Benjamin Dessus - Mouvement Utopia

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La transition énergétique indispensable
Benjamin Dessus
Global Chance
1
I - Les défis
• Une population qui va passer de 7 aujourd’hui à 9
milliards en 2050,
• Des disparités de développement considérables à
combler entre pays industriels et pays pauvres
mais aussi entre riches et pauvres des pays
pauvres, des pays en transition et des pays riches
• Donc des besoins importants de services
énergétiques supplémentaires
2
De quoi s’agit- il?
- Etat des lieux
• Une population mondiale qui va passer de 7
à 9 milliards en 2050 avec des besoins de
développement majeurs pour 6 milliards
d’entre eux
• De très fortes inégalités d’accès aux
services de l’énergie entre :
• Pays riches et pauvres
• Pauvres et riches d’un même pays (même
riche, précarité énergétique)
Etat des lieux
• 80% de l’approvisionnement mondial repose
sur les énergies fossiles (charbon, pétrole gaz)
• Des controverses sur l’horizon de leur
épuisement, mais des tensions de plus en plus
fortes sur leur coût, en particulier pour le
pétrole
• Des émissions de gaz à effet de serre associées
(CO2, méthane) totalement incompatibles
avec une limitation du changement climatique.
Etat des lieux
• Une énergie nucléaire marginale (6% de
l’approvisionnement mondial), actuellement
en déclin, très contestée au titre des accidents
majeurs (Fukushima) de la prolifération et des
déchets à haute activité.
• Des énergies renouvelables en croissance mais
encore marginales hors bois de feu et
hydraulique
Les impératifs de la « transition »
• Fournir les services énergétiques nécessaires à 9
milliards d’hommes en éliminant les inégalités
d’accès
• Sans épuiser les réserves fossiles et fissiles
• En respectant une limite de concentration des gaz à
effet de serre de l’ordre de 45ppm eq CO2 en 2050
(+2degrès)
• En évitant à tout prix un accident nucléaire majeur et
la prolifération, ce qui suppose d’en sortir
• Sans concurrence majeure d’usage des sols par les
renouvelables (alimentation, etc)
Les réponses prospectives
• Pour éclairer cette question , il est utile de
retracer l’histoire des scénarios mondiaux
depuis 30 ans et d’analyser des scénarios
mondiaux contrastés, leurs hypothèses et
leurs résultats ( AIE et NOE).
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La question démographique :
• Le contrôle de la population des pays du Sud, une
solution efficace?
Mais l’empreinte énergétique d’une vie aux USA
est 12 fois plus forte qu’en Inde et 36 fois plus
forte qu’au Sahel, en tenant compte des
espérances de vie.
Stabiliser la population des USA à sa valeur actuelle
entraîne des économies d’énergie suffisantes en
2050 pour compenser la croissance
démographique et économique de l’Afrique
Les politiques actuelles
Deux postulats implicites des politiques
énergétiques et climatiques actuelles et des
scénarios qui les justifient :
• Puisque le CO2 apparaît comme le premier
responsable du réchauffement, la question
énergétique est l’essentiel de la problématique.
• Comme il est impensable pour des gens «un peu
sérieux» de remettre en cause la nécessité d’une
croissance yc dans les pays riches d’au moins 2%
par an, et bien qu’elle y soit pratiquement nulle, la
seule voie réaliste est la substitution d’énergies
non ou moins carbonées aux énergies fossiles :
9
c’est la croissance verte.
L’équation
Emissions de GES = énergies fossiles?
Responsabilité climatique du CO2 énergétique
•
•
•
•
•
CO2 énergie
CO2 (forêt, ciment)
N2O
CH4
Divers
2110
60%
16%
8%
15%
1%
2050
49%
14%
7%
30%
<1%
2030
43%
12%
6%
38%
<1%
L’assimilation climat = énergie est donc exagérée
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A propos du méthane
• Les fuites de méthane des exploitations de Gaz de
schiste atteignent de 4% à plus de 8% aux USA
contre 1% annoncés pour le gaz conventionnel.
• C’est grave pour l’effet de serre : à l’horizon
2050, en eq CO2, des fuites de 4% représentent
plus que la combustion du gaz.
• C’est une raison majeure d’interdire cette
exploitation en France, si nous voulons respecter
nos engagements européens.
II- L’histoire des scénarios:
• L’histoire des idées transparaît dans celle
des scénarios énergétiques
• Jusqu’en 1986 tous les scénarios mondiaux
imaginent pour 2050 des consommations
d’énergie 3 à 4 fois supérieures à celles des
années 80 : la croissance économique se
mesure à la croissance de la consommation
d’énergie!
12
Alter en France : les premiers doutes
• En 1978 le groupe de Bellevue sort un
scénario pour la France en 2050 sans
nucléaire, complètement renouvelable avec
une consommation d’énergie finale de
l’ordre de 115 Mtep en 2050 contre 135 en
1975 et 160 aujourd’hui. On ne parle pas
encore d’effet de serre.
13
« Energie pour un monde vivable »
• En 1986, Goldemberg et al. modifient la
donne : en partant de l’étude de la demande
énergétique et non plus de l’offre, ils
proposent une décroissance significative de
la consommation d’énergie par habitant des
pays riches en 2020 et donc un
rééquilibrage Nord-Sud.
14
Le scénario NOE
• En 1989, NOE reprend la même méthode
d’analyse mais en « normant » deux problèmes
d’environnement global:
• Limiter les émissions en 2060 aux quantités
absorbables par la biosphère (12 GT eqCO2)
• Stopper la croissance du cumul de déchets
nucléaires HAVL en 2100
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Résultat
moins de 12 Gtep en 2060
avec un rééquilibrage Nord-Sud majeur:
• Conso E/hab pays du Nord divisée par 2,5
• Conso E/hab pays du Sud multipliée par 2.
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Comment?
• Une diminution de l’intensité énergétique
du Pib dans les pays riches de 2 à 2,5% par
an (c’est le chiffre de la loi POPE sur l’énergie
française)
• Un ralentissement très net de la croissance
des pays riches à 0,9% par an par rapport
aux perspectives classiques ( 2% par an)
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L’AIE à son tour avec 17 ans de
retard
• 17 ans plus tard, l’AIE commence à
prendre en compte la question du climat
dans ses scénarios. En 2008, « Energy
technology perspectives » analyse
l’importance relative de 10 programmes de
réduction des émissions pour passer de 62
Gt de CO2 en 2050 à 12.
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Efficacité et renouvelables
• Comme dans NOE, en tête et de loin,
l’efficacité au niveau de la demande avec
54% du total
• Les renouvelables : 21%
• Le captage stockage du CO2 : 19%
Enfin, très loin derrière, le nucléaire avec 6%.
Mais c’était avant Fukushima.
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Derrière les analogies…
• Tous deux permettent d’atteindre la cible
450 ppm
• Tous deux donnent la priorité :
• 1- A la maîtrise de l’énergie
• 2- Aux renouvelables
• Le nucléaire disparaît dans l’un, reste
marginal dans l’autre
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De profondes différences sur deux points
• L’AIE maintient le dogme de la croissance. La
convergence des niveaux de vie américain et
chinois intervient vers 2060 à un niveau de l’ordre
de 80 000 $/hab.
• Dans NOE convergence plus tôt et plus bas avec
45% d’économies supplémentaires en 2050 par
rapport au scénario AIE.
• De même pour les modes de vie, sans changement
dans AIE, une société beaucoup plus décentralisée
et sobre dans NOE.
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Deux concepts de la transition
• Une transition fondée sur une croissance
intouchable et une série de paris techniques
(captage CO2, nucléaire, agrocarburants,
etc.) pour boucler le bilan.
• Contre une transition plus égalitaire, qui
questionne la croissance des plus riches,
plus sobre en énergie, sans recours à des
ruptures technologiques, avec sortie du
nucléaire…
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III- Et en France?
• Le débat national sur la transition a reproduit la même
controverse sur la transition avec 4 trajectoires type:
• DEC : Demande forte et décarbonisation par
l’électricité (Sc Négatep et DGEC)
• DIV : demande moyenne et diversité des vecteurs
(Ancre Div, RTE)
• EFF : efficacité énergétique et diversité des vecteurs (
Ademe, GRDF, Ancre Sobre)
• SOB pour sobriété énergétique et sortie du nucléaire
(Négawatt, Greenpeace, Global Chance)
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En fait deux grandes catégories
• DEC et DIV, environ 135 Mtep de conso
finale d’énergie, envisagent une légère
baisse 13% par rapport à 2011 (158 Mtep)
de cette consommation,
• - EFF et SOB, par contre, atteignent environ
75 Mtep de conso finale en 2050, soit une
baisse de plus de la moitié par rapport à
2011.
• Plus que la nature du mix énergétique c’est
la demande qui discrimine les scénarios
24
Les consommations finales
25
Conséquences sur le facteur 4
• On constate que la division par 4 de
l’ensemble des gaz à effet de serre n’est pas
possible dans les scénarios qui ne divisent
pas par deux environ la conso finale
quelque soit le mix adopté dans ces
scénarios.
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La réaction du MEDEF
• C’est ce constat par le comité d’experts du
débat qui a déclenché instantanément une
réaction du MEDEF sur le mode :
• Halte à la décroissance et à la déchéance de
la France, nous allons sauver la planète avec
les gaz de schistes et le nucléaire, id est « la
croissance verte ».
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III- Le pari nucléaire dans tout cela?
Situation actuelle :
• 400 réacteurs en marche (environ 330GW) dans une
trentaine de pays, 5,5% de l’énergie primaire
mondiale, mais 2,2% de l’énergie finale. Une part de
l’électricité mondiale en décroissance : 18% en 1995,
10,3% en 2012.
• Un parc vieillissant (âge moyen = 27 ans)
• Des émissions évitées de 3,5% de l’ensemble des
GES (à 100 ans).
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Une activité mondiale en déclin :
400
350
300
Capacité électrique
nucléaire
opérationnelle GW
250
Production
d'électricité
nucléaire (dizaines
de TWh)
200
12
20
10
20
08
20
06
20
04
20
02
20
20
00
150
La situation actuelle : les accidents
majeurs et la fin de vie
• 4 (1 Tchernobyl, 3 Fukushima) accidents majeurs
de réacteurs au monde (450) au cours des 30
dernières années, contre un objectif affiché de
0,014 (10-6 par réacteur et par an): un rapport 285.
• L’élimination et ou le stockage des déchets
HAVL ou MAVL non résolus.
• La stratégie, le planning et les coûts de
démantèlement très incertains.
• Une polémique sur la prolifération vers les armes
30
Les perspectives
•
•
•
•
Les coûts futurs?
Le marché mondial?
Les émissions évitées?
Les ressources en uranium et les réacteurs
du futur?
• Les illusions et les risques de la fusion
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Les coûts futurs?
La compétitivité revendiquée actuellement
tient principalement à trois points :
• L’amortissement très avancé du parc
mondial
• La minimisation des coûts de
démantèlement et de stockage des
déchets(coût unitaire et taux d’actualisation)
• L’absence d’assurance contre les accidents
majeurs
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Les coûts futurs?
• Le coût au kW des nouveaux réacteurs : une
courbe de « désapprentissage industriel »
EPR
1650
MW
900
MW
CP1
900
MW
CP2
1350
MW
P4
et P'4
1500
MW
N4
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Les coûts futurs
• Flamanville : coût d’investissement
« overnight » 8,5 G€ soit 5150€/kW+
1500€/kW de frais financiers.
• Coût courant économique de production de
l’ordre de 100€/MWh hors assurance.
• Pas d’espoir raisonnable de descendre en
dessous de 85€.
• Transaction actuelle au Roy Uni : autour de
115 €/MWh
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La nécessité d’un fonctionnement en base
€/MWh
Evolution des coûts/MWh en fonction des
durées d'appel annuelles
350
300
250
200
150
100
50
0
8000 7000 6000 5000 4000 3000 2000
Heures/an
EPR
CCG 10€/mbtu CO2 10€/tonne
Les surcoûts incertains
• Mise à niveau post-Fukushima,
• Assurance,
• Démantèlement,
• Déchets
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Le marché mondial?
• Le renouvellement du parc mondial vieillissant est
déjà un objectif ambitieux. Pour ne pas reculer il
faudrait reconstruire 170 GW avant 2025
(hypothèse durée de vie des réacteurs de 40
ans).Ce n’est pas gagné.
• Le marché se heurte à la question du pas
d’investissement technique et financier pour les
nouveaux pays et à l’organisation du réseau
qu’impose le nucléaire (question des smart grids et
des renouvelables)
• Effet post Fukushima (décisions d’arrêt en
Allemagne et autres), concurrence du gaz et forte
incertitude sur les coûts d’aval à long terme.
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Les émissions évitées?
• Dans le scénario Blue Map de l’AIE, 1200
GW en 2050 produisant 7500 TWh et
évitent de 2,5 à 4,7 Gt de CO2 pour des
émissions énergétiques de 62 Gt et totales
de plus de 85 Gt eqCO2.
• Pour un pays donné, effet pervers quand le
nucléaire sert de prétexte au développement
d’applications saisonnières comme le
chauffage électrique : nucléaire inapte à
l’usage de pointe et pas de possibilité
pratique de cogénération.
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Les ressources d’Uranium
et les réacteurs de quatrième génération
• En cas de relance, problème de ressources
en uranium.
• Solution proposée : retraitement, plutonium
et surgénérateurs génération 4 (multiplie par
50 les réserves).
• Mais pas au point, une civilisation du
Plutonium et un engagement de plus de 100
ans sur la filière.
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Et la fusion?
• Hors des clous en délais : 2080-2100?
• ITER très contesté dans sa faisabilité même
et les risques associés à son
fonctionnement:
• Disruptions pouvant conduire à une
destruction et une catastrophe écologique,
• Béryllium et tritium particulièrement
dangereux
• Déchets très radioactifs (bombardement
neutronique des parois) etc.
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Conclusions
• La poursuite du nucléaire est inutile dans les
scénarios de transition du type NOE ou Négawatt.
• Dans les scénarios type AIE, le triplement du
nucléaire avant 2050 n’apporte qu’une
contribution marginale à la solution du problème
climatique.
• Ce triplement impose de passer à la génération 4
non encore démontrée et de s’engager sur le long
terme (100 ans) avec de nouveaux risques .
• Reste la probabilité non négligeable d’un ou
plusieurs accidents majeurs d’ici 2050 inhérente à
la fission nucléaire.
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Que faire alors ?
• On ne s’en sortira pas sans un effort majeur
• de sobriété qui suppose de commencer par
les plus riches.
• d’efficacité énergétique qui suppose une
politique industrielle et fiscale volontariste
• de renouvelables qui implique une société
beaucoup plus décentralisée et solidaire
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