COLLO_ENM juin 2013

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2 juillet 2013
Ecole Nationale de la Magistrature de Paris
« Le comportement de la victime de violences
conjugales
Emprise mentale et Ambivalence »
Jean-Pierre VOUCHE
Psychologue clinicien - Thérapeute familial
Formateur superviseur
• pour le Ministère Justice Programme Prévention Récidive des S.P.I.P (OiseEure-Normandie-Cher-Bouches du Rhône-Creuse)
• Conférencier pour le CRIAVS Picardie et Faculté de Médecine d’Amiens
• de criminologues de Centre Hospitalier Spécialisé (groupe de parole pour
criminels sexuels, Perpignan-La Charité sur Loire - Crosne-Nevers, Angers),
• De la Police judiciaire de Paris
• Direction Municipale de Santé et de Prévention de Gennevilliers 92
1
• intervenant post traumatique du C.C.A.S de la ville de Reims
Pour aborder les victimes passons rapidement
par des notions des particularités des auteurs
Claude BALIER différencie :
 La PERVERSITE : représentation de soi fondée sur la
destruction physique et psychique de l’autre.
 « Les PERVERSITES NARCISSIQUES», dont l’organisation
défensive est fondée sur le déni, l’expulsion et la projection
immédiate sur autrui de toute blessure susceptible d’altérer une
représentation de soi invulnérable et sans faille.
• La PERVERSION SEXUELLE construite sur un scénario
sexuel ludique
• La PERVERSITE SEXUELLE qui utilise le recours à
l'acte sexuel violent et le clivage du moi pour éviter l'entrée dans
la psychose.
Jean-Pierre VOUCHE
2
Caractéristiques de l’emprise
 La notion de PERVERSION au sens de fonctionnement psychique, fait
référence à la relation d'emprise (R. Dorey) au besoin de contrôler l'autre,
de l'annuler dans la relation, une action d'appropriation par dépossession,
une empreinte gravée sur l'autre.
Les traits pervers font obstacle à la relation : malaise de l'interlocuteur qui a
du mal à identifier ce qui l'envahit face à un discours qui apparaît cohérent,
fascination parfois, banalisation de ce qu'il a pu faire subir à l'autre.
L'emprise vise la destructivité qui entame la capacité à penser, à exister.
 DENI DE L'ALTERITE
Le déni de l'altérité, de reconnaître l'autre dans sa différence, son altérité, est
retrouvé dans des proportions plus ou moins importantes mais toujours présente.
 Hypothèses psychodynamiques : troubles graves du narcissisme, fragilité du
sentiment de continuité identitaire, menace d’effondrement narcissique, liés à des
angoisses majeures d’altération voire de disparition de la représentation de soi.
Jean-Pierre VOUCHE
3
Perversion, destructivité et altérité
 Stoller « perversion, destructivité, forme érotique de la
haine »
 Perversion = une forme de destructivité avec :
 Fascination, manipulation, séduction
 Raisonnements paralogiques justifiant leurs actes : « philosophie » (cf
Sade)
 Exhibitionnisme / voyeurisme, provocation
 Cynisme, sadisme / masochisme
 Objet de l’agressivité : l’altérité, la subjectivité de l’autre =
l’emprise
 Objectif : empêcher l’autre de se différencier / d’être autonome
(« désaveu de la castration »)
Jean-Pierre VOUCHE
4
Perversion et contre-transfert
 Le sujet attaque ce qui fait de nous des
individus séparés et différents :
 Notre narcissisme : par sa séduction
 Notre pensée : par sa fascination, ses distorsions
 Notre pudeur : par sa provocation, exhibitionnisme
 Notre sentiment d’humanité : par son cynisme
Jean-Pierre VOUCHE
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Évaluation des traits de personnalité de
l’auteur de violences conjugales
Ils ont des:
Traits phobiques
 Rigidité et tendances paranoïaques
 Égocentrisme et traits pervers
 Impulsivité
 Dysthymie (subdépressif ou état maniaque)
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l’auteur de violences conjugales
l’évaluation de la relation à l’autre
 Capacité de lien : attachement / maîtrise
 Rapport à l’altérité (la victime existe! mais comme
objet)
 Rapport difficiles aux éprouvés / alexithymie
(désigne les difficultés dans l’expression verbale de ses
émotions)
 Absence de capacité d’insight / d’auto-critique
 Attitude face à la thérapie (réticence, acceptation
partielle, adhère car veut comprendre)
7
Les « négateurs » persistants
des violences conjugales
4 traits communs
NIER :
Narcissisme, « amour propre »
Incapacité d’accéder à l’Intimité / confident
Égocentrisme / conséquences de la négation
Rigidité et persécution / justifications, autoritarisme
=> fréquence des personnalités paranoïaques
8
Les Victimes de violences conjugales
. leur comportement
. l’emprise mentale
. l’ambivalence
9
« Dans la relation d’emprise, c’est bien simple : l’un des deux,
pour son profit ou son plaisir, néantise le monde mental de
l’autre. S’il néantisait le monde physique de l’autre, nous
n’aurions pas de peine à nommer « crime » une telle relation.
Mais pour le monde mental, il a fallu de longs débats, pour
comprendre que la néantisation du monde mental d’un autre
est un crime dont il faut analyser les processus de
destruction et de reprise de néo-développement résilient,
comme l’a fait Jean Pierre Vouche dans son livre « De l’emprise à
la résilience ».
Boris CYRULNIK
2009
10
La toile de fond de ces violences conjugales, c’est l’échec de
la relation d’amour. Le mirage de l’amour pour des êtres en
difficultés identificatoires et en carence narcissique précoce !
« Si l’emprise n’est pas totale, n’a pas éliminé le corps au seul
bénéfice de la tête, la victime conserve une chair réduite aux
seules sensations injectées par l’agresseur. Celles-ci
constituent un corps étranger fiché dans la chair, dont la victime
ne peut se défaire, mais surtout, elles sont une source qui
impose des sensations exaspérées et des émotions
irrépressibles»*.
Liliane DALLIGAND
* Liliane DALLIGAND, "Les violences conjugales", Le journal des psychologues
N°255, mai 2008, page 52
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La victime a donc un combat à mener avec la culpabilité.
Grâce à cette culpabilité, la victime entrera dans la relation à
l’autre, mais après avoir été un nœud central, de la réactivité
thérapeutique, elle annoncera un renouveau puisé dans les
ressources de son âme.
La restauration symbolique transformera la représentation
de soi masquée temporairement par les humiliations, le
rabaissement de l’agresseur, son "meurtre psychique".
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Les victimes de violences conjugales, surtout les femmes
(88%) osent de plus en plus parler et porter plainte. Mais il
ne s'agit que de la partie immergée de l'iceberg.
20 % des cas de violences conjugales seulement sont
déclarés à la police, selon l'Observatoire National de la
Délinquance.
Très souvent, la honte, la peur, la menace empêchent les
femmes (et aussi les hommes) de parler et de dénoncer
leur tortionnaire.
Les associations d'aide s'efforcent de créer un rapport
de confiance avec les victimes, pour libérer la parole et aider
des femmes à sortir de leur enfer domestique ».
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« La relation d’emprise est un phénomène universel
et ubiquitaire, écueil sournois et redouté qui menace toute
relation humaine.
L’interaction de deux ou plusieurs individus ou groupes
d’individus, dans quelque milieu que ce soit, peut en effet
conduire à une relation d’emprise. Celle-ci peut s’exercer, entre
autres, au travers d’un pouvoir totalitaire en politique, par
l’entremise de la propagande dans les médias, les dérives
sectaires des religions, mais aussi dans les entreprises, les
institutions, les familles, les couples et dans la sexualité à
travers les situations de harcèlement, de maltraitance,
d’inceste, d’abus sexuel... »
Cédric ROOS
Cédric ROOS : "La relation d’emprise dans le soin », BESANÇON: CRAZY RABBIT PROD, 2006.
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la relation d’emprise
est une perversion où le prédateur ne tient compte que de son
seul monde mental, ses pulsions, ses désirs.
L’autre, n’existe que sous forme de proie et non pas de
personne.
Le pervers narcissique n’éprouve pas le plaisir de la
transgression puisqu’il n’y a pas de lois qui interdit d’écraser un
moustique ou de briser un morceau de bois.
L’autre existe à peine, on peut donc la violer, la battre, l’isoler,
la réduire en esclavage sans aucune culpabilité.
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Cette manière de comprendre la perversion explique
pourquoi la victime se laisse si souvent dominer.
En fait, la femme victime s’attache au compagnon
pervers qui, comme tout bon chasseur sait ce qu’il doit faire
ou dire pour immobiliser sa proie.
Traumatisée, hébétée par la violence de l’homme qu’elle
aime encore, elle pardonne souvent afin de garder un
lien affectueux avec celui qui, auparavant, l’avait
séduite. Le prédateur interprète ce désir de maintenir un
lien, comme une acceptation de sa violence et c’est
ainsi que la relation d’emprise donne aux partenaires de
la perversion une illusion de complicité.
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Une réflexion sur la résilience permet d’affronter cette
situation en termes systémiques :
- évaluer les ressources de la femme blessée après sa
dépersonnalisation
- et contrôler l’agresseur en disposant autour de la victime
des tuteurs de reprise d’un développement résilient.
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Evaluation et prise en charge des victimes de violences conjugales
Comportement emprise mentale - ambivalence
Mécanismes de défense
 Dissociation traumatique
 Clivage, déni, rationalisation
 Refoulement, évitement
 Mise à distance, intellectualisation
 Sublimation
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Evaluation et prise en charge des victimes de violences
conjugales:
Comportement - emprise mentale - ambivalence
Trois issues au conflit interne de la victime
 Elaboration
 Somatisation
 Passage à l’acte
Sinon : reviviscences, cauchemars
traumatiques, illusions… c’est-à-dire retour
du vécu d’effraction
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Evaluation et prise en charge des victimes
comportement emprise mentale- ambivalence
Le traumatisme
(McCann & Pearlmann)
 Ebranlement des
quatre certitudes de
base :
 Le monde est juste
 Le monde a un sens
 Je suis quelqu’un et j’ai
une valeur propre
 Les gens méritent de la
confiance
 Sept besoins
psychologiques
sous-jacents :







Confiance
Sécurité
Pouvoir
Autonomie
Respect
Intimité
Cohérence
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Evaluation et prise en charge des victimes
comportement emprise mentale- ambivalence
Traumatisme
 Le caractère durable et
persistant du traumatisme
est généralement lié à sa
durée durant la vie
commune et la diversité des
micro violences répétées
 L’effraction du traumatisme
produit une réminiscence
différente du souvenir
Le traumatisme (résumé)
 Incapacité d’élaborer et
mentaliser autour du trauma.
 Projection des affects sur
l’autre.
 Qualification des éprouvés
souvent impossible
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Distorsions traumatiques
chez la victime
 Image de soi : « je suis nulle », « je finis toujours
par échouer », « je ne mérite pas d’être aimée »
 Image des autres : « je finis toujours par être
trahi », « les autres savent mieux que moi »
 Image du monde : « le monde est injuste »,
« tout finit par mal tourner »
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La prise en charge thérapeutique
des femmes violentées
La fonction thérapeutique à valeur de fonction d’étayage, de moi
auxiliaire dans les premières semaines de soutien, quand il existe une
désorganisation psychique profonde.
La victime privée transitoirement de ses contenants psychiques s’appuie sur
le thérapeute, qui par ses capacités identificatoires prête ses propres
enveloppes psychiques pour aider à figurer, à mettre en mots, hors pour cela
il doit renoncer à cette neutralité bienveillante.
La "silenciothérapie" renvoie immanquablement la victime à la répétition
d’une situation de détresse. Le thérapeute doit "négocier avec le tortionnaire
intériorisé" (comme le dit F. Sironi), le thérapeute doit interpréter
systématiquement les éléments transférentiels ayant trait à la violence des
patients afin de garantir la solidité du cadre.
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La prise en charge des victimes de violences conjugales
Comportement emprise mentale - ambivalence
L'AIDE PSYCHOTHÉRAPEUTIQUE POUR LES VICTIMES D'EMPRISE
Un accompagnement et un soutien psychologique sont nécessaires pour mettre
fin à l'emprise.
Notre approche clinique vise à permettre aux victimes de s'extirper de cette emprise
asphyxiante.
Et ainsi reprendre le contrôle de leur propre vie. Il faut au préalable que victimes et
cliniciens admettent qu'un processus d'influence s’est installé, et reste encore
très présent, même durant les premières consultations ou séances de groupes.
À contre-courant de l'indépendance psychique, des restes des influences
mentales de l‘homme violent subsistent.
Ces victimes attendent des techniques libératrices des thérapeutes. Conscientes que
seules, elles ne s'en sortent pas !
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La prise en charge des victimes
de violences conjugales
Comportement emprise mentale - ambivalence
Que cela soit en suivi individuel ou en groupe de parole,
Les cliniciens adoptent une écoute active avec ponctuation d'analyse des discours, afin de
tirer des enseignements des phénomènes décrits et des émotions verbalisées.
Les silences thérapeutiques laissent une place entière au développement de la parole
enfin libérée. Les attitudes thérapeutiques ne sont pas neutres. Elles révèlent les
fonctionnements aliénants de l'oppresseur (violeur ou violent) , le condamnent et
stigmatisent le processus d'emprise.
Ce renforcement positif clinique est essentiel dans le renforcement de la posture active
de la victime. Les cliniciens sont en ouverture, en disponibilité, à l'affût des ressources
résilientes qu'ils ont à tonifier. Mais aussi des ambivalences des victimes encore
engluées dans leur attachement affectif à l’auteur de leur misère de vie.
Les thérapeutes réaniment la victime, pour qu'elle soit en mesure d'avoir une
attitude critique de leur expérience de vie sous emprise.
L'analyse de ce processus, la compréhension de leur propre abandon permettent une
réactivité. Nous avons des rythmes, souvent lents, de résilience graduelle. À force
de patience, de présence sur le temps, nous enregistrons des transformations de
positionnement de vie. Les victimes deviennent exigeantes et intransigeantes. Le processus
thérapeutique évolue sur un mode d'alternance, du fait de la présence par moment d’une
culpabilité. À nous de métaboliser l'envie d'aller vite, car il faut respecter
le tempo des victimes.
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Le suivi individuel des victimes
Je remarque que la demande est bien souvent masquée et les violences ne
sont pas amenées comme premier élément de plainte. Des entretiens préalables de
l’adulte permettent d’étudier le meilleur dispositif.
La technique analytique doit donc être repensée pour accueillir le trauma des victimes
et l’intensité de la souffrance qui lui est attaché. L’espace analytique se conçoit comme
un contenant, une ère transitionnelle qui puisse accueillir l’irreprésentable, la violence
des affects et la défaillance des enveloppes psychiques, avant même d’envisager une
réorganisation.
Ce cadre permet de contenir les angoisses primitives liées à l’effondrement du moi.
La victime attend du thérapeute confiance et sécurité et endosse le rôle de pare
excitation qui a fait défaut lors de l’effraction traumatique ; ce cadre thérapeutique
permet de restaurer une continuité psychique et de colmater les brèches ouvertes par
l’effraction traumatique. Il y a nécessité pour le thérapeute d’une empathie rapide, les
entretiens préliminaires visent à restaurer la fonction contenante du sujet, à
évaluer son désir de changement et ses capacités de réorganisation psychique.
Des victimes qui nous consultent ne viennent pas pour changer mais pour être
réparées. Dans un premier temps l’espace analytique est souvent un lieu d’écoute
d’évocation ou souhait d’être aidée à supporter ce qui leur arrive, dans un deuxième
temps une autre demande pourra émerger.
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Trame d’animation du groupe de parole de femmes victimes de Violences
1- présentation de chaque participante
- L’ampleur des sévices subis, violences physiques, intimidation, manipulations psychologiques,
des séquestrations, minimiser les actes négations, contraintes et menaces, violences contre autrui,
se drogue t-il ou boit-il ? Possession d’armes.
2 - une réflexion sur le statut et le rôle des femmes.
- L'analyse des rapports sociaux de sexe inégalitaires, qui structurent très fortement l'organisation des rôles
au sein de la famille , de la société et la place de chacun. Entre autres seront abordées les représentations
qu'elles ont intériorisées de la femme, le statut de l'homme.
3 - le choix amoureux de départ
Ce qui a changé avec le temps ou les évènements familiaux, sociaux..
4 - les prémisses de la violence
Regards, silence, intimidation, menaces…
5 - le statut de la violence
Objectifs, visée de cette violence, jeu sur la vulnérabilité, soumission à la violence : au nom de quoi ?
Dominant/dominé, l’emprise de l’autre,
6 - les épreuves de la violence
Les ressentis, limage de soi, l’estime de soi, le rapport au corps.
7 - la trace des traumatismes
8 - les sentiments
comment avancer au regard de l’insoutenable des violences ?
9 - quelles sont leurs voies de dégagement ?
Sortie de l’isolement, le rôle du tiers (associations, justice) dans cette situation,
10 - la séparation dans les cas de violences sexuelles dans le couple
La solitude, l’angoisse, la nostalgie des sentiments, l’abandon des idéaux familiaux
11 - la réparation psychique de soi
Retrouver la confiance en soi, réapprentissage de la féminité
12 - l’avenir
La rencontre future, comment se prémunir de la violence, les situations à risques ?
13 - non acceptation" de la violence
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