l-esprit-et-la-matiere-2013

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L’esprit et le corps
Charles Lebrun, tête
d’homme vue de dessus
Introduction:
- objets simplement matériels
- organisme et phénomènes biologiques
- phénomènes mentaux
Qu’est-ce qu’un phénomène mental ?
Souvenir de Claude Lévi-strauss
L’amour d’Othello et sa jalousie
De manière générale, l’esprit serait en quelque sorte l’entité qui se manifeste dans
les phénomènes que l’on considère comme mentaux (rationnels, émotionnels, etc.).
Problème 1 : l’esprit est-il distinct du corps ?
S’il l’est, de quelle manière l’est-il ?
Enjeux :
- connaissance de soi
- responsabilité
- Immortalité
D’autre part comment connaît-on les phénomènes mentaux ?
Il semble que nous ne
pouvons pas observer
directement les états
mentaux chez autrui.
Par contre nous pourrions les « observer » en nous-mêmes, par la conscience que
nous avons de nos propres émotions, souvenirs, etc.
→ Pbl 2 : connaît-on les phénomènes mentaux directement (par la conscience de
soi) ou indirectement (en observant autrui) ?
I- Le dualisme de l’âme et du
corps
Être dualiste (duo : deux) :
penser qu’il existe une
différence radicale entre
phénomènes mentaux et
physiques.
1- le dualisme des substances
Descartes : il y a différence de propriétés parce qu’il y a différence de
réalité : la personne humaine est un composé de deux sortes de
réalité ou substances.
Deux types de substances selon Descartes : les esprits et
les corps. L’esprit est donc indépendant du corps et inversement.
Propriétés
principales
Corps (réalité
matérielle)
3 dimensions
spatiales
Capable de
déplacement
Composé de
matière
Esprit
Immatériel et
non spatial.
Capable de
penser (sous
ses différentes
formes)
Accessible à tout
sujet (publique)
Accessible qu’à
moi (intériorité,
privée )
La physique met
en évidence ses
propriétés et lois
La psychologie
Étude
Conséquence: mortalité du corps / immortalité de l’âme.
Rque : ≠ croyance chrétienne : résurrection des corps. Foi ≠ Raison.
Les capacités de l’esprit selon Descartes
La « Pensée » ou la
conscience : toute
activité mentale,
quelle qu’elle soit
Les différentes capacités mentales selon Descartes
« La raison »
« L’imagination »
« les sens »
Raisonner, calculer, concevoir
Penser par images mentales
(souvenirs, anticipations,
imagination)
Perceptions sensorielles
(visuelles, etc.), sensation de
plaisir/peine, émotions
(en rapport avec le corps)
« La volonté »
Désirs, intentions (« pensées »
motrices)
Quelles sont les raisons (≠ foi) en faveur de la thèse du dualisme
des substances ?
2-un argument antique : la nécessité d’une substance permanente
malgré les changements de la personne.
Prémisse 1- Le corps de la personne peut changer complètement.
- la quasi-totalité du corps est renouvelée périodiquement
- nous pouvons concevoir que la totalité du corps soit renouvelée
19
65
Prémisse
2000
2- pourtant, nous concevons qu’il puisse s’agir du même sujet
Le sujet semble responsable de ses actions passées …
Conclusion : l’âme existe.
- il existe un principe permanent dans la personne (P2), principe différent du corps (P1)
- on appelle âme ou esprit cette substance immatérielle. Donc l’âme existe.
3- l’argument principal de Descartes :
Les Méditations Métaphysiques : recherche de vérité absolue.
Méthode : doute hyperbolique. Critère de vérité : capacité d’une proposition à
résister à tout doute possible.
Objet dont on doute
Raison de douter
Résistance au doute
1. Les données des sens
Illusions, erreurs des
sens
Mon corps
2. Mon corps et
l’ensemble des choses
extérieures à moi
Rêve
Vérités mathématiques
3. Tout (?)
Malin Génie
Rien (?)
Mais peut-on vraiment douter de tout ?
« Cogito ergo sum »
« Je pense, donc je suis »
On peut développer ainsi :
P1- si je doute (de tout), alors je pense (quelque chose)
P2- mais pour penser, il faut qu’il existe un sujet pensant)
Conclusion- J’existe, moi, un sujet pensant.
ATTENTION : le cogito n’est valide que s’il est formulé à la
première personne (je), et non à la troisième (Il, Descartes)
Pourquoi la connaissance de l’existence de mon esprit (moi) est-elle
absolument certaine alors que celle de toutes autre choses ne l’est pas ?
Je suis un esprit conscient ou « une conscience »
Cette conscience est capacité de penser à des objets hors de « moi ».
Mais la conscience de ces objets n’en est pas une connaissance :
- je ne le pense généralement pas tel qu’il est
- d’ailleurs il n’existe peut-être pas (doute hyperbolique)
En revanche, je ne peux pas douter de l’existence de moi-même, le sujet que je
suis.
Par la conscience de soi, l’esprit se perçoit lui-même comme
une entité douée de pensée, une « chose pensante »
La conscience de soi fournit un accès immédiat de l’esprit à luimême, et n’offre donc aucune place pour le doute.
• Conscience de soi = connaissance directe et certaine
(nécessaire : ne peut pas être fausse)
• Conscience de mon corps = connaissance indirecte et
hypothétique (contingente : peut être fausse)
Conclusion: j’ai un corps, je ne suis pas ce corps, et cet esprit
que je suis en est bien distinct.
4- le problème de l’interaction
Pbl:
-Perception de l’environnement et sensations (ex: douleur)
reposent apparemment sur l’action du corps sur l’esprit
- Les actions intentionnelles (ex : marcher) reposent apparemment
sur l’action de l’esprit sur le corps.
Descartes : interaction causale entre l’un et l’autre.
Tel changement de propriété de la « substance étendue » (le corps) peut causer un
changement d’état de la « substance pensante » (l’esprit), et inversement.
• lieu supposé de l’interaction : une partie du cerveau : la « glande
pinéale » (épiphyse).
Les deux substances y seraient « unies » : union de l’âme et du corps.
Dessin de Descartes
Via la ‘glande pinéale’,
… les actes de l’esprit (intentions) stimulent le système nerveux et commandent ainsi des
mouvements corporels
… des mouvements corporels (ex: stimulation de la rétine) et les influx nerveux qu’ils
produisent dans l’âme des pensées.
5- Objections :
● comment une substance immatérielle peut-elle agir sur une
substance matérielle ?
si un ‘esprit’ fait se déplacer un verre, alors cet agent est un agent
physique…
« je suis certain, maintenant, certain
comme de l'alternance des jours et des
nuits, qu'il existe près de moi un être
invisible, qui se nourrit de lait et d'eau,
qui peut toucher aux choses, les prendre
et les changer de place, doué par
conséquent d'une nature matérielle,
bien qu'imperceptible pour nos sens, et
qui habite comme moi, sous mon toit... »
Maupassant, Le Horla
Courbet, Le désespéré
• plus profondément,
L’esprit ou l’âme entendue comme substance immatérielle est par principe
inobservable par des méthodes expérimentales publiques, partageables par tous
(critique positiviste)
Ce concept n’est-il donc pas douteux ?
II- Le matérialisme : l’esprit se réduit à la matière
1- la thèse
Matérialisme : il n’existe qu’un seul genre de choses : les
choses matérielles, les corps physiques. Pas d’esprit
immatériel (à distinguer du sens moral du mot)
« Le cerveau sécrète la pensée
comme le foie sécrète la bile. »
Pierre Cabanis (médecin)
• La pensée, l’activité mentale = l’activité cérébrale.
Le sujet, c’est l’organisme ou son centre nerveux : le cerveau.
• On a l’impression que pensée et cerveau sont différents.
Mais la conscience de soi n’est pas un gage de vérité (pas plus que la
conscience d’objet).
→ Le sujet… serait un « objet » comme un autre.
La science du cerveau vient au secours de notre ignorance.
2- quelques arguments :
3 types de faits argumentent pour une identité esprit/cerveau :
a- l’étude de pathologie mentale. Ex : Broca et l’aphasie
b- observation de corrélations entre tel processus neuronal et tel
état mental .
• Corrélation ‘classique’. cf. La Mettrie
si ce qui pense en mon cerveau n’est pas
une partie de ce viscère, et
conséquemment de tout le corps, pourquoi
lorsque tranquille dans mon lit je forme le
plan d’un ouvrage, ou que je poursuis un
raisonnement abstrait, pourquoi mon sang
s’échauffe-t-il ? pourquoi la fièvre de mon
esprit passe-t-elle dans mes veines ?
La Mettrie, L’homme-machine (1747)
• observations de corrélations plus étroites
ex des fibres nerveuses C
• action sur les transmissions neuronales par le biais d’agents
chimiques
c- techniques de l’imagerie cérébrale
par Imagerie par
Résonnance
Magnétique
(IRM)
L'électroencéphalographie
3- l’identité pure et simple esprit/cerveau : « éliminer » l’esprit.
Argument de J.J.C. Smart (1966)
Si l’éclair se produit systématiquement en corrélation avec des décharges électriques
produites dans l’atmosphère, c’est qu’ils sont strictement identiques
Si un phénomène 1 se produit systématiquement en corrélation avec un
phénomène 2, Alors les deux sont identiques.
=
L’amour qu’éprouve une
personne envers une autre
personne
Une certaine activité neuronale
(les cellules nerveuses qui
composent le cerveau)
Justification par le principe du « rasoir d’Occam » :
-ne pas multiplier les entités sans nécessité
-ce qui peut être fait avec moins d’hypothèses ne doit pas être
fait avec plus.
En métaphysique et en sciences
il faut être économe.
Mais puisque toutes les facultés de l’âme dépendent tellement de la propre organisation du
cerveau et de tout le corps qu’elles ne sont visiblement que cette organisation même, voilà une
machine bien éclairée ! (…) Des roues, quelques ressorts de plus que dans les animaux les plus
parfaits, le cerveau proportionnellement plus proche du cœur, et recevant aussi plus de sang, la
même raison donnée ; que sais-je enfin ? des causes inconnues produiraient toujours cette
conscience délicate, si facile à blesser, ces remords qui ne sont pas plus étrangers à la matière
que la pensée, et en un mot toute la différence qu’on suppose ici. L’organisation suffirait-elle
donc à tout ? oui, encore une fois ; puisque la pensée se développe visiblement avec les
organes, pourquoi la matière dont ils sont faits ne serait-elle pas aussi susceptible de remords,
quand une fois elle a acquis avec le temps la faculté de sentir ?
L’âme n’est donc qu’un vain terme dont on n’a point d’idée, et dont un bon esprit ne
doit se servir que pour nommer la partie qui pense en nous. Posé le moindre principe de
mouvement, les corps animés auront tout ce qu’il leur faut pour se mouvoir, sentir, penser, se
repentir, et se conduire, en un mot, dans le physique et dans le moral qui en dépend. [...]
En effet, si ce qui pense en mon cerveau n’est pas une partie de ce viscère, et
conséquemment de tout le corps, pourquoi lorsque tranquille dans mon lit je forme le plan d’un
ouvrage, ou que je poursuis un raisonnement abstrait, pourquoi mon sang s’échauffe-t-il ?
pourquoi la fièvre de mon esprit passe-t-elle dans mes veines ? Demandez-le aux hommes
d’imagination, aux grands poètes, à ceux qu’un sentiment bien rendu ravit, qu’un goût exquis,
que les charmes de la Nature, de la vérité, ou de la vertu transportent !
Julien Offray de La Mettrie, L’Homme machine (1747)
4- objections :
• contre l’identification un état mental = un état cérébral :
- la localisation cérébrales des fonctions mentales n’est pas précise et peut varier
- l’éthologue attribue des états mentaux à des animaux qui ont un tout autre
système nerveux (ex : le poulpe)
• élimine certaines propriétés des états mentaux
- la dimension subjective de nombres d’entre eux
- la dimension sociales de nombres d’entre eux
→ Il faut trouver une position synthétique entre dualisme
et matérialisme
III – l’esprit n’est pas une substance (matérielle ou immatérielle), c’est
une capacité attachée à certains animaux.
A- La capacité d’être conscient. 2 caractéristiques de la conscience
1- certains animaux (dont l’homme)
sont doués de conscience sensible
Thomas Nagel
- la saveur du chocolat
- « what is it like to be a bat »
ex de l’echo-localisation.
→ Les impressions sensorielles et émotionnelles ne sont accessibles qu’au Sujet qui en fait
l’expérience subjective.
La conscience sensible est un « espace » absolument privé, inaccessible à autrui.
→ Intériorité mentale ≠ intériorité physique
• tous les états mentaux sont-ils conscients en ce sens ?
c’est douteux
admirer la couleur du coucher de soleil → perception consciente du rouge
s’arrêter au feu rouge→ réaction automatique.
Descartes : il n’y a pas de perception mentale : seul le corps agit.
≠ sciences cognitives : il y a une perception non consciente.
La conscience survient lors de certaines perceptions.
cf. -Joëlle Proust in http://www.dailymotion.com/video/xgewdw_les-sciences-de-l-esprit-2_tech
-David Chalmers, l’Esprit conscient, I,2
→ il faut dire : nombres d’états mentaux peuvent être conscients.
2- la conscience intentionnelle
• l’intention et l’action
Pierre se trompe de route.
il va à Plovdiv
il essaie d’aller à Varna
On peut dire : il y a ce qu’il fait physiquement : point de vue physique
il y a ce qu’il a l’intention de faire : point de vue mental
Objection matérialiste : ici il y a deux faits physiques, deux actions qui mobilisent le
cerveau dans des aires différentes.
Réponse : avoir l’intention de faire quelque chose, c’est viser un fait qui,
précisément, n’existe pas, ni dans l’environnement, ni dans le cerveau.
• L’esprit conscient se « rapporte » à des faits, objets, personnes, mentaux, qui ne sont
pas seulement leur expression physique (cérébrale), qui sont bien en-dehors de la tête.
Husserl nomme ce pouvoir de l’esprit l’intentionalité
• ce pouvoir de l’esprit n’est évidemment pas un pouvoir magique de se mettre en
relation physiquement avec ses objets de pensées
La « relation » mentale se distingue de la relation physique :
Paul se souvient de Marie → elle n’est pas là
≠ Paul est assis à côté de Marie → elle est là
→ penser à quelqu’un est une relation qui
- peut exclure la présence de l’autre (souvenir)
l’existence de l’autre (imagination créatrice)
- en tout cas n’affecte pas par elle-même son objet
Paul aime secrètement Marie → rien ne se passe en Marie
≠ Paul embrasse Marie → quelque chose se passe chez Marie (elle est embrassée)
Brentano est le maître de
Husserl
« Tout phénomène psychique contient
en lui-même quelque chose comme un
objet bien que chacun le contienne à
sa façon . Dans la représentation c’est
quelque chose qui est représenté, dans
le jugement quelque chose qui est
admis ou rejeté, dans l’amour quelque
chose qui est aimé, dans la haine
quelque chose qui est haï, dans le désir
quelque chose qui est désiré, et ainsi de
suite. »
Brentano, Psychologie d’un point de vue
empirique
« Tout état de conscience en général est, en luimême, conscience de quelque chose, quoi qu’il
en soit de l’existence réelle de cet objet (…). Par
conséquent, il faudra (…) dire que tout état de
conscience « vise » quelque chose, et qu’il porte
en lui-même en tant que « visé » (en tant
qu’objet d’une intention) son [objet de pensé
respectif]. Chaque [type de pensée], du reste, le
fait à sa manière. La perception de la maison
« vise » (se rapporte à) une maison – ou plus
exactement, telle maison individuelle- de
manière perceptive, le souvenir de la maison
« vise » la maison comme souvenir; l’imagination,
comme image (…). Ces états de conscience sont
aussi appelés états intentionnels. Le mot
intentionnalité ne signifie rien d’autre que cette
particularité foncière et générale qu’a la
conscience d’être conscience de quelque chose,
de porter [son objet de pensée] en elle-même. «
Husserl
- selon Husserl, tous les phénomènes mentaux sont des phénomènes intentionnels :
→ généralisation contestable (ex : la douleur; l’angoisse)
-Selon H, tous les objets auxquels je pense, que je désire, etc. sont des objets intentionnels,
mentaux : simples objets « visés » par la conscience.
Ex : je perçois une étoile = le sujet « vise » l’étoile-perçue (objet mental).
→L’esprit ne serait jamais dans une relation avec les objets réels
(avec lesquels mon corps est en relation physique)
pbl : on arrive à un dualisme objet mental/objet réel et avec ses difficultés
faut-il redoubler les objets réels de leur homologue mental ?
• une différence entre intelligence artificielle et pensée humaine ?
-I.A. (version forte) : une machine capable de résoudre les mêmes problèmes qu’un être
humain peut être dite intelligente, au sens strict = elle a un esprit (mind)
Penser (de manière rationnelle) = exécuter un programme, cérébral (biologique)
ou informatique (technique, artificiel).
Alan Turing (1912-1954)
http://videos.arte.tv/fr/videos/tracks-test-of-turing--6973074.html
-contre l’’IA forte, J.Searle : simulation d’une activité intelligente ≠ l’activité intelligente.
L’argument de la chambre chinoise
« Supposons que je sois dans une pièce fermée
avec la possibilité de recevoir et de donner des
symboles, par l’intermédiaire d’un clavier et d’un
écran, par exemple. Je dispose de caractères
chinois et d’instructions permettant de produire
certaines suites de caractères en fonction des
caractères que vous introduisez dans la pièce.
Vous me fournissez l’histoire puis la question,
toutes deux écrites en chinois. Disposant
d’instructions appropriées, je ne peux que vous
donner la bonne réponse, mais sans avoir
compris quoique ce soit, puisque je ne connais
pas le chinois. Tout ce que j’aurais fait c’est
manipuler des symboles qui n’ont pour moi
aucune signification. Un ordinateur se trouve
exactement dans la même situation que moi
dans la chambre chinoise : il ne dispose que de
symboles et de règles régissant leur
manipulation. »
faire des opérations sur des symboles (math, alphabet, etc) ne suffit pas pour que
l’on nous reconnaisse un esprit : il faut encore que l’on comprenne ce qu’on fait, que
le sens des symboles soit conscient (au sens intentionnel)
- Application : l’éléphant peintre thaï ne fait que simuler l’activité du peintre
Il ne sait pas ce que sont les images d’éléphant (même si il peut avoir une conscience
sensible)
Ni l’éléphant, ni l’ordinateur ne savent le sens des symboles qu’ils manient.
Leur usage n’est pas ici accompagné de conscience intentionnelle, de « visée » du sens
produit.
B- l’esprit est une capacité
1- dualisme et matérialisme commettent une erreur de catégorie
Gilbert Ryle, The concept of mind (1949) : l’analogie entre l’esprit et l’université
Qu’est-ce que
l’esprit ?
matérialisme
Dualisme des
substances
Gilbert Ryle
Qu’est-ce que
l’université ?
matérialisme
Dualisme des
substances
Gilbert Ryle
Qu’est-ce que
l’esprit ?
Qu’est-ce qu’une
université?
L’esprit est le
cerveau
L’université est un
certain bâtiment (de
l’université)
L’esprit est une
substance
immatérielle
L’université est comme
un bâtiment
administratif, mais
d’une autre nature,
non matériel
Les activités
mentales sont
certaines activités
de la personne
physique.
L’université est une
certaine organisation
(et un certain usage)
des bâtiments et des
personnels .
Thèse de Ryle :
• activité mentale et activité cérébrale ne sont pas
identiques
•Mais l’esprit n’est pas non plus une autre chose
que le cerveau
• L’esprit n’est pas une partie de la personne,
ni une partie matérielle (le cerveau)
ni une partie immatérielle ( l’âme séparée)
Le fond de l’argument : dualistes et monistes
commettent une erreur de catégorie.
Etre
Substances
La notion de « catégorie » (Aristote)
propriétés
…
quantité
qualité relation
temps lieu
capacité
action passion
Substances
non-organiques
Substance individuées
végétaux
La notion de « catégorie » (Aristote)
animaux
non-individuées
masses
naturelles artificielles
(objets techniques; images; etc.)
champs
…
La notion de « catégorie » (Aristote)
propriétés
exemples
propriétés
quantitatives
il contient 3 membres; il mesure 1m70; …
propriétés
qualitatives
Avoir telle couleur; être doux, chaud, …
propriétés
relatives
Être plus grand que …; être le successeur de …;
Propriétés
spatiales
Il est ici ; il est grand; il est à la gauche de …
Propriétés
temporelles
Il se déroule en ce moment ; entre le 3 février et le 4 février; 3
heures.
Actions
(agir)
Il soupire; il calcule, il ouvre (la porte)
Passions
(subir)
Il est bousculé
Capacités
Il peut se déplacer; il a le pouvoir de changer les lois, il peut
être ébranlé.
Gilbert Ryle : la notion d’ « erreur de catégorie »
Thèse de Ryle : certaines propositions sont absurdes du fait qu’elles reposent sur des
combinaisons de catégories fautives.
- « le jour qui suit samedi est lundi »≠ « Samedi est au lit »
-« Je bois du rouge » :
-« la racine carré de deux est 2 »≠ « la racine carré de deux est la mer »
- « Mon cerveau pèse 1,4 kg » est sensé,
≠« Mon esprit pèse 21 grammes » est absurde
On fait une erreur de catégorie : l’esprit n’est pas une substance, or on ne peut attribuer une
masse qu’à une substance)
2- l’esprit n’est pas une substance, c’est une certaine capacité à accomplir des activités
intellectuelles (Wittgenstein)
« Les êtres humains sont des corps vivants d’un certain
genre, qui ont différentes capacités. L’esprit humain est la
capacité d’acquérir des aptitudes intellectuelles : une
capacité est elle-même une aptitude, mais une aptitude de
second-ordre, l’aptitude à acquérir des aptitudes.
Le véhicule de l’esprit humain est le cerveau humain. Les
êtres humains et leurs cerveaux sont matériels ; mais pas
leurs esprits parce qu’ils sont des capacités. Cela ne veut pas
dire qu’ils sont des « esprits » (spirits). L’aptitude d’un
piquet rond à rentrer dans un trou rond n’est pas un objet
physique comme le piquet rond lui-même, mais personne ne
suggèrera qu’il s’agit d’un esprit.
Ce n’est pas par adhésion au spiritualisme, mais par simple
souci de clarté conceptuelle que nous insistons sur le fait
que l’esprit n’est pas un objet physique et n’a pas de
longueur ni d’épaisseur. »
Kenny, « Language and mind », The Legacy of Wittgenstein
Anthony Kenny
disciple de
Wittgenstein
sujet
aptitude
Support
physique
activité
typique
Le piquet
Pouvoir de
s’enfoncer
dans le trou
La forme
géométrique
du piquet
S’enfoncer
dans le trou
Une clé
Pouvoir
d’ouvrir une
porte
Le panneton
de la clé
Ouvre la
porte
L’homme
esprit
Cerveau,
main,
organisme
Penser,
parler,
dessiner , …
• Le sujet ou possesseur d’une aptitude est celui qui a l’aptitude. Le sujet humain possède des
aptitudes mentales.
• Le support physique de cette aptitude est cette partie du possesseur qui le rend
physiquement apte à exercer son aptitude. Le cerveau est le support physique principal des
aptitudes mentales de l’homme.
• Le support physique = une substance matérielle / l’aptitude ne l’est pas (c’est une propriété).
L’esprit n’est pas une substance mais une aptitude (essentielle) de l’homme.
• aptitude et capacité
- aptitude de 1er ordre : aptitude à accomplir certaines opérations.
- aptitude de 2nd ordre ou capacité : aptitude à acquérir des aptitudes.
→l’esprit (mind) est principalement la capacité d’acquérir des aptitudes intellectuelles
Comparaison capacité mentale et capacité ‘préhensile’
sujet
Support
physique
Aptitudes
activités
Capacité
L’homme
mentale
(= « esprit »)
Cerveau,
main,
larynx, ...
organisme
langage
Calcul
Technique
Etc.
Parler,
écrire,
calculer,
résoudre
des
problèmes
techniques
Capacité
préhensile
(=anonyme)
La main
anonymes
Saisir,
s’agripper,
Tâter, palper
Se gratter,
Caresser,
etc.
L’homme
Les activités intellectuelles : « des activités impliquant le maniement de symboles ».
→ parler le français
→ résoudre une équation à 3 inconnus
→ peindre un autoportrait
→ jouer aux échecs
→ résoudre un problème technique ?
À nouveau, l’ordinateur et l’éléphant (et peut être le chimpanzé domestiqué) opèrent avec
nos symboles : ne sont des symboles que pour nous, pas de leur point de vue. (Kenny)
D’où la définition complète : « to have a mind is to have the capacité to acquire the ability
to operate with symbols in such a way that it is one’s own activity that makes them symbols
and confers meaning on them »
3- une âme à plusieurs niveaux intégrés (Aristote)
•Wittgenstein définissent l’esprit comme la capacité à acquérir des aptitudes
intellectuelles, soit à la raison.
Mais une théorie de l’esprit doit comprendre aussi
D’autres aptitudes que nous jugeons mentale bien que non intellectuelles :
→ la perception, les sensations (au moins conscientes)
→ la pensée en image
→ les désirs, intentions
→ certaines aptitudes techniques
• l’âme comme puissance (dunamis) d’accomplir toutes les actions et de subir toutes les
passions (sensations/ affects) typiques d’une espèce donnée, c’était déjà la conception
d’Aristote.
Aristote : est un animal (zoon) tout ce qui a une « âme »
- l’âme (psuchè, anima) est la capacité (dunamis) de tout organisme
à exercer certaines actions / passions
-« l’esprit » (noûs, mens) est la capacité de l’homme
à accomplir des activités rationnelles
hommes
Intellect , raison
Mémoire, imagination
Sensation
Perception
Croissance
mammifères, …
tous les animaux
plantes
Âme
rationnelle
hommes
mammifères, …
Âme sensitive
tous les animaux
Âme nutritive
plantes
L’âme n’est pas autre chose que l’organisme.
Mais ce n’est pas sa matière : c’est sa « forme » (eidos), les capacités (dunamis) qu’il a
de produire certaines opérations (ergon) qu’il exerce.
L’organisme peut être décrit de deux manières : du point de vue physique, matériel, et
du point de vue du fonctionnement.
L’homme peut être décrit de même du point de vue de sa matière et du point de vue de
ses activités.
L’âme humaine est la capacité à accomplir de telles activités.
4- Une conséquence : les pensées ne sont pas spécialement dans la tête.
• Thèse de Wittgenstein.
• Exemple de la parole. En quoi parler est-il une opération de l’esprit ?
-Conception dualiste (âme/ corps ou cerveau/ corps): la parole exprime une pensée qui est
dans la tête
-Conception wittgensteinienne : la parole est de la pensée.
il se peut qu’elle soit en décalage avec une pensée intérieure mais ce n’est pas nécessaire
Nous dirons que la caractéristique
essentielle de la pensée, c’est qu’elle est
une activité qui utilise des signes. Quand
nous écrivons, la main est l’agent
opératoire, quand nous parlons, la
pensée s’exprime par la gorge ou le
larynx, et quand nous ne faisons
qu’imaginer des signes ou des images, il
n’y a pas de mécanisme intermédiaire de
la pensée. Et si vous me dîtes alors que
c’est l’esprit qui pense, je répondrai qu’il
s’agit là d’une métaphore, et que l’esprit
ne peut pas agir de façon identique à
celle de la main rédigeant la pensée
écrite.
Si l’on nous demande encore de localiser
la pensée, nous ne verrons pas d’autre
lieu à désigner que le papier sur lequel
nous écrivons, ou la bouche qui est en
train de parler.
La conscience est parfois identifiées avec
l’accès à un monde privé en nous-mêmes. Je
pense que cette image implique une
confusion philosophique. Cette confusion
me semble venir des personnes qui sont
impressionnées par leur capacité à se parler
à elles-mêmes sans produire aucun son, ou
encore par leur capacité à se représenter
intérieurement des choses au regard de leur
esprit plutôt que de les représenter sur une
feuille de papier. Je pense que l’acquisition
de la capacité à parler de soi-même est
d’une grande importance; l’acquisition de la
capacité de se parler à soi-même est, en
comparaison, simplement un problème de
commodité. Une société qui ne différerait
des nôtres seulement en ce que tout le
monde penserait à haute voix en
permanence plutôt que de penser en silence
serait parfaitement concevable, simplement
terriblement bruyante.
Kenny, « the origin of the soul »
5- La dépendance de l’esprit à l’égard du contexte social (Wittgenstein)
Extrait des Cahiers Bleus : l’intronisation du roi
Conclusions :
1/qu’est-ce que l’esprit ?
• il est vrai que l’esprit n’a pas les mêmes propriétés que le corps, la matière
• Mais il est plus raisonnable de considérer que seules les substances
matérielles, observables, existent.
• l’esprit fait partie non des substances mais des propriétés des organismes
animés, en particulier humains.
• l’esprit est la capacité de ces animaux à acquérir des aptitudes mentales.
→ sensitives, perceptives, imaginatives
→ techniques
→ intellectuelles chez l’homme
2/ qu’est-ce que le sujet ?
• c’est d’abord l’animal humain, plus qu’une âme séparée.
• On le qualifie de subjectivité s’il a cette aptitude à la conscience de soi,
en particulier telle qu’elle est développée par le langage.
Dire « la conscience » pour dire « le sujet », c’est une métonymie ou une métaphore
• La subjectivité renvoie aussi à notre singularité : ce qui me caractérise moi, pas les
autres:
-ma conscience sensible ou capacité à faire des expériences absolument subjectives
-mes aptitude intellectuelles singulières (esprit prompt, imagination vive…)
-mes « traits de caractère » : aptitudes comportementales et émotionnelles singulière
→ le sujet peut être conçu sans mystère métaphysique.
3/ qu’est-ce qui fait qu’un être demeure le même dans le temps ?
Le support physique peut changer sur le plan matériel : si l’organisme assure les
mêmes types d’opérations, conservent les mêmes aptitudes, on peut dire que c’est le
même… → pas besoins d’âme immatérielle.
Certaines pertes/changements d’aptitudes sont tels qu’on ne considérera plus que
c’est le même (ex : amnésie).
Analogie : le bateau de Thésée est le même quelques soient sa matière, tant qu’il
joue le même rôle chez les Athéniens (rôle pratique ou honorifique)
4/ comment connaît-on les phénomènes mentaux ?
• des états mentaux inaccessibles de l’extérieur
• des états mentaux directement accessibles à autrui dans nos actions, car
nos actions sensées sont des faits mentaux (Wittgenstein)