Politique étrangère et sociologie de l`action publique

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Groupe de recherche « Sociologie de la Politique Etrangère » (SPE)
Politique étrangère et sociologie de l’action publique
Hugo Meijer
Chercheur postdoctoral, Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire (IRSEM)
Docteur associé au CERI/Sciences Po
(1) Par delà la dichotomie politique
étrangère/politique intérieure
La vision classique de la politique étrangère
Anarchie des relations internationales et primauté de la politique étrangère
(1) Par delà la dichotomie politique
étrangère/politique intérieure
La vision classique de la politique étrangère
Anarchie des relations internationales et primauté de la politique étrangère
Marcel Merle : selon cette « vision classique » de la politique étrangère:
« Les objectifs majeurs de la politique étrangère demeurent constants tout au long de
l’histoire : il s’agit tout d’abord d’assurer la sécurité de l’Etat, c’est-à-dire l’intégrité du
territoire et l’indépendance de l’action de ses dirigeants ».
(1) Par delà la dichotomie politique
étrangère/politique intérieure
La vision classique de la politique étrangère
Anarchie des relations internationales et primauté de la politique étrangère
Marcel Merle : selon cette « vision classique » de la politique étrangère:
« Les objectifs majeurs de la politique étrangère demeurent constants tout au long de
l’histoire : il s’agit tout d’abord d’assurer la sécurité de l’Etat, c’est-à-dire l’intégrité du
territoire et l’indépendance de l’action de ses dirigeants ».
Par conséquent, la politique étrangère a été « érigée, tant par les praticiens que par
les observateurs, en un domaine séparé des autres activités incombant à la puissance
publique. Le face à face des acteurs étatiques avec leurs homologues étrangers obéit à des lois
qui n’ont apparemment pas grand-chose à voir avec les vicissitudes de la politique
intérieure ».
(1) Par delà la dichotomie politique
étrangère/politique intérieure
La vision classique de la politique étrangère
Anarchie des relations internationales et primauté de la politique étrangère
Marcel Merle : selon cette « vision classique » de la politique étrangère:
« Les objectifs majeurs de la politique étrangère demeurent constants tout au long de
l’histoire : il s’agit tout d’abord d’assurer la sécurité de l’Etat, c’est-à-dire l’intégrité du
territoire et l’indépendance de l’action de ses dirigeants ».
Par conséquent, la politique étrangère a été « érigée, tant par les praticiens que par
les observateurs, en un domaine séparé des autres activités incombant à la puissance
publique. Le face à face des acteurs étatiques avec leurs homologues étrangers obéit à des lois
qui n’ont apparemment pas grand-chose à voir avec les vicissitudes de la politique
intérieure ».
 Distinction nette entre action extérieure et intérieure de l’Etat et primauté
de la politique étrangère sur la politique intérieure
Vers une érosion de la dichotomie politique étrangère/politiques
publiques internes ?
Vers une érosion de la dichotomie politique étrangère/politiques
publiques internes ?
(1) Interdépendance et densité croissante des relations interétatiques et
transnationales
(2) Elargissement des agendas diplomatiques
(3) Prolifération des acteurs participant à l’élaboration de la politique
étrangère
(4) Les régimes internationaux
Prolifération des acteurs participant à l’élaboration de la politique étrangère
Acteurs infra-étatiques :
 Internationalisation
des
décentralisation horizontale
bureaucraties
domestiques
et
 Hopkins R., 1976, « The International Role of ‘Domestic’ Bureaucracy », International
Organization, vol. 30, n. 3
 Karvonen L., Sundelius B., 1987, Internationalization and Foreign Policy Management,
Aldershot: Gower
 Les relations trans-gouvernementales
 Quel rôle pour les Ministères des Affaires étrangères?
 Hocking B., 1999, « Foreign Ministries: Redefining the Gatekeeper Role », in Hocking B.
(ed.), Foreign Ministries: Change and Adaptation (Basingstoke: Macmillan).
 Underdahl A., 1987, « What’s Left for the MFA? Foreign Policy and the Management of
External Relations in Norway », Cooperation and Conflict, Vol. 22, No 3.
Acteurs non-étatiques : Badie, Le diplomate et l’intrus. L’entrée des sociétés dans
l’arène internationale
Les régimes internationaux
Peuvent être analysés comme des « ‘ordres internationaux sectoriels’ ou,
pour parler le langage des politiques publiques, comme des secteurs
internationaux où se déploie de l’action publique multilatérale » : régulation
du commerce international à l’OMC, les traités de désarmement,
le régime international de l’environnement en gestation, etc.
(Petiteville, Smith, 2006, p. 359)
Par delà la dichotomie politique étrangère/politique intérieure ?
 Les transformations dans les pratiques de la politique étrangère ont
ainsi ouvert la voie à un rapprochement de la Foreign Policy Analysis et
de l’étude des politiques publiques
(2) Le cloisonnement académique entre Foreign
Policy Analysis et analyse des politiques publiques
(2) Le cloisonnement académique entre Foreign
Policy Analysis et analyse des politiques publiques
Appels au dialogue entre FPA et APP :
France :
 Marie-Christine Kessler
 Marcel Merle
US :
 Ingram H., Fiederlein S., 1988, « Traversing Boundaries: A Public Policy
Approach to the Study of Foreign Policy », The Western Political Quarterly, vol.
41, n. 4
 Lentner H., 2006, « Public Policy and Foreign Policy: Divergences,
Intersections, Exchange », Review of Policy Research, vol. 23, n. 1
(a) Analyse des politiques publiques et politique étrangère/de
défense en France
Jean Joana et Andy Smith
 Joana J., Smith A., 2004, « Le cas de l’avion de transport européen Airbus A400M.
Politique inédite ou édifiante ? » in Genieys W. (dir.), Le Choix des armes. Théories, acteurs et
politiques, Paris : éditions du CNRS, pp. 115-144.
 Joana J., 2008, « Armée et industrie de défense : cousinage nécessaire et liaisons
incestueuses », Pouvoirs, 2008/2, n. 125, pp. 43-54.
 Joana J., 2012, Les armées contemporaines, Paris : Presses de Sciences Po
William Genieys et Laura Michel
 Genieys W. (dir.), 2004, Le choix des armes. Théories, acteurs et politiques, Paris : CNRS
Editions
 Genieys W., Michel L., 2006, « Au-delà du complexe militaro-industriel. Le rôle d’une élite
sectorielle dans le programme du char Leclerc », Revue française de sociologie, 2006/1, vol. 47,
pp. 117-142
Mathias Delori
 Delori M., 2006, « La genèse de la coopération franco-allemande au début des années
1960. L’apport de l’analyse des politiques publiques », Revue française de sciences politiques,
2006/3, vol. 56, pp. 409-428
Thèse de doctorat
 Hélène Dufournet
 Gouverner sans choisir. Entre contrainte morale et réalisme politique : l’engagement
français dans le processus d’interdiction des armes à sous-munitions (2003-2008), Thèse
de doctorat, ENS Cachan, 25 mai 2011.
Julien Demotes-Mainard
 Demotes-Mainard J., 2013, L’abandon des programmes d’armement aux Etats-Unis.
La fin de la Guerre froide et le changement de paradigme de l’acquisition militaire – Les
exemples de l’A-12 Avenger II, du RAH-66 Comanche et du F-22 Raptor, Thèse de
doctorat, Université de Montpellier 1.
Catherine Hoeffler
 Hoeffler C., 2011, Les politiques d’armement en Europe : l’Adieu aux armes de
l’État-nation ? Une comparaison entre l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et
l’Union européenne de 1976 à 2010, Thèse de doctorat : Science Politique, IEP
de Paris.
L’omniprésence de Graham Allison
Graham T. Allison, Essence of Decision: Explaining the Cuban Missile
Crisis (Boston : Little, Brown, 1971)
(b) Les internationalistes et la sociologie de l’action publique
Bastien Irondelle
 Irondelle B., 2003, La réforme des armées en France : sociologie de la décision, Paris, Presses de
Sciences Po.
 Irondelle B., 2008, « Les politiques de défense », in Borraz O. et Guirraudon V., Politiques
publiques, Paris : Presses de Sciences Po, pp. 93-112.
Sami Cohen
 Cohen S., 1986, La monarchie nucléaire. Les coulisses de la politique étrangère sous la Ve
République, Paris, Hachette.
 Cohen S., 1994, La défaite des généraux. Le pouvoir politique et l’armée sous la Ve République,
Paris, Fayard.
 Cohen S., 1998, « Pouvoir, décision et rationalité dans l’analyse de la politique
étrangère », in Marie-Claude Smouts (dir.), Les nouvelles relations internationales. Pratiques et
théories, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, pp. 75-101.
Mathieu Duchâtel
 Duchâtel M., 2009, La politique de sécurité nationale à Taiwan sous la présidence indépendantiste de
Chen Shui-Bian (2000-2008) : sécurité politique et crise de légitimité, Thèse de doctorat : Science
Politique, IEP de Paris.
(c) Les « politiques publiques internationales » : politiques
multilatérales et Foreign Policy Analysis
Politiques publiques internationales :
« L’ensemble des programmes d’action revendiqués par des autorités
publiques ayant pour objet de produire des effets dépassant le cadre d’un
territoire stato-national »
Deux types de politiques publiques internationales :
1. Les politiques publiques multilatérales
2. La politique étrangère
 Foreign Policy Analysis : « une tradition qu’il faut fréquemment réactiver
en France, où elle a toujours eu moins d’adeptes que dans le monde anglo-saxon »
(Petiteville, Smith, 2006, p. 363)
(3) Quelle contribution de la sociologie de l’action
publique à l’étude de la politique étrangère ?
1. Les fondements de la sociologie de l’action publique
 Attention portée aux acteurs et à leurs modes d’interaction
 « La sociologie politique de l’action publique repose sur l’analyse contextualisée
d’interactions d’acteurs multiples et enchevêtrés à plusieurs niveaux, du local à
l’international » (Hassenteufel, 2008)
 1. Analyse des acteurs
 2. Analyse des interactions entre acteurs
 3. L’analyse du contexte
 L’analyse des politiques publiques s’inscrit dans le cadre de la
sociologie politique
Cette approche sociologique de l’analyse des politiques
publiques peut contribuer à créer des passerelles entre l’étude des
relations internationales et de la politique étrangère d’un côté, et
l’analyse des politiques publiques de l’autre
Sociologie de la politique étrangère
2. Lacunes de la FPA :
1. Une attention insuffisante accordée aux interactions entre acteurs
et à leur contextualisation
2. Un faible ancrage empirique
2. Lacunes de la FPA :
1. Une attention insuffisante accordée aux interactions entre acteurs
et à leur contextualisation
2. Un faible ancrage empirique
 De ce double constat naît l’idée de mobiliser des concepts et méthodes
de la sociologie de l’action publique dans l’analyse de la politique étrangère
 Remettre en cause le cloisonnement académique entre l’étude des
relations internationales et celle des politiques publiques
 Socle commun de l’APP et de la FPA : la compréhension d’une
politique ne peut faire l’économie d’une analyse minutieuse des acteurs et
des processus décisionnels concernés
3. Contribution de la sociologie de l’action publique à la
Foreign Policy Analysis
(1) Attention aux interactions entre acteurs, au contexte et aux
processus
(2) Dépasser la dichotomie « déterminants externes/internes »
(3) Une analyse empirique minutieuse
(4) Appréhender le changement en politique étrangère
(4) Quelques pistes de recherche
I. Néo-Institutionnalismes et Politique étrangère
(4) Quelques pistes de recherche
I. Néo-Institutionnalismes et Politique étrangère
Anand Menon, 2011, « Power, Institutions, and the CSDP: The
Promise of Institutionalist Theory », Journal of Common Market Studies,
49(1), 2011, pp. 83-100
Bryan Mabee, 2011, « Historical Institutionalism and Foreign
Policy Analysis: The Origins of the National Security Council
Revisited », Foreign Policy Analysis, 7(1), pp. 27-44
II. Approches cognitives et politique étrangère
Analyse des politiques publiques
 Référentiel (Jobert, Muller, 1987)
 Advocacy Coalition Framework (Sabatier, Jenkins-Smith, 1993)
 Cadres cognitifs d’action publique, « Policy frames » (Rein, Schon,
1991)
 « Policy paradigms » (Hall, 1993)
 Récits de politique publique, « Policy narratives » (Roe, 1994)
Approches cognitives et constructivisme en RI
II. Approches cognitives et politique étrangère
Analyse de la politique étrangère/de défense
Mathias Delori, 2006, « La genèse de la coopération francoallemande au début des années 1960. L’apport de l’analyse des
politiques publiques », Revue française de sciences politiques, 2006/3, vol.
56, pp. 409-428
Mathieu Duchâtel, 2009, La politique de sécurité nationale à Taiwan sous
la présidence indépendantiste de Chen Shui-Bian (2000-2008) : sécurité politique
et crise de légitimité, Thèse de doctorat : Science Politique, IEP de Paris
Jonathan Pierce, 2011, « Coalition Stability and Belief Change:
Advocacy Coalitions in US Foreign Policy and the Creation of Israel,
1922-44 », Policy Studies Journal, 39 (3), pp. 411-434
III. Trajectoires des acteurs et sociologie des élites
ANR OPERA, Operationalizing Programmatic Elite Research
in America
 OPERA examine et compare les processus décisionnels dans les domaines
de la politique de défense et de santé aux Etats-Unis
 La « Démarche programmatique » (Genieys, Hassenteufel)
 « Qui gouverne les politiques publiques ? Par-delà la sociologie des élites »,
Gouvernement et action publique, n. 2, pp. 89-115, 2012
IV. Analyse des réseaux, gouvernance et politique étrangère
Constat :
Evolution des modes de production des politiques publiques au sein
de l’Union européenne :
Multiplication et différenciation des acteurs
Multiplication des niveaux de représentation
Fragmentation et complexification des processus décisionnels multiniveaux
IV. Analyse des réseaux, gouvernance et politique étrangère
Analyse des politiques publiques :
Patrick Le Galès, Mark Thatcher (1995) ; Rod Rhodes (1990)
Existence de réseaux sectoriels, faits de liens interpersonnels mais
aussi de liens d’interdépendance entre institutions
Composition, le degré d’intégration et la structure des réseaux
d’action publique
IV. Analyse des réseaux, gouvernance et politique étrangère
Analyse de la politique de défense (PSDC) :
Bastien Irondelle, Frédéric Mérand, Stephanie Hofmann, 2010,
« Transgovernmental Networks in European Security and Defence Policy »,
in Sophie Vanhoonacker, Hylke Dijkstra et Heidi Maurer (dir.), Understanding
the Role of Bureaucracy in the European Security and Defence Policy, European
Integration online Papers (EIoP), Special Issue 1, vol. 14, 2010.
Bastien
Irondelle, Frédéric Mérand, Stephanie Hofmann,
2011, « Governance and State Power: A Network Analysis of European
Security », Journal of Common Market Studies, 49(1), pp. 121-147.
IV. Analyse des réseaux, gouvernance et politique étrangère
Analyse de la politique étrangère :
Elke Krahmann, 2003, Multilevel Networks in European Foreign Policy,
Hampshire : Ashgate.
Jerome Tan Sibayan, 2013, A Network Analysis of China’s Central
Committee : A Dynamical Theory of Policy Networks, Ph.D. Thesis, Kansas State
University.
(5) Politique(s) Etrangère(s) et « issue areas »
 Ouvrir la « boîte noire » de l’Etat  remettre en question la
conception réaliste de la politique étrangère comme domaine unitaire
et homogène
 Sociologie de la politique étrangère  une vision plus nuancée et
diversifiée de l’action extérieure de l’Etat
 La politique étrangère: médiation diplomatique, les politiques
extérieures de défense et de sécurité, la diplomatie économique et
culturelle, les interactions entre action extérieure et sécurité intérieure
  Approche par « issue areas »
Approche par « issue areas »
Une analyse comparative intersectorielle et internationale permet de :
(1) saisir la complexité et la diversité des acteurs, ainsi que des
coalitions d’acteurs en concurrence dans les processus décisionnels
(2) identifier les variables qui influencent les processus décisionnels
et les orientations de la politique étrangère dans les différentes issue
areas
(3) appréhender les recompositions de l’Etat au travers de ses
différents domaines d’action extérieure
Conclusion
Objectifs du groupe :
1.Revitaliser l’intérêt pour l’étude de la politique étrangère, en
réaffirmant la centralité de cet objet dans la science politique
2.Enrichir le champ de la Foreign Policy Analysis en intégrant, dans l’étude
des relations internationales, l’analyse de la politique étrangère et les
concepts et méthodes de la sociologie de l’action publique
3. Contribution à la sociologie de l’Etat
4. Cela permettra aussi, à terme, de mieux comprendre les spécificités
de la politique étrangère vis-à-vis des politiques publiques, si tant est que
ces spécificités existent ou demeurent