FA_N°772 - Les_troubles_locomoteurs_sont_"révélateurs"

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Transcript FA_N°772 - Les_troubles_locomoteurs_sont_"révélateurs"

TECHNIQUE
santé
Un constat réalisé à la journée EFI Sciences consacrée à la dinde
Les troubles locomoteurs,
sont “révélateurs”…
Le 5novembre dernier, la journée EFI Sciences organisée par
l’Ispaia et Zoopole développement s’est focalisée sur les
problèmes locomoteurs de la dinde en recrudescence depuis
2009. Liés à des maladies souvent d’origine multifactorielle, le
diagnostic suppose une observation méticuleuse des animaux
sur place, et d’échanger avec l’éleveur ● E. Viénot
«
L
es pathologies locomotrices
ont principalement une composante technique, qu’il con vient de repositionner par rapport aux pathologies purement
infectieuses type Mycoplasme ou Ornithobactériumrhinotracheale
(ORT) », observe le Dr Jean Léorat
(Chêne Vert Conseil). Invité à traiter
de l’étiologie, de la gestion et du
contrôle des troubles locomoteurs en
élevage lors de la dernière journée
« avicole » EFI Sciences organisée par
l’Ispaia et Zoopole développement le
5novembre dernier, le vétérinaire a
choisi d’aborder le sujet en suivant une
démarche terrain.
Il existe une cinquantaine de pathologies associées aux troubles locomoteurs chez la dinde, ces derniers pouvant être « rangés » en quatre catégories: les boiteries dynamiques, les pa-
ralysies (boiteries flasques), les difficultés locomotrices, les malpositions
structurelles. A l’aide de diagrammes,
il a ainsi listé pour chacune de ces quatre grandes catégories, les différents
symptômes qui peuvent être rencontrés, les causes qui peuvent être à l’origine de ces symptômes et les outils de
diagnostic à utiliser pour confirmer
l’hypothèse.
Réaliser une observation
méticuleuse à l’élevage
Procéder avec méthodologie est
selon lui indispensable compte tenu
de l’extrême diversité des troubles locomoteurs en élevage de dinde et de
la grande variabilité individuelle. « Il
est nécessaire de réaliser une observation méticuleuse de l’appareil locomoteur et de tous les symptômes asso-
iJean Léorat
(Chêne Vert Conseil):
« L’écoute de l’éleveur
est primordiale,
on ne peut pas
autopsier 50 animaux
aussi bien pour des
raisons économiques
que techniques ».
Données du RNOEA
Pathologies locomotrices, état des lieux
Rozenn Souillard
(Anses PloufraganPlouzané) a fait une
synthèse des données recueillies par le
Réseau national d’observations épidémiologiques en aviculture
(RNOEA) concernant
la production de
dindes. Sur 13538
maladies signalées en
2012 par les 29 laboratoires ayant collaboré, 32,4% (4390)
portent sur des lots
Rozenn Souillard (Anses
Ploufragan-Plouzané).
de dindes. A ces premières données, il
faut ajouter les 1054
110 Filières Avicoles Février 2014
signalements
« dindes » émanant de
21 cabinets vétérinaires (23,4% des signalements).
Verdict: les arthrites
représentent respectivement 4,6% (laboratoires) et 3,2% (cabinets vétérinaires) des
signalements chez la
dinde. « On observe
une recrudescence
des troubles locomoteurs de la dinde depuis 2009, notamment
des arthrites-ténosynovites (E. coli, ORT
et staphylococcus) »,
signale-t-elle.
Mais de préciser:
« On a très probablement une sous-estimation des problèmes
locomoteurs dans
la mesure où les
données du RNOEA
concernent essentiellement les troubles locomoteurs avec diagnostic de laboratoire ».
ciés sur l’animal et le lot de dindes »,
insiste-t-il. « La majorité du diagnostic
se passe sur l’élevage, pas au laboratoire », insiste-t-il. « L’écoute de l’éleveur est primordiale, on ne peut pas
autopsier 50 animaux aussi bien pour
des raisons économiques que techniques. Il faut donc discuter avec l’éleveur des premiers symptômes et des
différents types de symptômes qu’il a
observés », poursuit-il.
La qualité du démarrage (chauffage,
eau, problème d’accès à l’aliment et à
l’eau…) se retrouve souvent mise en
cause dans l’apparition des troubles locomoteurs en élevage de dinde, constate
le vétérinaire, mais les conséquences ne
s’en ressentent que 8 à 10 semaines plus
tard… Interrogé sur les éventuelles retombées négatives d’un démarrage en
double densité vis-à-vis des problèmes
locomoteurs, le Dr Jean Léorat a donné
son avis: «La densité n’est pas un problème en soi, c’est plus une question de
quantité (il en faut beaucoup) et de disposition de matériel. Avec le démarrage
en ambiance, les animaux ont tendance
à s’épuiser, mieux vaut adopter un démarrage en semi-ambiance et démarrer
en double rond ». Matériel qui doit être
entretenu régulièrement (abreuvoirs lavés
deux fois par jour). Le vétérinaire met
également quelques limites concernant
la date de desserrage: « 30 jours, c’est
trop tard! Vers 15-20 jours, c’est mieux ».
Des pathologies souvent
multifactorielles
Ainsi, le management de l’élevage
semble jouer un rôle important dans
l’apparition de bon nombre de troubles
locomoteurs, pour autant, il ne faut pas
occulter les autres facteurs d’explication possibles: les carences nutritionnelles (carence minérale, protéique,
en vitamines ou oligoéléments), les
problèmes infectieux (ORT, aspergillose, botulisme, mycotoxines) et
l’évolution génétique des souches
(forte vitesse de croissance).
Selon Christine Leterrier (Inra de
Tours), animatrice mais aussi oratrice
à cette journée avec un exposé sur l’anatomie et la physiologie de l’appareil locomoteur de la dinde, « les troubles lo- ➤
Les troubles locomoteurs, sont “révélateurs”...
Intervention du Dr Mohamed Hafez (Université de Berlin)
Gros plan sur la dyschondroplasie tibiale
La dyschondroplasie
tibiale correspond à une
prolifération et une croissance d’une plage cartilagineuse non vascularisée
au niveau de la plaque
de croissance du tibiotarse proximal.
Des essais réalisés
en Allemagne ont montré
qu’il n’y avait pas de différence significative entre
les différentes souches
➤
commerciales de dindes
de chair concernant la fréquence d’apparition
de la dyschondroplasie
tibiale, « le niveau de prévalence est élevé quelle
que soit la souche contrairement aux lignées
sauvages de dinde canadiennes », constate le
Dr Mohamed Hafez. Autre
observation : baisser
l’apport d’énergie dans la
comoteurs sont l’un des révélateurs de
la santé générale de l’élevage ». Un
constat qui s’applique aussi bien à la
production de poulets que de dindes.
Des maladies
multifactorielles
« Si l’os n’est pas forcément à l’origine du trouble locomoteur », la chercheuse a apporté quelques précisions
relatives à l’anatomie et à la formation
du squelette chez la dinde qui permettent de mieux comprendre une certaine
vulnérabilité de l’appareil locomoteur.
« Chez la dinde, si l’on n’a pas de maturation du cartilage, il reste une
grosse zone cartilagineuse formant
une lésion de dyschondroplasie. Qui
plus est, la cavité médullaire très vas-
iChristine Leterrier
(Inra de Tours):
« Les troubles
locomoteurs sont
l’un des révélateurs
de la santé générale
de l’élevage ».
ration réduit la fréquence
et la sévérité de la dyschondroplasie tibiale.
Cette pathologie se
déclare entre 4 et 8 semaines d’âge, le niveau
de lésions maximum est
atteint vers 16 semaines.
Passées 16 semaines,
les lésions ont tendance
à se réduire et l’os à retrouver une structure normale.
Le Dr Mohamed Hafez a
également fait un point sur
les boiteries sévères qui
ont pour origine des tendons douloureux dus à un
manque d’activité en lien
avec les pododermatites.
Ces dernières sont plus
fréquentes chez les
souches lourdes, signale-til. En général, les animaux
élevés sur copeaux ont
moins de pododermatites
cularisée peut constituer un réservoir
pour les germes », ajoute-t-elle.
Par ailleurs, si les vitesses de dépôt
osseux et de minéralisation sont rapides, il existe en périphérie de l’os une
zone très poreuse, déformable et très
peu dense. « Une vitesse de croissance
rapide va avoir tendance à favoriser
les malformations dans la mesure où
les masses musculaires pectorales vont
exercer des contraintes sur les articulations des pattes », déclare-t-elle.
Et de lister les différents moyens capables de mesurer la qualité de l’os :
–sa forme (taille: longueur, volume,
diamètres) très liée au poids vif,
– son contenu : pourcentage de matières sèches, pourcentage de cendres,
–sa structure: porosité, pourcentage
de zone active,
que ceux élevés sur paille.
La densité d’élevage peut
également influencer
indirectement la qualité
de la litière et la qualité
des coussinets. L’alimentation, via la supplémentation en biotine et un apport
élevé en énergie, semble
avoir un effet bénéfique
sur la santé des pattes
et réduire l’incidence
des pododermatites.
–ses anomalies: déformations, hématomes sous-périostés, présence de
dyschondroplasie tibiale (après section),
– ses propriétés mécaniques : rigidité, résistance maximale ou résistance
à la rupture.
Les troubles locomoteurs sont des
maladies multifactorielles, c’est souvent une accumulation de facteurs favorisants (sédentarité, alimentation,
génétique) ajoutée à un facteur déclenchant (stresseurs dont pathogènes) qui
va être à l’origine de la pathologie, explique-t-elle.
La prévention des troubles locomoteurs non infectieux passe par la gestion des vitesses de croissance, la sélection génétique, l’apport de calcium,
de phosphore, de vitamine D, de
●
l’exercice, répertorie-t-elle.
Février 2014
Filières Avicoles 111