Modèle séquentiel de la traduction

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Un modèle séquentiel de la traduction
Références à lire : La traduction. La comprendre,
l’apprendre, chapitre 4
Daniel Gile
[email protected]
www.cirinandgile.com
Gile Modèle séquentiel
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Introduction
Avons vu jusqu’ici que :
1. Le traducteur intervient sur un texte non pas pour le texte, mais
pour un client, et en général pour servir l’énonciateur du texte dans
le sens voulu par cet énonciateur
2.
La qualité, dans sa dimension textuelle (par opposition à la
dimension comportementale), implique une « fidélité » à l’original
(outre la clarté, la lisibilité, la correction grammaticale et
terminologique etc.)
3.
Cette « fidélité » ne veut pas dire la restitution des mots et des
structures linguistiques de l’énoncé de départ dans l’énoncé
d’arrivée, car ceux-ci ne correspondent pas nécessairement à une
volonté délibérée de l’énonciateur qu’ils peuvent ne refléter
qu’imparfaitement
Nous allons intégrer tout cela dans un plan d’action pratique pour la
traduction sous la forme d’un modèle
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Logique sous-jacente du modèle
Au fil des ans
Nombreuses faiblesses récurrentes constatées
Ce modèle cherche à
intégrer des approches stratégiques de prévention et
d’optimisation des traductions
dans un cadre conceptuel simple
En tant que tel, il est une représentation simplifiée de la réalité,
qui met en exergue des éléments importants
pour guider les étudiants
(Il ne s’agit nullement d’une description scientifique de la traduction)
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Un raisonnement par unités de traduction
L’analyse qui suit se fait en deux étapes:
D’abord « unité de traduction » par « unité de traduction »
(c.a.d. des phrases, des propositions, voire des mots isolés ou
petits groupes de mots sur lesquels on se focalise
successivement)
Ensuite, par agrégats
(phrases entières, paragraphes, texte entier)
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Première étape : la compréhension (1)
Dans un premier temps, comme n’importe quel récepteur
d’énoncé verbal dans la vie, le traducteur perçoit des images
(et l’interprète perçoit des sons, et éventuellement des images)
…et les analyse pour reconnaître des mots, des structures, des
graphiques, le cas échéant des moues et autres éléments non
verbaux dans le cas de l’interprétation
Dans la vie courante, quand on lit ou quand on écoute un
discours, cette analyse est en général subconsciente, sauf
quand il y a difficulté d’identifier des mots ou de comprendre
des idées (si l’on a vraiment besoin de comprendre)
En traduction, l’analyse est souvent consciente et doit faire l’objet
d’une vérification délibérée par un test de plausibilité dès que
le moindre doute apparaît
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Première étape : la compréhension (2)
En effet,
- une maîtrise insuffisante de la langue de départ,
- des maladresses d’expression de l’énonciateur
- des connaissances thématiques et contextuelles insuffisantes
peuvent entraver la compréhension d’un énoncé
(formulé à l’intention d’un lecteur autre que le traducteur)
Et la tentation de prendre le chemin le plus facile, à savoir le
transcodage, est grande… mais très risquée
C’est en y résistant que l’on évite de nombreuses erreurs
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Première étape : la compréhension (3)
Conn ling. + Conn extraling. + Analyse → Compréhension
Complémentarité des conn. lingu.
et extralingu.
N.B.:
- Dans le travail à partir d’une langue non maternelle, des
subtilités linguistiques peuvent nous échapper…
- Le problème se pose également dans une langue maternelle,
en fonction du sociolecte concerné
- Les auteurs des textes que nous traduisons écrivent souvent
eux aussi dans une langue non maternelle, et les indications
linguistiques en surface que nous trouvons peuvent être
trompeuses.
D’où l’importance de l’analyse
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Première étape : la compréhension (4)
L’analyse utilise les connaissances lingu. et extralingu. dont
nous disposons
Pour interpréter correctement l’énoncé, les connaissances
existantes ne suffisent pas toujours, et le traducteur doit
souvent aller chercher des connaissances complémentaires
pour les besoins de la compréhension d’un énoncé précis (et de
la reformulation).
C’est l’acquisition de connaissances ad hoc
Qui est capitale dans la traduction professionnelle, et peut
prendre une proportion importante du temps de traduction total
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Première étape : la compréhension (5)
En tout état de cause, dès que le moindre doute se pose, il faut
faire une analyse de plausibilité de ce que l’on pense avoir
compris :
- Par rapport aux connaissances dont on dispose, y compris
celles ayant trait à l’énonciateur, à ses intentions et à celles du
client
- Par rapport à ce que dit le texte dans d’autres parties que
celle sur laquelle on travaille au moment de l’analyse
Si l’analyse fait apparaître que ce que l’on a compris n’est pas
plausible, essayer de trouver une autre interprétation de
l’énoncé, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’on trouve une
hypothèse de sens plausible
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Interprétation et décisions
Phase de compréhension
Base de
connaissances
Linguistiques,
Extralinguistiques
Hypothèse
de sens
Acquisition de
connaissances ad hoc
Linguistiques,
Extralinguistiques
Plausible ?
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Deuxième étape : la reformulation (1)
Une fois que l’on s’est assuré d’avoir compris ce que dit la partie
de l’énoncé sur laquelle on travaille, on passe à la reformulation
Parfois elle se fait sans problèmes apparents
Mais souvent, on a besoin de réfléchir et/ou d’acquérir
de nouvelles connaissances ad hoc
(notamment terminologiques et phraséologiques)
Il faut toujours relire son énoncé en langue d’arrivée
se demander s’il est fidèle, clair/facile à lire, et par ailleurs
éditorialement acceptable par rapport à sa fonction
(compte tenu de sa fonction aux yeux du client/de l’énonciateur et des
attentes et normes du groupe auquel il est destiné)
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Deuxième étape : la reformulation (2)
Pourquoi cette nécessité ?
Essentiellement, en raison de « l’attraction » qu’exerce l’énoncé
de départ sur l’énonciation
Interférence
Parfois sur le plan lexical ou grammatical
Mais très souvent sur le plan phraséologique
Qui donne des résultats que l’on peut améliorer
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Décisions : Phase de reformulation
Base de
connaissances
Enoncé en LA
Acquisition de
connaissances ad hoc
Linguistiques,
Extralinguistiques
Linguistiques,
Extralinguistiques
Acceptable ?
Fidèle ?
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Deuxième étape : la reformulation (3)
On va donc relire l’énoncé en langue d’arrivée (la traduction) de
manière critique en le soumettant à deux tests :
Test d’acceptabilité (éditoriale) :
Le texte est-il clair ?
Est-il agréable à lire ?
Contient-il éventuellement des informations secondaires qui
nuisent à son acceptabilité ?
Correspond-il dans son langage
(termes, phraséologie)
aux textes que lisent les destinataires dans leur langage habituel ?
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Deuxième étape : la reformulation (4)
Test de fidélité :
Le texte est-il fidèle au message ?
Contient-il toutes les informations pertinentes et utiles ?
N’ajoute-t-il pas des informations « nuisibles » ?
- parce que trop explicites
- susceptibles de détourner du message l’attention
du lecteur
- parce qu’elles risquent de déformer le message
Ne pas oublier que dans le cadre des macro-fonctions du texte,
Chaque phrase a des micro-fonctions
Et juger en fonction de ces micro-fonctions
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Deuxième étape : la reformulation (5)
Quand les résultats du test d’acceptabilité ou du test de fidélité
ne sont pas satisfaisants, retravailler l’énoncé
Attention : chaque changement pour raison éditoriale risque
d’entraîner un changement côté fidélité et inversement
Il faut donc vérifier les deux chaque fois qu’un changement a été
fait
Ce n’est que lorsque l’on a abouti à un résultat satisfaisant
côté fidélité et côté acceptabilité que l’on passe à l’unité de
traduction suivante
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Troisième étape : la vérification sur agrégats (1)
Périodiquement, par exemple après un paragraphe, ou une page,
et en tout état de cause une fois que l’on a traduit le texte entier,
on refait une vérification de la fidélité et de l’acceptabilité.
Pourquoi vérifier la fidélité sur agrégats ?
1. Parce que l’on a pu ‘sauter’ par inadvertance une ligne, une
phrase, un paragraphe, voire une page
2. Parce que au fil de la lecture et de la traduction, on a pu
acquérir des connaissances qui permettent de réinterpréter un
segment de texte qui avait été interprété une première fois sur
la base de connaissances moins fournies
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Troisième étape : la vérification sur agrégats (2)
Pourquoi vérifier l’acceptabilité sur agrégats ?
1. Parce qu’il arrive que l’on dérive dans la terminologie au fil
du texte sans s’en apercevoir. Il faut revenir en arrière pour
harmoniser
2. Parce que ce qui est acceptable isolément dans une unité de
traduction ne l’est peut-être plus dans le flux d’un texte entier
(répétition, inélégance stylistique etc.)
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Le modèle séquentiel de la traduction
Meaning
Hypothesis
Plausible ?
Knowledge Base
TL Wording
Knowledge acquisition
Linguistic,
Extralinguistic
Linguistic,
Extralinguistic
Acceptable ?
Faithful ?
Acceptable ?
Faithful ?
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Premiers commentaires (1)
1. Deux phases: compréhension, reformulation
- Pour favoriser l’analyse avant la reformulation et lutter contre les
fautes de sens
- Pour réduire les interférences linguistiques
2. Décisions
- Dans la compréhension, pour favoriser l’analyse et lutter contre les
fautes de sens
- Dans la reformulation, pour favoriser l’optimisation
- La présence des décisions dans le modèle met en exergue la
responsabilité du traducteur en tant que décideur
3. La base de connaissances
- Grande importance, tant pour la compréhension que pour les
décisions. Plus elle est importante (dans sa partie pertinente), plus le
traducteur a de facilité pour comprendre et de liberté pour énoncer,
et moins il a besoin de temps pour l’acquisition de connaissances ad
hoc.
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Premiers commentaires (2)
4. Acquisition de connaissances ad hoc
- Presque toujours nécessaire, ne serait-ce que sur le plan
phraséologique au moment de la production
- Prend une très grande partie du temps de la traduction
- Intérêt de la spécialisation
5. Le traitement de texte
- Possibilité de procéder à de multiples corrections à un « prix »
raisonnable, d’où un véritable saut qualitatif pour la plupart
des traducteurs
6. Le travail vers la langue maternelle
- L’optimisation de l’expression, dans la recherche de la
meilleure formulation des idées, est bien plus difficile dans
une langue non maternelle.
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Sources des difficultés de compréhension
- Connaissances thématiques insuffisantes
(Base de connaissances)
- Maîtrise insuffisante de la langue
(Base de connaissances)
- Mauvaise qualité du texte de départ
- Fluctuations d’attention
- Mauvaises conditions de travail
- Attitude peu professionnelle
Remèdes:
- Acquisition de connaissances ad hoc
Très importante.
- Formation à une attitude professionnelle.
- Test de plausibilité systématique
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CRIPD pour diagnostic
Diagnostic parfois difficile, parce que différentes sources peuvent
se traduire par les mêmes symptômes
Il est demandé aux étudiants de faire état de tous leurs problèmes
et d’expliquer tous leurs choix, ce qui permet de voir les
différentes étapes par lesquelles ils sont passés (notamment
réflexion sur plausibilité et choix d’énonciation après
acquisition de connaissances ad hoc, et d’éventuelles
faiblesses
Le CRIPD leur permet également de réfléchir à leur traduction, et
le cas échéant à améliorer une solution qu’ils avaient retenue.
Voir article dans www.jostrans.org, numéro 2, et sur site Gile
page ESIT
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Analyse des éléments du modèle
Analyse de plausibilité
- Son efficacité dépend de la Base de connaissances
- Le principe de l’intelligence de l’énonciateur
Test d’acceptabilité
- Vérifier en fonction du sociolecte pertinent. La maîtrise de la
langue quotidienne ou d’un langage standard ne suffit pas.
Test par agrégats
- Utile pour repérer des dérives terminologiques et stylistiques,
des omissions, permet de re-vérifier la plausibilité.
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La prise de décisions
A chaque décision sont associés un risque d’erreur et la
perte qui y correspond. La meilleure décision est celle qui
donne le meilleur équilibre entre le gain attendu et la perte
potentielle.
Dans certains cas, il vaut mieux accepter une perte
certaine mais limitée plutôt que de parier sur un gain
potentiel quand la perte possible est importante (exemple
de matériel médical)
Ne pas faire de choix, c’est aussi un choix, avec une
certaine perte.
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Le modèle séquentiel et l’interprétation (1)
En fait, la partie « compréhension » du modèle n’est pas vraiment
spécifique à la traduction. Elle intervient en ligne dans la
compréhension de tout texte, écrit, oral ou signé. En traduction, elle
est systématique et consciente, et n’est pas en ligne.
La production n’est pas vraiment spécifique à la traduction.
Essentiellement, elle intervient dans la rédaction de textes écrits –
sauf la partie de vérification sur agrégats.
En interprétation, la compréhension et la production interviennent en
ligne, avec quasiment pas de possibilité de reprendre un énoncé
d’arrivée ni d’acquisition de connaissances ad hoc, que ce soit sur
les unités individuelles ou sur agrégats.
En conséquence, les interprètes doivent faire l’essentiel de leur
acquisition de connaissances avant le moment où ils doivent
comprendre, puis reformuler l’énoncé.
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Le modèle séquentiel et l’interprétation (2)
Ils sont également confrontés à un risque d’interférence linguistique
plus grand qu’en traduction, en raison du fait qu’ils opèrent « en
ligne » (explications plus poussées seront proposées lors de l’étude
de l’interprétation)
Les interprètes doivent donc être capables de comprendre
rapidement, de gérer les situations où les décisions sont très rapides,
de prendre le risque de décider…. Mais d’accepter l’idée que la
qualité de leur énoncé ne sera que rarement parfaite.
Ils doivent maîtriser la langue écrite à un bien moindre degré que les
traducteurs, et peuvent travailler vers une langue non maternelle en
prenant moins de risques, du moins en consécutive.
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Utilisation du modèle séquentiel
1. Pour vous rappeler des éléments méthodologiques
importants dans la traduction, notamment :
- La séparation entre la compréhension et la reformulation,
élément clé dans la démarche interprétative
- Les tests, avec des décisions à prendre par vous-mêmes
- L’acquisition de connaissances ad hoc
2. Pour vous permettre de localiser d’éventuelles erreurs de
méthode et insuffisances dans le savoir-faire :
- Dans votre base de connaissance
- Dans la mise en œuvre des tests
(motivation, application dans le travail…)
Ce qui vous permet de vous focaliser sur les éléments
éventuellement faibles dans votre travail
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Exemple 1: Retirement (de Wikipedia)
In most countries, the idea of retirement is of recent origin, being
introduced during the 19th and 20th centuries. Previously, low life
expectancy and the absence of pension arrangements meant that
most workers continued to work until death. Germany was the first
country to introduce retirement in the 1880s. Nowadays most
developed countries have systems to provide pensions on retirement
in old age, which may be sponsored by employers and/or the state.
In many poorer countries, support for the old is still mainly provided
through the family. Today, retirement with a pension is considered a
right of the worker in many societies, and hard ideological, social,
cultural and political battles have been fought over whether this is a
right. In many western countries this right is mentioned in national
constitutions.
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