outils-connaissance - Les outils de la connaissance en urbanisme

Download Report

Transcript outils-connaissance - Les outils de la connaissance en urbanisme

UNIVERSITÉ PARIS-EST - INSTITUT D’URBANISME DE PARIS
LAB’URBA EA 3482
LES OUTILS DE LA CONNAISSANCE POUR
UN CHERCHEUR EN URBANISME
8 février 2013- IFU
Mathilde Cordier
Docteure en urbanisme, aménagement et politiques urbaines
Chercheuse associée au Lab’Urba / [email protected]
Introduction
• Variétés d’outils à disposition des chercheurs pour produire de la
connaissance (méthodologie de la recherche):
- Méthodes quantitatives: questionnaire fermé, outils statistiques,
analyse de bases de données, etc.
- Méthodes qualitatives: entretiens semi-directifs, observation, parcours
commentés, cartes mentales, etc.
- Outils de mise en image: cartographie, etc.
 Le chercheur pioche dans cette boîte à outils en fonction de son sujet
et de sa problématique afin de trouver le moyen le plus adéquat de
produire les informations recherchées
Mon sujet de thèse
• Thèse sur les politiques locales de l’habitat
• L’intercommunalité : « chef de file » des politiques locales de
l’habitat
- « Bonne » échelle de proximité
- Solidarité territoriale et dépassement des « égoïsmes
communaux »
- Intégration du logement au reste des politiques urbaines
• Organisation d’un « nouvel espace de solidarité » (Quilichini,
2006) et « lutte contre l’apartheid social »
•
Deux instruments majeurs :
- Programme local de l’habitat (PLH)
- Délégation des aides à la pierre
Mon sujet de thèse
Un rôle de « chef de file » dans un contexte incertain :
•
Compétence habitat partagée entre les divers échelons publics :
mobiliser des ressources détenues par d’autres
•
Action soumise en continu au consensus communautaire
•
Animer une dynamique d’agglomération en matière d’habitat
sans pour autant disposer de moyens coercitifs
Mon sujet de thèse
Problématique générale:
Au sein d’un contexte fragmenté, pluriel et négocié, quelle est la
capacité d’action collective des intercommunalités à faire émerger un
« bien commun territorial » en matière d’habitat ? Et quels en sont les
freins ?
• Question 1 : Quel est le rôle de l’Etat dans l’émergence et les modalités
de cette capacité d’action collective ?
• Question 2 : Pourquoi et par quels moyens les EPCI arrivent-ils à faire
émerger et à consolider leur leadership en matière d’habitat sur les
scènes communautaires, et notamment vis-à-vis de leurs communes
membres ?
• Question 3 : Quels effets du processus d’apprentissage ?
Mes terrains de thèse
La CU de Lyon
• Deux configurations locales
qui présentent un certain
nombre de similitudes (culture
politique territoriale et
apprentissage institutionnel) :
- Antériorité de la coopération
intercommunale
- Maturité de la politique de
l’habitat
- Affichage du consensus et
« totems » communautaires
La CU de Dunkerque
Les outils utilisés dans le cadre de ma thèse
Une recherche empirique :
•
L’investigation de deux scènes locales de l’habitat : les
agglomérations de Lyon et de Dunkerque
- Entretiens semi-directifs avec les principaux acteurs locaux
- Observation de réunions d’acteurs
- Analyse des documents locaux
•
L’observation du paysage national de l’habitat
- Entretiens semi-directifs avec les principaux acteurs nationaux
- Observation des réunions du Réseau des acteurs de l’habitat
- Interventions dans le cadre de formations professionnelles
L’entretien semi-directif
• L’entretien semi-directif semble souvent constituer en sciences
sociales (et particulièrement dans l’analyse des politiques
publiques) un « impensé méthodologique »: « Objet d’un consensus
implicite plaidant pour sa polyvalence théorique ou impensé
consécutif à sa mise en pratique routinière, l’entretien semi-directif,
informatif et rétrospectif semble être devenu l’outil principal du
chercheur français en politiques publiques, quelle que soit l’option
théorique choisie » (Bongrand, Laborier, 2005, p.74).
• « L’entretien avec les acteurs de la décision » constitue, par
exemple, une des dix étapes d’une recherche sur les politiques
publiques, listées par Pierre Muller. « Il s’agit de rencontrer les
individus qui ont participé à la mise en place et à l’application de la
politique étudiée : responsables politiques, fonctionnaires,
représentants de groupes professionnels ou d’associations,
travailleurs sociaux, militants politiques » (Muller, 1990, p.95).
L’entretien semi-directif
• Ce type d’entretien, très flexible, n’est ni complètement structuré à
partir d’une liste de questions précises, ni entièrement libre (il
s’appuie sur une grille d’entretien avec des thèmes préétablis).
• Pour la réalisation des entretiens semi-directifs, l’interviewer dispose
dune série de questions qui lui servent de grille d’entretien (ou de
guide d’entretien) mais cette grille est modulable et souple en
fonction de l’évolution du discours de l’interviewé: les questions ne
sont pas posées dans un ordre strict respectant la grille d’entretien
préétablie mais en fonction du flux conversationnel et des réactions
de son interlocuteur.
L’entretien semi-directif
- « l’entretien informatif/narratif » (produisant des données fiables
sur les processus historiques d’élaboration et de mise en œuvre
des politiques publiques)
- « l’entretien compréhensif » (produisant des données sur les
pratiques effectives des acteurs et les représentations soustendant ces pratiques).
 Tenté de concilier ces deux dimensions : Dans l’élaboration de
notre grille d’entretien, ainsi que dans notre façon de mener les
entretiens (et enfin, de les analyser), nous avons porté tout à la
fois une attention particulière aux informations nous permettant de
retracer les modalités d’élaboration et de mise en œuvre des
politiques locales de l’habitat au sein des deux agglomérations
observées, ainsi qu’à celles nous permettant de porter un regard
sur les pratiques effectives et les représentations des acteurs.
L’entretien semi-directif: les limites et biais
• L’entretien est une méthode réactive : le chercheur provoque la
situation d’énonciation des données qu’il cherche à recevoir, il met
les personnes rencontrées dans une situation où elles « doivent »
répondre à des questions…
• D’abord, l’entretien donne moins d’information qu’on pourrait
l’imaginer (sauf exception) : souvent, la mémoire des interlocuteurs
est défaillante, ils confondent les dates et ont tendance à
reconstruire a posteriori leur rôle dans la décision, soit pour la
minimiser (en cas d’échec), soit pour la valoriser (en cas de succès)
• D’autre part, les responsables qui ont changé de poste depuis les
évènements sur lesquels on les interroge auront également
tendance à reconstruire l’histoire de la décision en fonction de leurs
nouvelles fonctions
• Enfin, risque que les acteurs modifient leurs discours en fonction
des souhaits supposés du chercheur…
L’entretien semi-directif: les limites et biais
• A force de rencontrer des acteurs véhiculant une synergie de
discours ou de « baigner » dans un certain milieu à force de
l’observer, le chercheur peut risquer de faire siennes les
représentations et les idées de ceux qu’il observe
• C’est l’image de l’ « acculturation à l’envers » (Laplantine, 1996) : le
processus vers lequel le chercheur va se décentrer par rapport à luimême, ses valeurs, ses modèles d’appréhension du monde, pour
intégrer les manières de faire, de dire, et de penser de ceux qu’il
étudie, ainsi que la culture et les significations qui guident les
comportements observés
L’observation
• La méthode d’observation directe consiste à être le témoin des
comportements sociaux d’individus ou de groupes dans les lieux
mêmes de leurs activités, sans en modifier le déroulement ordinaire
• L’observation directe a pour objet le recueil et l’enregistrement de
toutes les composantes des interactions et des faits sociaux qui
s’offrent à la perception de l’observateur. Pour ce faire, le chercheur
a alors pour but de côtoyer et d’étudier les individus ou les groupes
observés, d’assister aux actes et aux gestes qui produisent leurs
actions, d’écouter leurs échanges verbaux et d’inventorier les objets
dont ils s’entourent, qu’ils échangent ou produisent
• « le participant observe » : les activités d’observation du chercheur
ne sont pas complètement dissimulées, mais pour ainsi dire
cachées ou soumises à des activités de participants. Nous avons
tenu ce rôle d’observateur dans la plupart des réunions du « réseau
des acteurs de l’habitat ». Nous étions un participant non dissimulé,
mais la configuration spatiale de la réunion et le nombre de
participants nous permettaient de rendre notre présence discrète, de
la banaliser. Les interactions et les prises de parole se seraient
déroulées de la même façon, avec ou sans notre présence
L’observation
• Mes interventions dans le cadre de formations professionnelles
en direction des acteurs de l’habitat
• Ces interventions m’ont ainsi permis de recueillir un matériel
empirique concernant :
- l’importance des enjeux et des questions que je soulevais pour
les participants : la pertinence ou non de nos observations à
leurs yeux, les réactions suscitées…
- la manière dont les acteurs comprennent, énoncent, discutent
eux-mêmes les enjeux abordés,
- la confrontation des points de vue entre acteurs en fonction de
leur appartenance institutionnel ou territoriale
Un autre exemple de recherche….
• Recherche pour le DDD, PUCA, l’ACSE sur l’attribution des
logements sociaux : délais d’attente anormalement long et
discriminations
• Interroger les délais d’attente d’un logement social et d’autre part à
renseigner les critères, explicites ou non, qui fondent les choix des
acteurs aux différents moments du processus d’accès au logement
• 5 terrains de recherche: Paris, Plaine Commune, la CAMY, Nevers,
Rennes
Un autre exemple de recherche….
• Première phase quantitative: réaliser un cadrage
statistique au plan national (d’après l’enquête nationale
logement de 2006 puisque la nouvelle enquête ne sera
menée qu’en 2013)
• Ce cadrage sera complété par une analyse statistique
plus fine grâce aux bases de données départementales :
la base de données des numéros uniques et fichiers
départementaux issus des commissions de médiation
DALO et des commissions Accords Collectifs de
logement social
Un autre exemple de recherche….
• La réussite de cette première phase est conditionnée :
- à l’accès aux bases de données,
- à l’ensemble des informations qu’elles contiennent et à la fiabilité de
celles-ci.
L’analyse des délais d’attribution dépend en effet en grande partie
de la possibilité d’exploiter l’information centralisée dans les fichiers
des demandeurs de logement social (la base de données des
numéros uniques) particulièrement riches du point de vue des
informations détenues mais aussi des fichiers départementaux issus
des commissions de médiation DALO et des commissions Accords
Collectifs
.
Les données chiffrées recueillies sur les cinq sites retenus seront
éclairées par l’étude des contextes locaux (modes de gouvernance,
dispositifs spécifiques, etc.). Cette mise en perspective se fondera,
pour chaque étude de cas, sur les éléments statistiques recueillis
sur chaque territoire, l’examen des documents disponibles et la
rencontre d’interlocuteurs clés
Un autre exemple de recherche….
• Deuxième phase qualitative: étudier de façon approfondie les
pratiques d’attributions au sein de deux des cinq territoires
sélectionnés. Ces sites seront choisis au regard des résultats du
traitement statistique des données, de l’innovation des actions
menées en matière de lutte contre les discriminations et du contexte
rendant la question de l’égalité de traitement particulièrement aigue
• Ce volet qualitatif a plusieurs objectifs :
- apporter des éléments d’interprétation aux résultats de l’approche
statistique,
- Observer et d’interroger les pratiques, les intentions, les choix et les
stratégies des acteurs agissant dans le champ de l’attribution des
logements sociaux. C'est-à-dire autant les représentations, réserves
et catégorisations qui orientent et justifient finalement la sélection des
demandeurs
- permettre d’alimenter un référentiel méthodologique et de bonnes
pratiques
Un autre exemple de recherche….
• Nous savons que la décision d’attribution en commission
d’attribution est le résultat de l’intervention d’une chaîne d’acteurs à
laquelle il apparaît crucial de porter attention, dans son ensemble
• Nous questionnerons donc leurs pratiques aux différents moments
de la procédure, à savoir :
- Comment sont mis en relation l’offre qui se libère et les demandes?
- Comment est déterminée la hiérarchisation des candidatures au
logement?
- quels sont les critères sur lesquels les candidatures sont retenues
ainsi que ceux qui fondent la hiérarchisation entre les candidatures?
Un autre exemple de recherche….
• L’observation des pratiques sera complétée par une dizaine
d’entretiens semi-directifs sur chaque site auprès des acteurs
suivants notamment : réservataires, bailleurs, collectifs relogement.
• Bureau du logement de la préfecture ;
• Service locatif des comités interprofessionnels du logement
(disposant du plus grand nombre de réservations sur le
département)
• Service locatif des bailleurs (aux caractéristiques et
politiques diverses);
• Service habitat de la collectivité locale ;
• Service intégré d’accueil et d’orientation d’insertion
(SIAO10);
• Organisme d’intermédiation (collectif relogement, GIP
HIS,...);
• Un acteur clé de la lutte contre les discriminations sur le
territoire (chargé de mission chez un bailleur, en collectivité
territoriale,...).
Un autre exemple de recherche….
• Une recherche impliquant les acteurs concernés, de deux manières :
• Au sein d’un comité de pilotage qui, en plus des
commanditaires, rassemblerait les acteurs clés des terrains
d’enquête. Ce comité de pilotage serait réuni à différents
stades d’avancement de la recherche afin de présenter la
méthodologie choisie ainsi que le déroulement de la recherche
• Lors d’un séminaire, organisé à l’issue de la phase d’enquête
qualitative, qui permettrait de faire le point sur les pratiques
observées lors de la phase qualitative et d’échanger, de façon
informelle, sur les difficultés rencontrées par les acteurs. Les
travaux de ce séminaire constitueraient un apport à
l’élaboration du cadre méthodologique afin d’intégrer les
enjeux d’égalité de traitement dans l’évaluation des
traitements et attributions de logements sociaux.
Conclusion
•
•
•
•
•
Croiser les méthodes et les outils
Difficulté de l’accès aux données
Fiabilité des données produites par un tiers
Limites des données existantes
Difficulté d’accéder à certaines informations (impossibilité
d’observer une commission d’attribution de logements sociaux,
dérogation de la CNIL pour données sur les patronymes par
exemple…)
• Difficulté de travailler sur des données subjectives, sur de
l’humain…
• Importance de la littérature grise et de s’inscrire dans un cadre
théorique et méthodologique
Conclusion
Des différentiels de temporalité entre le temps de l’action et le
temps de la recherche
• Il faut souligner le différentiel de temporalité entre le temps de
l’action observée et le temps de la recherche. Au cours du travail de
thèse, le cadre national des politiques du logement a évolué
(évolutions législatives et réglementaires, etc.), certains services se
sont restructurés, les acteurs en responsabilité ont changé, les
enjeux connexes à la problématique ont évolué… (idem pour la
recherche sur les attributions : Dufflot annonce une réforme du
système au moment où on commence la recherche…)
• La recherche porte ainsi toujours en grande partie sur une période
donnée et passée
• Le travail final ne peut pas voir le jour à l’instant des évènements
que l’on observe (ce qui est parfois attendu de la part des acteurs),
et dans une autre mesure, il ne peut pas intégrer sans cesse les
évolutions qui parcourent son objet de recherche sous peine de ne
jamais pouvoir mettre de point final….