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La crise européenne :
intégration ou
désintégration ?
Éloi LAURENT (OFCE/Sciences-po)
[email protected]
Université d’été “Le capitalisme en crises”
Université de Montréal, 29 juin 2010.
Problématiques
 De la « crise financière américaine » à la crise politique européenne ;
 L’intégration européenne ou le politique refoulé ;
 Maastricht ou l’illusion nominale ; le bilan de l’euro ;
 La concurrence fiscale et sociale ; l’Allemagne et la stratégie du
petit pays;
 Comment sortir de la crise européenne ?
 Trois scénarios de long terme.
De la crise financière américaine à la
crise politique européenne
 Fin 2008, début 2009 : dixième anniversaire de l’euro. Tout est pour le mieux
dans le meilleur des mondes ;
 Mais la crise globale a mis sous une lumière crue les difficultés de l’Union
européenne à s’organiser en puissance économique souveraine dans la
mondialisation, apte à répondre efficacement et solidairement aux chocs qui
l’affectent. On pouvait pourtant raisonnablement nourrir l’espoir que l’Union,
forte de cinq décennies d’intégration économique et de dix années d’union
monétaire, devienne le laboratoire de la coopération internationale.
 Mais manque de volonté de coordination des Etats membres au sein de la zone
euro, cœur de l’Europe économique et carences de la solidarité européenne
envers les nouveaux Etats membres et de la périphérie européenne en général ;
 Au total, l’Union européenne, a été lente et approximative dans sa réponse à la
crise ; Elle a été rattrapée par une crise dont elle a nié la gravité. La zone euro
paye quant à elle le prix fort de sa complaisance.
L’intégration européenne ou le
politique refoulé
 L’Europe « vivante et organisée », Jean Monnet et Robert Schuman (9 mai
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1950) : mettre en commun les matières premières de la guerre pour la rendre
matériellement impossible.
La Communauté européenne du charbon et de l’acier ou CECA (18 avril 1951)
est le premier pas de cette Europe économique en apparence, mais politique
au premier chef.
Schuman : « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction
d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une
solidarité de fait. ».
Déclaration du 9 mai 1950 : déclaration d’interdépendance. Traité de Rome :
étendre la logique de la paix par le marché ;
Le pouvoir politique est suspect, il doit être encadré et déguisé ; vide délibéré
de souveraineté, non-gouvernement européen : cette lacune est au cœur de la
crise actuelle.
Maastricht ou l’illusion nominale
 Le traité de Maastricht redéfinit, la constitution économique
européenne ;
 Traité de Rome (CEE, 1957) : principe de « concurrence libre
et non faussée » au sommet de la pyramide constitutionnelle
; Traité de Maastricht consacre le principe de « stabilité des
prix » ;
 Nouvelle hiérarchie dont les sommets sont l’Article 105, la
BCE, le Pacte de stabilité : la « gouvernance économique »
par les règles.
La constitution économique européenne
Source : Laurent, 2006.
Le bilan de l’euro
 Cette stratégie a-t-elle produit de bons résultats ? Le tableau statistique de dix années de
monnaie unique est loin d’être satisfaisant. La comparaison avec les pays de l’UE 15 qui
n’ont pas adopté la monnaie unique révèle de sérieuses carences. D’abord, le niveau de
vie (la croissance du PIB réel par tête) a baissé dans la zone euro entre l’avant et l’après
monnaie unique. Il y progresse plus faiblement sur la période 1999-2008 qu’en Suède, au
Royaume-Uni et au Danemark.
 Le taux de la croissance économique s’est également réduit en zone euro entre 1989-1998
et 1999-2008, alors qu’il a accéléré sur cette période dans les trois pays pris comme point
de comparaison. La croissance de la productivité du travail a quant à elle été réduite de
moitié dans la zone euro entre 1989-1998 et 1999-2008, alors qu’elle s’est presque
maintenue en Suède, au Royaume-Uni et au Danemark.
 Certes, l’inflation est tombée de 3,3% à 2,2% dans les pays qui ont adopté l’euro, mais elle a
chuté à 1,7% dans les pays européens qui ont conservé leur monnaie (les taux d’intérêts de
long terme ayant été réduits exactement dans les mêmes proportions). Les déficits et la
dette publics ont également été davantage réduits en Suède, au Royaume-Uni et au
Danemark que dans la zone euro. La comparaison avec les Etats-Unis, seule région
économique de taille comparable, n’est guère plus flatteuse ;
 Surtout, les pays de la zone euro divergent dangereusement en termes réels.
Bilan de l’euro : succès nominal
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Uni t l a bour cos t
Source : Fitoussi et Laurent, 2009.
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Bilan de l’euro vs UE 15 non euro
Source : Commission européenne.
Bilan de l’euro vs Etats-Unis
Source : Commission européenne.
Bilan de l’euro : divergence réelle
Source : Fitoussi et Laurent, 2009.
La concurrence fiscale et sociale
 Les performances moyennes des pays de la zone euro ne sont pas bonnes, mais elles
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cachent surtout des situations très disparates. C’est la question lancinante du degré de
coopération entre les Etats membres de la zone euro qui est posée, eux dont les
politiques macroéconomiques dépendent de règles (voir Fitoussi, 2002) qui conduisent à
une discipline apparente mais ne favorisent pas la coopération et peuvent de ce fait en
réalité conduire à des divergences persistantes.
L’adoption de stratégies économiques non-coopératives au sein de la zone euro est ainsi
particulièrement dommageable en termes de cohésion et d’efficacité économique.
Longtemps pratiquées par les plus petits pays de la zone (Irlande), ces stratégies de
désinflation compétitive reposant sur la modération salariale ou la concurrence fiscale
ont, depuis 2000, été choisies par l’Allemagne.
Celle-ci a certes put reconquérir sa place de premier exportateur mondial qu’elle avait
perdue après l’unification allemande, mais cette stratégie de croissance a eu pour
contrepartie une faiblesse persistante de la demande intérieure allemande et donc une
faible contribution de celle-ci à la croissance de la zone euro.
La concurrence fiscale et sociale est un problème européen, mais elle est
particulièrement destructrice pour la zone euro car les pays n’ont plus le taux de change
pour s’ajuster; les écarts de compétitivité menacent donc directement la zone euro.
La concurrence fiscale
Source : Commission européenne.
La stratégie de croissance de petit pays
de l’Allemagne depuis 2000
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Trade openess (left scale)
Source : Commission européenne.
Unit labour cost, business sector (right scale)
Allemagne vs. « Club Med »
Source : Commission européenne.
Comment sortir de la crise
européenne ?
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A peine adolescent, l’euro est désormais une monnaie en sursis : il dispose de quelques années –
deux, peut-être trois – pour faire la preuve de sa viabilité. Si cette période n’est pas mise à profit
pour engager des réformes institutionnelles profondes, il ne fait aucun doute que la zone euro se
disloquera sous le poids de ses contradictions en déclenchant une crise mondiale bien plus violente
que celle de l’automne 2008.
Destiné à pallier les problèmes immédiats de liquidité, le FSE permet de gagner du temps pour
mettre en place de véritables réformes. Le FSE a, d’ailleurs, été institué pour une durée de 3 ans,
correspondant à l’horizon fixé par la Commission pour le retour des Etats sous la limite de 3 % du PIB
que le Pacte de stabilité impose en matière de déficit public.
Dialogue de sourd franco-allemand, mais rien n’est fait, dans l’approche purement disciplinaire ou
dans l’idée de coopération pour régler les problèmes de compétitivité des pays membres et pour
améliorer les perspectives de croissance de la zone euro.
Or, sans mécanisme de coopération mutuellement avantageuse, le renforcement de la discipline est
dépourvu de crédibilité.
Il faut instituer un « fédéralisme soutenable » reposant sur trois piliers : le renforcement de la
discipline macroéconomique non seulement sur les déficits mais aussi sur les dettes publiques et
privées et la compétitivité des États ; la pénalisation des États ne respectant pas les règles
communes par une « surtaxe carbone » dont les recettes seraient versées au budget européen ;
l'orientation des moyens budgétaires européens, dans le cadre de la stratégie « UE 2020 », vers un
grand plan de conversion « verte » des économies du Sud de l'Europe en vue de restaurer leur
compétitivité.
Trois scénarios de long terme
 « L’Empire du vide » : scenario le plus proche de ce qu’est l’Europe aujourd’hui.
L’Europe est devenue un “empire de la règle” : droits de l’homme et règle de
marché, succès historique mais progressivement, déséquilibre entre marché et
démocratie : le pouvoir des règles occupe le centre politique de l’empire de sorte
que celui-ci devient creux à mesure qu’il s’étend ; Or, coût économique de la nonEurope politique : le gouvernement de l’économie est laissé à l’abandon ;
 Le « retour des cités-Etats » : L’UE est une petite mondialisation, le PIB régional par
tête en 2005 va de 24% de la moyenne des 27 dans le Nord-Est de la Roumanie à 303%
de cette moyenne dans le centre de Londres : rapport de 1 to 13. Les très fortes
disparités régionales pourraient menacer l’unité nationale dans chacun des pays de
l’UE ; Les effets de concentration et d’agglomération liés au succès du Marché
unique ramènent au centre de la scène économique et politique les villes
européennes, qui ressemblent aux cités-Etats du Moyen-Âge européen (Italie et
Pays-Bas). L’accroissement des disparités territoriales feront que des espaces
proches vivront dans des époques éloignées.
 « La renaissance européenne » : « Europe des biens publics », « croissance verte » :
« Communauté européenne de l’environnement, de l’énergie et de la recherche ».