Comment mieux gérer les élèves difficiles ?

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Transcript Comment mieux gérer les élèves difficiles ?

Le Soir Mercredi 15 octobre 2014
22 FORUM
sur lesoir.be
Entretiens, débats en ligne : l’actualité
vit sur le site du « Soir ». En voici
des moments forts. Et si vous avez
le temps, allez sur lesoir.be/debats
« Jan Jambon a tendu lui-même
le bâton pour se faire battre »
Pourquoi parler de la collaboration est-il
difficile ? On en parle avec William Bourton.
La phrase de Jan Jambon sur la collaboration a fait beaucoup de bruit. Est-ce une première
en ce qui le concerne ?
Sa mise au point faite lundi via un communiqué puis en soirée
sur RTL-TVI a été très claire, mais le problème est survenu
lundi matin lors de la parution d’une interview qu’il a donnée à
La Libre, disant que les collaborateurs avaient leurs raisons.
Quelles étaient-elles ? Que la Flandre devienne une véritable
nation en s’appuyant sur l’occupant nazi ? Ou des raisons plus
personnelles comme la peur, le pragmatisme, etc. ? Il n’en disait rien. Le problème est que dans son passé politique, on recense plusieurs épisodes douteux, notamment celui de sa participation en 2001 à une réunion du Sint-Maartensfonds, qui
rassemble des anciens du Front de l’Est.
A posteriori n’est-il pas aisé de juger des contextes
de guerre ?
Quand on est confronté à une épreuve aussi terrifiante que l’a
été le joug nazi, il est difficile de savoir comment on se serait
comporté. Des gens peureux se sont révélés être des héros
tandis que d’autres qui passaient pour des matamores se sont
conduits comme de véritables salauds. Il est facile de réécrire
l’histoire. Si c’est cela que Jambon a voulu dire, on peut l’entendre. S’il a voulu dire que les collabos avaient de bonnes raisons de collaborer, c’est évidemment plus contestable.
Y a-t-il eu une récupération politique de cette phrase ?
Bien entendu, l’opposition a sauté sur l’occasion à pieds joints,
il y a aussi une certaine tactique politique politicienne, mais
Jambon a donné lui-même le bâton pour se faire battre. Il devait mieux s’exprimer ou demander à relire ses propos. L’opposition a certes peut-être surdimensionné l’incident, mais elle
est dans son rôle.
aujourd'hui
Le gouvernement Michel
va-t-il tenir ?
Ambiance électrique, hier mardi à la Chambre des représentants, où le Premier ministre
Charles Michel a exposé les
grandes lignes de l’accord de
gouvernement. On en parle
avec Bernard Demonty.
L’enseignement en question(s)
Comment
mieux
gérer
les élèves
difficiles ?
C’est le sujet d’une conférence
donnée ce mercredi au Salon
de l’éducation. Avec
une approche très concrète.
V
ous êtes enseignant, accueillant, éducateur ou conducteur de transport scolaire ? Pas
facile de réagir correctement quand un
« gamin de cinq ans vous envoie sur
les roses ». La formule est de Paul
Leurquin, l’orateur de la conférence
qui sera donnée ce mercredi au Salon
de l’éducation (1), sur le thème :
« Gérer les comportements difficiles
chez les enfants ».
Un chahut ou une bagarre en classe : des situations au cours desquelles un enseignant peut se retrouver démuni. © DOMINIQUE DUCHESNES.
La demande est là : depuis la sortie,
en mai 2013, de son livre (intitulé
comme la conférence et coécrit avec
un auteur québécois), Paul Leurquin,
fort d’une expérience de vingt ans
dans l’enseignement spécialisé, n’arrête
pas, entre conférences et formations.
Son postulat ? Il faut parvenir à
prendre du recul pour apprendre à
« poser un nouveau regard » sur les
enfants à comportement difficile. En
effet, sur le terrain, les enseignants,
même avec une formation pédagogique béton, peuvent se retrouver très
démunis – et risquent de mal réagir –
face à un enfant agressif, irrespectueux, têtu, non participant ou manquant d’hygiène…
Toutes ces catégories sont abordées
une par une dans l’ouvrage, de manière très concrète, avec mention des
attitudes à éviter et à adopter, mais
aussi des raisons qui poussent l’enfant
à adopter tel ou tel comportement.
Pour Paul Leurquin, il faut intervenir
– et non réagir à chaud – en ayant en
tête trois besoins fondamentaux de
l’enfant (lire ci-dessous) : l’estime de
soi, le sentiment d’appartenance et le
besoin de sécurité.
Aux yeux de l’auteur, les futurs enseignants devraient apprendre à réagir
face aux élèves à comportement diffi-
cile dans le cadre de leur formation
initiale. En attendant, ce directeur
d’une école d’enseignement spécialisé
croule littéralement sous les demandes. Son ouvrage sera bientôt publié en France et au Québec. ■
A.-C.B.
(1) Salon de l’Education, du 15 au 19 octobre
à Charleroi Expo. Le programme complet est
disponible sur http://www.saloneducation.be/
l’expert « Cela devrait faire partie de la formation de tout enseignant »
ENTRETIEN
aul Leurquin est un passionné. Quand il est lancé, il
ne s’arrête pas de parler tant il
aime son métier. Directeur de
l’école d’enseignement spécialisé
d’Omezée, il est le coauteur, avec
Stéphane Vincelette, du livre Gérer les comportements difficiles
chez les enfants.
P
Quel est le synopsis
de votre conférence
au Salon de l’éducation ?
Je veux amener les intervenants
à changer de regard sur les enfants à comportement difficile.
J’ai la chance de travailler dans
l’enseignement spécialisé avec
des enfants suivis par des psychologues et des thérapeutes. Sur
le long terme, j’ai appris que les
élèves traduisent leurs angoisses
sous forme de comportements
difficiles. Tout est là : lorsqu’on
met des mots sur une situation,
on prend du recul et on est amené à intervenir plutôt qu’à réagir.
Quelle est la nuance ?
Si l’enseignant se sent attaqué
comme personne, il sera pris
dans les affects et sera dans la
réaction (« tu m’énerves, tu n’es
vraiment bon à rien »). Cela
peut l’amener à avoir des comportements déplacés et regrettables, engendrant stress et
culpabilité. A l’inverse, s’il y a
un effort de compréhension,
l’enseignant sera dans l’intervention plutôt que la réaction
(« je ne suis pas d’accord avec
ton comportement »).
Vous mettez la pyramide
de Maslow au centre de votre
réflexion. Expliquez-nous.
Il s’agit de la pyramide des besoins. Il est essentiel que le professeur, pour bien gérer un enfant difficile, ait conscience de
l’importance de trois piliers : le
besoin de sécurité, le sentiment
d’appartenance et l’estime de
soi. Commençons par ce dernier : l’enfant avec troubles du
Paul Leurquin sera présent au Salon de l’éducation
comportement a besoin d’être
ce mercredi à Charleroi. © D.R.
plus que félicité s’il réussit bien
J’ai volontairement voulu avoir
un exercice : il doit être valorisé, couragée.
même s’il n’a pas forcément fait Un exemple simple : l’accueil du une approche très pratique.
quelque chose. Il faut lui faire matin. L’enseignant connaît D’ailleurs le livre a été, dans un
comprendre qu’il est important l’élève difficile, il sait son pré- premier temps, refusé par cerà nos yeux, qu’il est une per- nom. Lorsque cet enfant arrive, taines maisons d’édition, ces
sonne signifiante. Ensuite il y a il peut être proactif et l’accueillir dernières ne le jugeant « pas asle sentiment de sécurité. Là, il avec un bonjour sincère, lui de- sez théorique ». Ça m’a même
s’agit d’être clair sur les règles de mander comment il va de ma- fait plaisir d’entendre ça. Effecnous
proposons
l’école et de la classe. A cet égard, nière chaleureuse. Si l’élève choi- tivement,
l’élève doit sentir que l’ensei- sit de ne pas répondre, il faut le quinze configurations comme
gnant tient bon, qu’il est ferme, respecter. Mais il sera probable- l’enfant-roi, rejeté, démotivé,
même si c’est dans un gant de ve- ment moins à même de bouscu- non participant ou souffrant de
lours. Le sentiment d’apparte- ler son voisin pour montrer qu’il troubles de l’attachement. A
nance renvoie à l’idée de se sen- ne va pas bien puisque l’ensei- chaque fois, nous décrivons les
tir bien dans l’école : participer gnant lui aura laissé la possibi- comportements observables et
suggérons des pistes d’explicaau sport, aux fancy-fairs, parta- lité de s’exprimer.
tion sur le message que l’élève
ger son élocution devant la clascherche à faire transmettre en se
Dans l’ouvrage, vous proposez
se, etc.
comportant de la sorte. Suivent
quinze types de comportement.
alors des attitudes à éviter et à
Pourquoi ?
La proaction est vivement en-
adopter, ainsi que des cas vécus.
Ces recettes sont applicables
dans tous les types d’enseignement ?
Tout à fait ! J’irai même plus
loin : je pense que c’est plus difficile de gérer un élève à comportement difficile dans une classe
qu’une vingtaine tous les jours
dans le spécialisé. Le personnel
éducatif (pas que les enseignants, donc) est démuni par
rapport aux comportements difficiles. Qui plus est, c’est à mon
sens un phénomène grandissant, au vu du nombre de parents démunis eux-mêmes ou
parfois complètement démissionnaires. Il peut y avoir un
fossé entre ce que vit l’enfant à la
maison où il n’est jamais frustré
et ce qu’il vit à l’école. Là, il y a
un cadre qui impose des normes
et peut engendrer de la frustration… Cette dernière est importante pour grandir ! A mes yeux,
on pourrait introduire un cours
sur la gestion des comportements difficiles dans le cursus de
tous les futurs enseignants, quel
que soit le niveau. Je croule sous
les sollicitations : la demande
est là. Expliquer cela aux jeunes
au début de leur carrière, c’est le
b.a.-ba !
graves ?
Il peut se produire ce qu’on appelle un contre-transfert négatif.
C’est-à-dire : l’enfant en fait voir
de toutes les couleurs au prof
qui, inconsciemment, reproduit
le même schéma envers l’élève. Et
puis ne pas arriver à gérer les
crises peut s’avérer être très difficile à vivre pour un enseignant.
Je suis passé par là moi-même,
parfois je rentrais chez moi avec
des crises d’angoisse.
Il faut aussi parfois admettre
que la marge de manœuvre est
difficile.
Cela arrive, par exemple, si l’enfant a des problèmes d’éducation
au sein de sa famille et qu’il est
loyal envers celle-ci. Cela rend en
effet la latitude d’action très
faible, le personnel éducatif ne
peut pas se permettre d’être intrusif dans la vie familiale !
Mais je n’aime pas parler
d’échec : il y a toujours des solutions. ■
Propos recueillis par
ANN-CHARLOTTE BERSIPONT
« Gérer les comportements difficiles
chez les enfants »
PAUL LEURQUIN ET
STÉPHANE VINCELETTE
Editions Erasme, coll.
« A la rescousse », 2013
Si l’enseignant ne parvient pas à
gérer le comportement difficile,
les conséquences peuvent être
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