que devient la prise en charge des schwannomes

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© Masson, Paris, 2004
Neurochirurgie, 2004, 50, n° 2-3 156-158
Introduction
QUE DEVIENT LA PRISE EN CHARGE
DES SCHWANNOMES VESTIBULAIRES
À L’ÈRE DE LA RADIOCHIRURGIE MODERNE ?
J. RÉGIS
Depuis le 14 juillet 1992, les neurochirurgiens
et chirurgiens ORL Français ont accès à la radiochirurgie Gamma Knife. En 1992, les premières
publications de l’équipe de Stockholm et Pittsburgh rapportaient déjà l’expérience de quelques
centaines de patients traités par radiochirurgie
Gamma Knife depuis 1968 au Karolinska [1-5] et
depuis 1987 au Presbytarian Hospital [6-10]. Ces
résultats pionniers, intéressants par le très bon
ratio efficacité-tolérance rapporté, souffraient de
l’hétérogénéité des populations (changements
techniques…) du caractère rétrospectif des études,
et étaient l’objet de vives critiques « a priori » de
certaines équipes expertes dans l’exérèse chirurgicale des schwannomes vestibulaires. Les critiques
principales portaient sur le concept de contrôle tumoral, c’est-à-dire la persistance pendant des années d’une image radiologique résiduelle (« ça ne
marche pas, vous garderez la tumeur dans la
tête »), par amalgame avec la radiothérapie, sur le
risque de l’induction de remaniements locaux (« je
refuserai de vous opérer quand vous reviendrez »)
et sur le risque de cancérogenèse (« et ça va vous
donner un cancer ») [11].
William Pellet et Maurice Cannoni formaient
alors non seulement déjà une des équipes otoneurochirurgicales mixtes les plus reconnues du pays
[12], mais de plus accueillirent sans dogmatisme
l’arrivée à Marseille de ce nouvel outil thérapeutique neurochirurgical. En fait, dès l’annonce par
M. Robert Sedan de l’arrivée du Gamma Knife à
Marseille, les interrogations quant au rôle de cette
approche avaient conduit les Professeurs Pellet et
Cannoni à préparer cette réflexion par un premier
temps de « remise en question » de leurs résultats.
Le retentissement fonctionnel de l’exérèse microchirurgicale pour les plus petites tumeurs justifiaitil la recherche d’une alternative soi-disant de moindre invasivité ? Cette évaluation par questionnaire
allait démontrer que les patients, même considérés
comme ayant de bons résultats objectifs, souffraient avec une certaine fréquence de signes fonctionnels, certes souvent discrets, mais jugés par
eux-mêmes comme handicapants. Ce constat relativement sombre ne fit qu’aiguiser plus encore leur
détermination à évaluer sérieusement la radiochirurgie.
Unis par la volonté d’évaluer objectivement les
potentialités de la radiochirurgie Gamma Knife
dans le traitement des schwannomes cochléovestibulaires, les équipes otoneurochirugicale et radiochirurgicale ont, depuis 1992, travaillé en étroite
collaboration, sans rupture notable. Un premier
groupe d’une centaine de patients porteurs d’un
schwannome unilatéral sans antécédent d’exérèse
microchirurgicale furent interrogés à 3 ans de la radiochirurgie. La comparaison du retentissement
fonctionnel après la radiochirurgie versus l’exérèse
microchirurgicale démontra alors une épargne
fonctionnelle de bien meilleure qualité chez les
patients traités par chirurgie Gamma Knife [13].
D’abord prudemment, pendant les premières années, puis plus inconditionnellement devant l’évidence de l’exceptionnelle innocuité, les années
suivantes, les neurochirurgiens français ont progressivement intégré la radiochirurgie Gamma
Knife dans leur arsenal thérapeutique pour les petits schwannomes vestibulaires (figure 1). Les ORL
« médicaux », soucieux du devenir fonctionnel de
leurs patients, mais enrôlés temporairement par
leurs « maîtres » opérateurs de neurinomes dans la
bataille contre la radiochirurgie eurent bientôt,
avec des patients « frondeurs » ayant fait contre
vents et marées le choix de la radiochirurgie, l’occasion de constater que finalement les échecs
étaient rares, les patients sans paralysie faciale
ayant souvent conservé la fonctionnalité auditive
et, somme toute, assez heureux d’avoir opté pour la
Tirés à part : J. RÉGIS, Service de Neurochirurgie Fonctionnelle et Stéréotaxique, Hôpital d’Adulte de La Timone, 264, boulevard
Saint-Pierre, 13385 Marseille Cedex 5.
Vol. 50, n° 2-3, 2004
INTRODUCTION
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FIG. 1. — Statistique de la radiochirurgie des schwannomes vestibulaires à Marseille, en fonction du temps depuis 1992 et statistique microchirurgicale pendant la même période et durant les 10 années précédentes.
FIG. 1. — Otoneurosurgical activity in Marseille separating the microsurgical and radiosurgical parts of this activity.
radiochirurgie lorsqu’ils entraient en contact, par
hasard, dans la salle d’attente, avec des patients
opérés « traditionnellement ».
De façon tout à fait légitime, les schwannomes
vestibulaires allaient représenter bientôt 25 % du
total de l’activité de la radiochirurgie. Depuis
1999, nous opérons à Marseille par radiochirurgie
Gamma Knife plus de 150 patients par an, c’està-dire près de la moitié du total des schwannomes
vestibulaires de petite taille (compatibles avec la
radiochirurgie) opérés annuellement en France.
Soulignons que, à quelques rares exceptions près,
la vaste majorité des neurochirurgiens et chirurgiens ORL ont modifié leur pratique, cessant
d’opérer les neurinomes de petite taille au mépris
de leurs intérêts personnels, et ont pris l’habitude
de systématiquement les adresser à Marseille.
Plus encore, la plupart de ces correspondants,
conscients des efforts de l’équipe marseillaise
pour évaluer strictement les résultats, ont toujours
spontanément relayé les informations de suivie,
voire effectué un travail spécifique de recueil de
données lors de nos sollicitations. Maintenant
qu’un recul de plus de 2 ans est disponible pour
plus de 1 000 schwannomes vestibulaires, nous
considérons comme un devoir vis-à-vis de la communauté « otoneurochirurgicale » française, l’édition d’un rapport dans une revue francophone. En
effet, si cette série est la plus large série et celle
bénéficiant de la meilleure qualité de suivie, c’est
parce que dans ce pays l’intérêt des patients a prévalu dans l’esprit de la majorité des opérateurs et
correspondants médicaux.
Cette évaluation fiable des résultats, nous
considérons aussi la devoir au patients euxmêmes.
Depuis le 14 juillet 1992, nous menons une saisie prospective des informations pré-opératoires et
post-opératoire dans l’espoir de répondre à quelques questions :
— quelle est l’efficacité à long terme de la radiochirurgie ?
— quels sont les risques d’atteinte clinique de
la fonction motrice faciale, vestibulaire, lacrymale,
gustative et auditive ?
— quels sont les critères de l’échec et du diagnostic de guérison ?
— quelles sont les stratégies techniques ayant
une influence sur le résultat en terme d’efficacité
et de retentissement fonctionnel ?
— peut-on atteindre un niveau élevé de prédictivité du résultat en pré-opératoire ?
— quelle influence a une radiochirurgie préalable sur une éventuelle exérèse ultérieure en cas
d’échec (difficulté chirurgicale, devenir fonctionnel) ?
— quelles sont les particularités des schwannomes traités dans un contexte de neurofibromatose de type II ?
Le but de ce rapport n’est donc pas l’apologie
de la radiochirurgie par un groupe de spécialistes
de la radiochirurgie, mais bien la recherche d’une
analyse systématique des résultats des différentes
approches chirurgicales incluant la radiochirurgie
par une équipe multidisciplinaire. Notre souci
permanent, au fur et à mesure de la rédaction de
ce rapport, a été d’effectuer une synthèse de notre
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J. RÉGIS
Neurochirurgie
expérience personnelle, des données historiques
et des données les plus récentes de la littérature.
Le but essentiel est de mieux définir les critères permettant de parvenir au choix de l’approche
la plus pertinente pour un patient singulier.
RÉFÉRENCES
[1] LEKSELL L. A note on the treatment of acoustic tumors.
Acta Chir Scand 1969 ; 137 : 763-765.
[2] NORÉN G, ARNDT J, HINDMARSH T, HIRSCH A. Stereotactic radiosurgical treatment of acoustic neurinomas.
In : Lunsford LD, ed. Modern stereotactic Neurosurgery. Boston : Martinus Nijhoff, 1988 : 481-489.
[3] NORÉN G, ARNDT J, HINDMARSH T. Stereotactic radiosurgery in cases of acoustic neurinoma: further experience. Neurosurgery 1983 ; 13 : 12-22.
[4] NORÉN G, GREITZ D, HIRSCH A, LAX I. Gamma knife
radiosurgery in acoustic neuromas. Presented at the
International Stereotactic Radiosurgery Symposium,
Pittsburgh, June 19-21, 1991.
[5] NORÉN G, HIRSCH A. Audiological evaluation after
gamma knife radiosurgery in acoustic neuromas. Presented at the International Stereotactic Radiosurgery
Symposium, Pittsburgh, June 19-21, 1991.
[6] LUNSFORD LD, GOODMAN ML. Stereotactic radiosurgery for acoustic neuromas. Surgical Forum 1988 ; 39 :
505-507.
[7] LINSKEY ME, LUNSFORD LD, FLICKINGER JC. Radiosurgery for acoustic neurinomas : early experience. Neurosurgery 1990 ; 26 : 736-745.
[8] LUNSFORD LD, KAMERER DB, FLICKINGER JC. Stereotactic radiosurgery for acoustic neuromas. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1990 ; 116 : 907-909.
[9] FLICKINGER JC, LUNSFORD LD, COFFEY RJ, LINSKEY ME, BISSONETTE DJ, MAITZ AH, KONDZIOLKA D.
Radiosurgery of acoustic neurinomas. Cancer 1991 ;
67 : 345-353.
[10] LINSKEY ME, LUNSFORD LD. Surgery for acoustic neurinomas. J Neurosurg 1991 ; 75 : 497.
[11] PELLET W, RÉGIS J, ROCHE PH, DELSANTI C. Relative
indications for radiosurgery and microsurgery for acoustic schwannoma. Adv Tech Stand Neurosurg 2003 ; 28 :
227-284.
[12] PELLET W, CANNONI M, PECH A. Oto-neuro-surgery.
Berlin, Heidelberg: Springer, 1993.
[13] RÉGIS J, PELLET W, DELSANTI C, DUFOUR H, ROCHE
PH, THOMASSIN JM, ZANARET M, PERAGUT JC. Functional outcome after gamma knife surgery or microsurgery for vestibular schwannomas. J Neurosurg 2002 ;
97 : 1091-1100.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier ici tous les confrères Neurochirurgiens, ORL ou autres spécialistes et généralistes qui ont bien voulu construire avec nous une relation de collaboration pour la prise en charge thérapeutique et le suivi des patients:
CHU d’Amiens, CHU d’Angers, Cabinet ORL à Besançon, CHU de Besançon, Clinique Causse à
Béziers, CHU de Bordeaux, Hôpital de Bagatelle à Bordeaux, CHU de Brest, ULB de Bruxelles, CHU de
Caen, Hôpitaux Civils de Charleroi, CHU de Clermont-Ferrand, Hôpitaux Civils de Colmar, CHU de
Dijon, CHU de Grenoble, CH du Mans, Hôpitaux de Liège, CHU de Lille, CHU de Limoges, Cabinet ORL
à Lorient, CHU de Lyon, Clinique Clairval à Marseille, CHU de Marseille, CHU de Montpellier, Clinique
Rech à Montpellier, CHU de Nantes, CHU de Nice, CHU de Paris/Beaujon, CHU de Paris/Bicêtre, CHU
de Paris/Foch, CHU de Paris-Créteil/Henri-Mondor, CHU de Paris/La Salpêtrière, CHU de Paris/Lariboisière,
Fondation Rotschild à Paris, Hôpital Américain à Paris, CH de Perpignan, CHU de Poitiers, CHU de
Reims, CHU de Rennes, CHU de Rouen, Cabinet ORL à Saint-Malo, CH de Saint-Denis, CHU de
Toulouse, Clinique de L’Union à Toulouse, Clinique des Cèdres à Toulouse, CHU de Tours, Clinique du
Tonkin à Villeurbanne.