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39 rue du Cherche-Midi
75006 Paris
www.editions-prairial.fr
Roger Gilbert-Lecomte
La vie l’amour la mort le vide
et le vent suivi de Le miroir noir
Si je suis défoncé saignant stupide et blême
Et rouge par traînées
C’est que je n’ai jamais voulu que l’on m’emmène
Loin des portes de la mort où je frappais
De la tête et des pieds et de l’âme et du vide
Qui m’appartiennent et qui sont moi
Mourez-moi ou je meurs tuez-moi ou je tue
Et songez bien qu’en cessant d’exister je vous suicide
E
n publiant ce volume, les éditions Prairial
rendent disponibles sous leur forme originale les
deux recueils de poèmes publiés de son vivant
par Roger Gilbert-Lecomte, qui n’avaient jusqu’ici été
réédités que dans ses Œuvres complètes (Gallimard,
1977), depuis longtemps épuisées.
Voilà qui devrait, on l’espère, permettre de faire
­entendre à nouveau l’une des voix les plus singulières
de la période surréaliste, sans qu’elle soit éclipsée par
sa seule réputation de « poète maudit ». Il faut dire
que la courte vie de Roger Gilbert-Lecomte (19071943) se prête particulièrement aux travestissements
­romantiques : précocité du talent, quête effrénée
et effrayante d’absolu, plongée dans la drogue puis
dans la misère, mort dans la solitude le dernier jour
de ­l’année 1943, de ce « tétanos mystique » prophétisé
par un texte de jeunesse.
Dès 1928, c’est la création du Grand Jeu, avec ses
« phrères simplistes » du lycée de Reims, René Daumal
et Roger Vailland. Le groupe a les mêmes influences
que les surréalistes (Nerval, Rimbaud, Lautréamont),
le même attachement à « l’acte même de révolte »,
mais il s’en distingue par une ambition nettement mé-
taphysique, ce qui a tôt fait de le rendre suspect aux
yeux d’André Breton. Les vues de Daumal et de GilbertLecomte divergent bientôt – le premier suit le gourou
Gurdjieff, le second s’enfonce dans la toxicomanie – et
le Grand Jeu éclate avant le quatrième numéro de la
revue, en 1932.
L’année suivante, Roger Gilbert-Lecomte fait
­paraître La vie l’amour la mort le vide et le vent. De
ce recueil, que nous republions aujourd’hui – avec
la plaquette de poèmes Le miroir noir (1938) –, c’est
un autre « envouté éternel », Antonin Artaud, qui
parle le mieux (NRF n°255, décembre 1934) : « Roger
­Gilbert-Lecomte est un des rares poètes d’aujourd’hui
à cultiver cette forme de lyrisme violent, noueux,
torride, ce lyrisme en cris d’écorché, qui se pare de
mots abrupts, d’images-forces, où la convulsion et le
spasme rendent le son de la nature en plein travail. »
Georges DARIEN
La belle france
Si le nom français ne doit pas être
à jamais rayé de l’histoire, il faut que la France
des Nationalistes, c’est-à-dire la France de Rome,
trouve demain devant elle la France des Juifs,
des Protestants, des Intellectuels
et des Cosmopolites, c’est-à-dire la France
de la Révolution – et qu’elle triomphe, si elle peut ;
ou qu’on lui foute les tripes au soleil,
une fois pour toutes.
G
eorges Darien (1862-1921) n’est plus tout à fait
un inconnu depuis sa redécouverte par l’éditeur Jean-Jacques Pauvert au cours des années
1950. André Breton a dit de lui qu’il était « un cœur trop
grand et trop bien battant pour ne pas heurter en tout
sens les parois de sa cage » et Louis Malle a adapté
au cinéma l’un de ses principaux romans, aujourd’hui
­réédité en livre de poche, Le Voleur (1967).
Le peu que l’on sait de la vie de Georges Darien,
pseudonyme de Georges Hippolyte Adrien, est étroitement lié à ses œuvres : lancé en littérature avec
son roman Biribi (1890), transposition de sa terrible
expérience dans ce bagne militaire, Darien se fait
rapidement un nom parmi les auteurs anarchistes
en écrivant dans diverses revues libertaires tout au
long de la dernière décennie du XIXe siècle. Plusieurs
romans suivent Biribi, parmi lesquels Les Pharisiens
(1891) qui ridiculise l’antisémite Edouard Drumont,
alors au zénith de sa carrière. Cependant, à court
d’argent et de soutiens, renié par sa famille et ignoré
par la critique, Darien part vivre à l’étranger, en Belgique et en Angleterre, où il écrit Le Voleur (1897) et
La Belle France (1900). De retour en France au début
des a­ nnées 1900, il ­reprend une activité de journaliste
dans des publications anarchistes et se présente aux
élections législatives comme « candidat de l’impôt
unique », sans grand succès. Il meurt peu après la
Grande Guerre, dans l’anonymat le plus complet.
La Belle France, que nous rééditons aujourd’hui,
est sans doute le livre le plus emblématique de D­ arien.
Refusé par la plupart des éditeurs, ce pamphlet p­ arut
pour la première fois en 1901 aux éditions Stock.
Il n’eut aucun succès, et pour cause. Au fil de plus
de trois cents pages, l’auteur s’attaque à toutes les
institutions de la IIIe République comme à toutes les
classes sociales. Pour étouffer cet accablant procès
d’une société et de son temps, la critique fit silence
à la sortie du livre. Même dans les années 1960,
Jean-Jacques Pauvert ne le réédita qu’après en avoir
caviardé les passages les plus désobligeants pour le
marxisme, preuve que Darien restait un auteur dérangeant. Nul doute qu’aujourd’hui, il dérangera toujours.
Mais pour le savoir, il faut lire l’intégralité de ce pamphlet, sommet d’une œuvre dont André Breton disait
qu’elle est « le plus rigoureux assaut que je sache
contre l’hypocrisie, l’imposture, la sottise, la lâcheté ».
la maison d’édition
Prairial est une nouvelle maison d’édition, lancée par cinq
jeunes gens polis et sympathiques. C’est aussi le neuvième
mois du calendrier républicain – soit la période allant du
20 mai au 18 juin dans le ci-devant calendrier grégorien.
Il nous plaît de remettre en usage ce calendrier utopique,
qui voulait marquer le début d’une nouvelle ère, mais n’aura
finalement servi que douze petites années, de 1793 à 1805.
Ce calendrier régi par la froide raison (12 mois de 30 jours,
plus quelques sans-culotides pour faire bonne mesure),
mais dont la nomenclature a été imaginée par un poète au
nom délicieux, l’immortel auteur de « Il pleut, il pleut, bergère », Fabre d’Églantine (à tes mânes, salut!). Un calendrier
absurde, en somme, qui croyait naïvement pouvoir changer
le monde. Comme les livres que nous rééditons.
Car Prairial, s’il est bien le joli mois où les fleurs volent au
vent, est aussi un mois de luttes – et de rêves démesurés :
c’est le 20 prairial an II qu’a lieu la fête de l’Être suprême,
rien moins que la tentative révolutionnaire d’instaurer une
nouvelle religion ; c’est le 1er prairial an III que le peuple parisien se soulève pour reprendre un pouvoir qu’on lui a volé.
Semblablement nous voulons que Prairial, la maison d’édition, soit celle des délirants, des révoltés et des prophètes.
Aux prophètes, il arrive souvent ce malheur : leur voix est
étouffée. C’est pourquoi nous nous sommes attachés
à r­ééditer dans un premier temps des auteurs devenus
­difficilement trouvables, que ce soit en librairie ou sur les
étals numériques dont on nous assure qu’ils constituent
l’indépassable horizon de l’édition. Après bien des années,
les revoici donc, dans une édition que nous avons voulue à la
fois belle et pratique. Bonne lecture !