notablement été
soumise aux variations bioclimatiques durant le Pléistocène
moyen et supérieur.
III. - MATÉRIEL ET MÉTHODE
Le matériel étudié se compose de 98 Ml réparties selon
les couches de la façon suivante: couche IV : 2 Ml, couche
IX : 1 Ml, couche X/XI: 1 Ml, couche XII : 4 Ml, couche
XIII : 15 Ml, couche XIVa : 17 Ml, couche XIVb : 14 Ml,
couche XIVe: 15 Ml, couche XIVd : 17 Ml, couche F du
sondage: 7 Ml et couche G du sondage: 5 Ml.
Les catégories climato-écologiques définies à partir des
espèces actuelles et fossiles de rongeurs (E. Desclaux, à
paraître) ont permis de mettre en évidence les phases climatiques suivantes, de la base au sommet de la séquence :
- Phase IV: couches XIX et XVIII du sondage. Il s'agit
d'une phase froide à espaces découverts. Elle est caractérisée par l'abondance des espèces des steppes continentales
arides (Microtus gregalis, Citellus sup e rcilio sus et
Allocricetus bursae) et la bonne représentation des formes
inféodées aux biotopes froids (Dicrostonyx torquatus,
Sicista cf. betulina et Microtus malei oeconomus). Cette
phase correspond à un maximum glaciaire.
II. - LE SOUS-GENRE MICROTUS (TERRICOLA)
Actuellement, six espèces de campagnol souterrain du
sous-genre Microtus (Terricole] sont présentes en France
(J. Chaline et al., 1988), dont quatre en Rhône-AlpesAuvergne: le campagnol souterrain M. (T) subterraneus, le
campagnol souterrain des Alpes M. (T) multiplex, le campagnol souterrain des Pyrénées M. (T) pyrenaicus et le campagnol souterrain de Provence M.(T) duodecimcostatus
(A. Fayard, 1984).
Microtus (T) subterraneus est une espèce médio-européenne qui occupe la moitié nord de la France et une grande
partie du Massif Central.
Microtus (T) multiplex occupe les Alpes, les Préalpes
occidentales et la rive gauche de la vallée du Rhône
(P. Brunet-Lecomte, 1995).
Microtus (T) pyrenaicus est actuellement présent dans
le centre et l'ouest du Massif Central et une espèce proche
caractéristique du Pléistocène moyen M. (T) mariaclaudiae
a été décrite dans le gisement d'Orgnac 3 situé dans le sud
de l'Ardèche par J. Chaline (1972).
Microtus (T) duodecimcostatus est une espèce méridionale présente dans le Midi méditerranéen mais aussi dans les
vallées du Rhône, de la Durance et du Drac au nord jusqu'à
Grenoble.
La répartition de ces espèces durant le Pléistocène
moyen et supérieur est encore très mal connue (P. BrunetLecomte, 1989). Aussi l'analyse morphométrique d'une
centaine de premières molaires inférieures (Ml) de Terricola
provenant de la Baume Moula-Guercy (Soyons, Ardèche),
gisement préhistorique qui a déjà permis la détermination de
plus de 3000 micromammifères (d'après le N.M.I.) appartenant à 44 taxons (E. Desclaux, à paraître), est particulière-
Bull. Mus. Anthropol. préhist. Monaco, n° 38, 1995-1996
A
B
c
FIG. 2.
Morphologie des Terricola de la Baume Moula-Guercy
(Echelle = 1 mm). La boucle antérieure ouverte est typique de M. (T.) duo-
decimcostatus.
Baume Moula-Guercy morphology of Terricola (Scale = 1 mm). M. (T.)
duodecimcostatus shows an open anterior loop.
A - Terricola duodecimcostatus : MI D banquette sud couche IV (n° 14).
B - Terricola duodecimcostatus : MI D zone centre couche XIV (n° 47).
C - Terricola duodecimcostatus : MI G zone centre couche XIV (n° 47).
CAMPAGNOLS SOUTERRAINS DE LA BAUME MOULA-GUERCY (ARDÈCHE)
- Phase III ; cette phase concerne les couches XVII et
XVI du sondage. Il s'agit vraisemblablement d'une phase de
transition climatique caractérisée par une diminution significative de la proportion des espèces des biotopes froids et
découverts. Les seules données (systématique et N.M.!.)
concernant les rongeurs recueillis dans ces niveaux proviennent d'un bref rapport de fouilles (M. Jeannet in A. Defleur,
1992). Les campagnols souterrains n'ont par conséquent pas
pu être pris en' compte dans notre étude.
- Phase II : cette phase concerne les couches XV à XII.
Elle peut être divisée en deux épisodes climatiques (phases
lIa et lIb).
B
A
D
FIG.
E
c
F
3. - Terricola de la Baume Moula-Guercy (Echelle = 1 mm). M.
(T) subterraneus et M. (T) multiplex présentent une boucle antérieure fer-
mée et un rhombe pitymyen moins incliné que M. (T) duodecimcostatus.
Baume Moula-Guercy morphology of Terricola (Seo le = 1 mm). M (T)
subterraneus and M. (T) multiplex show an anterior loop and a pitymyan
rhombus less inclined that M. (T) duodecimcostatus.
A - Terricola subterraneus : Ml D zone centre couche XIII (n° 12).
B - Terricola subterraneus : Ml D zone centre couche XIII (n° 23).
C - Terricola subterraneus : Ml D zone centre couche XIVb (n° 61).
D - Terricola subterraneus : Ml G banquette sud couche IX (n° 15).
E - Terricola subterraneus : Ml D zone centre couche XIVb (n° 62).
F - Terricola subterraneus : Ml D zone centre couche XII (n° 20).
11
- Phase IIa : couches XV à XIVa. Elle correspond à
l'installation d'une forêt tempérée qui atteint son maximum
d'extension dans la couche XIVa. Les espèces des espaces
découverts humides et des steppes continentales sont bien
représentées dans les couches XIVe à XIVc. Par la suite, ces
formes régressent au profit des formes forestières
(Apodemus sylvaticus, Muscardinus avellanarius, Eliomys
quercinus, Glis glis et Clethrionomys glareolus). Les
espèces des biotopes tempérés deviennent alors majoritaires.
Cette fluctuation des paléomilieux s'accompagne d'un
réchauffement climatique de grande amplitude, ce qui correspond vraisemblablement à un stade interglaciaire.
- Phase IIb : couches XIII et XII. Il s'agit d'une phase
de transition caractérisée par une légère régression des
espèces des forêts tempérées qui s'accompagne d'une augmentation des espèces des zones boréales et des espaces
découverts humides. Ces niveaux correspondent aux prémices d'un changement climatique important.
- Phase I : couches X/XI à IV. Deuxième phase froide à
espaces découverts. Elle est caractérisée par la régression
des espèces des milieux forestiers au profit des espèces des
biotopes froids et des espèces des steppes continentales. Elle
correspond à l'installation d'un climat rigoureux. La bonne
représentation des espèces des espaces découverts humides
tend à limiter l'importance du refroidissement climatique.
Les zones de hauteurs devaient être plutôt arides et occupées
par des steppes. Les environs du Rhône devaient constituer
une zone marécageuse. Les fonds de vallée conservant un
cachet humide.
Compte tenu du nombre de dents par couche et des
caractéristiques climato-écologiques des couches, les MI ont
été réparties dans les quatre niveaux stratigraphiques suivants :
- Niveau l (noté nivl) : couches XIX et XVIII, 12 MI.
- Niveau 2 (noté niv2) ; couches XIVd à XIVa, 63 MI.
- Niveau 3 (noté niv3) : couches XIII et XII, 19 MI.
- Niveau 4 (noté niv4) : couches XIXI à IV, 4 MI.
L'examen visuel (à la loupe binoculaire) de la morphologie des Ml a montré que celles-ci présentaient une morphologie «moderne» semblable à celle des espèces actuellement présentes en France. C'est pourquoi la détermination
des 98 Ml a été faite par classification obtenue à partir d'une
analyse discriminante effectuée entre les espèces actuelles
présentes dans la région Rhône-Alpes-Auvergne : M. (T.)
subterraneus (310 dents), M. (T.) multiplex (295 dents), M.
(T.) pyrenaicus (205 dents) et M. (T.) duodecimcostatus (306
dents), à partir de 21 mesures prises sur la surface occlusale
de la MI par P. Brunet-Lecomte (1988).
Après avoir classé les MI par la méthode de l'analyse
discriminante, une comparaison de la moyenne des caractères définis par P. Brunet-Lecomte (1990) «longueur totale
de la MI (LT)>>, «longueur relative de la partie antérieure de
la MI (LRPA)>>, «inclinaison du rhombe pitymyen (RP)>> et
«ouverture de la boucle antérieure (BA)>> entre les
ensembles stratigraphiques définis précédemment a été faite
par l'analyse de la variance à un facteur (ensemble stratigraphique ) pour chaque espèce lorsque cela a été possible.
Pour l'analyse de la variance, le risque de première
espèce a été fixé à p=0.05 (5%). Le logiciel statistique utilisé est celui de SAS.
Bull. Mus. Anthropol. préhist. Monaco, n° 38,1995-1996
P.
12
IV. -
BRUNET-LECOMTE,
E.
RÉSULTATS
A - Classification des MI.
La classification discriminante a donné les résultats suivants:
niv2
niv3
nivl
niv4
M. (T.) subterraneus
0
1
3
1
14
M. (T.) multiplex
0
0
6
M. (T.) pyrenaicus
5
13
3
0
M. (T.) duodecimcostatus
7
35
7
3
A
B
DESCLAUX,
A. DEFLEUR
Le pourcentage de mauvaise classification pour les 4
espèces de référence est globalement de 14% et respectivement de 7%, 16%,20% et 14% pour M. (T.) subterraneus,
M. (T.) multiplex, M. (T.) pyrenaicus et M. (T.) duodecimcostatus. Compte tenu du fait que le pourcentage de mauvaise
classification de l'analyse discriminante est de 14%, les
conclusions de la classification des 98 Ml sont les suivantes:
- M. (T.) duodecimcostatus est présent dans les 4
niveaux stratigraphiques ;
- M. (T.) pyrenaicus est présent dans les niveaux 1 et 2,
et peut-être encore dans le niveau 3 ;
- M. (T.) multiplex est présent dans les niveaux 2 et 3 ;
- M. (T.) subterraneus est probablement présent à partir
du niveau 3.
La représentation des Ml (fig. 2 à 4) montre qu'il est
généralement difficile d'effectuer une diagnose spécifique à
partir du seul examen visuel de la morphologie des Ml.
M. (T.) subterraneus et M. (T.) multiplex possèdent une
boucle antérieure (BA)' assez fermée à très fermée. M. (T.)
duodecimcostatus a une boucle antérieure assez ouverte à
très ouverte et un rhombe pitymyen (RP) qui tend à être plus
incliné au niveau du quatrième triangle (T4) par rapport à
M. (T.) subterraneus et surtout M. (T.) multiplex. Ces caractères peuvent généralement être distingués lors d'un examen
à la loupe binoculaire. En revanche, il n'est pas possible de
déterminer M. (T.) subterraneus et M. (T.) multiplex sans
avoir recours à une analyse discriminante prenant en considération les 21 paramètres de la Ml définis par P. BrunetLecomte (1988).
M. (T.) pyrenaicus présente une morphologie de la Ml
intermédiaire entre celle de M. (T.) subterraneus, M. (T.)
multiplex et celle de M. (T.) duodecimcostatus. Comme précédemment, seules les méthodes statistiques permettent
d'effectuer une diagnose spécifique fiable. La figure 4 permet
de constater à quel point la morphologie des Ml de M. (T.)
pyrenaicus est proche de celle de M. (T.) duodecimcostatus.
T ABL. 1. - Quantification des caractères de la M, dans les niveaux
stratigraphiques 3+4 chez M. (T) subterraneus.
Quantification of the MI characteristics of M. (T) subterraneus in the
stratigraphie levels 3 and 4.
Population 1 Effectif ,
Moyenne
Longueur totale de la MI (unité
D
E
F
4. - Terricola de la Baume Moula-Guercy (Echelle = 1 mm). M.
(T) pyrenaicus montre une morphologie intermédiaire entre celle de M.
(T) subterraneus et M. (T) multiplex, mais plus proche de celle de M. (T)
duodecimcostatus.
Baume Moula-Guercy morphology of Terricola (Scale = 1 mm). The morphology of M (T) pyrenaicus is intermediate between the morphology of
M. (T) subterraneus and M. (T) multiplex, but more closed to the morphologyof M. (T) duodecimcostatus.
A - Terricola multiplex: Ml D zone centre couche XIV (n° 39).
B - Terricola multiplex: Ml D zone centre couche XIVb (n° 66).
C - Terricola pyrenaicus : Ml D zone centre couche XIII (n° 31).
D - Terricola pyrenaicus : Ml G zone centre couche XIVd (n° 96).
E c Terricola pyrenaicus : Ml D zone centre couche XIVd (n° 90).
F - Terricola pyrenaicus : Ml D zone centre couche XIVd (n° 81).
niveau 3
4
1 Ecart type
= 10-2 mm)
254.3
13.2
Longueur relative de la partie antérieure de la MI (sans unité)
FIG.
Bull. Mus. Anthropol. préhist. Monaco, n° 38,1995-1996
niveau 3
4
0.509
0.019
Inclinaison du rhombe pitymyen de la MI (unité = 10-2 mm)
niveau 3
4
2.5
3.7
Ouverture de la boucle antérieure de la MI (unité = 10-2 mm)
niveau 3
4
21.5
5.9
13
CAMPAGNOLS SOUTERRAINS DE LA BAUME MOULA-QUERCY (ARDÈCHE)
T ABL. II. - Quantification et comparaison des caractères de la MI
selon le niveau stratigraphique chez M. (T) multiplex.
Quantification and comparison of the MI characteristics of M. (T) multiplexfollowing the stratigraphie sequence.
Population
1Effectif 1
Moyenne
Longueur totale de la MI (unité
niveau 2
niveau 3
13
6
1 Ecart type
= 10-2 mm)
256.5
267.2
15.9
12.4
Analyse de variance : NS
Longueur relative de la partie antérieure de la MI (sans unité)
niveau 2
niveau 3
13
6
0.502
0.509
0.017
0.018
Analyse de variance : NS
Inclinaison du rhombe pitymyen de la MI (unité
niveau 2
niveau 3
13
6
3.5
2.3
= 10-2 mm)
4.2
3.4
v. - DISCUSSION ET CONCLUSION
Le fait que le gisement soit situé au bord de la vallée du
Rhône ne permet pas d'affirmer que les individus capturés
l'ont tous été en Ardèche, sur la rive droite du fleuve. Aussi,
il n'est pas possible d'affirmer à partir de cette étude la présence de M. (T.) multiplex, à cette époque sur la rive droite
du Rhône.
Les espèces actuellement présentes dans la région de
Soyons sont M. (T.) duodecimcostatus et M. (T.) subterraneus. La présence de M. (T.) multiplex a été envisagée par
A. Fayard (1984) mais n'a pas encore été prouvée et M (T.)
pyrenaicus n'a pas été trouvé dans cette région en limite du
Massif Central et de la vallée du Rhône. Depuis la fin du
Pléistocène moyen, M. (T.) duodecimcostatus semble présent en continu, M. (T.) pyrenaicus paraît avoir régressé à
l'ouest dans le Massif Central, M. (T.) subterraneus est présent depuis au moins le niveau 3 et M. (T.) multiplex a été
présent dans cette partie de la vallée du Rhône.
Les conclusions élaborées à partir des résultats de la
comparaison des caractères de la MI, faites après classement
TABL. III. - Quantification et comparaison des caractères de la MI
selon le niveau stratigraphique chez M. (T) pyrenaieus.
Quantification and eomparison of the MI eharaeteristics of M. (T) pyrenaieus following the stratigraphie sequence.
Analyse de variance : NS
Ouverture de la boucle antérieure de la MI (unité
niveau 2
niveau 3
13
6
22.8
31.2
= 10.2 mm)
7.6
5.0
Analyse de variance: p<O/OOI
Population
1Effectif
1 Moyenne
Longueur totale de la MI (unité
niveau 1
niveau 2
niveau 3
5
14
3
1Ecart type
= 10-2 mm)
261.4
254.4
258.3
10.1
13.8
24.1
Analyse de variance : NS
B - Analyse des caractères de la MI.
La quantification des caractéristiques des MI sont données tableaux l à IV. Les 2 populations de M (T.) multiplex
présentent une longueur relative de la partie antérieure peu
développée (respectivement 0,502 ±0,017 et 0,509±0,018),
un rhombe pitymyen moyennement incliné (3,5±4,2 et
2,3±3,4) et une boucle antérieure fermée pour celle du
niveau 2 (22,8±7,6) et plus ouverte pour celle du niveau 3
(31,2±5,0).
Les 3 populations de M. (T.) pyrenaicus ont une longueur relative de la partie antérieure peu marquée (respectivement 0,491±0,008; 0,495±0,021 et 0,494±0,01l), un
rhombe pitymyen incliné (respectivement -5,8±3,8; -2,5±3,3
et -5,0±7,5) et une boucle antérieure relativement ouverte
(respectivement 34,2±8,5; 30,6±7,1 et 35,3±1l,4).
Les 4 populations de M. (T.) duodecimcostatus sont
caractérisées par une longueur relative de la partie antérieure très restreinte (respectivement 0,484±0,018;
0,478±0,0 13 ; 0,483±0,024 et 0,47 5±0,0 16), un rhombe
pitymyen très incliné (respectivement -7,4±4,4; -4,0±6,0;
-5,4±4,3 et -7,3±5, 1) et une boucle antérieure plutôt ouverte
(respectivement 31,6±5,4; 40, 1±1O,0 et 38,3±7, 1).
Longueur relative de la partie antérieure de la MI (sans unité)
niveau 1
niveau 2
niveau 3
5
14
3
0.491
0.495
0.494
0.008
0.021
0.011
Analyse de variance : NS
Inclinaison du rhombe pitymyen de la MI (unité = 10-2 mm)
niveau 1
niveau 2
niveau 3
5
14
3
-5_8
-2.5
-5.0
3.8
3.3
7.5
Analyse de variance : NS
Ouverture de la boucle antérieure de la MI (unité
niveau 1
niveau 2
niveau 3
5
14
3
34.2
30.6
35.3
= 10-2 mm)
8.5
7.1
11.4
Analyse de la variance: NS
Bull. Mus. Anthropol. préhist. Monaco, n° 38, 1995-1996
14
P. BRUNET-LECOMTE, E. DESCLAUX, A. DEFLEUR
TABL. IV. - Quantification et comparaison des caractères de la MI
selon le niveau stratigraphique chez M. (T.) duodecimcostatus.
Quantification and comparison of the MI characteristics of M. (T.) duodecimcostatus following the stratigraphie sequence.
Population 1 Effectif
1
Moyenne
1
Ecart type
Longueur totale de la Ml (unité = 10-2 mm)
niveau
niveau
niveau
niveau
1
2
3
4
7
35
7
3
274.4
279.7
282.4
291.3
11.6
18.3
15.5
14.2
Analyse de la variance : NS
Longueur relative de la partie antérieure de la Ml (sans unité)
niveau
niveau
niveau
niveau
1
2
3
4
7
35
7
3
0.484
0.478
0.483
0.475
0.018
0.013
0.024
0.016
Analyse de la variance : NS
Inclinaison du rhombe pitymyen de la Ml (unité = 10-2 mm)
niveau
niveau
niveau
niveau
1
2
3
4
7
35
7
3
-7.4
-4.0
-5.4
-7.3
4.4
6.0
4.3
5.1
Analyse de la variance : NS
Ouverture de la boucle antérieure de la Ml (unité = 10-2 mm)
niveau
niveau
niveau
niveau
1
2
3
4
7
35
7
3
31.6
40.1
38.3
38.3
5.4
10.0
4.4
7.1
de celles-ci par analyse discriminante, doivent être considérées avec prudence, du fait que certaines MI ont sans doute
été attribuées par erreur à une espèce plutôt qu'à l'une des 3
autres.
Les 4 populations stratigraphiques de M. (T.) duodecimcostatus présentent une morphologie de MI moderne, semblable à celle des populations actuelles: longueur relative de
la partie antérieure peu développée, rhombe pitymyen incliné et boucle antérieure ouverte.
Globalement, la morphologie de la MI des trois populations stratigraphiques de M. (T.) pyrenaicus est de type
moderne avec un rhombe pitymyen incliné. La longueur
relative de la partie antérieure tend à être moins développée
que celle de l'espèce fossile du Pléistocène moyen du gisement d'Orgnac 3 en Ardèche, M. (T.) mariaclaudiae, étudiée
par P. Brunet-Lecomte et J. Chaline (1991). La boucle antérieure est plus ouverte que celle des populations actuelles de
M. (T.) pyrenaicus.
Pour les 2 populations de M. (T.) multiplex, le rhombe
pitymyen présente une inclinaison intermédiaire entre celle
de la sous-espèce des Alpes internes druentius et celle de
la sous-espèce du Trièves et du Vercors niethammeri
(P. Brunet-Lecomte et V. Volobouev, 1994). La population
du niveau 3 (couches XIII et XII) se distingue de celle du
niveau 2 (couches XIVd à XIVa) par une boucle antérieure
relativement plus ouverte, comme cela est le cas entre les
sous-espèces druentius (boucle antérieure plus fermée) et
niethammeri (boucle antérieure moins fermée). Ces observations permettent d'émettre l'hypothèse que les 2 populations
stratigraphiques de M. (T.) multiplex sont morphologiquement intermédiaires entre les sous-espèces druentius et
niethammeri, laquelle doit avoir dérivée de druentius lors
d'un isolement géographique entre la fin du Pléistocène
moyen et le Pléistocène supérieur.
L'analyse comparée avec d'autres gisements de la
région permettra de préciser la répartition géographique et
l'évolution des campagnols souterrains au cours du
Pléistocène moyen et supérieur.
(P.B.-L. : laboratoire de Paléontologie analytique et Géologie
sédimentaire, U.M.R. 5561 C.N.R.S., Univ. Bourgogne, Centre des
Sciences de la Terre, Dijon; E.D. : laboratoire départemental de
Préhistoire du Lazaret, UM.R. 9948 C.N.R.S., Nice; A.D. : laboratoire
d'Anthropologie, UM.R. 9948 C.N.R.S., Fac. Médecine N, Marseille).
Analyse de la variance : NS
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