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TRIMESTRIEL - NUMERO 100 - JUIN 2014

Table des matières page 47

Editorial de Youki Vattier

Assis à sa fenêtre, il plonge son regard dans la douceur du lever de soleil qui point dans le ciel. Sara dort encore, les enfants aussi. Une lumière d’or d’infinie ten dresse pénètre dans la maison de Tobie, caresse les murs, descend sur les genoux du jeune homme et se pose un instant sur le bulletin n° 100 que celui-ci tient entre les mains… et que vous-même êtes en train de lire. Tobie sourit ; lui revient en mémoire la parole de Ra phaël, avant que l’Ange ne les quitte, lui et son vieux père : «

mettez par écrit tout ce qui vous est arrivé

»… Et si, dans la délicatesse de cette aurore naissante, nous entamions, cœur à cœur avec Tobie, la lecture de ce bulletin anniversaire ? Lequel est une façon de revoir, -1- avec lui mais aussi tous ensemble, le chemin parcouru. Le nôtre. Celui qui, pas à pas, se des sine en notre for intérieur. Celui, aussi, qui se révèle au sein de notre association. De l’audace ! Ah oui, il en a fallu, pour que Tobie parte en terre étrangère, envoyé par son père pour son propre salut. Mais… nous n’a vons pas démérité non plus ! Dans les articles qui retracent nos voya ges, vous retrouverez les paysages de Bosé qu’illumine le sourire de sœur Alicia, la sérénité du dojo de Holzkirchen, l’horizon mystérieux de la Baie d’Ha Long, chapelles et ermitages du désert d’Egypte, sans oublier les petits cailloux semés par Etty Hillesum dans les dédales d’Amsterdam. Petits cailloux qui nous ont menés, notamment, au Rijkmuseum devant un tableau de Rembrandt figurant… le regard d’Anne, la femme de Tobit devenu aveugle.

Ah, si en son temps il avait pu lire l’article de Benoit Billot,

« Nouveaux repères pour la vie spirituelle

», le vieil homme se serait sans doute épargné bien des misères en ayant ainsi à sa disposition quelques clés pour opérer la conversion de son regard… Mais après tout, non, il fallait bien que Rembrandt fixe pour l’éternité ce regard indigné mais si aimant d’Anne sur son époux… Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien ve nir ? Mais si, bien sûr qu’elle a fini par voir ! Là, au fond des yeux de Tobit finalement gué ri, le soleil de Dieu qui se lève sur un monde nouveau… Quel Dieu ? «

Dieu face à face ou Dieu intérieur ?

» Peut-être les deux, mon général… A vous de juger dans l’article qui pose la question. Mais n’anticipons pas trop. N’oublions pas que la guérison de Tobit s’est faite sur un chemin d’initiation. Et ces chemins -là ont leurs jalons, leurs temps propres. Leur boussole, aussi. Parfois, celle-ci prend les bel les allures d’un Raphaël. Parfois, elle est ni chée au cœur d’un texte, comme par exemple celui nous rappelant «

Les étapes de la vie spi-

rituelle

». Au fait, et moi..., où en suis-je ? Les étapes, Tobie les a passées une à une, haut la main, la confiance chevillée au corps. Sans sourciller, obéissant à la voix de l’Ange, il a affronté le grand poisson surgi du Tigre. Nourri de la foi de son père, il a fini par la faire sienne. Bref, il est devenu adulte. Voici donc le temps de la transmission qui devient possible. «

Entre fidélité et transmission

», «

Transmission et tradition

», sans oublier le rôle des institutions avec le «

Rattachement

des 3 voies »,

sentez entre les lignes comme notre balancier cherche la position juste. Celle qui a besoin de notre Passé, à gauche, et de notre Avenir, à droite, pour trouver le parfait équilibre de notre Présent. Entendez aussi les rires qui ponctuent les temps de fêtes et de louanges qui célèbrent nos passages de relais : il y en a dans le livre de Tobit et oui, nous y étions nous aussi ! Souvenez-vous, entre au tres, de notre «

Célébration de la transmis sion

»… Il en est une qui a bien failli passer à côté de la Fête. Sara… Sara et sa peur de rencontrer l’autre. L’autre dans sa magnifique différence -2- tout autant que dans sa profonde similitude d’Être. Mais grâce au Ciel, il y a eu Tobie ! Grâce à lui s’est enfui l’épouvantail Asmodée, celui dont le rôle, dit-on, est de « conspirer contre les nouveaux époux pour les empêcher de se connaître ». Heureusement pour Sara, heureusement pour nous et pour notre aspira tion vers l’interreligieux ! Car dans les vapeurs d’encens au fumet étrange de poisson qui ont fait fuir le démon de la division, nous avons pu alors, pour notre part, humer tout à loisir «

Le goût de la rencontre interspirituelle

» ; nous avons fait, parmi tant d’autres, la «

Rencontre avec un mystique juif

» ou avec un sage afri cain : «

Connaissez-vous Tierno Bokar ?

» Mais surtout, que Sara n’ait crainte : il ne s’a git pas de se perdre dans l’autre, il s’agit de Noces véritables, de Noces somptueuses telles que célébrées dans «

Syncrétisme ou Dialo gue

». Mais chut…, faisons silence désormais. Suivons le conseil de Raphaël qui, avant de quitter Tobit et son fils, leur annonce qu’ «

il est bon de cacher le secret du Roi

». Quel se cret ? C’est affaire de chacun. Mais sans doute en reconnaîtrez-vous le parfum indicible au cœur des expériences relatées dans les articles décrivant les trois Voies : Zen, Prière du Cœur et Contemplation. Et là, il n’y a sans doute plus rien à dire. Il y a juste à goûter… Mais… le soleil est désormais levé ! Et voici que la maisonnée de Tobie s’éveille. Le jeune homme rejoint Sara et les enfants : allez, chaque matin est un nouveau chantier ! Et puis résonne toujours au plus profond de Tobie, résonne en nous aussi peut-être, ce bel encou ragement de Raphaël à la croisée de nos che mins : «

Je reste là, seulement ne t’attarde pas

»… Youki Vattier

CHAPITRE I : ARTICLES DE FOND

Après la lecture des 50 derniers numéros, nous avons sélectionné quelques articles du frère Benoît qui nous ont semblé importants. En particulier celui de décembre 2003 dans le bulletin 58. Il s’intitule : « A la recherche de nouveaux repères ». Le frère Benoît a relu ce qu’il avait alors écrit et a actualisé sa pensée. (Ceux qui possèdent l’ancienne version pourront comparer) Les 2 autres articles reprennent mot à mot ce qui avait été imprimé

N

OUVEAUX REPÈRES POUR LA VIE SPIRITUELLE

Version 2014 du bulletin n°58 de décembre 2003 Par le frère Benoît Billot

1. MUTATIONS

Il faut le reconnaitre : du fait des changements culturels de notre époque, nous nous trouvons, en ce qui concerne la vie spirituelle, dans une

sorte de contradiction

, qui demande réflexion. On peut exprimer les choses de la façon suivante : 1.

Le sens perdu

. Il est devenu presque impossible de proclamer que le monde a un sens, un sens venu d’ailleurs. D’abord, Marx, Nietzsche et Freud ont jeté un certain discrédit sur toute visée spirituelle, présentée comme une échappatoire ou une projection de nos frustrations. De là est venu un terrible soupçon : la vie spirituelle n’a rien à voir avec la

réalité humaine

. Ensuite, notre époque a été marquée par une violence bestiale colportée par nos moyens de communication. Si bien que, pour beaucoup de nos contemporains vient spontanément la réflexion : « s’il y avait -3- un Dieu… ». Dieu et la vie spirituelle sont ainsi mis au conditionnel. Tout cela a eu raison de la croyance dans le progrès linéaire, qui permettait de devenir de plus en plus humain. Et a introduit un doute profond sur Dieu, son existence et son rapport avec les hommes.

2. La langue de Dieu.

Ce deuxième point est peut être corrélatif au premier : il est devenu impossible de parler de Dieu dans la langue d’autrefois. D’une part dans celle que beaucoup ont apprise au catéchisme : les mots de

Péché

,

Dieu Rédemption, Résurrection…

,

Trinité

, ne sont plus compris aujourd’hui. D’autant plus que nombre de personnes ont vécu ces mots comme de lourdes charges donnant un peu plus de pesanteur à l’existence. De l’autre, les jeunes générations sont majoritairement élevées hors de la tradition chrétienne, et ne comprennent pas ce langage qui leur parait étrange.

3. L’impossible non-sens

. Mais voici le troisième point, celui de la contradiction : il est impossible de se passer de Dieu ! Je dis Dieu pour faire simple ; je pourrais aussi dire Divin, Sacré, Transcendance…. Une vie humaine qui n’a plus de sens devient vite, au sens propre, « insensée ». Par ailleurs, même si les mots et les histoires ont terriblement vieilli, on a pourtant besoin de verbaliser le sens et le sacré, besoin de rites et symboles, car une vie spirituelle sans mots et sans formes s’éteint. Pris dans cette contradiction, que faire ? De nombreuses options se présentent à nos contemporains. En voici quelques unes : On peut d’abord trouver refuge dans une sorte de

cénacle spirituel

, avec une doctrine bien structurée, comme celle du vieux Tobit, des rites et dévotions admis par tous. C’est la position des traditionnalistes des différentes religions. Ils sont confrontés au défi de la modernité, et ont survalorisé le troisième point, tout en oubliant quelque peu les deux premiers. D’autres ont fait l’inverse. Puisque sociétés et religions manquaient de crédibilité, ils se sont occupés d’eux-mêmes.

« Cultivons notre jardin ».

On a vu ainsi naître l’individualisme spirituel contemporain, ou chacun cherche à être heureux grâce aux petits plaisirs du quotidien. Dans le meilleur des cas, on recherche un style de vie marqué par le calme, la présence à soi même et aux voisins, une consommation régulée. Cette attitude est louable, sauf si elle devient le seul but de l’existence. Dans le pire des cas, l’Homme devient un être astucieux profitant de toutes les occasions pour profiter, et souvent au détriment des autres. Certains ont trouvé dans le

souci pour l’Homme

la dimension de transcendance qui leur est nécessaire. Ils participent activement aux grandes luttes d’aujourd’hui pour la justice, contre l’exclusion et le sous développement. Pour eux, l’Homme est sacré, et tout ce qui l’empêche de devenir lui-même doit être combattu activement. D’autres ont

rencontré une tradition spirituelle

qu’ils n’avaient pas connue dans leur enfance. Ils peuvent s’en inspirer de loin, ou bien y adhérer totalement. Il y a là pour eux une vraie possibilité de vie spirituelle s’ils y trouvent de l’engagement, une communauté, des responsables, des textes sacrés…Je remarque qu’il n’est pas rare que des personnes ayant pris cette option se posent la question de réintégrer la foi de leur jeunesse. Pour ce qui me concerne, j’aimerais valoriser une autre direction :

développer le regard profond

et aller à la découverte de la vie quotidienne. Pour exercer les sens intérieurs (l’écoute et le regard du cœur) il faut beaucoup d’observation, d’expérience, d’attention et d’échanges. Il est indispensable d’avoir une pratique spirituelle régulière et de participer à une famille spirituelle. C’est ainsi qu’à certains moments privilégiés, le sacré et le sens peuvent jaillir du quotidien lui-même. Cela demande travail et patience, car nous ne sommes plus dans un monde où le sens était posé d’avance et accepté par la majorité.

II CINQ REPERES

Il faut donc se mettre en travail, en expérimentant et en réfléchissant : comment les grands moments de jaillissements spirituels ont pu être préparés, quels en sont les fruits ? C’est ce qui amène à penser des formes nouvelles de marginalisent vie spirituelle. nullement les traditionnellement dévotions, vécues sacrements, dans Elles ne formes l’Eglise : communautés, méditation biblique… Mais elles créent une sorte de cadre, un milieu naturel où ces formes peuvent se laisser vivifier et transformer.

Il me semble que cinq mots peuvent jalonner cette recherche de nouvelles pratiques spirituelles : Altérité Mémoire Forme Attention Transformation.

-4-

ALTERITE

Il n’y a pas de vie spirituelle possible, aujourd’hui comme depuis toujours, sans qu’on accepte l’autre comme à la fois radicalement différent et totalement proche. Des philosophes comme Emmanuel Levinas nous ont beaucoup aidés à aller dans cette direction. Il écrit par exemple :

« Autrui a la face du pauvre, de l’étranger, de la veuve et de l’orphelin, et à la fois du maître appelé à investir et à justifier ma liberté ».

Grande tradition biblique : on ne peut pas prétendre être enfant d’Abraham si on ne donne pas leur place au pauvre, à l’étranger, à la veuve et l’orphelin. Leur donner leur place, oui, mais aussi être capable de recevoir d’eux. Car l’autre, en général sans le vouloir ni le savoir, m’enseigne quelque chose. Il est donc bon de faire l’expérience de l’altérité en tous domaines : vie commune, famille, rencontres, groupes... Je peux ainsi me rendre compte que le Divin est en moi, mais qu’il est aussi extérieur à moi. Lorsque je regarde quelqu’un dans les yeux, lorsque je partage avec lui ce qui fait l’essentiel de ma vie, apparaissent à la fois nos extraordinaires différences et ce qui nous unit. L’altérité permet d’échapper aux deux dangers de la fusion et de l’enfermement. Nous devons tous sortir de la fusion dans laquelle nous avons baigné dans notre petite enfance, travail continuel même pour ceux d’entre nous qui sont les plus âgés. Mais nous avons aussi à faire attention de ne pas tomber dans l’enfermement. La rencontre avec l’autre, le dialogue peuvent provoquer un grand éveil de l‘altérité. Une parole de l’autre me touche profondément lorsqu’il est habité par une sorte de densité d’être. Et cette densité éveille la mienne. Parfois c’est l’inverse qui se passe, c’est ma propre densité qui éveille la sienne. A ce moment-là on se parle d’Origine à Origine. De naissance à naissance. Et d’une certaine façon on se réengendre mutuellement. Cela peut aussi avoir lieu dans la lecture d’un livre, qui a -5- une telle densité d’être que ça éveille la mienne. Ou bien lors d’émissions de radio, ou de télé, qui réveillent ce que j’avais en moi. Nous avons là un grand lieu d’émergence du sacré.

MEMOIRE

Nous oublions beaucoup, et c’est très bien ! On s’endort le soir, et si on a de la chance on oublie tout ce qui s’est passé dans la journée. Mais on se réveille le matin et c’est pour se rappeler de nouveau. Il est nécessaire de se rappeler, mais de façon sélective, en choisissant dans tout ce qui s’est passé la veille, ce qui est vraiment significatif. On peut dire la même chose pour l’ensemble de notre vie. Il faut vivifier sans cesse la mémoire. Mais attention : non pas la mémoire de nos échecs qui vont nous enfoncer et nous permettre de nous flageller : « vraiment je suis nul ! ». Si je reviens sur les moments qui ont fait prendre à ma vie une tournure mortifère, il faudra faire un travail pour assainir et réorienter. Pas non plus, la mémoire de notre jeunesse radieuse qui va réussir à dévaloriser le moment présent. Mais la mémoire des moments importants que j’ai vécus, qui ont illuminé ma vie. Ceux qui font ce travail de mémoire, parfois en écrivant, parfois avec un ami qui leur sert de miroir, parfois dans le cadre d’un travail thérapeutique, peuvent, un jour ou l’autre, ressentir le sacré de leur vie.

La découverte du fil d’or, du fil de soie (du SOI) donne du sens à tous les événements de l’existence en faisant apparaitre leur cohérence.

Lorsque l’on dit mémoire, il faut le dire aussi dans un autre sens du mot, biblique celui là. On chante parfois dans les églises

« Souviens-toi de Jésus-Christ ressuscité d’entre les morts ».

Il ne s’agit pas là de la mémoire d’un passé révolu, mais d’une mémoire tournée vers quelque chose qui est présent en soi, et qu’on a peut-être oublié. Car sans cesse nous oublions l’Etre Divin, l’Infini en nous, la dimension sacrée de notre être. Il y a en nous une « entropie », comme l’a mis si bien en évidence Teilhard de Chardin, une

espèce de chute qui a besoin sans cesse d’être reconnue, corrigée, et inversée. Cette inversion, Teilhard la nommait : travail de

« néguentropie ».

Cette mémoire est celle de la profondeur de mon être et de la présence divine dans ma vie. La mémoire peut être aussi dilatée dans une troisième direction qui est collective : mémoire des sources de notre culture. Arrivé à un certain âge, après les grandes époques de l’affirmation de soi-même, il faut prendre conscience d’une façon un peu plus vive de ceux qui sont venus avant nous et dont nous sommes les héritiers : les hommes de la Bible, les philosophes grecs, ceux qui ont construit l’Europe, et plus loin encore : les pères de l’humanité. La bataille à propos des sources spirituelles de l’Europe, lors de la rédaction de la Constitution européenne, exprime bien la nécessité, et la difficulté, de retrouver nos racines et de nous réapproprier notre histoire.

FORMES

Une vie spirituelle sans texte, sans rite, sans chemin, sans forme devient vite inexistante. Lui assurer une forme, c’est lui assurer la durée et aussi la possibilité d’une transmission. Bien entendu, il ne faut pas passer sous silence les difficultés et dérives inhérentes aux formes, car la forme peut très vite devenir étouffante, si elle n’est jamais remise en question et surtout si elle n’est pas en jonction avec l’intériorité. Malgré ces difficultés, la forme est cependant nécessaire et beaucoup d’êtres la recherchent. Les formes traditionnelles sont souvent combattues aujourd’hui. Pourtant, il faut pouvoir en trouver qui soient acceptables, et incarnées dans le temps : quotidienne, hebdomadaire… Quelle forme quotidienne vais-je pouvoir trouver ? Je me lave tous les jours. Pourquoi n’aurai-je pas aussi ma nourriture spirituelle tous les jours. Nous disons dans le Notre Père : «

donne-nous aujourd’hui, notre pain de ce jour ».

Forme ? Il faudrait plutôt parler de nombreuses formes. Lectio Divina, Zen, Prière du cœur, sessions, retraites, pèlerinages, Eucharistie, chapelet, lecture des maîtres -6- spirituels…etc. Sans compter le don aux autres, l’engagement en faveur des déshérités. Nous ne sommes pas en panne de formes. Chacun doit trouver sa forme principale, ainsi que les formes adjacentes qui lui conviennent. L’environnement soutient, ou au contraire affaiblit les formes choisies. Si nous avons une recherche spirituelle nous ne pouvons pas habiter un lieu sans l’aménager. A ce sujet, l’art est aussi une forme possible. La musique sacrée, la sculpture et la peinture sacrées, la danse sacrée, la poésie… si on les pratique, si on les contemple, si on les écoute attentivement, sont des vecteurs importants sur le Chemin. Quand je dis musique sacrée ce n’est pas forcément la Messe en Si de J.S. Bach. Il y a des musiques qui ne font aucune référence aux traditions religieuses mais qui sont des musiques sacrées. Je m’étonne –c’est une question qui me poursuit depuis nombre d’années- : comment se fait-il que l’Eglise catholique, qui a un tel passé dans l’art, se soit absentée massivement du monde de l’art depuis un siècle ? Quels sont les artistes chrétiens contemporains dont l’œuvre se fasse entendre ? Il en est si peu ! Le sacré, alors, réapparaît dans des œuvres non religieuses. On peut aussi le dire de toutes les traditions religieuses. Le bouddhisme, par exemple, ne fait rien d’autre que de copier de siècles en siècles, indéfiniment, les mêmes formes qui ont été élaborées il y a bien longtemps. Pour le moment cela séduit parce que c’est une nouveauté en Occident. Mais lorsqu’on se sera un peu habitué on s’apercevra que ces formes là ont besoin d’être réinventées par des artistes contemporains. Vitrail de Kim en Joong Basilique de Brioude

ATTENTION Il n’y a qu’un seul temps : le présent

.

Car le passé n’est plus et le futur n’est pas encore.

Le passé et le futur vivent dans notre conscience. Mais dans la réalité objective ils ne sont plus là et pas encore là. Ils ne peuvent être que dans la mémoire, ou l’attente et dans les émotions et donc dans le présent d’une conscience. Mais dans la réalité, le seul temps qui existe c’est le présent. Pascal écrit (Pensée 172) :

« que chacun examine ses pensées : il les trouvera toutes occupées au passé et à l’avenir »

et il ajoute

« nous ne pensons presque pas au présent ».

Il n’a pas fait de séjour dans les monastères zen, mais c’était un spirituel et sa constatation est universelle. C’est un peu comme si nous brûlions d’être ailleurs que là où nous sommes. Une partie du problème, seulement une partie est que, si le présent est le point de contact de notre être avec le temps et avec le divin, il lui manque la durée. Sans cesse il passe. Si le présent durait longtemps, peut être que les choses seraient différentes. Et voilà pourquoi nous avons sans cesse à travailler pour donner au présent sa consistance. Une autre difficulté, à mon sens plus grave, est très bien exprimée, elle aussi, par Pascal (Pensée 131) :

« Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos sans passion, sans affaire, divertissement, sans application » sans

Application ? S’appliquer à faire quelque chose. Sans divertissement ? On pourrait dire aussi sans rêverie. Pascal continue son explication

« Il (l’Homme) sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide ».

Il termine la Pensée de la façon suivante :

« Incontinent (c'est-à-dire aussitôt) sortira du fond de son âme l’ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le désespoir ».

-7- Tout est dit dans ces quelques mots : celui qui se plonge dans le présent fait l’expérience de sa carence d’être. C’est pourquoi il faut un accompagnement et une pédagogie. l’attention. Une pédagogie longue de Lorsque je vivais à Chevilly-Larue, quand j’ai voulu commencer des groupes de méditation, je me suis bien gardé du mot « méditation » parce que je commençais à connaître un peu mes ouailles. J’ai donné pour titre à cette activité :

« apprentissage du silence ».

Parce que ce n’est pas d’un seul coup et facilement que l’on va pouvoir ressentir la dimension sacrée de la vie vécue dans le silence et l’attention. Il s’agit donc de devenir attentif et disponible. Notre culture ne nous y aide pas. C’est pour cela qu’il faut créer un peu partout de petites écoles, humbles et transitoires, de l’attention. Cela peut se cultiver de nombreuses manières. Bien entendu par la méditation, mais aussi autrement. Cette attention permet fréquemment de découvrir le sacré caché dans la profondeur du quotidien. En ces périodes d’hésitations, ce sont souvent les artistes qui nous montrent le chemin. Ainsi Matisse écrit-il :

« Une chambre l’après-midi où repose un violon, un noble visage de femme, un autre qui rêve, des papiers épars en un certain ordre assemblés, seront les nouveaux lieux où tels des diamants, paraît encore l’éclat du feu ».

TRANSFORMATION

Sommes-nous des êtres de transformation ? Désirons-nous l’être ? Ou bien pensons-nous que nous avons acquis un équilibre, une stabilité, une ouverture et que nous ne pourrons plus devenir autre chose que ce que nous sommes déjà ? La réalité, c’est que nous ne pouvons réellement vivre que si nous sommes en transformation continuelle. On le comprend particulièrement dans deux cas : Le premier, c’est dans le tragique, lorsque nous sommes arrivés au bout du rouleau. Avec l’impression que ça ne peut pas continuer comme ça, et la décision qui nait : il faut que je fasse quelque chose. Heureusement, il est un certain nombre de moments semblables dans la vie. On se met alors à rêver le changement et on se met en quête de moyens pour y parvenir. Etonnamment, à partir de ce moment des portes s’ouvrent, les êtres dont on avait besoin viennent vers nous, un chemin se dessine. Le second, c’est lorsque nous commençons à cueillir les fruits de notre propre transformation. C’est-à-dire, à en ressentir les bienfaits. Rétrospectivement nous nous disons que nous n’avons pas eu tort. C’est comme si naissait à ce moment-là une énergie nouvelle qui nous invitait à continuer notre route pour aller encore plus loin. Même chez les plus âgés. J’entends parfois des octogénaires douter : vais-je pouvoir encore changer à mon âge ? Bien entendu, il y a des âges où la transformation va plus vite. Mais ce n’est pas parce qu’on a 80 ans et que la transformation sera plus lente qu’elle n’est pas possible. Elle se manifeste physiquement, psychiquement et spirituellement. Au sujet de la transformation spirituelle : beaucoup de pratiques et de systèmes religieux de notre jeunesse ne nous conviennent plus. Ils ont été pour nous très importants, très intéressants mais tels que nous sommes devenus, ils sont périmés. Va-ton pouvoir enfiler les costumes de notre jeunesse ? Il en est de même pour nos systèmes de pensée. Certes, on peut bloquer le processus ! Mais cela se traduit à la longue par des rigidités psychiques, parfois par des maladies -8- psychosomatiques, et souvent par des maladies spirituelles. Aussi vaut-il mieux coopérer à cette énergie de transformation. En se rappelant que s’il nous arrive, s’il nous est arrivé, que notre édifice religieux soit jeté par terre, le démolisseur est généralement le Divin lui-même. Il y a alors une sagesse de l’entre deux, celle qui permet le passage entre la démolition et la reconstruction. Peu l’acceptent. Elle consiste à choisir un exercice spirituel auquel on va se tenir pendant toute cette période. Car il faut que nous ayons une forme qui nous permette d’entretenir en nous la vitalité du désir spirituel, jusqu’à ce que, de nouvelles représentations puissent apparaître. Moi qui me situe dans la tradition chrétienne, je mets un nom, je reconnais que cette énergie de transformation est christique. Elle est l’énergie de la Mort et la Résurrection du Christ qui vient faire son œuvre en moi, suscitée par l’Esprit Saint. Cette transformation permet des renaissances. Ce n’est pas un hasard si l’Evangile de Jean met ces mots dans la bouche du Christ, alors qu’il se trouve en travail d’initiateur auprès de Nicodème

: «En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de renaitre d’En-haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. »

(Jean 3,3). Fr. Benoit Billot.

D

IEU FACE À FACE OU

D

IEU INTÉRIEUR

Bulletin N° 66 de décembre 2005 Par Benoît Billot LE FACE-À-DIEU se retrouve dans toutes les religions. Dans le Bhakti-Yoga par exemple, le yogi concentre toutes ses forces pour joindre sa conscience à Dieu qu’il appelle de divers noms (Krishna, Rama… figures diverses de l’unique Déité). Il sait qu’il faut l’aimer et l’un des moyens employés est l’incessante répétition du nom divin (japa). Nous avons connu, dans les rues de certaines de nos villes, les litanies chantées par les dévots de Krishna

Rama… » « Hare Krishna, Hare

Un bon représentant de cette tendance est Swami Ramdas. Amoureux fou de sa femme, au point de l’étouffer un peu, il s’entendit dire par elle

: « Ah ! Si tu pouvais tourner vers Rama cet amour que tu as pour moi ! »,

ce qui le conduisit à une union intime avec ce Dieu. Même méthode dans les courants musulmans. Les soufis, par exemple, pratiquent le Dhikr, répétition constante des noms divins sur le chapelet à 99 grains. Il s’agit de tourner vers Allah les pensées, les émotions, les énergies pour s’approcher de lui. Mais il n’y aura pas de fusion car les musulmans savent bien que l’homme et Allah sont fondamentalement différents. De même dans le christianisme. Les sens intérieurs doivent être éveillés afin que le disciple puisse voir, entendre, goûter la présence divine dans les événements et les contacts de la vie. Cette rencontre personnelle est préparée par la prière sous toutes ses formes : sacrements, prière monastique, lecture méditative de la Bible, prière du Nom (répétition du Nom par exemple dans la formule de la Prière du Cœur). Il ne s’agit pas en premier de « penser à Dieu » mais surtout d’entretenir une sensation de présence comme l’exprime le psaume 114 : «

Je marcherai en présence de Dieu sur la terre des vivants

». -9-

L E C HRIST , PASSAGE OBLIGÉ DANS LE CHRISTIANISME

L’existence historique du Christ, messager et visage privilégié de l’Éternel, donne une dynamique tout à fait particulière à ce face à face. Sa vie, sa mort et sa résurrection, son être même, font de lui le médiateur entre le Divin et l’Humain. Si bien qu’il est devenu un passage obligé dans la prière chrétienne. Mais plus que cela, il révèle le visage ultime de l’homme, une sorte d’accomplissement dans le lâcher-prise, ainsi que la découverte d’une façon de se représenter Dieu totalement inattendue ; au point qu’il est pour beaucoup de croyants d’autres religions une sorte de scandale spirituel. Ce face à face est fondamentalement relationnel, et va dans la continuité du développement de l’être humain. Le petit d’homme se construit dans ses relations. Grâce à ses parents, éducateurs, camarades, et plus tard dans la relation amoureuse, il apprend à faire confiance, à s’affirmer, à s’exprimer et aussi à s’affronter, à faire équipe, à vivre dans l’intimité, à trouver la juste distance, à faire communauté… La tradition judéo chrétienne excelle en cela, même si les autres cultures ont aussi cultivé cette richesse, car elle transpose au niveau des rapports entre les hommes ce que ses priants ont découvert dans la vie spirituelle : l’Être divin dit « JE » et s’adresse à l’homme en lui disant « TU ». C’est ainsi que la voie de l’Amour, ou voie du Cœur, fait partie intégrante de l’héritage chrétien. Elle fait regarder tout humain comme un sujet portant en lui des potentialités infinies, reflet de la divinité, et donc infiniment respectable. Par extension, elle éduque (ou devrait éduquer) les disciples à regarder le cosmos comme un lieu de présence divine. Il suffit, par exemple, de

prendre le temps de regarder une fleur pendant quelques minutes sans bouger pour ressentir que celle-ci s’anime, quitte son statut d’objet agréable pour devenir comme un être qui vous fait face et vous regarde. Malgré la proximité confiante de ce face à face, il faut toujours se rappeler que l’essence divine demeure inaccessible. La Bible le rappelle fréquemment. Les chrétiens orientaux ont souvent utilisé la métaphore du soleil pour mettre ce paradoxe en image. Cet astre restera à jamais inaccessible à l’homme qui, en général, ne peut même pas le regarder en face. Mais ses rayons ne cessent de le toucher et de donner vie à la terre. Les rayons sont-ils de nature différente du soleil : n’est-ce pas le soleil lui-même qui vient caresser la peau du vacancier ? N’est-ce pas Dieu lui-même qui se trouve sur mon chemin ?

L’ABÎME SANS FOND

Il faut maintenant continuer notre route, et dire que la relation qu’on peut vivre ainsi avec l’Être divin peut parfois donner naissance à une autre approche de ce mystère permanent. Car il arrive que le priant, à cause de la qualité et de l’intensité de sa prière, en vienne à prêter attention à ce qui se passe en lui dans les profondeurs. En effet au-delà des réflexions et recherches de son intellectualité, au-delà des agitations de ses émotions, au-delà des mouvements de son inconscient qui, comme des frémissements de l’écorce terrestre, font bouger les équilibres qu’il avait mis en place, voici qu’il sent autre chose, une nouvelle réalité. Il pourra la prendre, au début, pour une percée de l’inconscient, mais il aura vite fait d’en percevoir la différence. Cette Réalité, les grands mystiques chrétiens des 14 ème -16 ème siècles, Maître Eckhart, Henri Suso, Jean Tauler, Jean de la Croix, Thérèse d’Avila l’appelaient fréquemment FOND de l’être, reprenant une image employée par Paul aux Corinthiens 3,10. Il s’agit du fond divin de la personne humaine, de ce qui lui permet d’exister, et à quoi cependant il est possible d’avoir accès. Mais un fond qu’on peut dire « sans fond » : pour rendre compte le moins maladroitement de cette réalité, ces chercheurs de vie spirituelle avaient recours à un verset du Psaume 41 : -10-

« l’abîme appelant l’abîme ».

C’est-à-dire que l’abîme humain et l’abîme divin s’appellent l’un l’autre et communiquent dans l’infini de la profondeur. Il s’agit alors d’une présence sans mots, dans le silence. Le contemplatif met en veilleuse son intellectualité, ses pensées et émotions. Seule reste ce qu’on appelle souvent la « conscience pure ». Cette prière n’est plus de l’ordre de la relation car elle met en contact avec l’aspect non-personnel de la divinité. Elle permet d’asseoir le mystère de son propre être sur le mystère de l’Être divin. Thérèse d’Avila l’exprime de façon très suggestive dans la Dernière Demeure de son Château intérieur.

LE VIDE

Ce Fond, cet Abîme, s’expérimente en général comme un Vide. Ce mot a mauvaise presse dans notre culture, aussi préfère-t-on utiliser plutôt le terme de Vacuité. Dans le monde des religions asiatiques, et particulièrement dans le zen, on le nomme en sanscrit Shunyata, qu’on traduit en chinois par WU, et en japonais par MU ou par KU. Cette vacuité recèle plusieurs significations : il s’agit avant tout d’un vide d’immensité (abîme) ; mais aussi d’un vide d’engendrement : c’est Maître Eckhart qui parle de

« Vide matriciel »

pour exprimer la fécondité créatrice que connaît celui qui accueille cette réalité en lui. Nous voici donc devant deux façons d’entrer en contact avec l’Éternel. Beaucoup choisiront l’une et rejetteront l’autre. Beaucoup verront dans l’une un niveau de vie spirituelle plus élevé que celui de l’autre. Pour ma part, je sens qu’il convient de les cultiver simultanément, afin de ne rien perdre des richesses infinies qui se font connaître dans une vie spirituelle. Rencontre du Veilleur Samedi 8 octobre 2005 Fr. Benoît Billot

L

ES ÉTAPES DE LA VIE SPIRITUELLE

Numéro 67 de mars 2006 Par Benoît Billot Comment la vie spirituelle s’est-elle

éveillée – ou réveillée

– en nous ? Quelles en furent les étapes ou du moins l’événement fondateur ? C’est la question que le Frère Benoît Billot a posée à son auditoire au dernier Point d’orgue de la Maison de Tobie. À cette question, beaucoup répondirent avec simplicité en citant, qui un événement, qui une rencontre ou l’influence d’une personne ou d’un milieu ou telle période de sa vie. Le frère Benoît a rassemblé ces témoignages en un exposé sur les étapes de la vie spirituelle. En voici les grande lignes.

Retour au pays natal

Tout commence par un

appel

. L’un l’entend, l’autre ne l‘entend pas. Cela peut être quelqu’un que nous rencontrons, des paroles ou des gestes qui nous touchent, un mal être, un deuil, la nostalgie de ce qu’il y a d’essentiel. Cela rejoint quelque chose que nous recherchons. D’un côté, Dieu, l’Amour qui me cherche, et de l’autre, moi qui cherche aussi. Une quête profonde.

« Que cherchez-vous ? »

ou

« Qui cherchez-vous ? »

demande Jésus. Une recherche de sens, la recherche du centre de la vie… Ce moment qui fait date dans une vie entraîne un véritable

retournement.

On se retourne vers l’infini. Platon compare l’être humain à une plante dont les racines sont dans le ciel, dans l’infini, intuition profonde de ce qu’est l’homme. C’est une nouvelle dimension, une émigration.

Un exercice de vie spirituelle

devient alors nécessaire pour avancer, car après un premier temps d’enthousiasme, l’élan fléchit. Pour durer, il faut trouver le moyen qui -11- convient. Est-ce la méditation, le chapelet ? la lecture de textes sacrés ? De plus, une suite de séismes intérieurs, de modifications se produisent dans le psychisme. Il faut du temps avant que viennent la force et l’humilité. C’est une lente métamorphose, un peu comme si l’on passait de l’état larvaire à l’état adulte. Les religions asiatiques disent :

« Tu es Dieu par nature et ton œuvre est simplement d’en prendre conscience. »

Les religions occidentales, et particulièrement les trois monothéismes disent de façon différente :

« Tu es Dieu par vocation et ton œuvre est de te mettre en route pour le devenir. »

Dans le premier cas, il s’agit d’une prise de conscience, dans le deuxième, d’un devenir. De toutes façons,

grande métamorphose

. On ne change certes pas d’être mais de forme. Dans le christianisme on a peut-être trop insisté sur le salut et la guérison et pas assez sur le sens de la métamorphose qui nous fait accéder à une plénitude qui nous advient. Rigueur de l’exercice et lâcher prise. C’est un processus sans fin. Le terme est hors du temps, dans l’infini. Si l’on continue l’exercice, les choses avancent.

Entrer dans la métamorphose

Le premier effet de ce retournement est la naissance de l’amour vrai, de l’Amour, qui n’est pas d’ordre sentimental mais une attitude intérieure. La personne qui a vécu ce grand retournement, voit tout comme des cadeaux, le soleil qui brille ou la pluie qui tombe, la lettre

reçue, tout ce qui lui est donné. Elle vit dans l’action de grâce, même si elle ne sait pas qui remercier. Elle est dans la joie et dans la paix. Un autre effet est d’entrer dans un

processus d’unification.

Unifier la vie spirituelle et la gestion du quotidien, unifier la conscience que j’ai de moi-même avec la totalité de moi-même dans ses dimensions inconscientes. Pouvoir m’accepter moi-même, pouvoir aimer mon passé. Platon repousse dans un passé lointain l’unité et la Bible fait de même

. « Dieu créa l’homme à son image, nous dit la Genèse, mâle et femelle il les créa… »

En reportant aux débuts des temps l’origine qui nous habite, ces mythes nous enseignent que l’Unité de l’Origine est toujours présente en nous. Nous avons à la « réaliser » aux deux sens du mot. Par exemple le masculin et le féminin que nous avons à unifier. L’unification est progressive et de longue haleine. Il s’agit du grand thème des noces. Une vie sous le signe de l’unification et de la métamorphose est une vie nuptiale.

Une vie d’artisan de paix

Les contraires se rencontrent. Ne croyons pas que la vie spirituelle soit seulement de croire, seulement de prier, c’est avant tout

de se mettre en route sur un chemin de transformation

qui est propre à chaque personne et qui doit déborder dans les groupes auxquels nous appartenons. Notre histoire personnelle est belle, cela vaut la peine d’y travailler. Tous ceux qui entreprennent d’écrire quelque chose sur elle à partir de leur vie spirituelle ont été émerveillés de la façon dont ils ont été travaillés, de ce qu’ils sont peu à peu devenus. Cela vaut la peine de s’y mettre pour prendre conscience de la beauté de la vie. Une vie d’artisan de paix. Frère Benoît Billot -12-

CHAPITRE II : LES TROIS VOIES

Contemplation - Prière du Cœur - Zen

LES TROIS VOIES MEDITATIVES

:

La méditation silencieuse, qui associe le travail du souffle et du corps dans la position de l’assise, est à l’origine même de la Maison de Tobie.

La Contemplation

vécue dans la tradition chrétienne occidentale est une rencontre en profondeur avec la source de la Parole biblique.

La Prière du Cœur

, transmise par la tradition chrétienne orthodoxe, est une approche qui développe le lieu du cœur comme centre de la personne, et met l'amour en Christ au premier plan.

La voie du Zen

toute vie. , transmise par le Bouddhisme Zen, est un chemin de silence, de présence à l'instant, et d'attention à la dimension sacrée de Les trois voies méditatives proposées par la Maison de Tobie se fondent sur l’expérimentation, une expérimentation que chacun est invité à mener lui-même. Voici quelques articles qui relatent comment ces différentes voies peuvent être expérimentées.

S

IMILITUDES ET DIFFÉRENCES DE L

ASSISE

Numéro 65 de septembre 2005 par Benoît Billot Les trois voies de méditation de la Maison de Tobie (Zen, Prière du cœur et Contemplation) s’appuient sur l’assise silencieuse. Regardant de l’extérieur, certains ne remarquent pas les différences que nous pouvons noter entre les trois voies. Qu’en est-il effectivement ? Nous pouvons aborder la question à partir de trois spécifications :    L’existence ou non d’une relation de prière L’assistance d’une formule, valorisée par la tradition La mise en jeu d’un lieu en soi.

La relation

- Dans le Zen, au sens strict, il n’y a pas de relation, on ne peut pas s’adresser à un « Dieu personnel », à qui on puisse dire

Je

et

Tu

. Il s’agit seulement d’être présent à soi-même, à l’Infini qui habite toute réalité, à l’altérité présente en soi sans que celle-ci prenne la parole et puisse se faire entendre.

- Dans la Prière du cœur et la Contemplation, il existe une relation car l’Infini, dans la tradition chrétienne, est une personne qui a un nom : « Dieu, l’Eternel, le Tout Puissant ». Cet Infini dit

Je

et

Tu

, il parle et le disciple peut avoir conscience de sa Présence, même dans le silence du face à face. -13-

La formule : ce que je peux répéter dans l’assise

Elle particularise chaque voie de méditation. - Dans le Zen, c’est

« MU »

prononcé

Mou

et traduit par « ne pas ». Ce mot se greffe sur le souffle et plus particulièrement sur l’expiration. Ce travail permet d’éviter les pensées qui obsèdent, les émotions et les représentations qui s’imposent. C’est la revalorisation d’un « vide » appelé

Sunyata

. - Dans la Prière du cœur, la formule est plus développée, c’est

« Seigneur Jésus Christ, fils de Dieu, aie pitié de moi ».

Elle a 1500 ans d’histoire dans la tradition hésychaste commencée dans les déserts d’Egypte. C’est une formule pleine de sens théologique que l’on récite avec le souffle. - Dans la Contemplation, le choix reste ouvert. On peut n’avoir aucune formule et rester simplement présent au souffle. On peut aussi adopter la formule qui nous semble le plus appropriée à la ligne chrétienne «

Yéoshuah,

Abba, Seigneur, Maranatha… » Le lieu en soi où l’unité de la personne se développe

- Dans le Zen, le lieu physique à privilégier et à développer, c’est le « Hara », lieu d’expression de l’énergie vitale et corporelle. - Dans la Prière du cœur, le lieu privilégié est la poitrine, le cœur affectif profond (au-delà des émotions), c’est l’Amour pour les autres, pour le Christ. - Dans la contemplation, à force de se laisser travailler par les textes, ils en viennent à vivre chez le méditant, ils les accompagnent comme des guides, dans les assises, dans la vie. Les personnages bibliques (Jésus, Joseph, Marie, Moïse…) finissent par sortir des livres et habitent l’imaginaire (au sens large et au-delà du mental). C’est donc cette dimension qui est privilégiée. Cependant, il faut ajouter que ces trois voies ont bien

des éléments en commun

qui s’expriment : - Dans

la posture

, qui vient en partie de l’Asie où elle est restée très vivante, mais aussi de chez les Carmélites. C’est une sagesse du corps. - Dans

le travail du corps

, qui développe une présence au corps tout entier et guide vers une détente (physique, psychique et mentale) provoquant souvent une paix ici et maintenant. - Dans

un rituel

qui se veut neutre par rapport à la tradition chrétienne. Il crée un rythme commun aux participants et un rappel à l’attention. Chacun vit l’assise comme il est. C’est une sorte d’enveloppe, sans obligation de contenu pour se trouver en unité avec son intériorité. Fr. Benoît Billot -14-

C

ONTEMPLATION

:

APPROFONDIR LE TRAVAIL INTÉRIEUR

Bulletin N°69 de septembre 2006 Jean-Gabriel Boulanger Depuis que nous avons entrepris à la Maison de Tobie de proposer trois possibilités de méditation propres à différentes traditions, la Contemplation n'a cessé de s'approfondir. Le processus de

"Lectio divina",

issu des Pères du désert, avec ses étapes à partir du choix d'un texte sacré, reste dans la pure tradition chrétienne. Les étapes suivantes, telles que représentées sur la statuaire de la cathédrale de Chartres, nous permettent de dépasser la tentation d'un travail intellectuel. C'est ainsi le choix délibéré de l'association pour créer les conditions d'un retour à l'unité de l'Etre: corps, âme et esprit.

Qu'est-ce que la contemplation?

Comment en vérité contempler? Quelles dispositions intérieures créer en vue de cette contemplation ? Autant de questions à réponses multiples, qui sont apparues au fil des ateliers (mensuels, stages, week-ends et sessions). Globalement c'est ma vie, mon histoire qu'il me faut prendre à bras le corps pour en reconnaître les torsions, les distorsions personnelles et pour guérir, épanouir, transfigurer mon Etre dans le monde et avec les Autres. Pour autant, au cours de la dernière session, Benoît m'a de nouveau surpris dans ses propositions. Il me semble qu'un nouveau pas nous est proposé pour nous permettre d'être mieux à même de s'immerger dans la contemplation et d'y trouver une réalité à vivre au quotidien. De quoi s'agit-il? Au-delà, je dirais en simplifiant, du processus extérieur (préparation, lecture, accroche, oublier le texte, méditer sur le travail intérieur de l'accroche dans mon histoire, rendre grâce), c'est complémentairement un processus intérieur qui est à mettre en jeu (JE) en sept étapes:  Lire lentement et tout haut, pour s'entendre goûter et mettre en branle tous nos sens.  Souligner phrases ou mots qui touchent, pour ouvrir notre cœur.  Apprendre par cœur, au-delà du texte, et murmurer, chanter, « gestuer », et mettre en branle tout le corps.  Calligraphier le texte, lui donner une forme active avec son corps.  Intérioriser son regard et se laisser voir par ce graphisme et l'enjoliver de mots, d'intentions, de créativité pour lâcher prise sans jugements, laisser l'inconscient se manifester.  Laisser jaillir une méditation sur les souvenirs, les situations, les personnes et les questions qui m'habitent pour me situer ici et maintenant.  Laisser en oraison le regard intérieur se déplacer vers le Tout Autre, le Divin, Dieu. Je suis entré avec bonheur dans cet enchaînement et j'ai pu découvrir de quelle richesse il pouvait être. Pour moi, c'est faire le lien entre spiritualité et art. Dürckheim avait bien réalisé cela en faisant référence à l'importance du rituel, du sacré. Tout art, même martial, comporte un rituel qui élève et est au delà des pensées et des mots. En ce sens il nous amène au sacré, ce vide, ce silence, ce jaillissement, cet éclat d'une présence,

"d'une résonance divine avec l'esprit humain"

(voir les méditations sur la beauté de François Cheng). L'auteur précise que cette notion "résonance divine" fait appel à l'idée de "vision" et à celle de "présence". Encore faut il, comme le suggère la première étape ci dessus, éveiller nos sens pour nous décentrer des pensées et réflexions de notre mental.

Jean Gabriel Boulanger

-15-

L

A

P

RIÈRE DE

J

ÉSUS

:

CELA PRIE EN MOI

Numéro 14 de décembre 1992 Par Anne Desmottes

Anne Desmottes, interviewée par le Fr. Benoît Billot, explique avec simplicité, comment la récitation de la formule de la prière du cœur tend peu à peu à devenir pour elle un état de prière continuelle.

Fr. B.B.

: Je ne pense pas que tu aies attendu la prière du cœur pour prier ? Ce que j’aimerais savoir en premier lieu : entre ton ancienne façon de prier et la prière du cœur, la prière de Jésus que tu pratiques, quel genre de différence as-tu ressenti ?

A.D. : La prière de Jésus, qui est la formule hésychaste, est la répétition d’une phrase. Elle est très importante pour moi parce que j’ai l’ i mpr essi on qu’ ell e desc end plus profondément en moi-même, un peu comme si les paroles que je prononce frayaient un chemin en moi. Quand je répète, sur le rythme de la respiration, cette formule hésychaste, mon esprit ne vagabonde plus ou il vagabonde moins. Il y a une sorte d’attention d’abord à la respiration et une attention aux mots que je laisse prononcer en moi. Fr.B.B.

: En général, on n’aime pas beaucoup la répétition, ça ennuie, on veut tout le temps du nouveau. Cela ne te gêne pas d’affronter cette répétition continuelle avec la formule hésychaste ?

A.D. :Personnellement, cela ne me gêne pas. Je crois beaucoup au travail de chacun , mais je crois aussi à la technique. C'est-à-dire que, pour entrer vraiment en profondeur dans tel ou tel exercice, il faut apprendre. Donc il faut répéter un certain nombre de fois pour que cela devienne automatique en soi. Alors, après, on peut vraiment le refaire en s’abandonnant. FR.B.B

. :Mais lorsque tu t’abandonnes, est-ce que la répétition continue ?

-16- A.D. : Justement, j’ai découvert cela et, de plus en plus, je crois très fort que cette formule est faite pour moi ou que je suis faite pour cette formule parce que je me surprends à la répéter sans faire attention sans appliquer ma volonté de le faire. Et, pour moi, c’est quelque chose de merveilleux : par exemple, quelquefois je me réveille au milieu de la nuit et voilà que je m’aperçois que ça récitait en moi, ou quand je marche dans la rue sans penser à la prière, tout d’un coup je jette « un coup d’œil intérieur » sur ce qui se passe en moi et je vois que ça récite en moi, et je trouve cela merveilleux, et je pense à la phrase de St Paul que je transpose :

« Ce n’est plus moi qui prie mais c’est le Christ qui prie en moi »,

et j’expérimente ainsi ce que nous a dit Saint Paul. Fr.B.B

. : Tu as l’impression que ce n’est plus un exercice, un travail, un effort de volonté, mais comme quelque chose qui te traverse, qui est plus fort que toi, qui t’entraîne à la prière.

A.D. :Oui, peut-être, je ne suis pas très sûre. Ce que je peux livrer, c’est une expérience vécue. En tout cas, je trouve qu’elle transforme ma vie et qu’elle donne une dimension autre à ma prière. Fr.B.B

. : Et la formule hésychaste, tu peux la redire ?

A.D. : Je récite :

« Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu »

sur l’inspiration, et, sur l’expiration je dis

: « Aie pitié de moi, pécheur. »

Fr.B.B

. : Donc, à chaque respiration, tu redis la formule ?

A.D. :Tout le temps, oui. Fr.B.B

. :Et le fait que ça se termine

par « pécheur », ce n’est pas trop dur à porter ?

A.D. :Non, parce que je me considère toujours comme pécheur devant Dieu. Ce qui me touche beaucoup dans cette formule c’est qu’elle me fait penser au publicain de l’Evangile qui se frappe la poitrine et reste dans un coin disant à Dieu qu’il est pécheur. Il me semble que, moi, je peux dire cela à Dieu. Bien sûr, j’essaie de vivre toujours dans l’amour comme Il nous enseigne, mais souvent je ne suis pas ce commandement. Rien que pour cela je ne me sens pas du tout sans péché. « J’ai besoin de proclamer !... » Fr.B.B.

:Mais lorsque tu es dans un moment où tu as plutôt envie de remercier, de louer, je suppose que tu changes de prière ?

A.D. : Oui, il m’arrive de changer de prière pour dire merci. Dans ce cas-là je ne récite pas cette formule mais je me mets à vivre un geste de prière. Ou bien encore, je danse une danse méditative. C’est ma manière à moi de louer Dieu. Mais je me dis : pourquoi cette formule hésychaste ne pourrait-elle pas aussi refléter la louange ? C’est selon l’état d’esprit où c’est récité. Si je suis pleinement heureuse, pleinement reconnaissante, cette formule doit refléter ma louange, mon bonheur, comme elle reflète mon désarroi, mes doutes, mes souffrances. Les mots sont les mots, bien sûr, mais il y a l’état d’esprit. Fr.B.B.

:Et dans une session, le fait que d’autres la récitent en même temps que toi, est ce que cela change quelque chose ?

A.D. :Dans les sessions que propose la Maison de Tobie, je me sens plus « prière du cœur » que « zazen ». Ce n’est pas le fait que les gens récitent la même prière qui me conforte. Même dans une session de zen où les gens récitent une autre formule, cela ne me gêne pas. Le fait que l’on soit ensemble, qu’on se tourne vers Dieu, c’est cela qui compte. Qu’importent nos formules. Mais si je suis mieux dans une session « prière du cœur » c’est que, ayant trouvé cette foi en Jésus Christ, j’ai besoin de la prononcer, de l’affirmer et de l’entendre -17- affirmer et prononcer autour de moi. Je trouve qu’on y est plus libre de dire, de parler de Dieu, de Jésus Christ, de l’Esprit Saint, tout ce qui fait partie de mon univers. Dans les sessions zen les mots sont un peu trop vagues pour moi. Fr.B.B

. : Est-ce que lorsque tu pratiques seule la prière du cœur tu as besoin d’une image sacrée, d’une icône devant toi ?

A.D. :Plus maintenant ! Depuis bientôt trois ans que je pratique cette formule hésychaste – parce qu’auparavant j’avais un autre mot sacré – ce n’est que depuis dix-huit mois que je n’ai plus besoin d’images. Je sens que l’Esprit est partout, qu’Il est présent, qu’Il est en moi. Je trouve que cela appauvrit presque l’image de Dieu. On ne peut représenter Dieu par une image. Au contraire, plus c’est vide, mieux je prie. Fr.B.B

. :Tu sais que c’est très Zen, ça : « Plus c’est vide, mieux je prie. »

A.D. : J’ai moins besoin d’images mais j’ai besoin de paroles, je crois. J’aime quand, dans une session, on ose dire le Dieu de Jésus Christ, on ose parler de l’Esprit Saint, du Dieu de Jacob, d’Isaac. Je suis bien, je suis heureuse quand on prononce cela sans avoir peur de déranger quelqu’un. Pour moi, cela c’est beaucoup. Et je me dis que, si j’ai trouvé cette foi, ce n’est pas pour la garder en silence en moi ; j’ai besoin de proclamer.

Anne Desmottes

E

T HOP EN LOTUS

!

Numéro 56 de juin 2003 Par M. L. M. Au Collège, je participais à de nombreux offices. De la messe « basse » à la « grand » messe, des vêpres au salut du Saint Sacrement. Mais rien n’allait plus lorsqu’il fallait « se recueillir ». Et, les rares fois où je pensais être arrivé à me « mettre en la présence de Dieu », il ne semblait jamais, Lui, s’être aperçu de la mienne. Après pas mal d’années et de retraites monastiques, j’en étais au même point. Je fis alors un voyage au Japon dont je revins aussi ignare qu’en partant sur ce qu’était réellement le zen. C’est sans doute ce qui m’a amené un jour à pousser la porte d’un dojo voisin de chez moi. Alors que j’essayais de faire comme les autres, de m’installer sur un coussin tant mal que plutôt bien, face au mur, un sous-gradé du dojo vint me murmurer à l’oreille ce que je pensais n’être que le début de l’apprentissage du

zazen,

la méditation zen Mais en zazen, il n’y pas d’apprentissage, et c’est l’essence du zazen qu’il m’a murmuré à l’oreille : position des jambes (

croisées

…), des genoux (

enracinés

dans la moquette), du bassin (

basculé en avant

), du dos (

comme une pagode de 5 étages),

du haut du dos (

souple

), de la nuque, de la tête, du sommet de la tête (

poussant sur le ciel

), des épaules (

tombantes

), du menton, des mains (

l’une posée dans l’autre, portant le cœur

), du hara (

flottant

), des pouces (

en opposition vigilante

), du regard (

incliné à 45°

), des yeux

(½ fermés, surtout pas fermés, ne fixant rien, voyant tout

), des oreilles (

idem

), de la respiration (

abdominale

). Trente minutes de méditation immobile et silencieuse ; marche lente (

kin-hin

), puis rapide autour du dojo,

sans couper les angles

; trente autres minutes de méditation ; récitation -18- rythmée, ou plutôt scandée, avec ferveur, d’un sutra. Premier

zazen

qui est, selon Maître Dogen,

tout

le zazen. «

Retrouvez toujours l’esprit de votre premier zazen, la toute première fois que vous vous êtes assis en silence, c’est celui-là qui a été le vrai esprit », (

Deshimaru)

A U D OJO , T ÔT

Longtemps, j’ai médité de bonne heure. Je me rendais au dojo tôt le matin, plusieurs fois par semaine. Une période atypique de mon existence, plutôt menée jusque là sur le mode couche-tôt, lève tard. Et c’est ainsi que je devins un accro de dojo, matinal et discret, tant que j’habitais près du dojo. Au fil des jours, j’acquis la certitude que « progrès » réalisés dans la pratique du zazen et diminution de l’épaisseur du coussin devaient aller de pair. Et pourtant, l’assise en lotus me semblait inaccessible, malgré tous mes efforts pour aplatir mon articulations. coussin et assouplir mes Pratiquant en ½ lotus, allais-je rester éternellement ½ méditant ? Ne valait-il pas mieux, comme Herrigel,

prendre un détour, même pénible, mais préférable à l’absence de chemin

, et m’orienter vers un art zen,

le tir à l’arc (kyudo), sorte de propédeutique du zen

?

1 ER LOTUS

Le jour vint enfin -

béni soit le Bouddha

– où un voisin de méditation, bâti tout en longueur, se mit en lotus au débotté. Me voyant me débattre avec ma morphologie de petit breton, il me dit, joignant le geste à la parole avec pédagogie (il était prof de philo), discernement, compassion : « descends du coussin, assieds-toi sur le sol ;

inspir

;

pause

en retenant ton souffle ; prend ton pied gauche et,

dans l’expir

, dépose-le sur la cuisse droite ;

paus

e ;

inspir

;

pause

; attrape ton pied droit et pose le -

expir

- sur la cuisse gauche ». Et hop ! En lotus, en

kekkafuza 

! Nous - me - voilà en lotus.

Om mani padme hum

. Un peu par procuration et grâce à un lâcher-prise de mes genoux, obtenu par surprise pensai-je. Tout en gardant les jambes croisées (au cas où je n’aurais pu me remettre une deuxième fois en lotus), je me hissai à nouveau sur mon coussin à l’aide des seuls bras. Je réalisai alors que ce coussin était devenu bien trop épais. J’allais pouvoir - enfin ! – le réduire à sa plus simple expression. Salutations (

gassho

), vêtement (

kesa

), posture en lotus (

kekkafuza

), à défaut en ½ lotus, coussin (

zafu

), gong, silence, claquoir en bois (

taku

), exhortations inopinées à la vigilance (

zanshin

), coup de bâton (

kyosaku

), respiration (

kokyu

), marche lente (

kinhin

), s ca ns i on d e s u t r a (

Ha nn y aa aa aa Haramitaaaaaa Shingyôôôôôôôôooo

), tout me semblait essentiel,

senko, sanzen, samu, mondo

. Une sorte de package optimal, clé en main, rodé au cours des siècles, décapé, réduit à l’essentiel,

produit original de l’esprit de

l’Orient (Suzuki).

Don bien tardif du Japon à l’Occident. Un Occident qui n’a rien d’équivalent ou qui l’a oublié (

J’ai été sanctifié grâce au temps passé en position assise, en silence,

Maître Eckhart

)

; ou qui n’a pas su l’ouvrir au tout-venant contemporain comme moi en quête de spiritualité.

L’A BSOLU DU ZEN

Le zazen m’apparaissait comme une forme d’absolu. D’absolu dans l’absurde :

il est étrange et absurde que des individus sains et intelligents puissent rester ainsi assis pendant des heures sans rien faire. A. Watts.

-19- Absurdes, sans doute, les longues contemplations des bas de mur, des moquettes que l’on a devant soi, ou pire, des tuyaux de radiateur ; l’inconfort, et c’est peu dire, des jambes de ceux qui n’ont pas encore atteint le lotus (ou ne l’atteindront sans doute jamais, Occidentaux et nouvelle génération de Japonais) ; les brusques onomatopées du Maître, exhortant à la vigilance ; les « coups » de bâton sur les épaules du méditant. Absur des aussi, les for mules ouvertement annoncées sans réponse logique (

koan

) et qu’on rumine pendant des mois ; l’anti-intellectualisme affiché, même s’il est tempéré par un esthétisme raffiné et recherché ; les réponses absconses - ou violentes - des maîtres à leurs disciples ; les rites sans destinataire (à moins de faire sien le :

Me voici devant toi / Ô dieu qui n’est autre que moi-même

, cité par Malraux) ; l’improbable surf sur l’étroite tranche du temps situé entre le passé proche et le futur immédiat, et que l’on appelle présent : Absurde, de même, l’espoir du mental de se faufiler entre deux pensées successives, et de se tenir dans le vide interstitiel, pensées qu’il faudrait

laisser passer

(

hishiryo

)

de même que les nuages dans le ciel. Dürckheim.

Absurde enfin qu’une « religion » ne se prenne pas au sérieux.

On peut lire la Bible ou le Coran sans sourire, personne n’est mort de rire en lisant les sutras bouddhiques, mais les textes zen abondent hilarantes. N.W. Ross. en anecdotes

Et tel disciple, après une soudaine illumination, n’a pu s’arrêter de rire 

Le zen joue pleins jeux sur les registres absurde, paradoxal, énigmatique, curieux, intuitif, bizarre, étrange, incohérent, ironique, insensé, inepte, dérisoire, désarçonnant, irritant, déroutant, interpellant, révoltant, gratuit Des esprits rationnels avanceront que cet absurde ne l’est pas tant que ça, que c’est un coin enfoncé dans la rationalité qui masque la réalité. Ces esprits forts se trompent : le zen est sans but, sans objet.

Sans objet

. Et si cela dépasse l’entendement de quelqu’ex-premier de classe, qu’il relise Thérèse de Jésus : «

ne fais aucun cas de l’entendement, qui n’est qu’un importun

. » Se trompent également, et lourdement, ceux qui viennent chercher dans le zen quelque chose, que ce soit paix intérieure, harmonie « zen », éveil, équilibre, détachement, imperturbabilité, endurance, capacité de travail, voire longévité. Ils se trompent, le zen est

non-profit

, même si ce qu’ils espèrent leur est donné

de surcroît

. Le zen est sans objet, sans succès ni échec.

L E M ENTAL

Pensées, lotus or not, voire rêvasseries, continuaient à habiter mon mental, peut-être même avec plus d’entropie qu’avant :

hallucinations (makyo), égarements, dispersions, absences, somnolences

. Est-ce dû au fait que la méditation en lotus se faisant dans un relatif « confort » corporel, le mental prend la main, et que

le soin même que l’on apporte à ne penser à rien éveille l’intellect à penser beaucoup

(Thérèse de Jésus, encore elle, celle d’Avila). La cause et la solution, c’est que j’étais moins vigilant (

zanshin

) à la posture devenue « confortable », et, partant, à la respiration. C’est que je ne respirais toujours pas selon les règles !

Lorsque images, pensées, émotions, impatiences, craintes, soucis, irritations, projets, désirs, ambitions envahissent totalement le champ de la conscience, il faut se raccrocher au mouvement de la respiration, travail à la fois extraordinaire et très simple. On s’arrête, et on respire sans s’opposer ou

-20-

s’attacher aux mouvements du mental, sans tenter de résoudre les problèmes qui se posent

. (Benoît Billot) Que les débutants et faux-débutants à vie comptent leurs expirs (1,2,…10 / 1,2,… ou, selon un algorithme plus sophistiqué : 1 / 1, 2 / 1,2,3 / 1,2…10 / 1 / 1,2 /…). Absurde, mais efficace. Ils peuvent aussi expirer longuement un « mu » :

« Le maître tenait tellement à une expiration aussi lente que possible et en même temps régulière et s’épuisant peu à peu que, pour m’y exercer et la contrôler, il me la fit accompagner d’un bourdonnement. » (

Herrigel) C’est à l’expir que tout arrive. C’est à l’expir que la flèche quitte l’arc. C’est à l’expir, le dernier, que l’illusion nous quitte. Car, bien sûr, chaque expir peut être le dernier.

Zazen, c’est aussi observer la mort pendant la vie (

Deshimaru

.)

Zazen, vie-mort dans la non-dualité…]

Μετανοια

Pourtant, malgré mon retour vigilant à l’orthodoxie respiratoire et avant tout expiratoire, cherchant

à être respiré

plutôt qu’à respirer, grande déception. Aucune illumination brusque, et c’est heureux, car ce n’est que bien après que j’ai pris connaissance de la conduite à tenir :

assis sur notre coussin, méditant, si nous recevons une illumination de ce genre, la consigne est de ne pas nous y attacher plus qu’à d’autres pensées. (Bernard Rérolle)

. En cas d’

irruption de la Transcendance (Dürckheim),

vous savez donc ce qu’il faut faire : rien,

mu

. A moins, comme le disciple évoqué plus haut,

d’éclater de rire, du rire de l’approbation étonnée

.

Je sentais intuitivement qu’un travail sur le corps et l’esprit était à faire

afin que puisse s’y inscrire l’indicible

, si d’aventure l’indicible le souhaitait. Je cherchais en fait

une spiritualité qui se soucie de vertèbres et de respiration

(Y. Bernabeu). La seule position canonique de méditation dont j’avais une connaissance pratique, c’était

à genoux

. Intenable au long cours, même sur un prie-dieu de prélat capitonné de velours rouge.

P OURQUOI LE ZEN ?

Ma rencontre avec le zen tient donc du hasard et de la nécessité.

Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va (Jean 3 8)

, ni où il pousse, si tant est qu’il m’ait poussé. Zazen a été une réponse radicale, venue d’ailleurs - de plus savants parleraient d’

altérité

-, trouvée sur mon chemin. Et la ferveur régnant au dojo était bien réelle.

Ce qui attirait tant de recrues de toutes conditions et de tous les pays, ce fut l’éternelle séduction qu’exerce, sur des âmes de forte trempe, un point de vue radical (

texte sur le XIII ème siècle chrétien.) Au dojo, j’étais évidemment un drôle de paroissien, pratiquant zen, lisant jèse, guère assidu à

mondo

(questions-réponses façon zen), ni à

sanzen

(entretiens), ni, gravissime, aux

sesshins

, temps forts de plusieurs jours riches en coups de

kyosaku

, enfilant méditations sur méditations, et où (le) tout peut s’accomplir, sauf, bien sûr, pour l’électron libre (?) que j’étais.

UNE RELIGION ?

Pour un observateur extérieur, le zen peut être perçu comme une religion,

zazen

comme une cérémonie, les officiants comme un clergé, les

sutras

comme des psaumes, les q u er e l l e s i n t er n e s c o m m e s i g n e d’appartenance à une église, la pratique comme une ascèse, le bénéfice de la méditation des autres comme une communion des saints, les observances comme une règle monastique, l’entrée en zen comme une conversion. Mais si le zen est une religion, c’est «

la religion d’avant la religion

» (Deshimaru), une religion

Canada dry

. Au même titre que le tir à l’arc ! (Re)lisez le très grand petit livre d’Herrigel :

Le zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc

. Dans le zen, toutes les activités (

kyudo

et arts martiaux, mais aussi

ikebana

, calligraphie, cérémonie du thé, art du jardin sableux, et bien sûr

zazen

) procèdent d’une démarche commune : la poursuite de la perfection, que d’aucuns pourraient juger obsessionnelle, dans l’exécution d’une suite de gestes parfaitement codifiés et ritualisés, dans la maîtrise d’une technique.

Le bouddhisme zen a élevé la méditation au niveau d’un art, reposant sur la maîtrise méthodique d’une technique. Technique qui met à l’abri de toute interférence des sentiments et des aléas de l’à-peu-près

. (d’après Dürckheim et Herrigel) -21-

VOIE SANS NOM ?

Technique & intériorité

, deux registres incompatibles pour les esprits de notre civilisation technicienne. Esprits (forts) cherchant sans fin si le zen est religion, secte, ordre contemplatif, mystique, spiritualité, expérience, mode de vie, gymnastique, t e c h n i q u e d e b i e n - ê t r e , m o y e n d’épanouissement, méthode de transformation personnelle voire professionnelle (pour les

cadres nippons et les samouraïs), méditation, concentration, psychothérapie, bouée, refuge, fuite, drogue, vision du monde, philosophie, morale, psychologie, etc. Cette difficulté à appréhender l’essence du zen – est-elle due aux traces de taoïsme inhérentes au zen ? — interpelle : la voie du zen,

voie sans nom

?

Le zen est comme l’eau fraîche coulant de la montagne ; il n’y a rien dedans, pas de couleur, et cela est sa beauté et sa force irrésistible

(H. Lassalle, s.j.)

ÉPILOGUE

Zazen peut rendre volontariste (je l’ai sans doute été en cherchant le lotus), et vaniteux, comme il a été dit. Au fil du temps, sans devenir vraiment vaniteux, tout au moins je l’espère, j’ai eu effectivement l’impression de « la ramener » en méditant en lotus, jambes entremêlées

en un parfait circuit fermé (Herrigel, bis).

La pratique du lotus s’espaçant, l’âge venant, les genoux retrouvant leur capacité de nuisance, le lotus est reparti comme il est venu. Et, maintenant, je peux bien le dire, même au risque de donner l’impression de cracher de dépit dans la soupe :

la position du lotus n’est pas parfaite.

Aujourd’hui, mon petit moi médite toute honte bue sur un petit banc  , parfois même sur une simple chaise, genre chaise d’église. Chaises peu charitables au demeurant, qui signalent d’un grincement tout manquement à l’immobilité. Le zen évoqué ici est un zen daté brut d’importation. Depuis, il s’est le plus souvent déjaponisé et même mâtiné d’Occident. Mais il en a vu d’autres. Ah ! j’oubliais : entre temps, j’ai trouvé la Maison de Tobie sur mon chemin, un chemin d’unification.

« L’essence du zen ne se trouve

ni dans les paroles ni dans les

écrits des autres (Dogen). » Le zen ne veut dépendre ni des

mots ni des lettres :sa transmission se fait d‘esprit à esprit : i shin den shin.

M. L. M. -22-

CHAPITRE III : TRANSMISSION

Les articles qui sont ici rassemblés rendent compte de la continuité et de l’évolution de ce qui constitue l’ossature de l’Association. Les 3 voies représentent les grandes traditions auxquelles nous nous rattachons et dont nous assurons l’héritage et la continuité. Il s’agit de dépasser le respect scrupuleux d’une tradition, pour en assumer la responsabilité et le devenir. C’est ainsi que Benoît, en juin 2002, a reçu d’un responsable de la tradition Zen du Sanbô Kyôdan l’habilitation pour « initier au zen et accompagner ». Puis nous avons recentrés nos rattachements (cf. le 1 sectarisme. ier article) pour garantir la continuité et l’ouverture multidisciplinaire sans syncrétisme ni L’étape suivante s’est réalisée en 2 fois (janvier 2012 et mars 2013). Il revient au frère Benoît de transmettre à certains animateurs la responsabilité d’organiser des sessions et à d’autres à celle d’animer des ateliers. Une autre étape sera la constitution de réseaux Ces valeurs de fidélité et de transmission sont présentes dans la Charte de l’Association et dans celles des animateurs.

R

ATTACHEMENT DES

3

VOIES DE MÉDITATION AUX GRANDES TRADITIONS

Bulletin N°89 de septembre 2011 Par le frère Benoît Billot Vu l’évolution de la Maison de Tobie, il est maintenant nécessaire de mieux formaliser le rattachement des trois voies méditatives, pratiquées dans l’association, aux grandes traditions spirituelles dont elle se réclame. ♦ Tout d’abord, la

Prière du Cœur

, qui est un élément essentiel de la tradition hésychaste, maintenue vivante dans l’Eglise Orthodoxe. Nous avons donc demandé l’affiliation de nos groupes de Prière du Cœur au

Centre Hésychaste Sainte Croix

, situé en Dordogne, et rattaché au Patriarcat de Roumanie. Le Père Philippe Dautais et son épouse Elianthe ont accepté de nous accompagner. Nous proposerons donc, à ceux qui le désirent, des sessions à Sainte Croix ♦ Puis la

Contemplation

(Lectio Divina), qui est un trésor gardé vivant dans le monachisme catholique. A cause de la proximité de longue date, vécue par les animateurs de l’association, avec des -23- monastères français, il ne nous a pas paru utile de chercher un rattachement particulier. ♦ Enfin le

Zen

, qui est une des traditions spirituelles du bouddhisme. Il fut introduit en Europe au 20° siècle, et nous nous sommes rattachés à l’une de ses composantes, l’Ecole du Sanbô-Kyôdan. Il est né dans une culture et une religion étrangères à l’Occident. Il est donc nécessaire que les groupes de zen de l’association soient supervisés par quelqu’un ayant une compétence reconnue. Le Roshi Jef Boeckmans, Maître dans cette tradition, a accepté de nous accompagner. Notes du rédacteur : Le Roshi Boeckmans n’est plus en mesure en 2014 d’assumer cette responsabilité et c’est à Pierre Philippon que revient cette charge. Le Sanbô-Kyôdan a changé de nom et est devenu Sanbô-zen.

ENTRE FIDÉLITÉ ET TRANSMISSION

Bulletin n°90 décembre 2011 Par frère Benoît Billot Dans les toutes premières années de notre vie, nous avons commencé à apprendre le langage et les comportements de base. Puis nous sommes allés rejoindre d'autres enfants à l'école. Pour la plupart, nous y avons passé de nombreuses années. C'est ainsi que la transmission du savoir et de l'art de vivre ensemble trouvèrent leurs institutions privilégiées dans la famille et le système scolaire. Ce furent des lieux d'éveil à la vie, d'apprentissage des relations fondamentales, de transmission du savoir, d'apprentissage du vaste monde, et des valeurs qui fondent notre culture. On peut certes recevoir un enseignement et intégrer des valeurs en dehors de toute institution, en général à partir d'un grand éveil de la conscience. Mais pour que cette transmission puisse durer, une institution est nécessaire. Quoique étant, comme tout groupe vivant, plongé dans le renouvellement, la Maison de Tobie procède de la même nécessité. Elle est une institution ayant des structures. Elle s'inspire d'un certain nombre de valeurs, et voudrait permettre à ses membres de les expérimenter, de les assimiler, d'y trouver du sens, et de les développer. Pourrait-il y avoir continuité sans institution et transmission ? Certains le pensent. Mais l'histoire montre qu'il n'en est rien. Si nous nous référons à la Bible, nous constatons que

le Premier Testament insiste sur la transmission de parents à enfants

(cadre familial) :

« Nous avons entendu et nous savons ce que nos pères nous ont raconté : nous le redirons à l'âge qui vient, sans rien cacher à nos descendants : les titres de gloire du Seigneur, sa puissance et les merveilles qu'il a faites. Il établit une loi en Israël, loi qui ordonnait à nos pères d'enseigner ces choses à leurs fils,

-24-

pour connaisse

. » (Psaume 77). Tandis que

que l'âge suivant les

le Second focalise plutôt sur celle qui se vit en Église

(cadre communautaire), mais aussi, plus largement, d'adulte à adulte (cadre social) :

« Soyez toujours prêts à rendre compte de votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte »

(1° Pierre 3, 15)

« Quand l'assemblée se fut dispersée, un bon nombre de juifs et de p r o s é l y t e s - a d o r a t e u r s accompagnèrent Paul et Barnabé, qui, dans leurs entretiens avec eux, les engageaient à rester attachés à la grâce de Dieu ».

(Act. 13, 43). Ces deux modes pourraient-ils s'exclure ? Ne sont-ils pas deux canaux privilégiés de la transmission ? La transmission se fait grâce à la rencontre de deux désirs. Aujourd'hui, beaucoup de personnes recherchent une identité religieuse et une sagesse de vie, transmises par une des traditions spirituelles présentes dans notre monde. Mais beaucoup d'autres désirent marcher sur un chemin de vie spirituelle où elles peuvent évacuer des schémas religieux encombrants et dépassés, et avancer sans contraintes dogmatiques ou morales. Elles désirent cependant être fortifiées, et entourées, par des compagnons de route. Elles sont à la recherche de chemins où elles peuvent trouver quelques éléments qui leur paraissent importants. Parmi ceux-ci : ressenti d'une véritable intensité intérieure (certains jeunes parlent de « vibrations ») dans les ateliers et sessions ; goût du silence et de la méditation ; découverte que la vie spirituelle

(Suite page 25)

(Suite de la page 24)

est d'abord affaire d'expérimentation ; pour beaucoup affirmation d'un lien profond avec le Christ ; emploi de moyens permettant d'aller vers l'unification intérieure ; reconnaissance de la dimension interreligieuse ; rencontre des grandes traditions spirituelles...etc. Ces valeurs, bien connues grâce aux ateliers et sessions qui s'en inspirent, et exprimées dans la charte de l'association, nous les partageons en tout ou en partie avec un certain nombre d'autres groupes. Ce qui fait qu'une sorte de réseau est apparu, qui aurait besoin d'une institutionnalisation souple mais réelle, pour pouvoir s'affirmer et tenir sa place dans notre société. La Maison de Tobie en fait partie ; avec plus ou moins de bonheur, elle alterne pratiques, rites, symboles, partages, accompagnements personnels et enseignements pour aider ses membres à avancer sur leur propre chemin. Au fil des années, et grâce à la participation de nombreux adhérents, et à la recherche constante de ses équipes d'animation, sa personnalité n'a cessé de se chercher et de s'affirmer. Avec le conseil d'administration, ses animatrices et animateurs ont acquis du savoir faire, et se sont engagés de plus en plus profondément dans les voies spirituelles qu'ils ont choisies. Ayant acquis une connaissance en profondeur, « par le cœur », de leur voie d'intériorité, leur engagement enthousiaste permet la transmission. Leur élan rencontre celui des personnes qui viennent vers l'association. A cet engagement du cœur, ils ont ajouté une démarche de réflexion personnelle, fruit de leurs lectures, des stages qu'ils suivent, qui leur permet de mettre des mots sur leur pratique, et de « rendre compte » de ce qui les anime. Le temps semble donc maintenant venu de reconnaître publiquement leurs capacités. C'est pourquoi nous pensons à la

transmission.

Celle-ci a toujours figuré parmi les -25- moments forts d'une tradition spirituelle. Pensons, si nous y avons assisté, au sacrement de l'Ordre dans l’Église catholique. Le séminariste suit une longue formation, et, si les responsables le jugent mûr, il est présenté à l'Ordination. Celle-ci est conférée par un évêque qui jouit de la «succession apostolique ». C'est à dire que, de génération en génération, la continuité est assurée depuis les douze Apôtres. Dans le cas de la Maison de Tobie, nous n'avons pas la prétention, ni bien sûr les moyens, de viser ce puissant niveau de transmission. Mais il nous rappelle l'importance de la reconnaissance par une autorité qualifiée (parfois aussi par la

vox populi

) de la profonde compétence et humanité de celui-celle qui va être investi(e). Surtout à une époque où nombreux sont ceux qui s’autoproclament maîtres-en-quelque- chose. Nous avons situé les trois voies méditatives pratiquées à la Maison de Tobie dans leur propre lignée spirituelle. ….{ Le frère Benoît reparle ici du rattachement aux différentes instances concernant les 3 voies de méditation pratiquées par l’association} (voir page précédente) …….Enfin, pour moi, les années s'ajoutant aux années, il me faut désormais prévoir un ralentissement de ma participation à l'association. Notre nouveau président me confirme.

le

Dans un premier temps, donc, lors du Point d'Orgue du 22 janvier 2012, je transmettrai la responsabilité des sessions de méditation (de 2 jours ou de 5 jours) à :   Danièle Simon pour le zen, Anne Desmottes pour la Prière du cœur,  Monique Durand pour la Contemplation (lecture méditative de la Bible) C'est pour moi une joie et une fierté

.

Je souhaite que les membres de l'association soient nombreux à venir participer à cet événement important. Benoît Billot

C

ÉLÉBRATION DE LA TRANSMISSION

Numéro 91 de mars 2012 Par le frère Benoît Billot Aujourd'hui, nous célébrons la transmission, à Anne Desmottes, Monique Durand-Wood et Danièle Simon, de la capacité à diriger des sessions de méditation. Ces sessions sont au cœur de la Maison de Tobie. Elles ont formé et continuent à former à la méditation silencieuse de très nombreuses personnes. A cause de leur intensité spirituelle, elles demandent aux animateurs-trices des capacités particulières. Car les domaines qu'elles touchent dans la vie des participants, et les bouleversements que parfois elles provoquent, ont besoin d'être compris et accompagnés. Cela demande des qualités d'écoute et des compétences en plusieurs domaines. Celles qui vont recevoir l'habilitation ont, au cours de toute leur existence, acquis ce qui est nécessaire en la matière. Bien sûr, leur chemin est loin d'être accompli et il y a encore du travail. Mais nous sommes arrivés à un moment où il me paraît juste d'accomplir la transmission. Nous aurions dû avoir avec nous aujourd'hui Marie-Claude Baudouin, mais un accident de santé l'empêche d'être présente. Je voudrais, dans ce temps d'exposé, attirer votre attention sur le fait que nous avons à transmettre ce que nous avons reçu, après l'avoir enrichi par notre ouvrage intérieur et par notre expérience de la vie. Nous sommes les fruits provisoires des immenses étendues de temps qui nous ont précédés, nous sommes les derniers apparus sur l'arbre gigantesque de l’Évolution. Après nous, d'autres apparaîtront, et nous aurons contribué à donner de la saveur et du sens à leur vie.

La lignée cosmique

Remontons donc loin en arrière dans le temps, aussi loin qu'une mémoire humaine peut aller. C'est à dire à environ 14 milliards d'années. Peut-être y eut-il à ce moment mythique une impulsion nouvelle pour que se mette en route (se remette en route?) ce monde -26- dont nous sommes les locataires. Impossible de décrire précisément la formation des étoiles et des planètes ; les scientifiques ont des points de vue divergents à ce sujet. On sait que notre vaisseau inter-spatial, la terre, qui nous emporte sur son orbite, est vieille de 5 milliards d'années. Un quinquennat, une vie humaine, sont de peu de poids en comparaison de cette immensité, mais ce petit grain de poussière a cependant une grande importance. Notre planète est-elle la seule à avoir donné naissance à la vie ? Nous ne le savons pas, mais elle a tout de même cette fantastique qualité d'être porteuse de vie. Car vie il y a, sortie des lagunes lors d'un réchauffement climatique et dans un état embryonnaire. Elle a donné naissance, au cours des millénaires, à la multitude des manifestations, végétales, puis animales, et enfin, après de nombreux essais sans succès, à

l'Homo Sapiens

dont chacun, chacune d'entre nous est une réalisation particulière.

Ces immensités de temps et d'espace, ces inimaginables mutations qui aboutissent à nous, sont pour le croyant des manifestations de l'incarnation divine dans le temps et l'espace.

Elles sont Dieu qui se donne à voir, à ressentir et à comprendre. Elles sont le champ d'action de l'énergie créatrice que l'on appelle Esprit-Saint. Elles sont polarisées par le but à atteindre : amener dans la matière, et essentiellement dans l'homme, l'émergence de l'humano-divinité, que la Bible appelle la Ressemblance. Sentons-nous sa présence en nous aujourd'hui ? Savons-nous que nous portons en chacune de nos cellules la trace du travail fabuleux de l'Esprit et de la matière au cours de ces durées incalculables ? Nous rendons-nous compte que nous sommes la synthèse de tout cela ? Restons un instant pour accueillir ce potentiel caché et en rendre grâces

La lignée familiale

Mais revenons à plus proche de nous ! Tout ceci se vit de façon particulière dans nos lignées familiales et culturelles. Nous n'avons pas une idée précise de ce qu'ont vécu tous nos aïeux. Nous pouvons cependant imaginer les souffrances qu'ils ont endurées, les joies qu'ils ont vécues, les surpassements auxquels ils ont consenti. Nous pouvons très bien prendre connaissance des réalisations qu'ils ont menées à bien, du travail patient pour cultiver la terre et l'enrichir, du développement des sciences et techniques, de l'aménagement des espaces urbains, des explorations d'autres cultures et continents. Si nous sommes là aujourd'hui, si nous aimons ce qui est juste, vrai et beau, c'est parce que cela est inscrit en nous, certes. Mais c'est aussi parce que des générations successives l'ont exprimé en une foule de formes, encore aujourd'hui présentes dans l'architecture, les musées, la littérature, les salles de concert. Présentes aussi dans l'organisation sociale, la législation, la démocratie, la laïcité, le soin des exclus... Ils nous en ont donné le goût. Bien sûr, nous n'oublions pas qu'ils ont fait de graves erreurs,

Nos aïeux ont cultivé et greffé l’arbuste que d’autres avaient sélectionné sommes et planté et qui s’est métamorphosé en l’arbre que nous

qu'ils ont connu des échecs cuisants, mais ils ont cultivé et greffé l’arbuste que d'autres avaient sélectionné et planté que et nous qui métamorphosé en l'arbre i ndi vidu el l ement collectivement. s'est sommes, et Merci à eux, connus et inconnus, dont nous sommes les descendants. Là aussi, dans cette lignée familiale et culturelle mouvementée, parfois perturbée, le Souffle divin a fait son œuvre, rappelant à chacun, et parfois à travers des échecs, les exigences pour devenir réellement humain. Il n'a cessé de faire naître et renaître le désir d'aimer et d'être aimé, la force pour aller jusqu'au bout des missions reçues, le discernement des impasses dans lesquelles on s'engage imprudemment, la capacité à remettre en cause les situations acquises et la joie de créer du nouveau. Nous recueillons tout cela, et nous voudrions enrichir cet héritage : en luttant contre les dérives dues -27- à l'argent, en prenant un soin accru de notre terre, en discernant et en soignant ce qui est malade dans nos hérédités familiales, en quittant la peur et la culpabilité, en développant le sens de la communauté. Je vous propose de faire mémoire un instant de nos ancêtres, ceux de la collectivité comme ceux de nos familles, de les remercier d'avoir transmis ce trésor de la vie dont nous sommes maintenant dépositaires, et de leur demander, là où ils sont, de nous accompagner.…

La lignée spirituelle

Nous ne pouvons oublier notre lignée spirituelle. Car nous sommes les héritiers, en ce domaine comme dans les autres, d'un fabuleux bouillonnement spirituel, de recherches multiples, et de greffes sans fin. Pensons aux premiers balbutiements spirituels de l'humanité, aux développements auxquels ils ont donné lieu. Pensons aux manifestations artistiques de nos ancêtres des cavernes, à la grotte de Lascaux, aux traditions animistes et chamaniques. Pensons aux innombrables essais qui ont donné forme aux religions d'aujourd'hui. Mais pensons aussi aux contestations, parfois radicales, qu'elles ont dû subir, d'abord en se rencontrant et en se confrontant les unes avec les autres, contestations venant aussi de la rationalité et de la science. Pas plus en ce domaine que dans les autres, nous n'oublions les excès, les abus de pouvoir, les violences qu'elles ont générées. Mais elles arrivent, toujours vivantes, jusqu'à nous, et nous leur donnons une forme collective qui nous permet de grandir et de donner sens à notre existence. de Nous avons à reconnaître l'importance la fidélité créatrice aux traditions spirituelles : chaque génération est appelée à s'appuyer sur ce qu’elle

chaque génération est s'appuyer sur ce qu’elle a reçu, pour le transmettre de façon appelée vivante à et nouvelle suivante. à la

a reçu, pour le transmettre de façon vivante et nouvelle à la suivante. Particulièrement, nous avons à chercher de nouveaux langages, compréhensibles par nos contemporains, à faire tout ce qui est possible pour que la vie spirituelle trouve sa juste place dans nos existences du 21 ème siècle,

et dans notre culture. Heureusement, nous portons en nous la trace et la présence des témoins, des plus anciens aux plus récents, qui ont jalonné et fait vivre ces lignées. Et, au milieu d'eux, la personne rayonnante et mystérieuse du Christ. Nous sentons sa présence et l'impulsion de son souffle dans le secret de nos vies, et son appel à nous laisser unifier par lui. Merci à Lui, merci à tous ces témoins. Certains se dressent au milieu de la foule humaine comme des phares. D'autres sont tout à fait modestes, mais leur rencontre a été pour nous un éveil, un recommencement, un stimulant. Ils, elles, ont dépassé leurs intérêts trop individualistes et élargi leur conscience jusqu'à se tenir en communion avec le cosmos et la foule humaine. Ils ont lutté pour faire place à la transcendance dans les cœurs, et parfois dans les institutions. Ils ont donné le goût, et souvent les moyens, de la reconnaître, de la développer et de l'incarner. Ils, elles, sont présents au fond de nous même. Voulez-vous que nous fassions mémoire un instant, et dans le secret de notre silence, de quelques-uns d'entre eux, ceux, celles, qui particulièrement compté pour nous ?…. ont

Habilitation

Ayant côtoyé Anne, Danièle et Monique pendant des années, j'ai été témoin de leur travail personnel pour unifier leur vie autour du sanctuaire intérieur qui s'est affirmé chez elles, et qui accueille la présence divine. Car les multiples traditions qu'elles ont contactées auraient pu les disperser. Elles ont certes beaucoup reçu de la Maison de Tobie, mais encore plus de leurs familles, de leur milieu culturel et des multiples groupes et lieux de formation qu'elles ont fréquentés. Après les avoir rencontrées en tant que participantes dans les sessions de méditation, je leur ai d'abord demandé de collaborer avec moi dans l'animation de ces sessions. Cette collaboration s'est étalée sur des années et j'ai admiré leur charisme, et le savoir-faire qui s'est développé chez elles. Depuis deux ans, nous avons travaillé plus étroitement ensemble, et je sais maintenant que je peux remettre entre leurs mains l'organisation et la responsabilité de ces sessions. Ceci ne signifie pas que je m'en retire et vais m'installer superbement sur un atoll du Pacifique. Présentement, nous œuvrons ensemble pour que je trouve une place autre, plus axée sur le conseil spirituel. Je voudrais leur dire, avec toutes les personnes présentes : j'ai confiance en vous, allons ensemble de l'avant ! Nous allons maintenant procéder à la transmission… Benoît Billot -28-

CHAPITRE IV: LES VOYAGES

Le voyage initiatique du jeune Tobie, avec son accompagnateur divin, lui permit de devenir réellement lui-même. De même, dans le monde du Zen, les élèves passent 6 mois de l’année auprès du maitre qu’ils ont choisi et qui les enseigne. Le second semestre est consacré à voyager de maitre en maitre pour recevoir enseignements et formations complémentaires. Toutes proportions gardées, la Maison de Tobie vit quelque chose d’analogue. D’abord en demandant à ses animateurs de suivre des formations hors de l’association. Et aussi en proposant des pèlerinages aux sources. C’est ainsi qu’il y eut un séjour en Allemagne, à Holzkirchen, auprès de Willigis Jäger, maitre zen, afin de mieux prendre conscience de la tradition zen du Sanbôzen, dont la Maison de Tobie est héritière. Autre séjour : dans les déserts d’Egypte, là où est née la Prière du Cœur, pour faire connaissance avec le berceau de cette grande lignée. De même, en Italie du Nord, au monastère de Bose, haut lieu d’études bibliques, pour approfondir la pratique de la Lectio Divina (Contemplation). Le voyage au Vietnam, lui, fut inspiré par le désir de sortir du champ occidental, et de plonger dans une culture très marquée par les religions asiatiques. Enfin, il y eut la Hollande, sur les traces d’Etty Hillesum, mystique contemporaine qui inspire tant d’Hommes aujourd’hui. Chacun de ces voyages fut l’occasion pour tous de grandes découvertes, et d’un élargissement de la conscience spirituelle. Nous attendons de nouvelles initiatives…

U

NE RELECTURE DE NOTRE HISTOIRE

Après le voyage en Egypte d’avril 2005 Numéro 64 de juin 2005 par William Shankland Prodigieuse relecture de notre histoire, en ces temps de mondialisation ! Elle nous permet de mieux observer dans l’histoire la figure de l’humanité en mouvement, déjà en train de se tisser. Cette prise de conscience a lieu chaque fois que notre regard s’arrête moins sur ce qui semblait irrémédiablement séparer une culture d’une autre que sur ce qui constitue leur enrichissement mutuel. Pendant copte

Remonter le temps

Dans ce centre œcuménique de l’Église orthodoxe d’Égypte,

Anaphora

, « l’offrande » - le nom même dit tout le programme de ce lieu de désert devenu jardin – nous avons passé ensemble cinq jours d’écoute fraternelle et de partage liturgique, jusqu’à l’agapè – Et notre étonnement d’apprendre que fut grand cette notre bref séjour en Égypte, communauté copte classée trois de ces frontières infranchissables se sont effondrées Anaphora pour moi, correspondant à trois moments de comme monophysite avait été exclue de la grande Église, lors du concile de Chalcédoine au 5 ème siècle, et l’histoire et me permettant de remonter plus haut le fil du temps qui nous relie tous. obligée de faire face seule aux vicissitudes de l’histoire, notamment à l’hégémonie de -29-

l’Islam. Ce n’est qu’en 1973 qu’une rencontre a eu lieu entre le « Très Saint Père pape d’Alexandrie et patriarche de la Prédication de saint Marc » et le pape Paul VI à Rome, et qu’une déclaration publique mettait un terme aux querelles sur la nature du Christ à l’origine de la rupture. Voilà une première barrière qui ne reposait au fond que sur un malentendu de vocabulaire qui s’évanouit devant nous aujourd’hui ! Deuxième bond dans le temps, un retour aux sources du christianisme, ce qui produit l’effondrement d’une deuxième barrière… L’enseignement de Abba Thomas, l’évêque copte qui a fondé

Anaphora

, nous a résumé l’esprit des Pères du désert des 3 ème et 4 ème siècles, spiritualité qui est au point de départ de tout le mouvement monastique, et aussi de la pratique de la prière du cœur.

Une foi qui déplace les montagnes

Cette spiritualité invoque à chaque instant la présence du Christ et de la Trinité en nous, au cœur de la vie, enveloppant notre regard sur le monde. Par la suite, en visitant d’anciennes chapelles et des ermitages du désert datant du 4 ème siècle, en priant également dans les premières églises du quartier copte du Caire, nous avons été touchés au plus profond de notre être par la ferveur des fidèles autour des reliques des martyrs et des icônes. Là, j’avais le sentiment de toucher du doigt l’élan des premiers chrétiens, élan qui leur a permis de survivre à presque vingt siècles de persécution et de harcèlement, sous l’empire romain, puis sous l’empire chrétien de Byzance, enfin sous l’Islam. Une foi qui déplace les montagnes. Alors, j’ai compris la phrase d’Abba Thomas :

« Il faut deux poumons pour respirer : le cœur, qui est l’apport de l’Orient, en l’occurrence l’Église copte, et l’intellect, apport de l’Occident. Lorsque les barrières d’incompréhensions s’effacent, les deux se complètent. »

Une dernière barrière à faire tomber

Nous pouvons encore remonter plus haut le fil du temps, jusqu’au temps des fabuleux empires égyptiens. Un événement caractérise la spécificité et toute la fierté de l’Église copte -30- qui, pour nous occidentaux, passe presque inaperçu : le séjour de la sainte Famille en Égypte. Cet épisode dit tout le sentiment d’élection que ressent ce peuple (je dis

peuple

, car le mot copte signifie égyptien), qui se considère vraiment comme une clef du christianisme naissant. Depuis l’apostolat de saint Marc, à partir de 46, les coptes n’ont cessé de vénérer les traces du passage de Jésus sur leur terre. Comment ne pas penser que l’élan formidable qui s’est étendu au monde entier depuis l’Égypte a puisé dans un fonds spirituel travaillé depuis des millénaires ? C’est la thèse récente retenue entre autres par Christiane Desroches Noblecourt,

le Fabuleux Héritage d’Égypte

(Ed. Télémaque 2004). Certes, il ne faudrait pas tirer des conclusions trop hâtives. Mais nous pouvons réentendre avec d’autre oreilles des textes de l’Ancien Testament, le cycle de Joseph notamment et l’Exode de Moïse, cet homme « versé dans toute la sagesse d’Égypte » (Actes des apôtres, chap. 7, 22) ainsi que maintes références à l’Égypte dans les psaumes et les prophètes. On le sait, pour mieux affirmer notre identité, c’est parfois le plus proche que nous dénigrons !

« D’Égypte, j’ai appelé mon fils »

La dernière barrière à faire tomber n’est elle pas celle du refus d’une spiritualité égyptienne, supposée hostile à notre image du Dieu unique, alors qu’au contraire elle peut être source d’enrichissement ? «

D’Égypte, j’ai appelé mon fils

» (Mt 2,15). Suis-je trop optimiste ? Toujours est-il qu’un des projets d’Abba Thomas à

Anaphora

est justement de retrouver ces liens avec la spiritualité de l’Égypte ancienne. Les mélodies des psalmodies du matin sont des réminiscences de cette musique antique, tandis qu’Abba Thomas développe tout un travail symbolique autour de la croix copte y trouvant les mêmes valeurs essentielles qui étaient investies dans la Clef de Vie, symbole par excellence de la spiritualité au temps des pharaons. William Shankland

U

N AVANT ET UN APRÈS HOLZKIRCHEN

Numéro 69 de septembre 2006 Par Marie-Claude Baudouin Comme pour toute expérience profonde, il y a un avant et il y a un après… Que me reste t’il aujourd’hui de ce séjour à Holzkirchen en juillet dernier ?

Un lien

qui donne conscience d’un rattachement. Tout d’abord, ce séjour en Allemagne dans un centre spirituel me donne aujourd’hui une conscience plus claire de notre rattachement à une tradition, celle du Sambô Kyodan, héritée du Japon. Bien que cette rencontre se soit faite dans une terre, avec des individus engagés dans une pratique solide, une communauté importante conduite par un maître à la rigueur paternelle et la bienveillance maternelle.

Une force

Méditer avec un groupe de plus de 100 personnes a été pour moi une première expérience. Aucun brouhaha, des déplacements fluides, une énergie qui porte et qui fait que tout se fait tranquillement et naturellement. Même en dehors du dojo, à table par exemple. Tant de choses me semblaient auparavant impossibles pour moi : se lever à 5h du matin, méditer 7 heures par jour, à 5 reprises dans la journée, enchaîner successivement 3 assises de 25 minutes et pratiquer ainsi 15 assises par jour ! Et j’oubliais… ne pas avoir de dessert en fin de repas ! Et pourtant ! Je peux dire qu’à aucun moment cela a été insurmontable. Cela se fait… grâce à la force du lieu. Il suffit de faire confiance.

Une rencontre bienveillante.

Au cours de la session, chacun a pu rencontrer en entretien individuel Willigis et Doris. J’ai été très touchée par mon entretien avec Willigis à qui j’exprimais ma frustration face au manque de dessert et des conseils pour la dépasser. Quel ne fut pas mon étonnement lorsque, par l’intermédiaire de la traductrice, il m’a fait porter à table discrètement une barre de céréales en guise de dessert ! Quelle -31- attention et quelle leçon !

Un enseignement inattendu

J’attendais beaucoup des enseignements de Willigis (Teïshô)… En fait les enseignements ont été faits soit par lui soit par Doris. J’ai dû lâcher prise par rapport à mes attentes. L’enseignement étant en allemand, je ne comprenais rien. Nous en avions la traduction une heure après et je ne retrouvais pas la sève du discours direct. Tant pis, là n’est pas l’essentiel ! Le plus important pour moi a été la conduite par Willigis d’une méditation sur Shikantaza et l’ouverture à l’Infini. L’expérience, toujours l’expérience… !

Se laisser toucher par la Beauté

Un cadre magnifique, des jardins luxuriants, des bâtiments d’époque, une harmonie d’ensemble, un entretien rigoureux… comment ne pas sentir la justesse, la beauté de la vie dans un lieu si porteur et si révélateur ! La nourriture biologique et végétarienne absolument délicieuse contribue à la beauté de l’ensemble. Beauté qui nous parle du Divin… Merci à ceux qui permettent que nous vivions ces grands moments ! Marie- Claude Baudouin

R

ETOUR DE

B

OSE

: L

ECTIO DIVINA ET

C

ONTEMPLATION

Numéro 72 de juin 2007 Par Monique Durand Séjourner à Bose dans un paysage superbe de l'Italie du nord, au sein d'une communauté née du souffle nouveau de Vatican II, fut une grande chance. Adaptée à une communauté mixte et œcuménique, la liturgie procurait un vrai bonheur, surtout pour des membres de la Maison de Tobie, amateurs d'une vie spirituelle vécue dans l'ouverture. D'autres parleront de l'ensemble du voyage. Pour ma part, j'évoquerai ici l'approche de la

lectio divina

qui nous fut proposée par une sœur de la communauté, sœur Alicia, lors de plusieurs rencontres. Dans cette approche, je distinguerai deux moments. Le premier moment a été celui d'une "dégustation". Saluons, en premier lieu, la disponibilité de sœur Alicia, son engagement souriant auprès du groupe, son écoute lors interventions. de Mais nos saluons aussi son érudition remarquable pour retracer l'histoire d'un texte, ses sources, son contexte, sa construction littéraire, ses objectifs pédagogiques. Ces apports fournissent en effet des éclairages au texte, ils aident à l'appréhender en abolissant des distances qui nous séparent de lui. Par ailleurs, sœur Alicia a rappelé la nécessité, pour tous ceux qui veulent pratiquer de façon régulière la

lectio divina

, d'un cadre, d'un temps, d'une rigueur, bref de tous les ingrédients pour un rendez-vous fidèle avec l'Ecriture. Le deuxième moment a été celui d'un discernement. La contemplation, telle qu'elle est pratiquée à la Maison de Tobie, et bien qu'elle s'appuie aussi sur la

lectio divina

, n'emprunte pas tout à fait la méthode appliquée à Bose. Ceci est légitime. Bose est une communauté religieuse avec ses règles, son emploi du temps propice à l'étude et à la prière, son exigence de cohérence et d'unité. La Maison de Tobie accueille une diversité d'états de vie, de situations familiales et d'expériences -32- vécues au quotidien dans un monde sécularisé et laïc. L'important ici, dès lors, est de saisir que la Parole de l'Ecriture, par le biais des "accroches", m'est adressée à moi, tel que je suis aujourd'hui, avec mon histoire et mes talents propres, et de m'abreuver à cette source pour initier de nouvelles croissances. Tandis que la

lectio divina

, à Bose, aborde l'Ecriture de manière plutôt "objective" - même si cette tendance a aussi pour but un cœur à cœur avec Dieu - nous faisons jouer davantage, quant à nous, une "subjectivité" en accord avec nos cheminements. C'est avec notre expérience singulière qu'est confrontée la Parole biblique, et cette rencontre mène à la connaissance de soi, à l'unification et à la pacification. Bien entendu, le décryptage du texte, son analyse, est un préalable fort utile. Cette étape, incluse dans la

lectio

(après la

preparatio

qui favorise la détente du corps et avant la

meditatio

qui rumine l'accroche) peut être savoureuse intellectuellement, et offrir des outils d'interprétation. Nous lui accordons d'ailleurs une place non négligeable lors de nos stages et sessions. Gardons-nous toutefois, me semble-t-il, de surévaluer cet outillage de l'explication littéraire. Une approche de l'Ecriture qui serait trop rationnelle peut aussi dresser un obstacle devant la Parole, constituer un écran entre un rappel de l'Esprit et notre cœur profond. Elle peut bloquer notre liberté. Lors d'une session d'initiation, aussi à la

lectio divina

, Lytta Basset, théologienne et pasteure, parlait de découvrir en soi, avec la Parole, un "trésor d'une infinie simplicité". La parole, disait-elle, celle de notre inlassable quête, ne serait plus cachée, réservée à des maîtres-à penser ou à des savants, non,

"elle se murmurerait comme un chant de source intarissable dans le cœur de chacun, avec une tonalité si singulière que nul ne peut prétendre savoir pour son frère."

Monique Durand

VIETNAM

Numéro 79 de mars 2009

La Maison de Tobie est partie faire un voyage au Vietnam. Au programme : 4 jours de méditation dans la baie d’Ha long mais aussi connaissance de ce pays qui a tissé tant de liens avec la France. L’accent était mis dans ce voyage sur plusieurs points importants : Relation à la terre vietnamienne Relation à l’histoire de ce peuple Relation aux femmes et aux hommes qui font le Vietnam d’aujourd’hui. Trois participantes de ce voyage rendent compte de ces trois points.

R

ELATION À LA TERRE VIETNAMIENNE

Par Jacqueline Veny Pour nous préparer, nous ouvrir à cette approche spirituelle du Viet Nam, il nous a été proposé de commencer par quatre jours de silence et de méditation dans le plus beau lieu qui soit : au 7 ème étage d’un hôtel avec d’immenses baies vitrées face aux rochers de la Baie d’Ha Long, à l’infini de l’espace. Q u a t r e pendant j o u r s lesquels les animateurs nous ont aidé à cheminer dans les profondeurs de notre être (par la méditation, la prière du cœur ou la lecture biblique) en même temps que dans les lointaines origines de ce peuple et de ce pays, par l’analyse de quelques légendes fondatrices racontant à leur façon la naissance de ce pays où terre et eau s’entremêlent dans des paysages mythiques et donnent vie à un peuple si attachant. Envoûté par ces histoires passionnantes (et en certains cas semblables aux nôtres), notre esprit pouvait s’ouvrir aux dimensions de l’Infini dans cet espace qui s’offrait à nos yeux. Dans la nuit du Passage de l’an 2008 à l’année 2009, alors que nous étions rassemblés aux quatre coins de notre tour de verre, bougies en main, le vent léger menaçait d’éteindre nos petites flammes tandis qu’il emportait bien loin dans l’espace nos prières et nos vœux de paix. Après ces quatre jours de préparation, nous avons eu droit à ce qui, pour moi, était une apothéose : une belle journée de clair soleil, sur le pont d’un bateau à naviguer dans cette baie tant désirée : silence, émerveillement, contemplation, grâces et louanges muettes.

« Que tes œuvres sont belles , Seigneur ! et que Tu es surprenant »

Cette attente de quatre jours a permis à toute cette beauté cachée de se faire ardemment désirer et de se dévoiler peu à peu ! Cela a été une grâce de plus ! D’autres moments de silence, de recueillement, nous ont réunis et permis d’échapper quelque peu à l’éparpillement mental presque inévitable des touristes, que nous avons aussi été. Que le Seigneur nous aide à garder nos cœurs ouverts à la dimension de l’horizon infini de la Baie d’Ha Long ! Jacqueline Veny -33-

R

ELATION À L

HISTOIRE DU PEUPLE VIETNAMIEN

par Marie Simon L’histoire du peuple vietnamien, nous l’avons côtoyée tout au long de ce voyage. Depuis le royaume hindou de Champa (installé à Da Nang du 2° au 8° siècle-) jusqu’à nos jours. Le très beau musée de Da-Nang recèle des trésors de cette lointaine époque : danseuses-déesses Apsara, Ganesh etc. La domination chinoise a duré plus de dix siècles. Aussi n’est-il pas étonnant de rencontrer partout des traces de cette civilisation. Le confucianisme, le taoïsme, le bouddhisme sont encore là très présents dans les constructions. A Hanoï, en particulier, nous avons visité le temple de la littérature datant du 13° siècle et il ne fallait qu’un peu d’imagination pour voir des mandarins lettrés évoluer dans ce temple. De nombreuses pagodes sont là pour nous montrer que la foi est encore communiste. vivante malgré la période A partir du 10°siècle, le Vietnam est indépendant et les dynasties se succèdent jusqu’en 1945. Hué sera leur dernière capitale et verra l’abdication du dernier empereur : Bao Daï. Là demeurent les restes de la cité impériale qui évoque la Cité interdite de Pékin. Le christianisme aussi a laissé son empreinte. Par les missionnaires puis par la présence de la France à partir du 19° siècle. A Phat Diem, la grande cathédrale en pierre, construite dans le style asiatique est le témoin -34- de cette maintenant influence. A Saïgon, HoChiminh-ville, appelé devant la cathédrale en pierres roses venues de Toulouse et la grande poste, nous nous sentons chez nous. En 1945, le Vietnam est à nouveau indépendant et Ho Chi Minh, « l’oncle Ho » reste le héros incontesté. Son mausolée à Hanoï est encore très visité aujourd’hui. Les guerres d’Indochine et du Vietnam laissent des traces encore visibles : C o m m e ces enfants atteints de microcéphalie, que nous avons vu au centre d’handicapés de la nonne bouddhiste Minh Tanh, parce que leur mère avait été atteinte par le défoliant orange. Comme cette voiture du moine bouddhiste Thich Quang Duc qui s’est immolé par le feu en juin 1963 après la répression menée contre les bonzes par le régime Diem pro-américain. Elle est conservée à Hué à la pagode de la dame céleste. Comme tous ces cimetières militaires disséminés dans la campagne près de Da-Nang. Oui, l’histoire du peuple vietnamien, nous l’avons côtoyée et nous aurions aimé nous y plonger encore plus. Il faudra revenir. Marie Simon **************************************

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ELATION AUX FEMMES ET AUX HOMMES QUI FONT LE

V

IETNAM D

AUJOURD

HUI

Par Françoise Poisson

Après nous avoir montré combien les guides qui accompagnaient le voyage ont été les premiers « interfaces » avec la population, Françoise nous parle des rencontres qui ont été importantes pour elle

……..Notre première étape sur l’île de Tuân Châu, dans la baie d’Ha long où nous avons médité pendant quatre jours m’offre dans un premier temps l’image d’un cocon et bienheureuses furent les escapades qui permirent d’ouvrir nos yeux, de dilater nos

cœurs, d’être parmi les êtres. La Vie était là, à portée de cœur, et en restant dans l’hôtel nous aurions pu passer à côté de cette rencontre : tout un village vaquant à ses occupations. Ce fut pour moi, comme celui qui voit la mer pour la première fois, un voyage en soi : une vieille dame m’a pris la main, une jeune fille m’a offert des fruits, un homme nous a fait part de sa douleur devant les tombes de proches et s’est accroupi en silence pour prier… Nous avons eu le privilège de vivre une journée entière dans un monastère bouddhiste, guidé par le moine Thong Quan. Nous y avons été pleinement accueillis et au-delà de la richesse des échanges, nous avons partagé le silence du repas et d’une assise et personnellement tout au long de ces heures, je me suis laissée toucher par le rayonnement de ces êtres, de ce lieu « habité » et par l’énergie toute particulière qui s’en dégage. delà Cet accueil et cet échange possible au de nos différences culturelles et religieuses, cette communion se retrouvera lors de notre visite au monastère cistercien de Nho Quan, lors de notre halte auprès de la sœur bouddhiste Minh Tanh ainsi que lors de notre rencontre avec le docteur Truong Thin, qui nous parle de la médecine de l’âme nourrie par la poésie, la musique et la peinture, nous partageant aussi ses poèmes chantés. Le peuple vietnamien, ce sont encore ces chants qui s’offrent dans le matin, ce sont tous ces inconnus qui travaillent sans relâche, tôt le matin, tard le soir et même le dimanche, ce sont ces enfants partageant leur vélo avec quatre pieds pour deux pédales, ce sont ces enfants de l’orphelinat Hoa Mai qui nous ont accueillis comme des rois avec une rose pour chacun de nous, ce sont ces mêmes enfants calmes s’occupant les uns des autres, ce sont ces personnes faisant leur Taï Chi devant le lac d’Hanoi, ce sont ces inconnus circulant à deux, trois ou quatre sur une mobylette, ce sont ces personnes imperturbables au cœur des embouteillages. Ce sont aussi ces peuples des montagnes, trop vite quittés, à la vie rude mais qui la font danser à travers les couleurs des fils et des tissus. Chaque rencontre fut un cadeau. La solidarité, le respect les uns des autres, la Vie qui habite ce peuple demeure nourriture en moi. Françoise Poisson

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ES TRACES D

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TTY

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ILLESUM

Numéro 89 de septembre 2011 Par Monique Durand

En juin 2011, nous sommes partis à Amsterdam à la recherche des traces laissées par Etty, cette « sainte de notre temps »

Nous étions une vingtaine de la Maison de Tobie, partis pour Amsterdam puis Deventer, en quête de « traces » laissées par Etty Hillesum, cette jeune femme juive, ayant vécu en ces endroits, une existence ardente, profonde et superbement créative, avant d’être -35- déportée pour Auschwitz. Sur les traces d’Etty, nous avons tenté de marcher... Quelle ambition, à première vue, pour des personnes vivant dans un contexte moins redoutable – malgré tout – que celui

d’une guerre et de persécutions collectives ! Pourtant, tous intéressés par la quête d’un sens dans nos sociétés parfois chaotiques, nous avions besoin de ces traces, certainement, pour confirmer des choix, des valeurs, nos propres cheminements voire le but caché de nos errances. Nous avons

,

je crois, compris ceci assez vite : nous ne cherchions pas tant des traces historiques, géographiques, matérielles du passage d’Etty, qu’une forme de présence ineffable, comme en suspension dans l’air (peu pollué) de nos lieux de « pèlerinage ». Oui, nous désirions humer, semblait-il, cet air particulier d’une Hollande à la fois moderne et pétrie de traditions, cultivée et sereine, austère et foisonnante, qu’avait respiré cette artiste de la vie spirituelle qu’est Etty ; saisir des bribes du souffle qui l’avait traversée, allumant en elle, à l’égard de toute vie, un brasier d’amour. En avons-nous repéré, de ces traces ? Trois fois oui ! Innombrables. Superbes, terribles ou infiniment douces. Des traces d’Etty dans la beauté des ciels reflétés dans les canaux, dans les fleurs partout répandues sur les balcons, dégringolant sur les vélos sagement rangés le long des façades, dans les pousses étonnantes, les oiseaux et les papillons si colorés du jardin Hortus. Des traces d’Etty dans tel tableau de Rembrandt contemplé au Rijkmuseum : dans ce regard indigné mais toujours aimant d’Anne, la femme du vieux Tobit aveugle et ayant perdu le sens, avant sa guérison finale. Des traces d’Etty, à pleurer de joie, dans l’éclat d’un maigre poirier en fleurs peint par Van Gogh, alors gravement malade, pour son neveu nouveau-né. Des traces d’Etty, de sa jubilation sensorielle quand elle savourait du « vrai cacao Van Houten », dans la bière hollandaise et fraîche bue en terrasse ensoleillée. -36- Et puis, mon Dieu ! des traces d’Etty profondes et bouleversantes. Au Musée de l’Histoire Juive à Amsterdam : ses cahiers soudain sous nos yeux, ce fameux « morceau de papier quadrillé » où elle avait entrepris de « livrer [son] cœur » ; des pages remplies d’une écriture fine et comme ininterrompue : fil d’Ariane destiné à conduire ses lecteurs hors des tentations de tous les désespoirs. Des traces d’Etty dans le petit musée de Deventer qui lui est consacré. Dans l’accueil reçu là, souriant, passionné, disponible de nos hôtesses. Et partout autour... dans chaque visage d’enfant juif, sur une photo de classe dont une seule élève fut rescapée. Des traces encore, plus tard, dans la visite de la synagogue jouxtant le musée ; sa présence même, comme à l’écoute du dialogue secret et toujours renouvelé entre Etty et Dieu, dans notre long recueillement collectif. Des traces d’Etty circulant entre nous, quand nous partagions des temps de la journée en les reliant à certaines de ses expériences et réflexions. Quand nous méditions en silence, enfin, rassemblés dans le salon de l’appartement de l’hôtel : rien de palpable, de visible ou d’audible, mais une vitalité ambiante, qui demeurait là, mélange de gravité et de gaieté légère. Intimité retrouvée avec la Source en nous. Monique Durand Wood

CHAPITRE V : L’INTERRELIGIEUX

Dans le dialogue interreligieux, les étapes se succèdent à une vitesse étonnante ! Grâce au Concile, et à la rencontre d’Assise, nous sommes passés, en l’espace de 50 ans, de « l’exclusivisme »: hors de l’église pas de salut à « l’inclusivisme » : ils sont sur le chemin de devenir chrétiens sans le savoir Ensuite, on s’est posé la question de la pluralité des religions : phénomène voulu par Dieu ou effet de la désobéissance des hommes ? pour aboutir enfin à une pratique du dialogue comme un moyen exceptionnel de se ressourcer et d’approfondir sa propre foi – chemin de conversion intérieure et non pas de la conversion de l’autre ! Loin du questionnement de la rencontre d’Assises « Ensemble pour prier, mais non pas prier ensemble », dans certains lieux on crée des célébrations communes, où l’on partage des gestes et textes sacrés les uns des autres, toujours dans la reconnaissance mutuelle. Je cite la réflexion du théologien Robert Scholtus qui voit dans cette évolution un tournant décisif de l’Eglise. Ce tournant capital réjouit les membres de la Maison de Tobie.

Il est probable que dans sa pratique balbutiante mais enthousiaste du dialogue interreligieux l’Eglise est en train de découvrir autrement sa catholicité… L’interreligieux est peut-être en train de devenir le creuset d’une intelligence nouvelle et libre de la religion ; le lieu d’invention d’une institution capable d’assumer et accompagner la requête spirituelle des individus contemporains. (

Pourquoi l’Eglise ? Etudes octobre 2003)

E

N MARCHE VERS L

INTERSPIRITUEL

Editorial du numéro 71 de mars 2007 Par William Shankland Il y a quarante ans, certains s’en souviennent, la perspective des retrouvailles entre chrétiens divisés soulevait un formidable élan d’enthousiasme. Vingt ans après les débuts de Taizé, la TOB, (traduction œcuménique de la Bible), proposait un premier fascicule, l’épître aux Romains, naguère si controversée, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne archi comble. On s’y croyait, les guerres de religions étaient loin derrière nous, et l’unité était pour demain ! Nous construirons ensemble l’unité dans la diversité. -37- Aujourd’hui nous avons la chance de pouvoir partager avec d’autres les trésors de nos différentes religions. Il est vrai que la découverte de ces cultures ne se fait pas toujours sans heurts et que les sujets de conflits persistent. Mais tout ce qui promeut la compréhension mutuelle, qu’il s’agisse de cours d’alphabétisation ou de débats interreligieux, sème des graines pour l’avenir. C’est de cette rencontre dans l’inter spirituel que je désire parler ici.

Disons en premier lieu ceci : à la Maison de Tobie nous sommes à bonne école ! Les trois voies de méditation proposées – qui sont ses piliers – l’assise silencieuse, la présence au corps, l’écoute et l’accueil d’une Parole, les échanges en profondeur, fournissent les bases d’une participation fructueuse aux partages inter spirituels. Nous pouvons dès lors, en tout lieu, suivre le conseil de Thich Nhat Hanh :

« Quand vous lisez ou écoutez quelque chose de nouveau, ne faites pas trop d’efforts. Soyez comme la terre. Quand la pluie du Dharma arrive, laissez-la entrer en vous par votre corps, l’esprit et le cœur, et laissez-là pénétrer les graines de compréhension et d’éveil qui sont profondément enfouies en vous. »

Ainsi il apparaît que la vocation implicite de la Maison de Tobie est d’être un pont entre les différentes spiritualités. Ceci fut illustré concrètement par notre voyage récent chez les coptes orthodoxes d’Égypte, à la source de la Prière du cœur, ainsi que par la session Zen en Allemagne dans le zendo de Willigis Jäger. Le prochain voyage prévu à Bose en Italie, dans la communauté d’Enzo Bianchi, pour une semaine de Lectio divina ajoutera une autre expérience profonde de cette vocation. Parmi d’autres éléments qui illustrent celle-ci, les témoignages qui auront suivi, cette année, trois des Points d’orgue, nous invitent à entendre d’autres manières de vivre la spiritualité : soit dans le dialogue humaniste avec un compagnon de vie athée ; soit par un pèlerinage autour du mont Kailash avec des bouddhistes tibétains pour célébrer l’anniversaire de Bouddha, soit par une quête d’identité très intérieure qui mène, en Inde, à la rencontre de la déesse mère (d’autre part, pendant les célébrations eucharistiques sont évoqués les guides spirituels des grandes religions). Rappelons enfin l’activité du groupe livre qui, depuis vingt ans, se penche sur les textes des grands mystiques et maîtres spirituels des différentes traditions. William Shankland -38-

L

E GOÛT DE LA RENCONTRE INTER

-

RELIGIEUSE

Bulletin n° 85 de septembre 2010 Par Marie-Claire Martin

C

hacun, à sa manière, est un être en devenir. Depuis sa naissance, incarné à une époque, dans un pays, une culture, une famille, chacun se construit avec toutes ces données ; traversée de toute une vie jalonnée par des étapes : enfance, adolescence, âge adulte et vieillesse, où s’entrelacent le biologique, le psychologique, le social et le spirituel. Et parfois le métissage entre les cultures se réalise au gré d’événements propres à chaque histoire de vie : rencontres, voyages, lectures etc.

Ce tissage est une œuvre d’art sacré

, car il est façonné, dans la conscience pour certains, d’un

chemin initiatique personnel

. Des racines ancrées en chaque histoire de vie qui donnent sens à la réalité vécue et la transforment au fil des jours en vocation personnelle, en résonance avec l’évolution du monde. Ces racines se puisent dans une spiritualité héritée de sa famille, et/ou choisie par maturation et conviction personnelle. Être hindouiste, bouddhiste, juif, chrétien, musulman, bahaïste, agnostique… prend sens au regard de l’identité qui en découle et au bouleversement que cela instaure dans la manière de vivre. Aller vers son Essence à travers l’existentiel, n’est il pas alors ce qui nous crée

frère universel

au delà des fondements des textes sacrés propres à chaque religion, au delà de la manière de l’exprimer par des symboles, des rites, des fêtes ?

Comment se vit la rencontre inter spirituelle au quotidien

?

C’est avant tout dans l’écoute et l’échange interpersonnels, là où chacun partage ce qui est différent chez l’autre et ce qui le touche dans sa propre expérience -39- d’homme et de femme. C’est la plus belle signification de l’humanité :

l’ouverture à l’altérité

où « je » accueille l’autre « je ». Comment ne pas penser aux moines de Tibbhirine dans leur choix de vivre parmi leurs frères musulmans ? (le film primé au festival de Cannes 2010 est un témoignage de cette vie fraternelle qui se poursuit au delà de leur mort). Car la rencontre fraternelle inter spirituelle nous situe au niveau de ce qu’il y a de plus profond dans l’être humain : le mystère de la nature de l’Homme, et de

sa capacité à « épouser le divin » qui l’habite.

Cela rejoint d’autres expériences d’accompagnement où la rencontre partagée au cœur du silence revêt toute la beauté d’une juste présence l’un à l’autre, où les barrières des « ego » s’estompent pour laisser émerger le souffle de la Vie, cet

entre-nous, cet « inter-être »

dont parle Thich Nath Than (moine Bouddhiste vietnamien). pas La rencontre interspirituelle n’est elle

simple pulsation de Vie ?

comme l’exprime Christiane Singer (

Dernier Fragment d’un long voyage,

Éditions Albin Michel, 2007) :

« Il n’y a qu’une manière aujourd’hui de parler de spiritualité, c’est de l’allier à l’humour, à la légèreté, à la poésie, à une philosophie au pied vif. Ce qui est lourd n’a pas d’avenir….

»

Des expériences de rencontres interspirituelles

des Il y en a tant de par le monde, comme

germes d’un ensemencement d’une terre nouvelle

, d’un cœur nouveau. Comment ne pas penser par exemple à

Neve Shalom/Wahat-As-Salam : « Oasis de Paix » (

Nevé Shalom

en hébreu,

Wahat as Salam

en arabe) ? Ce village coopératif de Juifs et d’Arabes palestiniens (musulmans et chrétiens), tous citoyens d’Israël, a été fondé par le frère dominicain Bruno Hussar, d’origine juive. Ils militent encore aujourd’hui, au cœur du grave conflit israélo-palestinien, pour « un vivre ensemble » possible. Et aussi à toutes ces rencontres inter spirituelles avec des personnes de différentes sagesses, religions, traditions où chacun prie, pratique, ou partage un enseignement non dans le but de l’amener à penser comme lui, mais pour s’enrichir de ce qui fait la

mystique de l’autre,

qui nourrissent notre élan de pèlerin.

L’Interspiritualité du« pèlerin » humain : l’ expérience d’Henri Le Saux

Se savoir « pèlerin » sur cette terre nous conduit sur les routes humaines à la découverte des trésors spirituels des différentes traditions religieuses. Cela vise à faire tomber les préjugés, barrières de séparation par une ouverture à d’autres sagesses . Le Père Henri Le Saux (osb), Swami Abhishiktananda, (dont nous avons fêté le centenaire de sa naissance, le 30 Août ) , en a fait

l’expérience

en ouvrant une porte entre christianisme et hindouisme. Toute sa vie en Inde témoigne de cette incarnation du mystère chrétien dans une culture autre que la sienne. Il a vécu sa recherche d’intériorité dans une tension vers l’Absolu en intégrant cette quête du Soi des Hindous. Cette confrontation de ces deux mystiques a creusé au plus profond de lui même, une nouvelle orientation de vie spirituelle. Il a réalisé en son être tout entier le mystère de la mort et la résurrection du Christ en rejoignant la mystique hindou du passage du soi au SOI. Expérience

de l’éveil en La Présence

. «

Le sage est celui qui se réfugie au centre de soi, laissant en dehors son

-40-

intellect et son corps…où l’on se découvre comme absolu, c’est Dieu que l’on rencontre sous la forme de SOI , Dieu purifi

é… » 24 juillet 1952 H ENRI L E S AUX ,

Les yeux de lumière écrits spirituels ,

Les deux rives Toutes ces expériences éclairent notre réflexion menée en préparant ce bulletin : En effet s’ouvrir à d’autres horizons spirituels que celui de notre tradition chrétienne provoque : 

étonnement

par un temps de   déstabilisation

crise

par un temps de tension

enrichissement

par un temps d’enracinement dans un nouveau choix personnel. Ainsi, tôt ou tard un

nouveau rapport à une parole sacrée

s’impose en cohérence avec nos choix spirituels et humains. Et les activités pratiquées à la maison de Tobie éveillent bien ce

goût d’une quête inter -spirituelle

reposant sur ce trépied : Ouverture à son intériorité Ouverture à d’autres sagesses Ouverture à l’altérité.

Dans cette quête de chacun, la parole échangée devient vivifiante dans cet « entre nous » qui nous construit homme et femme d’aujourd’hui

Marie-Claire Martin

S

YNCRÉTISME ET DIALOGUE

Bulletin n° 73 de septembre 2007 Par le frère Benoît Billot

I

l m’arrive, dans mes rencontres d’Eglise, de croiser des personnes qui jettent sur le dialogue interreligieux un regard méfiant, parfois réprobateur. « Nous avons chez nous, tout ce qu’il faut, pourquoi chercher ailleurs ? » ou bien « Vous allez dénaturer l’essentiel de la foi chrétienne » etc. J’aimerai donc préciser, en quelques mots, ce que je vis dans les rencontres avec des représentants des autres religions, et aussi donner quelques éclaircissements, suite à un mot que je perçois parfois comme une pierre dans mon jardin : « syncrétisme ! »

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ertes, dans nos pays, beaucoup sont tentés par le syncrétisme. J’entends par là, la démarche des personnes n’ayant que peu d’enracinement dans une tradition religieuse. Pour reprendre une expression tr ès r ép an d u e, elles entrent au « supermarché des religions », se saisissent de produits dont l’étiquette et le produit leur conviennent, afin de composer leur repas spirituel. Il n’y aura pas, en général, d’engagement dans une voie religieuse particulière, mais la satisfaction des besoins du moment.

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out autre est le dialogu e interreligieux. J’aime bien la métaphore de l’arbre, utilisée d’ailleurs par Saint Paul dans la lettre aux Romains (11,16-24). Celui-ci présente le judaïsme comme le tronc d’olivier sur lequel ont été greffés des ra mea ux chr ét iens. R epr enons la comparaison, mais d’une façon un peu différente. L’arbre chrétien est ancien et solide, les branches et les fruits sont innombrables. L’homme de l’interreligieux a conscience de faire partie intégrante de cet arbre, il en vit et le fait vivre. Mais, ayant rencontré d’autres cultures et religions, il lui vient le désir de greffer sur cet arbre de nouveaux rameaux.

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yant ouvert la porte de sa vie à des -41- influences étrangères, il a, en effet, expérimenté toute la richesse qu’on pouvait en recevoir. Les maîtres juifs, par exemple, ont une science si profonde du premier Testament, et l’éventail de leurs interprétations est si varié qu’ils font voir avec d’autres yeux nos textes sacrés, et mieux comprendre la personne de Jésus Christ. La communauté musulmane a un sens si vif de la transcendance et de la providence divines que la confiance infinie et l’obéissance des musulmans religieux sont un défi et un rappel pour la foi chrétienne. Les religieux asiatiques ont développé des pédagogies si élaborées pour permettre au psychisme humain et à la dimension corporelle de s’ouvrir au Divin que de nombreux chrétiens y ont trouvé un réel renouvellement dans leur chemin de vie spirituelle.

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’est ainsi que se sont développés depuis toujours dans l’Eglise ceux qu’on pouvait appeler des « frontaliers ». Situés aux frontières, ils ont pour tâche de faire communiquer le grand corps ecclésial avec les autres univers religieux ou culturels. Pour ce qui nous occupe, ce sont des hommes de dialogue interreligieux. Ce mot de dialogue doit être pris dans un sens extensif, car il ne signifie pas seulement un partage d’idées ou d’expériences. Il s’agit largement de donner et de recevoir. Recevoir les dons spirituels que leur font les fidèles des autres religions. Et offrir à leur tour ce qu’ils ont de meilleur et de plus intime, en particulier la foi en Jésus Christ Sauveur. Il faut constamment maintenir l’équilibre entre le donner et le recevoir, condition d’un dialogue fonctionne bien. qui

Des rameaux vivants à greffer avec le souffle de l’Esprit Saint

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l ne s’agit donc pas seulement de recevoir quelques idées ou connaissances qui

vont enrichir notre savoir. Mais d’accueillir des rameaux vivants à greffer. Comme toute greffe, certaines prennent et d’autres pas. Il y a d o n c à p o u r s u i v r e u n t r a v a i l d’expérimentation et de réflexion. Expérimentation, car, par exemple, il faut longuement essayer certaines pratiques psycho -corporelles avant de se faire une idée juste de ce que cela modifie dans la foi. Réflexion, car il faut confronter deux mondes culturels et spirituels et discerner ce qui est assimilable en climat chrétien.

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ar, inévitablement, ces éléments reçus d’une autre tradition modifient le regard porté sur la personne du Christ, sur les dogmes, sur l’Eglise et ses pratiques spirituelles. Les questions posées sont donc nombreuses : vu son bagage spirituel et intellectuel, le « frontalier » peut-il supporter ce changement ? Peut-il traverser la crise qui s’en suit ? Peut-il trouver sur sa route des groupes d’Eglise ou des conseillers aptes à comprendre sa problématique et à l’accompagner dans sa démarche ? Ces changements altèrent-ils le cœur de la foi ? Quels sont les éléments de la foi qui font partie du cœur inaliénable, et ceux qui sont susceptibles d’une transformation normale ? etc...

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ussi bien les frontaliers qui sont toujours restés reliés au mystère du Christ, que ceux qui se sont expatriés pour un temps puis sont revenus vers leurs racines chrétiennes, ont besoin de trouver une famille spirituelle qui les accueille et qui soit une cellule d’Eglise. Car, sauf exception, personne ne pourra poursuivre isolément ce chemin de dialogue. Heureusement aussi, les grands penseurs ne manquent pas, leurs écrits et leurs disciples sont des appuis précieux. Louis Massignon, Christian de Chergé, Henri Le Saux, Bede Griffith, Thomas Merton, Hugo Lassalle, pour ne citer que les plus célèbres des expérimentateurs ont illuminé le dialogue. Leur vie, leurs espoirs, leurs échecs, leurs recherches et leurs découvertes sont une source constante d’inspiration.

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nfin, n’oublions jamais le travail discret et constant de l’Esprit Saint qui, par nature, œuvre en toute relation et toute rencontre pour les faire aboutir. Se tenir dans la prière et le questionnement devant Lui permet de développer le discernement intérieur. C’est à cette condition que le

frontalier spirituel

verra se réaliser de façon juste la prise ou le rejet des greffes. Frère. Benoît Billot

M

on cœur est devenu capable D’accueillir toute forme. Il est pâturage pour les gazelles Et abbaye pour les moines ! Il est temple pour idoles Et la Kaaba pour qui en fait le tour, Il est Tables de la Torah Et aussi les Feuillets du Coran ! Je crois en la Religion de l’Amour Où que se dirigent ses caravanes Car l’Amour est ma Religion et ma Foi. RUMI Mystique persan du XIII° siècle -42-

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ENCONTRE AVEC UN MYSTIQUE JUIF

Bulletin n°85 de septembre 2010 Par Yves Lebeaux Nous pouvons remercier le groupe de la Maison de Tobie qui a travaillé une année sur le livre de Patrick Lévy : « Le kabbaliste ». Il nous aura permis de rencontrer à notre tour celui que l’auteur appelle « Rabbi Isaac ». Difficile de trouver meilleur initiateur pour entrer en contact avec une tradition spirituelle qui le plus souvent ne nous est pas familière et qui se révèle comme une voie spirituelle particulièrement éclairante pour les chercheurs de vérité d’aujourd’hui . L’étonnant, avec Rabbi Isaac, c’est que la recherche de Dieu et la mystique ne s’appuient sur aucune croyance préalable et n’impliquent l’adhésion à aucune tradition religieuse particulière. Le point de départ, c’est toujours la question que vient poser un homme à un moment donné et qui conduit nécessairement à ce qui est pour lui une question existentielle fondamentale. Il est d’abord dit à cet homme, comme à Abraham : «

va vers toi, pour toi

» va vers le désir qui sous-tend et anime toute ton existence, vers ce lieu originel qu’est « l’Âme de ton âme », ce désir d’être qui t’entraîne depuis toujours dans le grand mouvement d’aller et de retour qu’est ton existence d’homme. Va vers le monde en naissant, en t’individualisant, en te distinguant de l’Être, et fais retour vers l’Un en réalisant que rien n’existe en dehors de lui, que ton désir en procède et t’unit à lui . C’est donc, en se posant des questions, que l’homme s’engage dans ce qui est pour Rabbi Isaac, la voie spirituelle privilégiée : l’étude. En étudiant, il s’agit moins de trouver des réponses que d’approfondir les questions elles-mêmes, d’en découvrir les implications et les dimensions. Il ne s’agit pas non plus pour la pensée de se livrer à une réflexion et à une méditation solitaires, mais d’entrer dans le jeu d’un dialogue et d’une confrontation avec ce qui est dit dans la Torah, dans le Talmud et dans la Kabbale. Comme le texte hébreu de la Torah auquel on se réfère est un texte qui ne comporte que des consonnes, sans voyelles ni signes de ponctuation, il peut être lu et compris de multiples façons.

« Le livre qui est supposé transmettre la parole de Dieu ne contient donc pas la vérité, mais seulement un matériau de travail et d’interprétation »(

p.22).

«Ce qui importe, ce n’est pas ce qui est écrit, c’est ce que cela peut nous faire dire et, pour le dire, ce que cela nous permet de questionner. Plus le texte suscite de questions, plus il est précieux, car il nous donne la possibilité de nous faire frôler l’infini du sens »(

p.28). Tel est en effet le paradoxe de cette voie spirituelle inséparable de l’engagement dans l’étude. La multiplication des questions les plus i mpr évu es, l’ éla b or a t ion des interprétations les plus sophistiquées, des spéculations savantes sur les lettres et les mots, le jeu des citations et de leur mise en relation – tout cela n’a d’autre but que de faire atteindre le point où le questionneur, le questionné et la question ne font qu’un, d’aider à entrer dans cet amour de l’Infini qui donne à l’homme de s’illimiter, qui le rend aussi insaisissable pour lui-même que l’Un dont il a la nostalgie, que le Dieu dont il est l’ima ge et la ressemblance.

« Si dans notre tentative d’entrer en rapport avec YHVH, qui transcende tout, nous le pensons extérieur à soi et au monde, nous restons dans la dualité moi/Dieu . Et nous ne rencontrons jamais notre nature profonde, YHVH-Un »(

p.167). Le nom du Dieu de la mystique juive ne peut que rester ineffable, imprononçable, puisqu’il est en lui-même indéterminé, qu’il nous introduit dans un en-deçà ou un au-delà de tout attribut, de toute croyance ou idée . « Je serai qui je serai ». Yves Lebeaux -43-

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Bulletin n° 85 de septembre 2010 Par Marie Simon

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ierno Bokar, appelé aussi le Sage de Bandiagara est un cheikh de la confrérie soufi Tidjaniya* qui vécut de 1875 à 1940, au Mali actuel. C’est le grand écrivain africain, Amadou Hampaté Bâ qui nous l’a fait connaître. Il fût l’un de ses principaux disciples. Théodore Monod l’a rencontré au Mali et l’a nommé : le Saint François d’Assise africain. Tierno vécut dans une famille éclairée et religieuse (son grand-père était un grand maître spirituel), dans une « cellule d’amour et de charité ». Il arrive à Bandiagara à l’âge de 18 ans, ayant déjà une vie mystique. Il y vivra les 47 dernières années de sa vie. Tout en apprenant et en pratiquant le métier de brodeur, il étudie pendant 8 ans auprès de son maître spirituel : Amadou Tafsirou Ba, un grand mystique de l’ordre Tidjani. Devenu maître lui-même, il crée une

zaouïa

pour les enfants qui comprendra jusqu’à 200 élèves. Cela se passe dans une concession modeste aux murs d’argile, brûlée de soleil ou maître et disciples sont assis par terre dans la cour. La vie de la zaouïa est rythmée par la prière, la méditation et l’enseignement du maître. Levé à 3 heures du matin, il médite longuement avant de se rendre à la mosquée et de revenir dispenser son enseignement à ses élèves.

« Sa personne rayonnait de paix et de joie. Il était relié à Dieu et à lui-même »

dit Amadou Hampaté Bâ. Le mot Amour est son grand mot. Une querelle théologique à propos du nombre de fois où l’on doit réciter l’oraison « Perle de la perfection » reçue par Si Ahmed Tidjani : (11 fois ou 12 fois ) déclenche une -44- tempête de haine et de violence dont Tierno Bokar sera la victime. Cette querelle doublée de lutte de pouvoirs entre familles opposées remontera jusqu’aux autorités coloniales en 1938. Celles-ci, mal informées et ayant peur des troubles obligeront Tierno Bokar à fermer sa zaouïa. Il ne quittera plus sa concession et vivra dans la pauvreté et la tristesse jusqu’en 1940 où il décède le 19 février. Tierno Bokar vivait en Afrique, le pays où la parole est sacrée. Amadou Hampaté Bâ qui le connût dès son plus jeune âge, vécut auprès de lui jusqu’à l’âge de 7 ans. Il y retournait à toutes les vacances scolaires et revint auprès de lui, une année entière, en 1933. Il prend alors des notes de ses enseignements aussi bien exotériques qu’ésotériques. C’est lui qui a permis la transmission de sa pensée. Il nous parle de son amour absolu et sans réserves pour Dieu et de son amour des hommes et de toutes les créatures. Son livre est plein d’anecdotes qui mettent en valeur ses qualités. Il enseigne la tolérance car

« chaque homme renferme une parcelle de l’Esprit de Dieu »

D’après Tierno, la Religion est Une dans son essence

. « Le principe même de la religion est une étincelle pure, purificatrice et invariable dans le temps comme dans l’espace, étincelle que Dieu insuffle dans l’esprit de l’homme en même temps qu’il le dote de la parole ».

Quelques paroles à méditer :

« Dieu est l’embarras des intelligences humaines parce que tout ce que tu conçois dans ta pensée et matérialise par ta parole comme étant Dieu, cesse

par là-même d’être Dieu, pour n’être plus que ta propre manière de le concevoir. définition. » Il échappe à toute

« Il y a trois vérités : ta vérité, ma vérité et La Vérité »

« La foi est l’essence de la religion, laquelle est comparable à une atmosphère entourant un univers peuplé de trois catégories d’hommes : une masse crédule ; des prédicateurs aveuglés par des luttes de clocher ; enfin, des initiés qui ont trouvé Dieu et l’adorent en vérité et en silence ». « La lumière de Dieu. Qui oserait la décrire ? C’est une obscurité plus brillante que toutes les lumières conjuguées. C’est la lumière de la Vérité. Ceux qui ont le bonheur d’y parvenir perdent leur identité, deviennent ce que devient une goutte d’eau tombée dans le Niger, ou plutôt dans une mer infiniment plus vaste en étendue et en profondeur ». « L’arc-en-ciel doit sa beauté aux tons variés de ses couleurs. De même, nous considérons les voix des divers croyants qui s’élèvent de tous les points de la terre comme une symphonie de louanges à l’adresse de Dieu qui ne peut être qu’Unique. »

Seigneur, Comment pourrais-tu exister, toi qui es existence ? Comment pourrais-tu être bon, toi qui es bonté ? Comment pourrais-tu être grand toi qui es immensité ? Comment pourrais-tu connaître toi qui es connaissance ? Seigneur, Ceux qui te cherchent ne savent où te trouver Ceux qui te trouvent ne savent quand ils t’ont cherché Car tu es le chemin sur lequel ils t’ont recherché Et tu seras toujours le regard qui pense t’avoir retrouvé Paroles à méditer en ces temps où l’intolérance semble reprendre du terrain. Paroles qui font écho en nous et nous rappellent les mystiques chrétiens de différentes époques. Marie SIMON *confrérie qui porte le nom du cheikh Ahmed Tidjani (1150-1230) qui reçut la transmission depuis le prophète Mohamed d’un enseignement ésotérique. Cette confrérie est très influente sur la rive droite du Niger. Bibliographie : HAMPATE BA (Amadou),

Vie et enseignement de Tierno Bokar, le Sage de Bandiagara

, Le Seuil Points Sagesse Texte d’Ibrahims Koné Poète soufi ivoirien contemporain -45-

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ES NOUVELLES DE LA MAISON DE

T

OBIE

ATTENTION : F

ÊTE EN VUE

. La Maison de Tobie va bientôt fêter ses 25 ans !

Ce sera l’occasion d’inaugurer officiellement la « maisonnette » que l’on appellera désormais :

ISBA,

offerte au frère Benoît pour son anniversaire Quinqua-Octo. Cette fête aura lieu lors du

Point d’orgue de septembre 2014

. Elle aura lieu le

samedi 20 septembre au prieuré d’Etiolles de 14 à 21 heures.

Notez déjà les dates ! Attention ce n’est pas un dimanche comme d’habitude mais un

samedi.

Le programme, en cours d'élaboration, comportera en particulier un spectacle créé et présenté par Jean-Pierre Lanté :

"Les métamorphoses de Koyuki".

C'est une pièce de théâtre s'inspirant du

Kabuki

japonais (Ka: musique - Bu: danse - Ki: jeu de scène) dont Jean-Pierre Lanté a appris la danse et le mime auprès du maître Kurumegawa depuis une trentaine d'années. Pour cette discipline artistique, il est le seul en France et un des rares en Europe.

VENEZ NOMBREUX ! ! ! *****************************************************************************************

A

PPEL AUX CANDIDATURES AU

C

ONSEIL D

'A

DMINISTRATION

2015-2017

A cause de l'anniversaire de 25 ans, l'assemblée générale annuelle de notre association, qui a lieu habituellement au Point d'orgue de septembre, est reportée à celui du

30 novembre 2014

. Lors de cette assemblée, nous aurons à voter les mises à jour de nos statuts et le renouvellement des membres du Conseil d'administration. Nous invitons nos adhérents à

faire acte de candidature au CA

(il suffit d’un courriel à avant le mois de novembre 2014). Nous comptons sur votre nombreuse participation et invitons les candidats potentiels à se renseigner auprès des membres actuels du CA.

Le Bureau

. *********************************************************************************

A

UTRES DATES À RETENIR POUR LE PREMIER TRIMESTRE

2014-2015 :

Celle de la

session du veilleur

: elle aura lieu à Epernon

du jeudi 16 octobre 2014 à 18 h au dimanche 19 octobre à 17h

Celle du

week-end de rencontre et de méditation avec un groupe de bouddhistes du Vajrayana

. Il aura lieu aussi à Epernon

du vendredi 21 novembre à 18h au dimanche 23 à 17h

-46-

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ENCONTRE INTERRELIGIEUSE LES

28

ET

29

JUIN

2014

Au centre védantique Ramakrishna : 6 Boulevard Victor Hugo 77220 Gretz Contact@centre-védantique.fr www.centre-védantique.fr 01 64 07 03 11

Thème de la rencontre : D IALOGUE INTERRELIGIEUX : LA PRATIQUE

Avec de nombreux intervenants de différentes religions dont le frère Benoît Billot. Entrée libre. Réservation pour les repas : 12€50

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ABLE DES

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ATIÈRES DU NUMÉRO

100

E DITORIAL C HAPITRE I : A RTICLES DE FOND Nouveaux repères pour la vie spirituelle

: Numéro 58 décembre 2003

Dieu face à face ou Dieu intérieur

: Numéro 66 décembre 2005

Les étapes de la vie spirituelle :

Numéro 67 mars 2006

C HAPITRE II : L ES 3 VOIES Similitudes et différences de l’assise

: Numéro 54 septembre 2005

Approfondir le travail intérieur

: Numéro 69 septembre 2006

La prière du cœur

: Numéro 14 décembre 1992

Et hop en lotus

: Numéro 56 juin 2003

C HAPITRE III : T RANSMISSION Rattachement des 3 voies

: Numéro 89 septembre 2011

Entre fidélité et transmission

: Numéro 90 décembre 2011

Célébration de la transmission

: Numéro 91 mars 2012

C HAPITRE IV : V OYAGES Egypte , une relecture de notre histoire

: Numéro 64 juin 2005

Allemagne , un avant et un après Holzkirchen

: Numéro 69 septembre 2006

Italie , retour de Bose

: Numéro 72 juin 2007

Vietnam, relation à la terre, à l’histoire, au peuple

: Numéro 79 mars 2009

Hollande, des traces d’Etty Hillesum

: Numéro 89 septembre 2011

C HAPITRE V : INTERRELIGIEUX En marche vers l’interspirituel

: Numéro 71 mars 2007

Le goût de la rencontre interspirituelle

: Numéro 85 septembre 2010

Syncrétisme et religions

: Numéro 73 septembre 2007

Rencontre avec un mystique juif

: Numéro 85 septembre 2010

Connaissez-vous Tierno Bokar ?

: numéro 85 septembre 2010 page 1 page 3 page 10 page 11 page 13 page 15 page 16 page 18 page 23 page 24 page 26 page 29 page 31 page 32 page 33 page 35 page 37 page 39 page 41 page 43 page 44 -47-

a c t i v i t é s h e b d o m a d a i r e s

SAUF PENDANT LES VACANCES SCOLAIRES

LUNDI JEUDI 19 h MARDI 17 h MERCREDI 19 h 10 h CHOISY Prière du cœur THIAIS Tai-chi-chuan CHOISY Tai-chi-chuan

Anne Desmottes Jean-Gabriel Boulanger Michel Foucher

CHOISY

Exerc.énergétiques

Jean-Gabriel Boulanger

20 h30 CHOISY Zazen VENDREDI 14 h THIAIS Zazen

Dominique Salmon Jean-Gabriel Boulanger

19 h THIAIS Tai-chi-chuan

Jean-Gabriel Boulanger

TOUTES CES RÉUNIONS DURENT 1 h 30, SAUF LE JEUDI MATIN :1 HEURE

Adresses CHOISY-LE-ROI (94600)

8, avenue Léon Gourdault (près du carrefour Rouget De Lisle). La salle de réunion et de méditation est dite “salle du Colimaçon”. Certaines activités ont également lieu à “La Maison” 10 rue Rouget de Lisle(Choisy le Roi)

THIAIS (94320)

Salle du Panorama, allée du Panorama, rue Maurepas (face au 27 rue Maurepas).

ETIOLLES (91450)

Fr. Benoît Billot, 1 Allée St-Benoît (Tel. 01 69 89 84 88).

LA MAISON DE TOBIE

Président de l’Association et Directeur de la publication

: Han Vu Thien , 4 rue Ernest Hemingway 94320 Thiais 01 48 90 47 91

Vice-président

: Jean-Gabriel BOULANGER.

Animation

: Frère Benoît BILLOT.osb.

Trésorière

: Marie SIMON. 01 69 41 05 24

Secrétariat administratif

: Odile LECHEVALIER, 3 rue du Lunain, 94230 Cachan. Tél. 01 45 46 57 19 (répondeur). Adresse mail : secré[email protected]

Coordination des stages et sessions

: Anne DESMOTTES, 8 avenue Gambetta, 94600 Choisy-le-Roi. Tél. 01 48 53 50 81 (répondeur).

Bulletin

: Marie SIMON aidée d’une équipe. [email protected]

Site internet

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www.LaMaisondeTobie.com

Cotisations

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membre actif

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Sympathisant

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: 100 € L’abonnement au Bulletin de l’association est compris dans le prix. Abonnement seul : 12 € Libeller les chèques à l’ordre de LA MAISON DE TOBIE chez M.Simon 2 impasse du versoir 91430 IGNY ISNN 1627-3281 Périodique 01/00023 reproduit par nos soins -48-