tous les matins du monde. - LYCEE MARC BLOCH Val-de

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TOUS LES MATINS DU MONDE.

Liens entre le film et le livre.

PRESENTATION RAPIDE.

Tous les matins du monde est un roman écrit par Pascal Quignard en 1990 dans le but d’être adapté au cinéma en 1991 par Alain Corneau, réalisateur français, sous le même titre. Le scénario a donc été co-signé. A l’époque, le film connait un grand succès niveau public, et critiques. (2 152 966 entrées en France.) Alain Corneau reçoit d’ailleurs pour ce film le César de meilleur film et celui du meilleur réalisateur.

Comme nous l’avons dit dans les exposés précédents, Pascal Quignard s’est largement inspiré de son précédent roman, la leçon de musique et des faits historiques de la vie de ses deux personnages principaux, qui sont M. de Sainte Colombe et Marin Marais, deux violistes du 17 ème Siècle. En effet, ce livre, fait sur commande, est le scénario d’un film d’Alain Corneau, dont la musique constitue le corps même du drame.

Le dialogue avec les écrivains est constant chez Jean Corneau. En effet, il aime adapter des romans. Fort Saganne (1984), Nocturne Indien (1989), Stupeur et tremblements (2002) en témoignent.

Tous les matins du monde est l’adaptation du roman du même titre, qui au contraire de tous les autres, est né d’une discussion entre les deux hommes. Voulant aborder la musique, après avoir tenté le jazz, Alain Corneau se tourne sur le baroque. Et par la suite, un de ces amis le met sur la piste de Pascal Quignard qui a déjà abordé la période baroque dans la leçon de musique. Après cela 17 versions de scénarios seront tentés. Et au final, tous les matins du monde rencontrera un succès franc.

L

ES PERSONNAGES PRINCIPAUX

.

Marin Marais jeune.

Guillaume Depardieu.

Marin Marais âgé

.

Gérard Depardieu.

Monsieur de Sainte Colombe.

Jean-Pierre Marielle.

Madame de Sainte Colombe

.

Caroline Sihol.

Madeleine.

Anne Brochet.

Toinette.

Carole Richert.

Alain Corneau. Pascal Quignard.

SCENARIO ET ROMAN.

Le récit fait entendre le texte, transposé à la première personne. Le film adopte un montage cut (passage brusque d'un plan à l'autre) faisant succéder les plans et les scènes de manière brusque en réponse à la composition du livre en brefs chapitres. Le film propose aussi de nombreuses scènes muettes où les personnages ne parlent pas mais où on les voit agir. Le silence correspond à M. de Sainte Colombe dont la réserve confine au mutisme. Le choix du plan fixe pousse le film vers un genre pictural. La musique, très présente, participe à la construction du film.

Jordi Savall, compositeur du film, parmi ses compositions a choisi la musique de Lully, la Marche pour la cérémonie des Turcs (1670) en rythme vif et sonore. C’est celle jouée par l'orchestre que dirige Marin Marais et s'oppose à la musique de la Rêveuse que lui demande de jouer Madeleine mourante ou M. de Sainte Colombe.

Deux styles de musiques s'opposent : la musique grave et ténébreuse de de Sainte Colombe et la musique légère et fantaisiste de Marin Marais.

PROLOGUE ET EPILOGUE DIFFERENTS DANS LE FILM.

Pour situer rapidement les choses, le début et la fin du roman sont différents du film.

Dans le roman de Pascal Quignard, le narrateur débute le récit en annonçant la mort de Madame de Sainte Colombe. Il termine sa narration sur le chapitre où Sainte Colombe enseigne ses dernières compositions « capable de réveiller les morts » à Marin Marais.

Dans le film réalisé par Alain Corneau, on peut voir Marin Marais âgé faisant une leçon à la cour du roi. Il se plaint et parle de son maître Monsieur de Sainte Colombe. Il dit « Austérité, colère, il était muet comme un poisson… Je suis un imposteur. Lui, était la musique. » C’est un récit rétrospectif.

De plus, le « non » hurlé par Marin Marais, prend un sens tragique, car en effet il y a quelque chose au-delà de l’agacement de ce dernier. Ni le silence des élèves, ni les tentatives pour jouer les pleurs, ne lui suffisent pour atteindre le niveau du maitre.

Pour ce qui est de la fin, dans le film on voit donc Marin Marais à la Cour du Roi faisant sa leçon, comme lors du début puisque c’est la suite. Puis, le fantôme de Sainte Colombe apparait, vieilli, et lui répond qu’il est fier de lui avoir transmis tout ce qu’il savait, ainsi que ses compositions. Il lui demande ensuite de jouer l’air que sa fille Madeleine aimait, et qu’il lui avait joué avant qu’elle se suicide, La Rêveuse.

PROLOGUE ET EPILOGUE DIFFERENTS DANS LE FILM

. ( SUITE ) Ainsi l'éloge de Sainte Colombe est fait, afin de rendre hommage à ce musicien qui n'a reçu aucune reconnaissance, et qui reste aujourd'hui encore très peu connu.

Cependant, le film lui affirmerait presque que l'élève s'est perfectionné. D'ailleurs, l'épilogue montre le fantôme de monsieur de Sainte Colombe, ce qui nous affirme que l'élève a su assimiler les choses que son maitre lui avait apprises, notamment les "arias capable de réveiller les morts". Marais a su donc maitriser l'art de convoquer les morts. Le dialogue que ces deux protagonistes ont dans le film , notamment la fierté qu'éprouve Sainte Colombe envers Marais alors qu'il a chassé et humilié plusieurs fois, prouve là encore qu'il a su développer son talent, ou du moins il reconnait Marin Marais comme son égal.

Pour ce qui est de la fin dans le roman, il est proposé une fin ouverte: on peut supposer que Marin Marais est parti pour Versailles et qu'il a compris la sagesse de son maitre, mais rien n'est dit clairement.

Les deux œuvres sont donc polyphoniques, jouent avec les sons et les silences, et créent ainsi ambiance et personnages.

Dans le livre de Pascal Quignard, on retrouve des faits historiques véridiques, des obsessions de l'auteur, des idées évoquées dans sa précédente œuvre. Mais lors de son adaptation au cinéma par Alain Corneau, les aspects politiques de l'œuvre (par exemple la destruction de Port-Royal), seront supprimés, notamment pour se consacrer uniquement à sa demande initiale, la musique.

Ces deux passages très importants, le prologue et l'épilogue, répondent finalement aux questions que laissent le roman. Mais ils donnent tout d'abord une identité au narrateur.

DIFFERENTS NARRATEURS.

Marin Marais est alors la voix off durant toute l'œuvre de Alain Corneau, c’est donc son point de vue qui est pris en compte. Dans le livre, le narrateur est externe, et le point de vue adopté est omniscient.

Si Marin Marais est la voix off dans le film, c'est pour combler les lacunes narratives du récit, et ainsi en racontant des épisodes intimes de la vie de son maitre, de montrer à quel point le personnage de Sainte Colombe a marqué Marin Marais. Sans oublier néanmoins le rôle important de Marin Marais dans la transmission du savoir de Sainte Colombe .

PERTE D’UN ÊTRE CHER ET L’ART.

Avant d'écrire Tous les matins du monde, Pascal Quignard se penche sur les œuvres de Georges de la Tour, peintre du XVIIème siècle (peinture éclairé à la bougie comme certaines scènes du film). Il a d'ailleurs écrit en 1991, la même année que le roman, une étude sur cet artiste.

L'art occupe une place majeure dans les deux œuvres : la musique, à laquelle le film donne une place encore plus importante que le roman en nous la faisant entendre, puisque dans le livre nous ne pouvons que l'imaginer, et la peinture que le livre cite mais que le film "imite" par certains aspects visuels. Ces tableaux et plans symbolisent la vie qui se consume inexorablement et annonce la mort qui vient : l'homme mourant, M. de Sainte Colombe, ou Madeleine qui mourra.

La musique dans les deux œuvres accompagne la mort des personnages qui donne une sinistre. Sa première apparition se fait lors de la mort d'un ami de M. Sainte Colombe, puis lors de celle de M. de Sainte Colombe. Les pièces musicales que composent le maitre ont des titres éloquents, liés à la douleur de la perte : Les Enfers, Les Pleurs ou encore La Barque de Charon (barque qui mène au royaume des morts).

La peinture aussi est lié à la perte d'un être chère, celle de sa femme.

La Madeleine à la veilleuse

(vers 1638-1640) L’adoration des bergers (vers 1644)

Ami de Sainte Colombe sur son lit de mort.

Femme de M. Sainte Colombe sur son lit de mort.

Madeleine sur son lit de mort. (Petite vérole)

POLITIQUES ET VISIONS DE SOCIETE.

RAPPEL :

Le jansénisme est un mouvement religieux, politique et moral du 15 ème au 18 ème siècle, en réaction à certaines évolutions de l’Eglise Catholique et à l’absolutisme royal. Le jansénisme prend son essor sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV et demeure un courant important sous leurs successeurs.

C'est d'abord une réflexion théologique centrée sur le problème de la grâce divine avant de devenir une force politique qui se manifeste sous des formes variées, touchant à la fois à la théologie morale, à l'organisation de l’Eglise catholique aux relations entre foi et vie chrétienne à la place du clergé dans

la société et aux problèmes politiques de son temps.

Pascal Quignard s’est servi des faits historiques et politiques de l’époque pour écrire son œuvre. Dans le roman, Sainte Colombe côtoie les adeptes de Jansénisme. D’ailleurs ses filles sont élevées par un janséniste. (cf p10 « un homme qui appartenait à la société de Port Royal, M. de Bures, apprit aux enfants les lettres… ») Cependant, il n’est jamais dit clairement et officiellement que le personnage de M. de Sainte Colombe l’est lui aussi, mais qu’il les fréquente simplement.

Or, dans l’adaptation cinématographique de Jean Corneau, il est dit dès le début du film par Marin Marais lui-même « Il était janséniste ».

De plus, dans le roman de Quignard, le narrateur nous fait part des événements de la destruction de Port Royal, lors du chapitre 15, mais dans le film, ces événements politiques sont mis de côtés. Cela peut s’expliquer par la volonté de Corneau de mettre davantage en avant la réflexion sur le personnage de Sainte Colombe, sa personnalité, son rapport aux êtres et aux choses.

Si le film présente et respecte le roman en mettant en scène des mondains, c’est uniquement pour mettre en relief la solitude et la réclusion de de Sainte Colombe.

DEUX RUPTURES DIFFERENTES.

Le film possède une particularité dans le fait que Marin Marais ne trompe pas Madeleine avec Toinette avant de la quitter. En effet, il la regarde juste avec attirance mais il ne va pas plus loin. (cf scène de la cuisine ou Madeleine et Marin Marais ne parlent pas. Toinette a péché un poisson. Il la regarde différemment.) Or, dans le roman, Marin Marais accompagne Toinette et Madeleine à la chapelle pour nettoyer les statues des Saints. Il monte à la tribune, joue une pièce d’orgue. Toinette lui fait signe, ils sortent et vont s’isoler dans des buissons où ils font l’amour.

L’annonce de la rupture est néanmoins rendue de la même façon dans les œuvres. Notons tout de même que l’explication donnée par Marin Marais est moins confuse puisqu’on comprend qu’il fait référence à Toinette lorsqu’il affirme à Madeleine « Je vous abandonne parce que je ne songe plus à vos seins dans mes rêves. J’ai vu d’autres visages » (chap. 18). Or il avait affirmé au chapitre 17 à Toinette qu’elle « av[ait] des seins plus gros que ceux de [sa] sœur »…

DES SCENES CENSUREES.

Corneau, veut mettre en avant le fait que tout homme recherche l’état de béatitude où il se trouvait avant la naissance, dans l’utérus de la mère. C’est à partir de là, qu’une scène à été censurée.

Dans les paradisiaques, de Pascal Quignard, au deuxième chapitre, il est raconté la mort de M. Vauquelin. Plus précisément avant que Sainte Colombe ne joue, le mourant demande de revoir le lieu où il a pris naissance.

Vauquelin ordonne donc à Annette la servante, d’enlever son tablier, de monter sur le lit, de se placer juste au dessus de lui, et d’écarter les jambes et de le laisser regarder son sexe. Puis dans la scène suivante, il demande à Annette de coller son ventre contre son visage, et il dit alors « Comme c’était chaud, humide, vivant, odorant, et doux ! Telle était ma première maison ! Comme je t’ai aimée. » ici, le souhait ultime de M. Vauquelin est de retrouver le paradis perdu qu’était le ventre de sa mère.

Ces deux scènes, dont donc des scènes censurées du livre.

M. Sainte Colombe, lui aussi rêvait de retrouver ce paradis. Le film rend bien compte de cela, notamment à la scène de l’immersion dans le lac.

Début Film : - Commence par musique (ref. musique Scénario et Roman) - Plan fixe, Gros plan sur Marin Marais - Confession Fin Film : - Dénouement plus heureux que dans le livre "je suis fier de vous" - Plan successif sur les personnages présents : Marin Marais, M. de S-C, musiciens.

Cave : - Madeleine souffre en silence comme dans le livre.

- Toinette se rebelle mais contre Guignotte alors que c'est contre M. de S-C dans le livre.

- Image sombre : éclairé à la bougie.

Viole brisée : - Scène pus rapide que dans le livre : citations supprimées - Plus de violence dans le livre : MM "cria" et S-C Éternuement : - S-C le gifle alors que dans le livre il lui donne des coups de pieds jusqu'à le blesser au genou : plus de violence dans le livre.

Séparation : - Plus d'émotion dans le livre que dans le film : dans le livre elle pleure et non dans le film. (Ce qui rappelle la scène de la cave où elle souffre en silence)

CONCLUSION.

Après avoir remarqué tous ces éléments, nous pouvons conclure sur le fait que le roman ait été écrit à la demande de Corneau, afin d’en produire un film. Le scénario a été co-signé en conséquence par ce dernier et Pascal Quignard en 1991.

Comme nous l’avons vu, des différences existent entre la version cinématographique et la version roman. Les 27 chapitres brefs du livre sont traités en plus de 34 séquences dans le film – la temporalité est donc traitée de façon différente. Des scènes ont donc été ajoutées, comme le prologue et l’épilogue qui sont très importants, d’autres ont été supprimés car des sujets dans le film ont été mis de côté comme les faits historiques et politiques, le personnage de Guignotte la servante, et le fait que Marin Marais ne trompe pas Madeleine avec sa sœur, et certaines autres scènes ont été complètement censurées.

Cependant, s’il existe des différentes entre les deux versions, il y a bien évidemment des points communs. En effet, la plupart des scènes sont semblables à l’écriture du roman. Le cinéma montre à l’image, ce que les mots ne font que suggérer.

Toutefois, les deux œuvres, bien que différentes de par leur nature, restent complémentaires.

BIBLIOGRAPHIE :

• « Tous les matins du monde » d’Alain Corneau. (Film) • « Tous les matins du monde » de Pascal Quignard (Livre) • http://fr.wikipedia.org/wiki/Pascal_Quignard • http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=1918.html

• http://fr.wikipedia.org/wiki/Tous_les_matins_du_monde • http://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Corneau • Profil bac « Tous les matins du monde » Hatier.

• http://fr.wikipedia.org/wiki/Jans%C3%A9nisme • Annales Bac TL